La méthode RAI-HC : une plus-value pour le médecin traitant

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AVASAD
Association vaudoise
d’aide et de soins à domicile
La méthode RAI-HC : une plus-value pour le médecin traitant
Auteurs : Groupe de travail Communication-médecin
Membres du groupe
Patricia Halfon1,2, Marga Cambra1, Gillian Harkness1, Martine Karlen1, Claudine Messerli-
Jaquier3, Mireille Pidoux4, Michel Rohrer5, Daniel Widmer6
1 AVASAD, Rte de Chavannes 37, 1014 Lausanne
2 Route d’Arnier 4 1092 Belmont
3ASPMAD, en Chamard 55C, 1442 Montagny-près-Yverdon
4ABSMAD, rue de Savoie 1, Bât. de l’Hôtel de Ville, 1530 Payerne
5Rue de la Mèbre 13, 1033 Cheseaux-Lausanne
6Institut Universitaire de Médecine Générale (IUMG), Université de Lausanne et Av. J.-
Olivier 2 1006 Lausanne
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Grâce au développement des services d’aide et de soins à domicile, les personnes âgées
peuvent demeurer chez elles
1
. Plus de la moitié des plus de 95 ans vivent à leur domicile et le
nombre de personnes âgées dépendantes ayant recours aux services d’aide et de soins à
domicile dépasse celui de celles vivant en institution
2
. Améliorer la capacité du réseau de
soins à répondre de façon efficiente aux besoins de cette population est et sera de plus en plus
un enjeu essentiel. Le Resident Assessment Instrument-Home Care (RAI-HC) contribue à cet
objectif en fondant le plan d’intervention (priorités et moyens d’action en découlant) sur
l’identification des besoins, ressources et préférences de la personne atteinte dans sa santé.
L’obligation légale d’évaluer
Les services d’aide et de soins à domicile ont pour mission de soutenir le maintien à domicile
des personnes en situation de dépendance transitoire ou permanente. Ils délivrent à cet effet
des prestations de soins au sens de l’article 7 (soins infirmiers) et 6 (ergothérapie) de l’OPAS,
sur prescription médicale, remboursés par l’assurance obligatoire des soins, et des services
d’aide à domicile (ménage, repas, encadrement social) ainsi que divers autres services
(transport, alarme, etc.). L’obligation légale d’évaluer au moyen de critères uniformes est
inscrite dans l’Ordonnance sur les Prestations de l'Assurance des Soins (OPAS)
3
. Afin que les
services à domicile puissent se conformer à cette règle, l’Association Suisse des Services
d’Aide et de Soins à Domicile (ASSASD) a choisi, dès 2003, comme instrument d’évaluation
unique pour la Suisse, le RAI-HC, un outil validé au plan international.
Encadré 1 :Inter-RAI, une même famille d’instruments pour différents lieux de soins et de populations.
le Resident Assessment Instrument (RAI) a été développé à la fin des années 1980 aux États-Unis .Suite à une
série de scandales relatifs à la qualité des soins dans les « Nursing Home », la Health Care Financing
Administration (HCFA) rendit obligatoire une évaluation complète, périodique et standardisée, de tous les
résidents des établissements de personnes âgées, avec pour objectif l’amélioration de la qualité de leur prise en
charge. Ce premier instrument a été suivi d’un deuxième pour tous les patients des services de soins à domicile.
Dès 2002 un consortium international a développé une gamme d’instruments (www.interai.org) avec un tronc
commun pour l’évaluation médico-social des personnes souffrant des maladies/problèmes de santé chroniques,
les rendant plus ou moins dépendantes, applicables dans les divers lieux de leur parcours de soins : soins de
réadaptation (RAI-PAC pour post acute care), soins palliatifs et de fin de vie (RAI-PC pour palliative care), soins
aigus en gériatrie (RAI-AC pour acute care), avant la sortie de l’hôpital, aux urgences, etc. Des instruments
similaires existent aussi en santé mentale, et pour des populations avec handicaps spécifiques (cécité, surdité).
La référence théorique est la Classification Internationale du Fonctionnement de l’OMS (CIF, 2001) pour qui la
perte d’autonomie résulte de l’interaction entre différentes dimensions du fonctionnement humain : les
déficiences des fonctions ou structures anatomiques du corps, les activités de la vie quotidienne des personnes
(limitations d’activité, restrictions de participation), et les facteurs contextuels environnementaux ou personnels.
1
Höpflinger F, Bayer-Oglesby L, Zumbrunn A . La dépendance des personnes âgées et les soins de longue durée.
Scénarios actualisés pour la Suisse. Bern : Observatoire suisse de la santé (Obsan). 2011
2
En 2012, 165700 bénéficiaires de 65ans et+ de soins à domicile de longue durée versus 91520 résidents en
EMS (source OFS)
3
Article 8 de l'Ordonnance du Département Fédéral de l’Intérieur du 3 juil. 1997, en vigueur depuis le 1er janv.
1998 (RO 1997 2039) La prescription ou le mandat médical détermine, sur la base de l'évaluation des soins
requis et de la planification commune, les prestations à effectuer par les infirmiers ou par les organisations d'aide
et de soins à domicile. Sont compris dans l'évaluation des soins requis, l'appréciation de l'état général du patient,
l'évaluation de son environnement ainsi que celle des soins et de l'aide dont il a besoin. L'évaluation des soins
requis se fonde sur des critères uniformes. »
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Le RAI-HC a une large diffusion internationale avec des degrés d’utilisation divers : généralisée par obligation
légale aux USA, Canada, Finlande, Belgique, Nouvelle lande, utilisations locales de routine (France, Italie)
ou sous forme de programmes expérimentaux.
Introduit en Suisse depuis 2004, le RAI-HC s’est progressivement généralisé à tous les services daide et de
soins à domicile. Toutefois, on ne dispose que de peu de données concernant son impact; la forme et le contenu
de l’échange d’information entre services d’aide à domicile et les médecins traitants demeurent extrêmement
variables d’un CMS à l’autre. C’est pourquoi, l’Association Vaudoise d’Aide et de Soins à Domicile (AVASAD)
a mis en place un groupe de travail en vue de proposer aux médecins traitants un compte rendu de synthèse
uniforme, concis, sélectionnant les informations issues du RAI utiles à la prise en charge de leurs patients.
Un outil d’évaluation du fonctionnement physique, mental et psychosocial, standardisé
et reproductible, pour une prise en charge personnalisée et évolutive du patient
dépendant.
La méthode RAI-HC comporte trois étapes : le recueil de données minimum (MDS pour
Minimum Data Set), l’analyse du tableau d’alarmes et des échelles de performance générés
par l’encodage informatique des données et la formulation d’objectifs de soins en s’appuyant
sur les Guides d’Analyse par Domaines d’intervention (GAD), d’où résultera le plan
d’intervention.
Le MDS : une collecte de données structurée par domaine qui reste empathique.
Les informations collectées sont conformes au concept d’évaluation gériatrique globale
visant à identifier les problèmes médicaux ou déficiences, les répercussions fonctionnelles et
sociales de ces problèmes (limitations des activités et restriction de participation), et
répertorier les ressources des patients (facteurs environnementaux et personnels). La table 1
donne des exemples de domaines couverts par l’évaluation.
Cette démarche systématique prend tout son sens chez la personne âgée fragile chez qui le
modèle médical traditionnel centré sur la ou les maladies est insuffisant. Depuis deux
décennies, l’accent est mis sur le concept de syndromes gériatriques, terme décrivant des
situations cliniques fréquentes dans le grand âge, d’origine multifactorielle, résultant de
combinaisons diverses de vulnérabilités individuelles et de facteurs de stress précipitants,
accessibles à des mesures de prévention. Les syndromes gériatriques communément cités sont
les chutes, la malnutrition, la confusion, le déclin cognitif, l’incontinence, la dépendance
fonctionnelle, la fragilité, la sarcopénie, la poly-morbidité dont la poly-médication constitue
un proxy. La table 1 montre que le RAI-HC détecte ces conditions.
Le formulaire MDS ne se présente pas comme un questionnaire à administrer mais comme un
recueil d’information aisément intégré dans une conversation empathique et confiante au
domicile du patient et dans la mesure du possible en présence d’un proche. Les sources des
données peuvent être diverses: questions directes au patient ou à son entourage, observation
de la personne et de son environnement ou consultation de documents. Cette démarche de
dépistage multidimensionnel est l’occasion d’ouvrir le dialogue sur des symptômes souvent
banalisés considérés comme normal pour l’âge (incontinence, douleurs, perte de mémoire), de
promouvoir des attitudes de prévention (activité physique, nutrition), de favoriser l’expression
des attentes et préférences (directives anticipées). En Suisse romande, ce recueil incombe à
des infirmières ou infirmiers spécifiquement formés à cette tâche (évaluatrices ou évaluateurs
RAI). L’entretien dure environ une heure.
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le tableau des alarmes pour prioriser les problèmes
A partir du codage des items, des algorithmes plus ou moins complexes génèrent un tableau
d’alarmes classés selon 28 domaines d’interventions
4
concernant : la performance
fonctionnelle (4 domaines), la performance sensorielle (2), la santé mentale (6), la continence
(2), divers problèmes de santé (8), le suivi des interventions de soins (6). La liste des alarmes
relatives à ces 2 dernières catégories qui concernent particulièrement les médecins se trouve
Table 2.
Ce tableau d’alarme doit être validé par les soignants en charge du patient. En effet, il ne
s’agit pas de répondre à tous les problèmes détectés mais de les hiérarchiser en tenant compte
de critères tels que la sécurité du patient, sa qualité de vie et celle de son entourage, ses
préférences, la possibilité d’amélioration. Une vision critique de ces signaux est bien sur
nécessaire (faux positifs et faux négatifs). Soulignons que l’outil RAI n’est pas qu’un recueil
de données standardisé mais comporte un temps indispensable d’analyse (en moyenne une à
deux heures selon la complexité des cas), avec au minimum un double regard, celui de
l’évaluateur RAI et celui du référent du patient.
Le RAInère également quatre échelles de performance expliquées Table 3: Activités de la
Vie Quotidienne (AVQ), Activités Instrumentales de la Vie Quotidienne (AIVQ),
performance cognitive (CPS pour Cognitive Performance Scale ), et échelle de dépression
(DRS pour Depression Rating Scale).
Encadré 2 : beaucoup de bruit …pour quelque chose
Suite à la retraite de votre confrère, vous voici le médecin traitant de M. Y 78 ans, veuf depuis 2 ans, que vous
voyez pour la première fois pour l’adaptation d’un traitement anticoagulant ancien. Le patient vous a remis
« tout son dossier » c’est dire les compte rendus de divers spécialistes (cardiologue pour sa FA ancienne,
urologue pour son adénome prostatique, orthopédiste pour une prothèse partielle de genou il y a 2 ans, chirurgie
de varices) et des tableaux récapitulatifs des examens biologiques, mais vous n’avez aucune note de suivi. M. .Y
se déplace avec lenteur et souffre depuis quelques semaines d’un ulcère malléolaire d’origine veineuse pour
lequel vous demandez l’intervention des services à domicile pour des soins de plaie 2 fois par semaine. Son INR
est de 1.8. Le patient vous montre sa dernière ordonnance qu’il vous demande de renouveler: sintrom, co
valsartan, cordarone, tamsulodine, stilnox, deanxit , omeprazole, crestor, arcoxia, dafalgan.
Alors que les échelles de performance de ce patient restent correctes (AVQ 4; AIVQ 1 ; CPS 2; DRS 2) le MDS
a généré 11 alarmes : problème de peau et de pieds, douleur, chutes, troubles de la communication, nutrition,
santé buccale, gestion des médicaments, adhésion aux traitements, médicaments psychotropes, rôle et fonction
sociale, promotion de la santé. Vous réfléchissez sur les liens possibles entre ces alarmes. Vous réévaluez
attentivement chez ce patient poly-médicamenté le rapport bénéfice risque de chacune des médications.
Des Guides d’Analyses par Domaine d’intervention (GAD) pour établir les objectifs de
soins
4
La version internationale comporte 30 GAD ; 2 GAD (GAD 24 soins palliatifs, Gad 25 mesures préventives,
vaccinations, dépistage) ne peuvent pas être déclenchés en Suisse ; le premier car les patients en soins palliatifs
de fin de vie sont exclus de l’évaluation RAI ; le second car la section correspondante du MDS n’existe pas dans
la version suisse.
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Chacun des domaines identifiés par le tableau d’alarme est associé à un guide d’analyse, petit
Vade Mecum de quelques pages présentant l’objectif du GAD, les règles déclenchant
l’alarme, la définition de la situation problématique, des recommandations concernant
l’identification des causes sur lesquelles on peut agir, et les actions possibles. Le lecteur
trouvera Table 4 les contenus résumés de 2 GAD liés à la prescription médicamenteuse.
La lecture des GAD facilite la formulation des objectifs de prise en charge du patient. Il peut
s’agir de compenser partiellement ou totalement une incapacité et/ou accroître le potentiel
d’adaptation des capacités (GAD liés à la performance), prévenir des risques ou des
complications (GAD lies à un problème de santé), développer la participation de la personne
(GAD liés à la santé mentale), rechercher des réponses aux facteurs externes : aménagements
du domicile, aide domestique, prise en charge sociale (GAD liés au suivi de l’intervention),
etc.
Au final, un plan d’intervention en adéquation avec les besoins du patient
Une fois établies les objectifs, les interventions de soins et d’aide (catalogue des prestations)
peuvent être définies et planifiées dans le temps.
Les prestations de soins exigent un mandat médical, formalisé par la signature par le médecin
du formulaire de déclaration OPAS des prestations requises indiquant leur nature et leur
fréquence.
Idéalement, le médecin devrait disposer d’une information synthétique issue de la démarche
RAI lui permettant de vérifier que les soins prévus, avalisés par sa signature, sont en
adéquation avec les besoins de son patient. Toutefois, le logiciel RAI ne fournit pas
directement une information aisément intelligible ne serait-ce que par sa longueur (souvent
plus de 10 pages); le tableau d’alarme généré ne reflète pas toujours la réalité du patient et
doit faire l’objet, nous l’avons vu, d’une analyse critique. Actuellement la communication
services à domicile médecins traitants autour du RAI est extrêmement variable d’un CMS à
l’autre. En moyenne les médecins se montrent peu enthousiastes, trouvant l’information
indigeste et bureaucratique. Or de nombreuses études montrent que le RAI peut constituer un
formidable levier pour mieux travailler ensemble et améliorer la coordination des soins
5
. Un
compte rendu synthétique de l’évaluation RAI devrait être prochainement mis à la disposition
des médecins traitants incluant les quatre échelles de performance issues du RAI, la liste
hiérarchisée des alarmes, les objectifs de soins, le plan d’intervention ainsi que les diagnostics
et la liste des médicaments relevés lors de l’entretien RAI
Une démarche généralisée à l’ensemble des clients permanents des CMS
Toute nouvelle demande de prestations d’aide et de soins fait l’objet d’une évaluation RAI-
HC (dans un délai de 9 jours). Toutefois, si la demande ne concerne que des prestations
d’ergothérapie ou d’aide, cette évaluation peut être réalisée dans les 3 mois.
Les situations suivantes sont des exclusions au RAI : patients souffrant d’une pathologie
psychiatrique, en situation de soins palliatifs de fin de vie, enfant, cas de demande de soin
isolé ou d’aide au ménage limitée dans le temps. Dans ces 2 derniers cas, une évaluation peut
toutefois être requise si on suspecte une situation plus complexe.
5
Guthrie DM, Pitman R, Fletcher PC, Hirdes JP, Stolee P, Poss JW, Papaioannou A, Berg K, Janzen Ezekiel H.
Data sharing between home care professionals: a feasibility study using the RAI Home Care instrument. BMC
Geriatrics 2014, 14:81
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