POLITIQUES ECONOMIQUES: UNE PERSPECTIVE EUROPEENNE SEMESTRE 4 IEP TOULOUSE Gabriel COLLETIS Les économistes définissent un « carré magique » : la croissance économique, les prix, l’emploi et le commerce extérieur ; qu’on appelle aussi « la croissance et les grands équilibres ». Le terme de croissance caractérise la période des années 50-60, « les Trente glorieuse », en fait 20 années dans le meilleur des cas. Certains économistes préfèrent parler de développement. La croissance est donc forte durant ces années. La notion de développement est beaucoup plus qualitative : elle ne se mesure pas uniquement par le PIB, qui ne fait pas allusion aux nombreuses disparités. La période de crise caractérise les années 70-80 : on a un image de la crise orientée vers le passé, vue comme mode de régulation. On parle ici du mode de régulation keynesiano-fordiste, qui rentre en crise dans ces années. A partir des années 90, les économistes ne parlent plus de crise, mais parlent d’une mutation de l’économie. On se demande quel est le nouveau mode de régulation. On a pensé jusqu’en 2001 à une « nouvelle économie », une « société de la connaissance », « capitalisme cognitif ». On a donc trois périodes. I La période de croissance : 1950-1960 Cette croissance économique est très importante, du milieu des années 50 jusqu’en 1973. Elle est assez inégale parmi les pays développés, et la France fait très bonne figure avec le Japon. Si la France est encore un pays développé, elle le doit à cette période. La croissance annuelle du PIB est alors de 5%, ce qui est énorme. On a donc en l’espace d’une génération un PIB qui va être multiplié par plus de 2. Même s’il y a des disparités, le niveau de vie est multiplié par plus de 2. C’est un véritable miracle économique. Dans les autres pays développés, ce rythme est beaucoup plus faible, notamment aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni où en enregistre environ 2% de croissance (rythme actuel de la France). Quel est le moteur de cette croissance ? Il y a deux façons de l’aborder. La croissance peut être le résultat d’une accumulation extensive, ou d’une accumulation intensive. La première se caractérise par une augmentation de la population active, la seconde joue elle sur les rendements (mesure physique) et la productivité (mesure monétaire). Ce prisme permet de présenter une croissance intensive sur cette période, avec des gains de productivité d’environ 5% par an. Ils sont générés en France par les méthodes tayloriennes de travail (travail à la chaîne, rationalisation du travail). Ce moteur est très fortement redistributif, sous la forme d’augmentations de salaires : on ici le cœur du fordisme et du keynésianisme. Le fordisme : l’entreprise mise sur le travail à la chaîne, avec des économies d’échelle importantes, et la distribution de salaires élevés pour tenir les gens au travail, instrument qui va aussi assuré des débouchées à l’entreprise (20% de sa production pour Ford, ce qui est encore le cas pour les grandes entreprises françaises) ; c’est un système qui se diffuse, et les entreprises constituent les débouchées des une des autres. C’est un principe de création et de diffusion des gains de productivité, cercle vertueux. Le keynésianisme : Keynes est le dernier très grand économiste (La Théorie générale, 1936), ce n’est pas un économiste de la demande, mais un économiste du circuit économique ; il est influencé par le Français Quesnay (médecin physiocrate) qui décrit « le circuit économique d’ensemble », repris par Keynes, avec l’importance du « bouclage du circuit macro-économique » ; il faut qu’il y ait un équilibre économique entre profits et salaires, une économie qui n’investit pas ne peut pas croître, de même que des salaires élevés sont la condition des débouchées ; la valeur ajoutée est donc répartie entre profit et salaire, cette répartition devant être adéquate. Si les entreprises hésitent à investir, c’est très souvent qu’il y a un problème de profit : il faut donc déplacer cette répartition vers le profit. De même si on constate une insuffisance de la demande, on déplace la répartition vers les salaires, à travers les prélèvements sociaux. Selon que ces prélèvements chargent plus les entreprises ou les salariés, les pouvoirs publics peuvent déplacer la répartition de la valeur ajoutée. Le keynésianisme, c’est cette question de partage de la valeur ajoutée. Les keynésiens ne sont plus aujourd’hui dominants. Ils étaient à l’époque convaincus d’avoir trouvé la solution à toute crise économique. Se mettent en place des outils de pilotage économique (notamment la comptabilité nationale), qui constituent un tableau de bord de l’économie, permettant de connaître la politique à adopter. On ne comprend donc pas l’arrivée de la crise. L’élément clé de cette répartition est l’indexation des salaires (indexation de droit) sur les prix et sur les gains de productivité (indexation de fait) : le SMIG, puis le SMIC (1969). Le gouvernement est tenu de prendre en compte l’évolution des prix, et donc d’augmenter les salaires en fonction, d’où les multiples débats sur l’évaluation des prix (INSEE/syndicats), avec des différences entre les paniers de consommation, la CGT ne prenant pas en compte l’effet qualité. L’indexation sur les gains de productivité se fondent sur des accords de branches, car ces gains ne sont pas les mêmes d’une branche à l’autre. On a donc une indexation de droit sur les prix, et une indexation de fait sur les gains de productivité. D’où une sorte de compromis institutionnel fondamental qui a tenu jusqu’en 1983, du fait de cette indexation. Cette croissance a été dès les années 60 contestée par un club d’économistes, le Club de Rome, constitué après le traité de 1957, lorsque les dirigeants confie une réflexion sur la croissance à un club d’économistes. Une étude est confiée au MIT, le professeur Meadaw, aboutit à un constat : la croissance produit des déséquilibres importants qui risque d’être préjudiciables à terme. La croissance démographique est beaucoup plus forte que la croissance de la production alimentaire, et surtout est mal répartie, d’où des problèmes de nutrition croissants dans le monde. Cette conclusion est critiquée, qualifiée de malthusienne. Autre prévision, l’épuisement des matières premières et énergétiques : on a tenté un inventaire des ressources mondiales. La principale critique consiste à dire qu’ils ne tiennent pas compte du progrès technique. Troisième résultat, c’est une pollution croissante, la mauvaise utilisation des ressources, qui à l’époque a été mesurée : tous les secteurs polluent. D’où un ouvrage : La Croissance zéro, la croissance doit être maîtrisée, on doit faire attention à la pollution, aux dépenses d’énergie, … Dans les années 60, on a pas beaucoup tenu compte : ces travaux ont été ressortis après 1974 lorsque la croissance recule, avec des économistes et des hommes politiques qui se sont réjouis de la crise se rapportant aux rapports du club de Rome. C’est en réalité un constat d’impuissance, en faisant référence au Club de Rome. Ce qui revient aujourd’hui une vision, dans une période de croissance très forte, sur les problèmes de déséquilibres liés à cette croissance. On ne doit plus confondre augmentation des prix et inflation. Le terme « inflation » signifie un gonflement de la masse monétaire, que les économistes mesure par les agrégats monétaire : M1, liquidités ; M2 et M3 en ajoutant de la quasi-monnaie. La nature de la liaison avec la hausse des prix a été mis en évidence par Fischer, qui fonde la théorie quantitative de la monnaie, repris par les monétaristes (Hayek) : M x V= P x T. M masse monétaire, V vitesse de circulation de la monnaie, P prix moyen d’une transaction, T nombre de transactions. On peut dire qu’à court terme, V et T sont des constantes, ce qui signifie que P est une fonction de M, c’est-à-dire que le prix moyen d’une transaction dépend de la quantité de monnaie en circulation. Pour agir sur P, il nécessaire d’agir sur M. C'est bien en 1962 que le premier plan de « refroidissement » de la hausse des prix est adopté dont son inspirateur est VGE. Ce plan va s'avérer très orthodoxe: il y a trop de monnaie, ce qui fait augmenter les prix. Très logiquement, une politique monnétaire restrictive va être appliquée: elle ne va pas utilisé l'arme des taux d'intérêt, mais le taux de réserve obligatoire (TRO) relevé par la Banque de France. En France, historiquement, il y a avait une séparation entre les banques de dépôt et les banques d'affaire. Les banques de dépôt collectent l'épargne des particuliers entre 0 et 2ans, qu'elles transforment en prêt, prêtant principalement aux ménages, mais surtout aux entreprises, opération de transformation de dépôt en prêt. Les taux d'intérêts diffèrent selon la durée de l'épargne ou du prêt. La Banque de France impose aux banques de dépôt de consigner une partie des dépôts collectés: les banques doivent elles-même mettre à disposition ces dépôt à la caisse des dépôts et des consignations, qu'elle ne rémunère pas. Si la banque de France impose une élévation de ce TRO, les prêts vont diminuer, et vont être accordés à des taux plus élevés. La caisse des dépôts bénéficient de sommes, et elles peut effectuer des prêts à des taux très bas, et va donc financer le logement social, les collectivités locales et les autoroutes. Ce plan ne va pas fonctionner, et avec le recul, on peut dire qu'à l'époque la hausse des prix n'était pas liée à un excès de monnaie. La hausse des prix était fondée sur la course entre les salaires et les prix, avec un climat globalement revendicatif, les salariés tentant d'obtenir des hausses de salaires importantes (SMIC), ce qui induit une hausse des prix, ce qui provoque de suite une nouvelle revendication, ... Le problème était en réalité celui du partage de la valeur ajoutée. C'est une période de plein emploi, lorsque le taux de chômage ne dépasse pas 3% de la population active (chômage frictionnel), avec environ 300 000 chômeurs par an. L'économie française ne crée pas beaucoup d'emploi, car l'accumulation est une accumulation intensive, fondée sur les gains de productivité. La population française ne croît par de façon importante, sinon avec l'immigration. On a un déput de féminisation de l'emploi, et le phénomène d'exode rural. Le principal élément marquant du marché de l'emploi est alors ce que Alfred Sauvy appelle le « déversement sectoriel »: la population change de secteur d'activité. La part de l'agriculture diminue de façon importante, et passe à l'industrie. Les gains de productivité dans l'agriculture sont les plus importants, et induisent le remplacement de la main d'oeuvre par les machines et les produits chimiques. On a du côté politique des volontés de fixer la population rurale, avec notamment l'ouverture d'une usine Citroën en Bretagne. La part de l'agriculture dans le PIB diminue (2% aujourd'hui): le prix des produits agricoles chutent considérablement, et la part d'un secteur dans le PIB dépend plus de la valeur que de la production produite. La PAC nait sur cette base là, afin de maintenir le revenu des agriculteurs. L'économie française est une économie peu ouverte, auto-centrée: le taux d'ouverture de l'économie est de l'ordre de 5%. Le taux d'ouverture est mesuré soit à la sortie soit à l'entrée: à la sortie, c'est le taux d'exportation par rapport à la production (X/P); à l'entrée, le taux d'importation par rapport à la consommation (M/C, C=P+M-X). Le commerce extérieur français est donc assez peu développé, et géographiquement très ciblé, avec de forts échanges avec les colonies. La signature du traité de Romeva faire évoluer cette spécialisation géographique, avec un abaissement des barrières tarifaires, processus qui va durer longtemps, abaissement total en 1968. Ce ne sont qu'une partie des barrières qui sont abaissées, mais pas les barrières non-tarifaires (normes). C'est l'Acte unique (1986) qui supprime les barrières non-tarrifaires, processus lui aussi long (30ans). Le traité de Rome va accroître la part de l'échange de la France avec les pays de la CEE, et dans la même période, les pays colonisés vont s'émanciper, et donc le commerce va se redéployer sur l'Europe. Le taux d'ouverture va en même temps progresser, et atteint 15% à la fin des années 60. Le problème, c'est que le commerce avec les pays africains était plus facile: on vendait des biens chers contre des biens basiques, les termes de l'échange étaient donc très favorables. Mais avec les pays du marché commun, les termes de l'échange sont différents: dans les années 60, on va remarquer un déficit franco-allemand, c'est-à-dire que les importations d'Allemagne vont valoir plus cher que les exportations françaises. Ce redéploiement ne se fait pas dans de bonnes conditions: la France est un « pays intermédiaire », forte avec les pays faibles, mais faible avec les pays forts (R.Barres). On essaye d'équilibrer sont déséquilibre avec les pays riches en commerçant avec les pays pauvres. On y arrive assez mal, et le déficit de la balance commerciale est important à la fin des années 60. On commence à avoir dans la littérature économique l'expression « contrainte extérieure ». On a donc deux indicateurs plutôt bien orientés, croissance et emploi, le lien entre les deux étant très forts; mais il y a un déséquilibre au niveau des prix, et un déséquilibre au niveau du commerce extérieur. Le tableau est donc nuancé, et il est donc défficile de parler de « Trentes glorieuses ». Mais ce qui domine, c'est cette vision du plein emploi et de la croissance. Les ménages ne s'intéressent pas au déficit extérieur, et son pouvoir d'achat n'est pas vraiment diminué par la hausse des prix. Les problèmes sont des déséquilibres macroéconomiques, qui n'ont pas d'incidence directe sur la population. Ils auront plus tard des conséquences. II La période de crise: 1970-1980 Le principal indicateur de la crise est l'effondrement du rythme de croissance du PIB en 1973, avoisinant les 0. La France n'a jamais connu de recul de son PIB. Il y a eu des récessions (recul sur deux trimestres consécutifs du taux de croissance du PIB), mais jamais de dépression. C'est une décellération du rythme de croissance. En 1973, le recul est très fort, on passe d'environ +5% à 0. Cette chute coïncide avec le choc pétrolier: il se passe une erreur d'analyse économique très grave, qui confond la coïncidence et la cause. On pense que c'est le choc pétrolier qui est à l'origine de la crise. Ce choc a bien sûr des incidences sur l'économie française, mais ce n'en est pas la cause. Les prix vont inévitablement augmenter: augmentation du rythme de hausse des prix. Le commerce extérieur est déséquilibré. Les deux problèmes des années 50-60 sont aggravés par le choc pétrolier. En 1973, le prix du pétrole augmente, de même qu'en 1978, mais le prix du pétrole doit ressitué par rapport aux termes de l'échange: les pays producteurs de pétrole achètent des biens de consommation. Jusqu'en 1973, ces termes de l'échanges pour les pays producteurs de pétrole se dégradent. En 1973, le choc ré-équilibre les termes de l'échange, et 1978, on retrouve les termes de l'échange de 1957: après le second choc, ils présentent une facture équitable. Cet effondrement trouve en fait son origine en 1967, alors que le rythme de croissance de la productivité chute. On ne s'en apperçoit pas de suite du fait de la force d'inertie de l'économie française. Cet effondrement des gains de productivité, qui va se poursuivre, a deux explications: le ralentissement du rythme des investissements; la diminution de création de la valeur ajoutée. Les sociologues vont parler d'une crise du travail, crise du taylorisme: il a permis des gains de productivité très forts, mais les salariés ont troqué ce pouvoir d'achat contre une certaine aliénation. Quand le niveau d'éducation s'élève, quand la consommation change (taux d'équipement), quand la diffrenciation devient importante, le système taylorien ne marche plus, ce qui se caractérise par un taux d'absentéisme important (30% dans l'industrie automobile), et un certain nombre de défauts. C'est ce que les sociologues appellent les « coûts cachés », qui explosent. En 1981, la gauche arrive au pouvoir et tente une relance qualifiée de relance keynesienne, supposée ressembler à la relance allemande. On souhaite relancer l'emploi par la relance de l'activité économique. La demande va donc être relancée, en appuyant sur des composantes de la demande. La demande des ménages va être augmenté par la hausse du salaire minimum, ainsi que la hausse des prestations sociales. L'Etat va augmenter ses dépenses de 27%, soutient les entreprises par la multiplication des subvention et des investissements publics. La demande va progresser et profiter de façon dominante aux exportations. Les Français achètent des biens qui ne sont pas fabriqués en France (magnétoscopes), de même que les entreprises. En 1981, le déficit de la balance commerciale passe de 40 à 100 milliards de francs, ce qui va déboucher sur des mesures de freinage sur la demande qui commence en 1982. Est décidé une politique de rigueur avec un blocage des prix et des salaires. L'agravation du déficit de la balance commerciale était prévisible. Le point de départ était un déficit de 40 milliards de franc: ce lancer dans une politique de relance dans ces conditions est dangereux. La demande des ménages et des entreprises a été relancée, mais on n'a pas relancé la demande extérieure. On peut le faire par la dévaluation. Mais on ne pouvait pas sortir du serpent monnétaire européen. A partir de 1979, si la monnaie est attaquée, la Banque de France peut s'appuyer sur les réservent de la FECOM. Sortir du serpent induisait se priver ce cette protection. Ce risque, le gouvernement de l'époque n'a pas voulu le prendre, mais rien n'a alors pu compensé l'augmentation des importation. La relance est donc bancale. Cette relance n'est pas une relance keynesienne: ce n'est pas un économiste de la demande. Or le partage salaire/profit en 1982 est largement en faveur des salaires. Il n'y a pas assez de profit. Le chômage s'est considérablement accru depuis 1975, et ce sont les entreprises qui payent cette charge, les cotisation salariales augmentant peu. On pensait que c'étaient les entreprises qui crééent le chômage et que c'était à elle de payer cette augmentation de chômage. A partir de 1981, la profitabilité des entreprises est insuffisante. Il aurait fallu en réalité qu'elle rééquilibre le partage en faveur des profits, une vrai relance keynesienne. On entre dans une phase plus keynesienne en mars 1983, car différentes mesures sont prises, dont celle consistant à désindexer les salaires des prix et des gains de productivité. Ces gains sont donc répartis à partir de 1983 en faveur des profits. Le niveau de financement des entreprises va être relancé: elles vont d'abord se désendetter, et recommencer à investir à partir de 1988-1989. Il y a deux période: jusqu'en 1983, et après. Avant, c'est la course poursuite entre salaires et profits qui génère une hausse des prix importante, qui atteint son maximum en 1980 avec 14% de hausse des prix. En même temps, le franc entre dans le SME. Il y a donc incompatibilité entre la volonté d'arrimer le franc à un système de change stable, et une hausse des prix bien plus forte que celle des autres pays du SME. La résolution de cette incompatibilité passe par la rupture de 1983, qui désindexe la hausse des salaires des prix. La hausse des prix était véritablement due à cette indexation. La France devient ainsi un modèle en matière de modération dans les prix. Certains économistes ont pu écrire que la France jouait la carte d'une « désinflation compétitive » (Jean-Paul Fitoussi). C'est un peu inexacte car ce n'est pas de la désinflation, mais un ralentissement des prix compétitif. Jusqu'en 1973, on est en plein emploi. On observe ensuite une très forte progression du chômage. Entre 1974 et 1981, le chômage est multiplié par 4. Dans les années 80, ce chômage a poursuivit sa progression pour représenter environ 10% de la population active. Le taux de chômage élevé accompagne un rythme de croissance faible. Il y a une forte relation entre croissance et emploi, du fait de la croissance de la population active (démographie favorable). Le phénomène le plus inquitétant réside sans doute dans l'allongement de la durée de chômage: le taux de chômage n'est pas un problème en lui même, il est très élevé dans les grandes villes du fait d'un dynamisme du marché de l'emploi plus fort. Les problèmes sociaux deviennent graves à partir de trois mois, avec une certaine désocialisation. On a donc dans les année 80 un accroissement de la durée du chômage, en particulier à partir de 40ans. L'économie française apparaît comme très duale, avec des travailleurs qualifiés ou très qualifiés dont le niveau de rémunération reste élevé et même progresse, et qui sont relativement protégers dans leur emploi, qui en retrouvent ainsi le cadre, et une proportion croissante de travailleurs qui s'installent dans une précarité durable. On les appelle les « working poors », qui représentent environ 10 à 15% de la population active. Le commerce extérieur français s'est gravement déséquilibré dans les années 70 et au début des années 80. Et le rétablissement de la compétitivité prix va progressivement résorbé le déficit commercial, et la France engage au début des années 1980 une période caractérisée par un solde extérieur positif, améliorées par les ventes d'Airbus. Ce qui est bon c'est le contexte structurel: la baisse de la consommation et de l'investissement induit une baisse des importations, d'où un solde commercial favorable. Mais l'appareil productif français est-il bien spécialisé? Dans les années 80, il se spécialise dans les productions où la compétitivité prix est la moins importante. Une bonne spécialisation structurelle s'effectue sur les produits à forte valeur d'usage, relativement inélastiques aux prix. La production française a du mal à se positionner sur des produits à forte valeur d'usage ou à forte valeur hors-prix. Les produits français ne sont donc pas assez innovants pour la demande mondiale, tant sur le plan sectoriel que géographique. Le vrai déficit de la France s'aggrave avec l'Allemagne: nous achetons bien plus aux Allemands que nous vendons. Nous éhangeons avec l'Allemagne des produits similaires, mais pas identiques: le prix n'est pas le même, car la valeur de ces produits n'est pas la même. Il y a une différence en terme de valeur entre les biens que nous exportons en Allemagne et les biens que nous importons d'Allemagne. Les produits allemands incorporent beaucoup plus de valeur ajoutée que les produits français. Cette spécialisation n'est pas une spécialisation de haute technologie, mais de moyenne technologie (automobile) mais à forte valeur ajoutée. On a une asymètrie du contenu en importation de la production exportée: les exportations que nous assurons sont très liées à des importations fortes de consommations intermédiaire, tant et si bien que le gain net à l'exportation est réduit d'autant. La production française en métière agricole est permise par un machinisme agricole issu de l'importation: le solde net de la production agricole est donc moindre. L'Allemagne achète les produits agricoles français, et les transforme en produits alimentaires réexporter à une plus forte valeur. Les problèmes structurels demeurent, et en particulier le principal problème, qui est celui d'une production à valeur ajoutée trop faible. III La période de mutation: 1980-aujourd'hui Nous sommes dans un état de mutation inachevée, que l'on voit dans les termes qui permettent de la désigner. Dans les années 90, on a beaucoup parlé de la « nouvelle économie », qui avait pour caractéristiques les nouvelles technologies (NTIC), le déclin des anciens secteurs et l'émergence de nouveaux. C'est aussi une idéologie caractérisée par le toutmarché, dérégulation, déréglementation, désengagement massif de l'Etat. On a aussi un développement des marchés financiers, avec une forte hausse des marchés des nouvelles technologies. Cette nouvelle économie a aujourd'hui disparu. Elle a été relayée par un nouveau discours, à partir de l'agenda de Lisbonne de 2001, avec un intérêt pour les écarts de productivité: l'Europe doit devenir la première puissance technologique du monde d'ici 10-15ans, avec de forts engagements moraux. Autre discours plus complexe, celui sur le capitalisme cognitif: on serait rentré dans un nouveau capitalisme. Les chercheurs observent les stratégies des groupes, qui se recentrent sur leur coeur de compétence, une volonté d'innover. Ce capitalisme a probablement du mal à se développer, car les entreprises ont du mal à s'engager dans l'investissement, car les marchés financiers n'aiment pas trop les risques. On sens bien que la question des connaissances est importante, mais que ces investissements qui ont besoin de temps butent sur les budgets et sur le court terme. La croissance économique depuis les années 80: ce qui est remarquable c'est la panne de croissance depuis prêt d'un quart de siècle. Or s'il n'y a pas de croissance, les problèmes persistent. L'enjeu principal au niveau politique est donc le taux de croissance. L'atonie de la croissance dépend en particulier des compromis sociaux qui doivent être trouvés. Entre 1997 et 2001, la croissance est repartie, le gouvernement n'y participant pas. L'emploi repart aussi entre 1997 et 2001: les 35h n'expliquent pas cette reprise de l'emploi, c'est la croissance qui en est responsable. Cette période coincide avec le discours sur la nouvelle économie. On croit à un retour durable de la croissance économique, avec le retour à l'idée de cycles économiques. Cette approche est une approche naturaliste de l'économie. En 2001, la croissance s'éteint. Depuis 1983, le pouvoir d'achat n'a pas augmenté, avec une forte modération salariale en France. Cette période est caractérisé par l'euro, qui consacre l'intégration monétaire de l'Europe. L'euro devient monnaie unique, se substituant aux monnaies nationales. On a envisagé le maintient des monnaies nationales, en leur ajoutant une monnaie partagée. Or se n'aurait pas été cohérent dans le cadre d'un marché commun. L'intégration monnétaire devait s'accompagner d'une intégration fincancière, or on a plutôt une fragmentation à ce niveau. On peut se demander si la non-intégration des marchés financiers ne pourrait pas avoir des répercutions sur les autres marchés. L'euro a été précédé de la signature d'un pacte de croissance et de stabilité, qui s'appuit sur les 3 critères de convergences: le rythme de hausse des prix (fixé par les trois pays les plus performants), le taux d'intérêt (fixé par les trois pays les plus performants), l'interdiction pour le déficit public de ne pas dépasser les 3% du pays, et les dettes publiques qui ne doivent pas dépasser 60% du PIB. Ces critères sont plus un repaire que véritablement une contrainte. Les économistes n'ont pas été solicités pour l'établissement de ces critères: le taux de chômage ou de croissance aurait établi des critères de convergence économiques sociaux. Le traité de Maastricht n'est donc qu'un traité monnétaire et financier. Or la construction européenne doit aussi se faire sur l'économique et le social. En matière d'emploi, mise à part la parenthèse 1997-2001, la situation de l'emploi a eu plutôt tendance à s'aggraver, moins en terme de taux de chômage, qu'en terme de précarité de l'emploi et de durée du chômage. Cette dégradation du marché de l'emploi est due au manque de croissance économique. La réduction du temps de travail aurait libéré des emplois: il n'en est rien. On a pensé qu'en divisant le volume de travail par 35 plutôt que par 39, on pourait créer plus d'emploi. Or le travail n'est pas un stock, mais un flux: lorsque la croissance devient plus importante, ce flux augmente. Le travail n'est pas un stock disponible partagable. La seconde erreur, c'est que la réaction au 35h a seulement été une hausse de la productivité, puisque les salariés doivent faire en 35h ce qu'ils faisaient en 39h: le pouvoir d'achat reste stable et on ne crée pas d'emploi. Le commerce extérieur s'est rétabli à partir de 1986-1987: cela s'explique de deux façons, la compétitivité prix retrouvée des produits français, et la croissance économique plus faible que celle de nos principaux partenaires, induisant un moindre dynamisme des importations. Or la compétitivité prix n'est pas quelque chose de sain. Très logiquement, depuis 2004, la France renoue avec le déficit de son commerce extérieur, puisqu'aucun problème structurel n'est réglé: une compétitivité d'abord par les prix, fragilisée par la surévaluation de l'euro; un problème de spécialisation mal orientée, puisque négligent la compétitivité hors prix. La délocalisation est un processus marqué par trois conditions: désactivation d'une unité de production sur le territoire d'origine, le transfert de cette activité à l'étrangers (qui peut être aussi un contrat de sous-traitance), la réimportation de la production réalisée vers le territoire d'origine. 2 ou 3% de l'emploi est délocalisé. Certain secteurs délocalisent plus que d'autres (habillement). Les délocalisations ont un impact négatif: perte d'emploi, perte de production, mais augmentation des importations. Cependant, 2 ou 3% des emplois seulement sont délocalisés. C'est donc un phénomène marginal. Une approche en terme de régulation Dans le milieu des années 70, Robert Boyer (approche pluridisciplinaire); le point de départ est la crise de 1973. Ce modèle caractérise trois périodes: un mode de régulation cohérent porteur de développement dans la durée; une crise du mode de régulation, délitement de ce modèle, ses formes institutionnelles deviennent contradictoires; une période de mutation vers un nouveau mode de régulation. Dans cette approche, il y a un troisième moment, le moment de mutation vers un nouveau mode de régulation qui peut-être elle-même très longue, marquée par une situation très instable. Pour les économistes de la régulation, nous sommes en période de mutation. Un mode de régulation est toujours fondé sur la cohérence de formes institutionnelles, compromis entre forces sociales, et elles doivent être cohérentes en interne, entre elles. Les formes institutionnelles sont des compromis institutionnalisés qui expriment un rapport de force entre plusieurs forces sociales, notamment le capital et le travail. Il existes 5 formes institutionnelles, et tout mode de régulation est organisé en 5 formes: le rapport salarial, la forme de la contrainte monnétaire et financière, l'organisation de la production et de la concurrence, la nature de l'intervention publique, le régime international. Il existe actuellement un débat au sein de ce courant pour situer ces formes institutionnelles. Certains considèrent qu'il n'y a pas de hiérarchie entre ces formes, mais une complémentarité. D'autres considèrent qu'il y a une hiérarchie, chaque mode de régulation ayant une hiérarchie particulière, avec un débat sur la place de ces formes institutionnelles. Autre idée, celle d'une hiérarchie stable, indépendante du mode de régulation, le rapport salarial étant la forme dominante, compromis fondamental entre capital et travail. Le mode de régulation qui prévalait dans les années 20 est entré en crise. Un mode de régulation dispose toujours d'un mécanisme d'ajustement lui permettant de surmonter les crises mineures. C'est le jeu de la concurrence qui constitue ce mécanisme. Dans les années 20, lorsque on observe un déséquilibre sur le marché de l'emploi, il est résorbé par une diminution du prix du travail. Le chômage commence à croître dès 1924: le prix du travail baisse, et s'accélère en 1929 (-30%). Cette crise du marché du travail se généralise, ce qui a pour conséquence un effondrement des prix. Le mécanisme d'ajustemet fonctionne mais ne permet pas de sortir de la crise: c'est le signe d'une grande dépression, car il n'y a aucune sortie endogène de la crise. Ce n'est pas une crise dans le mode de régulation, mais une crise du mode de régulation: il faut donc changer de mode de régulation. Ce nouveau mode de régulation sera trouvé dans les années 50. Ce nouveau mode de régulation, c'est le mode keynésiano-fordiste: organisation de la grande firme, économies d'échelles, et politique de répartition des gains de productivité. Le mécanisme d'ajustement est l'intervention publique centrée sur le partage des gains de productivité. Ce mode de régulation entre en crise au début des années 70. Cela signifie que le mécanisme d'ajustement va tenter de fonctionner, avec de nouvelles modalités de partage des gains de productivité, d'abord en faveur des salariés (années 70), puis en faveur du capital (années 80, avec la désindexation des salaires ayant permis le rétablissement des taux de profit). Mais nous ne sommes pas dans une crise mineure, il faut donc changer de mode de régulation, ce qui n'est possible qu'après une période de mutation très incertaine. Vers un nouveau mode de régulation Il est difficile de trouver un nouveau rapport salarial aujourd'hui, car l'échelle des revenus semble devenue dépendante de la mobilité des facteurs: le capital financier, le capital productif, le travail qualifié et le travail non-qualifié. Parmi ces quatres facteurs, on observe une grande différence de mobilité. Le facteur le plus mobile est le capital financier. Le capital productif, investissements directs dans le monde (pas des placements), est un capital nomade, qui hybride sa culture avec celle du pays d'acceuil. Le travail qualifié est de plus en plus mobile. Le travail non-qualifié est une figure paradoxale, car c'était autrefois le facteur le plus mobile (grands flux migratoires); cette mobilité est aujourd'hui peu encouragé, mobile par la précarité. Il faut d'abord servir le capital financier car il est le plus mobile. Au rang deux, on sert les facteurs les plus mobile, le capital productif et le travail qualifié. Cette nouvelle donne opère une contrainte très forte sur le rapport salarial. L'enjeu est donc d'avoir la plus forte part de travailleurs possible dans le travail qualifié. Il devient difficile dans les pays riches d'augmenter les bas salaires. La recherche de compétence va donc s'accélérer, l'expérience ayant aussi son importance. On a une inversion de la contrainte financière. Pendant très longtemps, la contrainte fincancière consistait à connaître le meilleur mixe de financement, avec une recherche de la meilleure combinaison possible, comment financer au mieux un investissement donné. Il y a inversemment aujourd'hui, car on a des entreprises qui sélectionnent leurs investissements pour une norme de rentabilité donnée: on sélectionne les investissements en fonction de la norme de rentabilité qu'elles atteignent. On ne sélectionne plus les financements pour un investissement donné, mais les investissements pour une norme financière donnée. Si on oppose les deux formes institutionnelles, d'un côté le salut passe par le niveau de compétence, ce qui induit de forts investissement financier et en temps; de l'autre, c'est le capital financier importe, très mobile, permettant une rentabilité immédiate. Dans l'organisation de la production et de la conurrence, la conurrence entre les firmes est en réalité aujourd'hui une concurrence entre réseaux, car les firmes vont très largement externaliser leurs fonctions, activités, compétences, et une majeure partie de la valeur qu'elles introduisent sur le marché est produite par leurs sous-traitants, co-traitants, fournisseurs, ... Les firmes qui marchent bien sont les firmes qui savent structurer leur réseau. La forme de l'action publique: les acteurs publics doivent apprendre à gérer des compétences institutionnelles complémentaires. Pendant très longtemps, l'action publique s'est décomposée dans un système d'ensembles et de sous-ensemble avec l'idée de subsidiarité, image d'emboitement. Ce système ne peut plus fonctionner comme ça, ce n'est plus un emboitemnt mais un enchevêtrement des espaces de régulation. Le régime international est très important, car on est dans un monde mondialisé, ce n'est plus un régime international mais mondial. Pendant très longtemps, cela a fonctionner par une organisation de l'économie au niveau national: tous ces compromis se trouve sur l'espace de l'économie nationale. Ces compromis devaient être cohérents entre eux: le régime international était la mise en compatibilité de ces compromis (Bretton Woods). Aujourd'hui, la contrainte financière ne se gère plus au niveau national. Les différentes formes de compromis ont un espace de compromis qui doit être supérieur aux économies nationales. Le bon niveau n'est pas encore trouvé: on doit penser chacune des formes de compromis au niveau global.