La survenue de signes moteurs extrapyramidaux représente-t-elle un marqueur

La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 10 - décembre 2005
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La survenue de signes
moteurs extrapyramidaux
représente-t-elle un marqueur
de gravité dans le suivi
des patients Alzheimer ?
La maladie d’Alzheimer (MA) ne
s’accompagne pas, en général, de
signes neurologiques moteurs à l’examen.
Cependant, on peut observer pendant l’évo-
lution un syndrome extrapyramidal aki-
néto-rigide, en dehors de toute cause iatro-
gène. Ce syndrome extrapyramidal ne
correspond pas au syndrome unilatéral aki-
néto-rigide, tremblant et répondant à la
lévodopa, observé classiquement dans la
maladie de Parkinson. Dans la MA, les
signes moteurs ne répondent pas à l’intro-
duction de lévodopa, et ses relations avec
une atteinte des ganglions de la base sont
encore discutées.
Scarmeas et al. (2005) rapportent les
données du suivi sur une durée de 13,1 ans
(moyenne = 3,6 ans) d’une cohorte de
533 patients atteints de MA. Les signes
moteurs étaient observés surtout dans les
phases avancées de la maladie : chez 14 %
des patients à la première visite et chez
36 % à la dernière visite. La progression
annuelle de 3 % du score total (échelle
d’UPDRS simplifiée), plus particulière-
ment pour l’amimie et la dysarthrie (4 %),
la rigidité (2,45 %), les troubles de la pos-
ture et de la marche (3,9 %) et la bradyki-
nésie (3,75 %). Les tremblements sont
moins fréquents et, surtout, n’évoluent que
peu dans la progression de la maladie.
La présence d’un signe moteur de type extra-
pyramidal à l’examen augmente le risque de
déclin cognitif (RR = 1,72; IC95 :1,24-2,28),
de déclin fonctionnel (RR = 1,8 [1,33-
2,45]), d’institutionnalisation (RR = 1,68
[1,26-2,25]) et de décès (RR = 1,38 [1,05-
1,82]). La rapidité de la progression des
signes moteurs augmente le risque de cha-
cun
de ses outcomes
.
Ces résultats ne sont pas liés à la prise de
neuroleptiques ni aux comorbidités associées.
Commentaire. Les signes moteurs extra-
pyramidaux, surtout de type axial, repré-
sentent un facteur prédictif de déclin cogni-
tif, fonctionnel, d’institutionnalisation et de
décès. Ils sont rares en début de maladie, et
c’est surtout leur installation durant le suivi
et la rapidité de leur progression qui repré-
sentent un marqueur de gravité clinique.
M. Sarazin,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière
et hôpital Bretonneau, Paris.
La VBM (voxel based
morphometry) :un nouvel
outil neuroradiologique
de diagnostic de maladie
d’Alzheimer
L’atrophie temporale interne est un
bon marqueur radiologique de début
de maladie d’Alzheimer (MA) et de risque
de conversion du stade de MCI-amnésique
(mild cognitive impairment)
vers un stade de
démence (MA). L’atrophie du cortex ento-
rhinal serait plus sensible mais moins faci-
lement analysable et détectable que l’atro-
phie hippocampique.
La méthode de la
voxel-based morphometry
(VBM) permet de détecter l’atrophie de la
matière grise après une analyse standardi-
sée anatomique empruntée à celle utilisée
en imagerie fonctionnelle (SPM). Les
auteurs ont testé la VBM comme outil de
diagnostic au stade très débutant de la MA.
Pour cela, 61 patients ayant eu un diagnos-
tic de MA débutante au stade de MCI ont
été étudiés (respect de l’autonomie,
MMS = 26,0 ± 1,5 ; min. = 24 ; max. = 29,
confirmation clinique du diagnostic sur le
caractère évolutif progressif sur 6 ans) et
82 sujets contrôles appariés à l’âge et au
niveau d’éducation, tous droitiers.
Une première analyse a comparé un groupe
de 30 MA à 41 témoins et mis en évidence
une atrophie sélective temporale interne
bilatérale (mesurée par la diminution de la
concentration en substance grise) touchant
les gyrus parahippocampiques droit et
gauche, plus précisément l’aire 28 de Brod-
mann (cortex entorhinal) et l’aire 34 (cor-
tex entorhinal dorsal).
Une seconde analyse chez 31 MA et
41 témoins a permis de déterminer une
valeur en Z-score témoin de la diminution
significative de concentration (intensité) en
substance grise dans cette région d’intérêt
(région temporale médiane incluant le cor-
tex entorhinal). Cette analyse permet de
comparer les données individuelles d’un
patient avec les normes extraites du groupe
témoin avec un très bon degré de discrimi-
nation (87 %).
Commentaire. Cette étude ouvre un nou-
veau champ d’application à la méthode de
la VBM comme outil de diagnostic de la
MA débutante (MMS>24/30). Jusqu’alors,
la VBM n’était appliquée que dans des
comparaisons de groupes de sujets et
n’avait pas d’implication à titre individuel.
Les auteurs proposent une analyse permet-
tant d’utiliser la méthode VBM à titre indi-
viduel dans un objectif diagnostique. Ces
données méritent cependant d’être vérifiées
auprès d’un groupe de sujets plus impor-
tant. Les auteurs soulignent également que
la rapidité de la progression du déficit
cognitif et fonctionnel des patients inclus
était variable. Ils discutent le fait que mesu-
rer individuellement le taux de progression
de l’atrophie pourrait améliorer la perti-
nence du diagnostic ainsi que sa valeur pré-
dictive évolutive.
MS
L’activité corticale
de l’acétylcholinestérase est
corrélée aux performances
attentionnelles
et de mémoire de travail :
étude en TEP
L’objectif de cette étude était d’ana-
lyser les corrélations entre les perfor-
mances cognitives observées et le déficit
cholinergique dans la maladie d’Alzheimer
(MA) par une étude en tomographie à émis-
sion de positons (TEP) [in vivo]. En tout,
15 patients atteints de MA au stade léger
(MMS = 22 ± 4,6 ; Mattis = 121,7 ± 9,7 ;
âge = 75,2 ± 5,6 ans) et 12 témoins appa-
riés par âge ont été inclus. L’étude en TEP
reposait sur l’utilisation d’un radioligand
analogue de l’acétylcholine : le [11C] PMP,
un substrat sélectif de l’acétylcholinestérase.
Les résultats montrent :
– une diminution significative mais modeste
de l’activité cholinergique globale dans le
groupe MA par rapport aux témoins (-11,1%;
p<0,005), sans différence hémisphérique
droite ou gauche ;
– les seuls tests cognitifs corrélés à l’acti-
vité cholinergique sont le MMS et le
verbal
span
de la WAIS-III (test attentionnel et de
mémoire de travail), pour l’ensemble des
sujets témoins et MA (
digit span :
R=0,46 ;
p=0,01) ou pour le groupe MA seul (
digit
span :
R=0,50 ; p < 0,05);
Scarmeas N, Hadjigeorgiou GM, Papadimitriou A
et al. Motor signs during the course of Alzheimer‘s
disease. Neurology 2004;63(6):975-82.
Scarmeas N, Albert M, Brandt J et al. Motor
signs predict poor outcomes in Alzheimers
disease. Neurology 2005;64(10):1696-703.
Hirata Y, Matsuda H, Nemoto K et al. Voxel-based
morphometry to discriminate early Alzheimers
disease from controls. Neurosci Lett 2005;382:
269-74.
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– aucune corrélation significative n’a été
mesurée avec les scores aux tests de
mémoire verbale à long terme
(California
verbal learning test)
;
– l’analyse par régions corticales temporale
et préfrontale dorsolatérale est restée néga-
tive pour les scores de mémoire (même en
isolant la région temporale gauche), mais
positive pour les scores attentionnels (cortex
temporal : R = 0,48, p = 0,01 ; cortex pré-
frontal dorsolatéral : R = 0,49,p=0,009).
Commentaire. Cette étude montre claire-
ment que l’activité cholinergique mesurée
in vivo est corrélée aux capacités attention-
nelles et de mémoire de travail, mais qu’elle
ne l’est pas directement aux capacités
de mémoire à long terme. Cela renforce
l’hypothèse que les traitements choliner-
giques proposés dans la MA intervien-
draient principalement en renforçant les
fonctions attentionnelles et de mémoire de
travail.
MS
Hydrocéphalie chronique
de l’adulte : savoir persévérer
Les facteurs cliniques de mauvais
pronostic après la mise en place d’une
dérivation ventriculo-péritonéale pour
hydrocéphalie chronique de l’adulte sont
connus : forme idiopathique, atrophie cor-
ticale, durée prolongée des symptômes et
démence, le tout chez des patients âgés.
Les auteurs espagnols, spécialistes de longue
date de l’hydrocéphalie chronique, ont mis
en place un
shunt
dans une population de
patients sélectionnés par l’enregistrement
continu de la pression intracrânienne avec
mise en évidence d’ondes pathologiques.
L’amélioration par la dérivation ventricu-
laire pour le groupe de patients avec les
facteurs cliniques péjoratifs a été identique,
les fonctions supérieures mises à part, à
celle du reste des patients ne présentant pas
ces critères : amélioration de la marche, des
sphincters et des fonctions supérieures dans
100%, 90% et 33 % des cas, respectivement.
Les auteurs concluent que des critères cli-
niques péjoratifs présents ne doivent pas être
rédhibitoires, mais qu’ils doivent conduire
Bilan cognitif des patients
atteints d’une maladie
de Parkinson récente
Pour déterminer s’il existe des
troubles cognitifs (TCog) précoces
au cours de la maladie de Parkinson (MPI),
les auteurs ont étudié de manière pros-
pective 115 patients, comparativement à
70 contrôles du même âge et appartenant à
leur entourage amical ou familial. En
moyenne, les patients avaient les caractères
suivants : âge de 66 ans, maladie évoluant
depuis 19 mois, score UPDRS moteur à
16,8, traitement par une dose équivalente
de L-dopa de 154 mg/jour, un seul patient
sous anticholinergiques. Ils subissaient un
examen neurologique complet ainsi qu’un
bilan neuropsychologique (BN) étendu
intéressant particulièrement six domaines
(rapidité de raisonnement, attention, lan-
gage, mémoire, fonctions exécutives et
visuo-constructives) ; ils répondaient en
à pousser les investigations pour éventuel-
lement pratiquer une dérivation chez cer-
tains patients avec de bons résultats.
Commentaire. Le sujet de l’hydrocéphalie
chronique de l’adulte revient à l’ordre du jour
de la littérature neurochirurgicale (numéro
spécial des recommandations de la revue
Neurosurgery
en septembre 2005). Un des
messages est qu’il faut savoir persévérer en
cas de suspicion d’hydrocéphalie chro-
nique de l’adulte, même si certains facteurs
péjoratifs sont présents et peuvent faire
reculer le neurochirurgien.
Le monitorage continu de la pression intra-
crânienne avec la recherche d’ondes patho-
logiques (la pression de base étant normale!)
est une aide précieuse. Les auteurs ont ainsi
exclu de leur étude 10 % des patients avec
enregistrement normal, et donc certaine-
ment non répondeurs. Néanmoins, il s’agit
d’un geste invasif chez un sujet fragile.
On reste cependant surpris de la persistance
des troubles des fonctions supérieures chez
deux tiers des patients : résultat mitigé par
conséquent.
M. Kalamarides,
service de neurochirurgie,
hôpital Beaujon, Paris.
outre à une échelle d’anxiété et de dépres-
sion. Vingt tests sur 28 furent moins réussis
chez les patients que chez les témoins, alors
qu’il n’existait pas de différence entre eux
pour le MMS. D’autre part, si on définit
l’existence d’un trouble cognitif par un
résultat anormal sur trois de ces tests ou plus,
près d’un quart des patients étaient concernés
surtout pour la mémoire, l’attention, les
fonctions exécutives –, contre seulement
5% des contrôles. Les patients ayant un
TCog étaient en moyenne plus âgés, il
s’agissait plus souvent d’hommes que de
femmes et ils avaient une atteinte axiale ou
des éléments dépressifs plus marqués que
les autres patients sans TCog.
Commentaire. Cette étude a été bien menée,
dans une population homogène, avec des
critères de diagnostic de MPI assez solides,
dont on connait cependant les limites, au
vu des discordances anatomo-cliniques.
Elle concerne un sujet de pratique quoti-
dienne pour nous. Ses résultats concordent
avec ceux d’autres études
(Foltynie et al.,
Brain 2004),
et elle démontre que la dépres-
sion ou le traitement de la MPI sont moins
en cause que la maladie elle-même dans
l’existence des petits troubles cognitifs
dont les patients nous parlent souvent. Ces
résultats doivent nous guider dans les
conseils à donner aux patients les plus
jeunes quand ils sont encore en activité,
dans le choix des traitements (qui pour-
raient aggraver des troubles cognitifs peu
apparents), et dans l’indication d’un BN
détaillé et éventuellement d’une prise en
charge (orthophoniste ?) en cas de plainte
du patient ou de l’entourage.
J. d’Anglejan-Chatillon,
Versailles.
Les inhibiteurs
de l’acétylcholinestérase
ont-ils un effet protecteur ou
simplement symptomatique
dans la maladie d’Alzheimer ?
Des études in vitro suggèrent que les
inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
(I-AchE) jouent un rôle bénéfique protec-
teur sur la cascade amyloïde et pourraient
donc agir dans la maladie d’Alzheimer (MA)
non seulement de manière symptomatique
Poca et al. Good outcome in patients with normal-
pressure hydrocephalus and factor indicating poor
prognosis. J Neurosurg 2005;103:455-63.
Muslimovic D, Post B, Speelman JD et al.
Cognitive profile of patients with newly diagnosed
Parkinson disease. Neurology 2005;65:1239-45.
Bohnen NI, Kaufer DI, Hendrickson R et al.
Cognitive correlates of alterations in acetylcholi-
nesterase in Alzheimers disease. Neurosci Lett
2005;380(1-2):127-32.
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mais aussi de manière protectrice. L’objectif
de cet article était de déterminer si un I-AChE
(donépézil) a un effet neuroprotecteur dans
la MA, en utilisant comme marqueur la
progression de l’atrophie hippocampique.
Pour cela, les auteurs ont comparé au Japon,
deux cohortes de patients MA (MMS > 15):
une cohorte de patients témoins non traités
car suivis avant la commercialisation du
donépézil (entre 1993 et 1999, n = 99,
âge = 70,5 + 9,1 ; MMS = 21 61617 ; 2,8)
et une cohorte de patients traités par doné-
pézil à la dose de 5 mg/j (dose recomman-
dée au Japon depuis 1999) et suivis en
ouvert (n = 54, âge = 69,5 61617 ; 9,5 ans ;
MMS = 21,8 ± 3,9). La mesure de la pro-
gression de l’atrophie hippocampique en
un an a été comparée entre les deux groupes.
Les malades ne prenaient pas d’autres traite-
ments possiblement protecteurs (par exemple
ni vitamine E, ni ginkgo biloba). La mesure
du volume hippocampique reposait sur une
technique de segmentation semi-automatisée
combinée à l’analyse manuelle (sans stan-
dardisation au volume cérébral total dans
cette étude longitudinale). La progression
de l’atrophie des hippocampes était signifi-
cativement plus faible dans le groupe doné-
pézil que dans le groupe témoins (respecti-
vement 3,82 % &#61617; 2,84% et 5,04%
&#61617 ; 2,54 % ; p0,008). Ce résultat
reste significatif après ajustement au niveau
cognitif global initial, à l’âge, au sexe, à la
durée de la maladie, au niveau d’éducation,
à l’intervalle entre les 2 IRM et au géno-
type de l’ApoE. Il n’a pas été observé d’in-
teraction de l’effet du donépézil sur la pro-
gression du volume hippocampique en
fonction du génotypage de l’ApoE.
Commentaire. Cette étude conclue à une
progression de l’atrophie hippocampique
de l’ordre de 24 % plus faible chez les
sujets traités par I-AchE que chez ceux
sans traitement. Cet article contient cepen-
dant de nombreuses limites liées à la
méthode utilisée : comparaison de groupe
“historique” sans standardisation et suivi
en ouvert, avec donc de possibles biais de
sélection, biais de mesure (type de prise en
charge, époque différente) et biais d’inter-
vention (pas de placebo). Malgré tout, ces
résultats sont prometteurs. Les marqueurs
radiologiques seront sans doute de plus en
plus utilisés dans l’évaluation des traite-
ments de la MA.
MS
Hashimoto et al. Does Donepezil treatment slow
the progression of hippocampal atrophy in patients
with AD? Am J Psychiatry 2005;162:676-82.
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