Appel à contributions
C i v i li s a t io n s
vol. 60 (2)
A paraître à l’automne 2011
Être ou ne pas être balkanique
Les péripéties historiques d'une aire culturelle
Dossier coordonné par Marianne Mesnil et Vintilà Mihailescu
Pourquoi ce questionnement sur un Homo Balkanicus ?
Le syntagme mobilise des stéréotypes bien ancrés en Occident : que l'on pense à la poudrière
des Balkans, expression apparue lors des premières « Guerres Balkaniques » (1912-1913), et
resurgie en Occident lors des nouveaux conflits qui ont mis à feu et à sang les régions de l'ex-
Yougoslavie durant la décennie 1991-1999. Mais les désignations de Balkans et balkanique
ont également resurgi et interpellé de manière significative les intellectuels de ces régions, dès
la chute des régimes socialistes. S'interroger sur la légitimité de l'expression n'est donc pas le
fait du monde occidental (dont l'ignorance concernant cette partie de notre continent se
confirme, même après l’« Entrée dans l'Europe » de bon nombre de ces pays), mais d'abord le
fait de ces pays eux-mêmes.
Un programme de recherche annoncé dans l'Entre Deux Guerres
Dans le court intervalle entre les Traités qui ont suivi la Première Guerre (Versailles et Sèvres
1919-20), et le début de la Seconde Guerre Mondiale, s'est dégagé un bref moment de
réflexion comparatiste au sein des « jeunes nations » de l'Est. C'est durant cette période que
l'historien roumain V. Papacostea, a lancé l'expression de Homo Balkanicus, désignant ainsi le
thème de ses préoccupations: définir ce que nous pourrions appeler, en anthropologie, une
« aire culturelle », fondée, pour l' essentiel, sur une très longue histoire commune, un « vivre
ensemble », dirait-on aujourd'hui, pour reprendre une expression (un peu trop) à la mode
.
C'est après 1989 qu'on a vu resurgir avec force, dans les régions concernées, la « question
balkanique ». Mais les termes en sont, bien entendu, réactualisés et participent de l'inflation
généralisée des discours identitaires dont la discipline anthropologique a fait l'un de ses objets
privilégiés. Par ailleurs, au moment où cette problématique identitaire rencontre la question
du rapport entre « local et global », entre particularismes et unité planétaire; à l'heure,
également, où l'Europe, après avoir favorisé un « tout à l'économique » et s'être élargie à l'est,
sans autre plate-forme commune, a du mal à se trouver d'autres légitimités sur lesquelles
construire son unité, on peut s'interroger sur le bien fondé d'un questionnement à propos d'une
unité régionale dont les bases historiques ont été sapées dès la fin du XIXe siècle, avec les
« grands chambardements » décidés par les grandes puissances. Sans compter que, mal
interprétée, cette problématique d'une « unité balkanique » peut amener rapidement à
réactiver la querelle du Schisme entre Byzance et Rome et faire le lit de thèses que l'on a vu
fleurir sous la formule fallacieuse de « choc des civilisations ».
Voir Papacostea,V. "La Péninsule balkanique et le problème des études comparées (1938, en français) . Et un
inédit : "Balcanologia"; deux textes publiés ou republié en 1996 dans Sud-Est si Contextul Européan, Institutul
de studii sud-est europene, Buletinul Institutlui de Studii Sud-Est Europene, VI pp. 69- 78 et 133-138.