L’ESSENTIEL
LA DISCUSSION DU TEXTE REPREND LA OU ELLE S’ETAIT ARRETEE LE 28 MARS DERNIER,
C’EST-A-DIRE SUR LA MOTION DE REJET PREALABLE.
Le Parlement a adopté, en juillet 2011, la loi relative à la Bioéthique. Il s’agissait, après celui
de 1994 et celui de 2004, du 3ème texte engageant la révision des lois bioéthique. Ce texte
proposait plusieurs évolutions tout en préservant les grands principes de notre droit :
respect de la dignité humaine, refus de toute forme de marchandisation ou d’exploitation
biologique du corps humain.
Il s’était notamment penché sur les conditions dans lesquelles pouvait être autorisée la
recherche sur des embryons humains. Le principe adopté constituait une solution équilibrée
qui avait été élaborée après une très large phase de réflexion et de concertation : la
recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de
cellules souches restait interdite. Des dérogations à ce principe étaient prévues et
encadrées. Le moratoire de 5 ans qui avait été décidé en 2004 a été abrogé, les dérogations
devenant pérennes.
La loi régissant les questions touchant à la bioéthique devait être révisée dans 7 ans (comme
le souhaitait l’opposition de l’époque), sauf en cas de découverte majeure qui nécessiterait
une intervention du législateur.
La proposition de loi proposée ici revient, sans aucune concertation ni nécessité, sur la loi
de 2011 concernant la législation en matière de recherche sur l’embryon, elle inverse, en
quelques sortes, la charge de la preuve en autorisant la recherche sur l’embryon tout en
assouplissant les conditions dans lesquelles elle est encadrée.
Le texte de 2011 était l’aboutissement d’une longue et large concertation :
Sur ce sujet d’importance qui touche aux convictions de chacun, le précédent Gouvernement
avait engagé, dès 2008, un travail approfondi de réflexion et de concertation dans la
perspective de la révision nécessaire des lois bioéthique de 1994 et 2004. Parmi les
nombreuses contributions, on peut notamment citer :
le mémoire du Comité national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé
le bilan d’application de la loi de 2004 par l’Agence de biomédecine
l’étude du Conseil d’Etat en vue du réexamen de la loi
Les Etats généraux de la bioéthique, qui avait pris pendant plusieurs mois la forme de débats
citoyens en régions sur l’ensemble des questions relatives à la bioéthique, avaient constitué
une étape importante de cette concertation en 2009. Ils s’étaient achevés par la
présentation d’un rapport final, disponible sur le site Internet
www.etatsgenerauxdelabioéthique.fr
Le Parlement a également participé de manière très active à la préparation de la révision des
lois de bioéthique avec le rapport de l’Office parlementaire des choix scientifiques et
technologiques (OPCST) et celui de la mission d’information conduite par Jean Leonetti dont
l’essentiel des conclusions ont été reprises dans le projet de loi.
Enfin, une Commission spéciale, présidée par Alain Clayes (SRC) et dont le Rapporteur était
Jean Leonetti, avait été chargée d’examiner le texte sur lequel elle avait auditionné très
largement durant plusieurs semaines.
Revenir sur une disposition centrale de ce texte par le biais d’une proposition de loi sans
aucune concertation est un procédé pour le moins contestable. Sur un sujet aussi sensible, il
est indispensable de se donner du temps avant de toucher à la loi.
Les différences entre les deux régimes:
Sous le régime actuel :
L’interdiction a une portée symbolique forte, en conformité avec l’article 16 du Code
civil qui affirme le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie.
Il est plus facile de définir des dérogations que d’encadrer une autorisation, car ce
qui est permis est permis.
Les projets de recherche sont autorisés au cas par cas par l’Agence de la Biomédecine, pour
toute recherche susceptible de permettre des « progrès médicaux majeurs » et s’il est
impossible de parvenir au résultat escompté par une autre voie de recherche similaire. Les
recherches alternatives à celles sur l’embryon doivent être favorisées, il est interdit de créer
des embryons destinés à la recherche, ces dernières n’étant autorisées que sur les embryons
surnuméraires. Enfin, le projet de recherche et les conditions de mise en œuvre du protocole
respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches
embryonnaires. Dans le cas de l’interdiction avec dérogations, la charge de la preuve revient
à celui qui demande la levée de l’interdiction.
Le texte proposé par le Groupe RRDP :
Le principe d'interdiction assorti de dérogations est remplacé par le principe «d'autorisation
encadrée ».
Les conditions d’encadrement sont assouplies :
La recherche de « progrès médicaux majeurs » que doivent viser les projets de
recherche est remplacée par celle floue de « finalité médicale ». L’éventualité
de pouvoir de pouvoir faire avancer la science est donc supprimée.
La volonté affirmée dans la loi de privilégier des recherches alternatives aux
recherches sur l’embryon est supprimée.
Les modalités d'intervention de l'Agence de la biomédecine qui n’a plus à
motiver ses décisions d’autorisation et des ministres chargés de la sanet de
la recherche qui n’ont plus la possibilité de s’opposer à un programme qui ne
semblerait pas répondre aux conditions fixées par la loi, sont modifiées.
Le calendrier autour de ce revirement pose de nombreuses questions car, comme le
détaillait le Professeur Huriet, dans une tribune parue dans Le Monde, le 14 mars dernier, il
arrive à l’ordre du jour alors que :
- Les recherches des Professeurs Yamaka et Gordon entrepris en 2006 et couronnés du
prix Nobel en octobre 2012 permettent aujourd’hui de reprogrammer des cellules
souches adultes en cellules semblables à des cellules souches embryonnaires. Cette
possibilité qui permet d’éviter de travailler sur des cellules souches embryonnaires
ouvre des possibilités qui doivent être favorisées.
- L’autorisation de la vitrification des ovocytes qui a été votée dans la loi de bioéthique
de juillet 2011 devrait permettre dans un futur proche, de ne plus rendre nécessaire
la « production » d’embryon surnuméraires sur lesquels portent les dérogations
permettant la recherche.
Enfin, l’article 46 de la loi de Bioéthique de 2011 (article L.1412-1-1 du Code de la Santé
publique) prévoit que le Comité National consultatif d’Ethique (CCNE) est à l’initiative de
l’organisation d’états généraux avant tout projet de réforme touchant à des questions
éthiques. Or si l’on vient d’apprendre que des états généraux allaient être organisés sur les
questions éthiques touchant à l’Assistance médicale à la procréation (AMP), la majorité est
en train par cette proposition de loi de toucher à une disposition majeure des lois de
bioéthique, sans que cela ait été discuté auparavant.
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