2009-2010
CHAPITRE VI : MONNAIE
ET FINANCEMENT DE
L’ECONOMIE
Christelle ZENG
ANALYSE ECONOMIQUE ET
HISTORIQUE DES SOCIETES
CONTEMPORAINES
C P G E E C E 1
CHAPITRE VI : MONNAIE ET FINANCEMENT DE L’ECONOMIE
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I) LA MONNAIE : DEFINITION, MESURE ET FORMES
1) Les définitions de la monnaie
a) Introduction
Habituellement, la monnaie est perçue comme un objet économique qui rend les échanges plus
commodes. Que l’ont soit chez les classiques, néo-classiques ou keynésiens, la monnaie reste,
quelques soient les conséquences sur les déséquilibres, un objet économique courant. Pourtant, la
monnaie est aussi un objet qui a été étudié par les sociologues, anthropologues. C’est aussi un objet
qui véhicule des phénomènes culturels, ainsi qu’un des instruments qui intervient dans les rapports
sociaux, c’est donc un moyen de coordination sociale. La monnaie est aussi un instrument de pouvoir.
De nos jours, le monopole de l’émission de la monnaie légale est détenu par une institution publique,
l’Etat. La monnaie est aussi un élément clé dans la cohésion sociale au travers des rapports de la
population avec l’institution qui émet la monnaie.
On n’aborde pas la monnaie comme un phénomène institutionnel et social, mais il y a toujours un
impact sur cette sphère sur la monnaie ou de la monnaie sur cette sphère. Il y a un accord d’ordre
social qui permet l’utilisation de cette monnaie, qui la plupart du temps n’est pas remis en cause.
b) La monnaie définie à partir de ses fonctions
La monnaie est vue comme un instrument strictement économique commode.
Monnaie : Moyen de paiement accepté par tous, directement utilisable pour effectuer les règlements
sur les marchés des biens et des services, ou pour régler définitivement toutes les dettes au sein d’un
espace monétaire donné.
Les fonctions de la monnaie :
Intermédiaire des échanges : quand la monnaie apparaît, c’est ce qui permet le passage d’une
économie de troc à une économie monétaire. C’est la fonction de la monnaie mise en avant par les
Classiques (J.B. Say) et les Néo-classiques. C’est la fonction première pour ces auteurs là car on a une
vision rationaliste de l’économie de marché. L’économie de marché étant à la fois le mode de
coordination le plus efficace et poussant les individus à être le plus efficace possible, il est logique
que la monnaie apparaisse dans les économies de marchés car cela permet aux institutions de
paraitre plus efficace. La monnaie simplifie la double coïncidence des désirs.
Unité de compte : Elle permet de passer des prix relatifs aux prix absolus. Quand on utilise la
monnaie comme intermédiaire des échanges, elle s’impose également comme unité de compte, elle
permet d’exprimer en unité monétaire combien va valoir chaque bien. On peut voir, que la fonction
d’unité de compte à elle seule constitue déjà un moyen d’avoir des échanges plus efficaces puisque
le fait de passer des prix relatifs au prix absolu simplifie les calculs nécessaires pour que les échanges
puissent avoir lieu. Historiquement, on observe l’apparition d’abord d’une monnaie comme unité de
compte, sans qu’elle soit intermédiaire des échanges.
Réserve de valeur : c’est le fait que la monnaie peut transférer dans le temps l’acquisition de biens.
C’est cette fonction là qui va être l’objet de débat au sein des Classiques, puis entre les Keynésiens et
les Néo-classiques, puisque cette fonction de réserve de valeur correspond à la thésaurisation. La
monnaie est d’abord le signe que l’économie progresse puisque c’est ce qui permet à l’économie de
rendre ses rapports marchands plus efficaces.
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c) La monnaie comme phénomène institutionnel et social
L’approche individualiste (ou néo-institutionnaliste), c’est l’approche néo-classique. C’est
l’approche qui ne conçoit les institutions que comme étant au service de l’efficacité marchande, donc
dans une logique de recherche d’efficacité, que ce soit au niveau global ou individualiste. On parle de
règles ici car le fait qu’on utilise telle monnaie plutôt qu’une autre est une règle qui s’impose aux
individus. Le fait qu’on va utiliser comme monnaie de l’or, de l’argent, des billets… est un processus
institutionnel qui mobilise des rapports sociaux et culturels assez variés. (Ex : problème du passage
du franc à l’euro). Ici, le seul critère est le critère de l’efficacité économique. La monnaie s’impose en
tant qu’intermédiaire des échanges, en tant qu’institution parce que la pression de la concurrence
pousse à mettre en place des institutions qui permettent une plus grande efficacité des relations
marchandes (Ex : Hayek et l’idée d’ordre spontané crée par le marché, et donc d’auto-
institutionnalisation du marché). Dans le cas de la monnaie, la vision Hayekienne ne conduit pas
automatiquement à faire de l’Etat l’institution qui doit avoir le monopole d’émission monétaire (ou
du moins l’émission de la monnaie légale). Débouche chez Hayek sur l’idée que l’émission de
monnaie peut être laissée au marché, les entreprises privées qui produisent de la monnaie entrent
en concurrence les unes avec les autres. Ensuite, les entreprises qui sont les plus efficaces dans cette
activité d’émettre de la monnaie vont être sélectionnées par le marché, ce sont celles qui arrivent à
trouver le bon équilibre entre une émission insuffisante de monnaie qui leur empêche de faire des
profits (car elles sont munérées par leur capacité à créer de la monnaie donc à faire payer des
intérêts à leurs clients) et une émission monétaire trop importante qui risque de les pousser à la
faillite par un déséquilibre entre leurs créances et leurs engagements (c'est-à-dire qui risque de les
pousser à des crises de liquidité). La vision Hayekienne des institutions en général et de la monnaie
en particulier débouche systématiquement sur une primauté du marché dans tous les domaines de
l’activité économique, et même dans les domaines dans lesquelles on a l’habitude de penser que
l’Etat et très présent.
L’Etat doit-il prend en charge l’émission de la monnaie ? Laidler (1977) apparente la monnaie à un
bien public (non rivalité, non exclusion). Ici, au sein d’un espace économique donné, on ne peut pas
empêcher un individu d’utiliser l’€ au sein de la zone comme intermédiaire des échanges. A partir
du moment un bien est public, si on laisse faire le marché, il risque de ne pas être produit. Ici, on
risque de voir circuler plusieurs monnaies différentes, autrement dit on risque de voir se constituer
plusieurs zones monétaires imbriquées les unes dans les autres, on risque de ne pas bénéficier
pleinement de l’efficacité qu’apporte l’utilisation d’une monnaie. Cela débouche sur la justification
de la nécessité de l’intervention de l’Etat pour gérer cette monnaie.
L’approche holiste : Ici, la monnaie est avant tout un phénomène social, culturel, avant d’être un
outil économique. On retrouve cette approche dans des analyses d’origines très diverses sur le plan
théorique. Dans l’analyse économique, on trouve cette approche chez Marx, car chez lui, la monnaie
(ou l’argent), est attachée au mode de production capitaliste. Cette monnaie est au fondement de la
séparation de la société en deux classes (ceux qui en ont et ceux qui n’en n’ont pas). Pour Marx, les
Classiques ont une vision de la monnaie comme intermédiaire des échanges tel que M-A-M alors que
pour lui A-M-A. L'argent permet au capitaliste bourgeois de produire des marchandises et
d'extorquer une plus-value qui va lui permettre d'avoir encore plus d'argent qu'au départ. Comme le
but est l'argent, on entrevoit déjà la logique frénétique qui pousse à accumuler toujours plus
d'argent. Dans l’approche classique, on retrouve la loi de Say.
Mauss présente la monnaie comme un « fait social total », la monnaie doit être appréhendée comme
phénomène économique, social et politique (rapport entre nations de monnaies différentes).
L’utilisation de la monnaie dans la société n’a pas systématiquement une fonction économique, mais
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peut servir à affirmer son pouvoir au sein de la société dans le cadre de rapports sociaux entre des
individus ou des groupes.
Aglietta & Orléan « La violence de la monnaie » (1982) : considère le rapport monétaire comme étant
avant tout un rapport social. Leur première référence est une relecture de l’analyse marxiste, qui vise
à ne pas enferme leur propre analyse économique dans un déterminisme très pesant qu’on a chez
Marx, c'est-à-dire cette vision très pessimiste à l’égard de l’avenir du capitalisme, mais néanmoins on
retrouve des principes similaires. En particulier ici, on va retrouver le fait que « la monnaie est le
premier lien social dans une société marchande ». On met la monnaie comme un préalable à tout
rapport marchand. Le rapport à l’autre se traduit par un échange monétaire. Quelque soit les
facteurs qui poussent les individus à rentrer en relation avec les autres, cette relation va toujours
dans les sociétés marchandes se concrétiser par un échange monétaire. Ils puisent leur 2ème
référence chez René Girard, « Les rapports marchands se définissent par une violence acquisitive,
c'est-à-dire détournée sur des objets, que nous appellerons l’accaparement ». Les rapports
marchands sont caractérisés par cette violence acquisitive car on rejette la conception de l’individu
qu’on a dans la théorie néo-classique (l’homo-oeconomicus). Le besoin individuel n’est pas une
donnée, les préférences et besoins individuels se construisent dans l’interaction sociale elle-même.
Or, à partir de ce moment, d’après Aglietta & Orléan, cette interaction sociale va être caractérisée
par une place importante du mimétisme. C’est dans le mimétisme que va naitre la violence
acquisitive. Pour eux, la fonction première de la monnaie va être une fonction d’intermédiation
certes, mais une fonction d’intermédiation sociale. « La monnaie apparaît alors comme une
médiation qui s’interpose entre les rivaux et fait obstacle au mimétisme. ». Quand la monnaie ne
remplit plus son rôle, les conséquences sont beaucoup plus étendues que la simple crise économique
qui découle du fait que la monnaie soit moins acceptée en tant qu’intermédiaire des échanges. La,
cela va être une crise non seulement économique mais aussi sociale générale. Par voie de
conséquence, la monnaie ne remplit plus son rôle de médiation. « Une crise monétaire est un
affaiblissement de la souveraineté monétaire, une perte de la capacité de coordination des relations
privées »
2) Les formes de la monnaie
a) Les différentes formes de la monnaie
Monnaie marchandise : c’est la première forme de monnaie ; on utilise une certaine marchandise qui
remplit les fonctions de la monnaie telle que le vin, l’huile, coquillages…
Monnaie métallique : la monnaie métallique se présente sous forme de pièces, lingots, métal
précieux.
Loi de Gresham : « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». Lorsqu’il y a plusieurs formes monétaires
qui circulent dans une économie, on a tendance à observer le fait que la bonne monnaie est
thésaurisée par les individus, elle disparaît des échanges, et la seule qui reste pour les échanges est
celle qui est jugée mauvaise par les individus
Monnaie fiduciaire : c’est celle qui concerne la monnaie papier et la monnaie divisionnaire.
Historiquement, les billets sont apparus comme des certificats de dépôts, d’or, d’argent, donc ce
n’était que des instruments de mobilisation de la monnaie. Les billets deviennent de la monnaie à
partir du moment où les émetteurs de ces billets commencent à émettre des billets dont la valeur
totale dépasse les stocks d’or détenus par ces émetteurs de billets. Il y a un processus de création
monétaire et les billets deviennent vraiment de la monnaie. La valeur d'un billet repose sur la
confiance qu'a le détenteur du billet. Cela va mener à la faillite de banques ou d’orfèvres. C'est ce qui
va amener l'État à détenir le monopole de la monnaie papier. Cela va s'effectuer progressivement :
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en Angleterre, dès 1844 est émit un principe restrictif d’émission monétaire : le Peel Act. Il impose à
la banque d’Angleterre de n’émettre des billets que pour un montant d’encaisse des métaux
précieux dont elle dispose. Le principe qui s’oppose à celui est le principe de banque. C’est la
banque d’Etat qui gère son émission de billets. Adopter ce principe pour l’Angleterre car les stocks
d’or qu’elle détient est suffisant. En cas de crise, pour les banques privées, elle ferme ses portes.
Pour la banque d’Etat, les conséquences ne sont pas les mêmes puisque l’Etat a un pouvoir de
coercition, il y aura plusieurs solutions qui seront à disposition des banques d’Etat lorsqu’elles feront
face à des problèmes de liquidités : décréter l’inconvertibilité (1848, 1870).
Monnaie scripturale : c’est une forme de monnaie repose sur une simple écriture. Cette écriture
apparait dans les comptes des banques, c'est-à-dire les seules institutions qui sont autorisées à
émettre cette monnaie, sous forme de dépôt à vue. Cette monnaie a la particularité de ne pas être
tangible. Il faut distinguer la monnaie scripturale des instruments de mobilisation de cette monnaie
scripturale (les chèques, CB ne sont pas de la monnaie)
Monnaie électronique : Monéo, nouvelle forme de monnaie.
b) Deux interprétations des évolutions des formes monétaires
L’interprétation des évolutions des formes monétaires la plus simple est la thèse de la
dématérialisation. On passe de la monnaie marchandise, qui est matérielle, à des formes
dématérialisées. La thèse de la dématérialisation est cohérente avec l’interprétation des évolutions
des institutions qu’on a chez Hayek. Elle décrit à peu près bien l’évolution des formes monétaires.
Cette marche vers la dématérialisation se heurte rapidement à certaines limites : la monnaie
scripturale existait déjà en Chine il y a plusieurs millénaires. Ce n'est donc pas seulement un
problème de technologie qui a ralenti la dématérialisation, mais aussi le problème de confiance
nécessaire à l'instauration de nouvelle forme de monnaie.
3) La mesure de la monnaie
Pour pouvoir mesurer la quantité de monnaie en circulation, il faut une définition encore plus précise
de la monnaie. Il faut pouvoir délimiter précisément les actifs qui font parti de la monnaie, et ce qui
n’en font pas partie. Qu’est-ce qui relève du monétaire et qu’est-ce qui relève du financier ?
Dans l’analyse économique, cela renvoie à deux problèmes qui sont corrélés, la masse monétaire et
l'activité économique. Mais lorsqu’on s’intéresse aux problèmes financiers cela renvoie au
financement entre épargnant et offre de capital. Chez les Keynésiens la frontière est déjà un peu plus
floue entre monétaire et financier, il y a un arbitrage entre le liquide et non liquide. Aujourd’hui de
manière encore plus radical les arbitrages de portefeuilles sont tels qu’on passe de quelque chose qui
relève du monétaire à celui financier.
Qu’est-ce qui fait partie du monétaire ? La monnaie au sens strict est monnaie, i.e. dépôt à vue qui
relève de la monnaie, les obligations (dont l’échéance LT) relèvent du financier mais celleci possède
une certaine liquidité mais financier. Mais aujourd’hui, il y a une multitude de moyen de détenir de
l'épargne qui font qu'il y une ambigüité. Le Livret A est une épargne rémunérée mais transformer ce
livret A se fait très facilement, les sommes sont donc très liquides, cela peut donc poser problème de
distinction.
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