Coutumes, pratiques et droit en Chine
Je ne retiendrai de ces ouvrages que ce qui concerne la coutume et le
droit coutumier. On trouvera dans l'ouvrage de Buoye quelques-unes des
conceptions les plus communément partagées sur ces deux notions, afin de
circonscrire la question sous son angle le plus général. Le travail de Ma-
cauley nous amènera à replacer coutume et droit coutumier dans leur évo-
lution au sein du droit européen et à dégager quelques différences impor-
tantes par rapport au contexte chinois. Enfin, une confrontation des deux
ouvrages de Philip Huang illustrera un intéressant paradoxe historique : la
coutume paraît absente ou inconsistante, à la lecture des sources, de
pratiques judiciaires des Qing, mais cette même coutume deviendrait
omniprésente à l'examen rétrospectif, à travers le prisme de la modernisa-
tion juridique. C'est en général au moment où chacun des auteurs sort de
l'étude de cas et cherche à généraliser son propos qu'il trouve sous sa
plume, tout naturellement, les termes de « coutume » et de « droit coutu-
mier ». Le recours apparemment obligatoire à ces termes, à un stade donné
du raisonnement sur la norme et la pratique, constitue le sujet de ce dossier
thématique. Par souci de clarté, j'ai tenu à traduire systématiquement tou-
tes les citations et les titres d'ouvrage en français, en signalant les problè-
mes de traduction qui sont souvent révélateurs de différences profondes
dans la conception du droit entre auteurs anglo-saxons, se référant au
common law, et les auteurs qui se réfèrent à un système de droit codifié2.
Rappelons que le droit moderne est divisé en deux grandes familles : les pays de droit
anglo-américain ou de
common
law, également appelé case law car il repose sur des
cas déjà jugés, ou précédents, et les pays dont le droit repose sur des codes de loi,
qu'on regroupe souvent dans la «civil
law
family », et dont la France fait partie. Le
passage d'un système à l'autre pose parfois un problème de traduction. Si les « droits »
subjectifs, désignés par le terme
rights (customaty
rights : « droits coutumiers »),
trouvent une traduction aisée en anglais, ce n'est pas le cas de la « loi » ou du « droit ».
Law au singulier signifie tantôt « loi » (codified law
:
« la loi codifiée »), tantôt
« droit »
(customary
law,
« le droit coutumier
»),
tantôt les deux à la fois, comme ici :
la coutume est à la fois source de toute loi écrite et de tout principe juridique.
L'ambiguïté est encore plus forte pour les adjectifs et noms dérivés : légal sentence
veut bien dire « sentence légale », mais
légal
culture,
légal practice doivent se traduire
par « culture juridique, pratique juridique » ; un lawyer au sens moderne est un
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