
premiers symptômes visuels sont déconcertants et occasionnent
parfois des changements répétés de lunettes : le patient se plaint de
ne pouvoir lire les grosses lettres par rapport aux petites, il repère
mieux les objets lointains que les objets proches, ne retrouve pas sa
voiture sur un parking ou se trompe de portière. Selon la
prédominance initiale des symptômes chez des patients vus tôt, il
est possible de distinguer des présentations rendant compte d’une
atteinte préférentielle du système dorsal occipitopariétal du « où »
(reconnaissance spatiale) alors que d’autres tableaux correspondent
à une atteinte préférentielle du système ventral occipitotemporal du
« quoi » (reconnaissance des formes). Scanner et IRM montrent une
atrophie corticale occipitopariétale et occipitotemporale bilatérale
prédominant à droite. SPECT et TEP révèlent un hypodébit ou un
hypométabolisme des mêmes régions. L’histologie est, de façon
prédominante, celle de lésions de maladie d’Alzheimer dans les
formes pariétales.
Autres syndromes
neuropsychologiques focalisés
D’autres cas progressifs de troubles cognitifs focalisés ont été
rapportés : apraxies gestuelles mélokinétiques associées parfois à
une dystonie ou une choréoathétose de la main
[7, 11]
, agnosie visuelle,
syndrome de Gerstmann, syndrome du gyrus angulaire dominant,
prosopagnosie
[17]
, amusie et aprosodie progressives
[4]
. Tous ces cas
ont en commun l’apparition progressive de symptômes
neuropsychologiques focalisés, sans démence et sans autre atteinte
cognitive pendant de nombreuses années. Là aussi, leur sémiologie
diffère d’une maladie d’Alzheimer « classique » et l’imagerie montre
une atrophie en rapport avec la sémiologie.
Traitements
En l’absence d’autorisation de mise sur le marché (AMM) spécifique
(y en aura-t-il un jour ?), il n’y a aucun traitement officiel des
atrophies focales. La présence dans certains cas (syndrome de
Benson, aphasie progressive primaire fluente, amnésie pure) de
lésions de la maladie d’Alzheimer pourrait faire discuter un
traitement anticholinestérasique central. Les patients ayant pendant
longtemps une pleine connaissance de leurs déficits, il est nécessaire
d’utiliser antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
(IRS) et soutien psychologique adapté. Les patients aphasiques et
anarthriques doivent systématiquement être confiés à une
orthophoniste. Dans les autres cas, des interventions ponctuelles
peuvent être réalisées par des orthophonistes ou des
neuropsychologues.
Conclusion
La réalité clinique des différents syndromes d’atrophie corticale focalisée
est bien documentée aux plans neuropsychologique, morphologique et
métabolique. Ces affections sont un mode d’expression clinique
inhabituel de différentes maladies dégénératives et leur évolution vers
une démence semble inéluctable pour peu qu’un suivi suffisant soit
réalisé. L’hétérogénéité neuropathologique de ces syndromes cliniques
est admise mais il faut remarquer un certain regroupement
anatomoclinique : les syndromes « antérieurs » sont plus souvent
associés à des lésions non spécifiques ou de la maladie de Pick alors que
les tableaux « postérieurs » sont habituellement secondaires à des
lésions de maladie d’Alzheimer. Il reste à comprendre, dans ces cas de
lésions de maladie de Pick ou de maladie d’Alzheimer, pourquoi la
symptomatologie et les lésions histopathologiques restent longtemps
focales. Les atteintes non spécifiques focalisées représentent, quant à
elles, une entité neuropathologique encore mal connue. Il n’y a pas
d’explication pour la très nette prédominance de l’atteinte temporale
gauche : vulnérabilité des fonctions linguistiques par rapport aux
fonctions visuoconstructives, différences histobiochimiques ? Enfin,
certains auteurs assimilent ces syndromes neuropsychologiques
focalisés à des maladies de système en raison de l’atteinte longtemps
sélective de circuits neuronaux d’un système anatomofonctionnel
spécifique (comme par exemple le circuit dorsal occipitopariétal)
[9]
.
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Critères des atrophies corticales focales progressives
[13]
1. Atteinte isolée d’un secteur cognitif (aphasie ou apraxie...)
2. Les autres fonctions cognitives sont préservées
3. Personnalité préservée
4. Autonomie préservée (sauf les conséquences du trouble cognitif)
5. Les critères1à4sont observés pendant au moins 2 ans. D’autres
altérations cognitives peuvent survenir si le déficit cognitif initial
est toujours au premier plan et si ces altérations cognitives sont
cohérentes avec la topographie du déficit cognitif initial
(contiguïté lésionnelle)
6. Dans 70 % des cas, les troubles ont débuté avant 65 ans
7. Scanner et IRM montrent une atrophie corticale focale
unilatérale cohérente avec le secteur cognitif atteint (atrophie
périsylvienne gauche lors d’une aphasie progressive)
8. SPECT et PET-scan : hypodébits ou hypométabolismes focaux
cohérents avec le secteur cognitif atteint
Neurologie Syndromes neuropsychologiques progressifs par atrophie corticale focale 17-056-A-30
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