Mais y a-t-il vraiment un affaiblissement ? Certains jugent que le passage à une
VI° République est nécessaire (Arnaud Montebourg ou Olivier Duhamel ont
écrit : Vive la VI° République !) En effet, nous sommes dans un contexte qui fragilise
le modèle : l’Etat perd de ses prérogatives avec la mondialisation et l’UE, mais il y
a aussi un recul du jacobinisme historique avec la décentralisation. Des signes de
vulnérabilité apparaissent : baisse de la participation politique, choc du 21 avril 2002,
intégration des minorités. Les interrogations demeurent. La mémoire scelle les
événements dramatiques (Terreur, répression Commune, collaboration, guerre
d’Algérie) avec toutefois le sentiment pour certains que les comptes ne sont pas
encore soldés.
Chapitre I : La III° République (1870-1940).
L’élément évident, c’est d’abord le record de durée et ce contre toute attente
alors que la République apparaît provisoire et dans l’ambiguïté d’une restauration
monarchique impossible. Elle naît officiellement en janvier 1875 avec l’amendement
Wallon (ou, plus pragmatiquement, le 4 septembre 1870) et dure jusqu’au 10 juillet 1940.
Ceci est d’autant plus frappant que la France a connu des régimes politiques éphémères
depuis 1789, la démocratie est dure à bâtir. Selon Agulhon, la II° République (de février 1848
à décembre 1852) fut « un bref apprentissage de la République ». La I° République dura de
1792 à 1804 mais depuis 1799 fut en fait une dictature. Première question donc, comment
expliquer cette durée ?
Deuxièmement la question du modèle politique. La III° République est
l’enracinement du modèle républicain. Pour Pierre Rosanvallon elle constitue « l’arche
sainte des républicains », elle invente en effet des institutions, des idéaux, des pratiques
politiques (in le sacre du citoyen) C’est la République qui a inventé des institutions, des
idéaux et pratiques politiques. On y pratique de façon loyale le suffrage universel
Masculin, les partis politiques s’y développent et s’organisent, les citoyens sont formés
par l’école gratuite, laïque et obligatoire (nécessité d’éduquer, c’est l’idée d’un savoir
minimal pour pratiquer la démocratie), on affirme les libertés de conscience, d’expression,
de réunion, l’égalité avec l’idéal de méritocratie. Se met en place une philosophie
républicaine bâtie sur la croyance dans le progrès (comme en témoigne Auguste Comte),
la pensée positiviste (avec la Raison) est dominante et relègue la religion au second rang
(c’est un héritage de Voltaire et Kant). Cela ne signifie pas pour autant l’absence de la
morale ni de l’idéalisme, le triptyque « liberté, égalité, fraternité » nous le rappelle. Les
symboles républicains s’imposent (Marianne, drapeau, hymne nationale).
Troisièmement, la durée n’exclut pas les crises politiques et les critiques contre le
régime. La République a du affronter de nombreux adversaires et a connu de
nombreuses critiques, allant de « la gueuse », à la « République bourgeoise ». Ces
oppositions débouchent sur des crises graves et répétées (Dreyfus, 6 février 34) mais il n’y a
pas de Révolution : c’est l’une des crises qui finit par jeter le discrédit sur le régime : la
défaite de 1940. En 1944 le corps électoral rejettera le retour à la III° République
exprimant son choix en faveur d’une République nouvelle. Mais la IV° sera l’objet d’une
défaillance encore plus grande.
I. L’enracinement de la République (1870-1914).
La France est vaincue par la Prusse à Sedan le 2 septembre 1870. Avant cette
défaite, nul n’imagine le retour à la République. On croit à la solidité du régime
impérial comme l’avaient montré les derniers plébiscites de Louis Napoléon. Pourtant la
République s’installe presque par surprise dans un contexte de défaite et d’occupation
étrangère puisque il y a occupation prussienne, en particulier à Paris, et alors même que les
élections législatives de février 1871 donnent la majorité à la Chambre monarchiste.