Myélite aiguë à risque de SEP chez une femme jeune

2008- Dr J-C. Ouallet 1
OBSERVATION
La situation initiale : des paresthésies soudaines et qui persistent
Cette jeune femme consulte son médecin généraliste :
depuis la veille elle a des sensations « bizarres » dans les membres, du côté gauche.
Ces troubles ont débuté à la fin de sa journée de travail, par une gêne au niveau de la main ;
la patiente a d'abord pensé qu'elle avait appuyé anormalement son coude, mais durant la nuit
les troubles sensitifs ont augmenté.
Au moment de la consultation, alors que les paresthésies persistent, le médecin constate :
une hypoesthésie globale (au tact et plus modérément à la piqûre) au niveau de l'hémicorps
gauche (membre supérieur, hémithorax, épaule, membre inférieur) ; Une hypoesthésie à la
piqure au niveau du membre inférieur droit.
une légère diminution de la force musculaire du membre supérieur et inférieur gauche.
La patiente a un bon état général ; elle n'a pas de maladie intercurrente, en particulier
infectieuse ; pas d'antécédents pathologiques notables, en particulier neurologiques.
Devant la symptomatologie précédemment décrite, après un appel téléphonique auprès de son
correspondant neurologue, le médecin demande à la patiente de le consulter sans tarder.
Le neurologue confirme les constatations faites précédemment ; en particulier il ne note
aucune autre anomalie :
pas de syndrome pyramidal ;
pas de trouble visuel ou de signes cérébelleux ;
pas de trouble des fonctions supérieures.
1. A quel niveau suspectez-vous que se situe l’atteinte neurologique ?
Dans le cas présent l'association de troubles sensitifs et moteurs du membre supérieur gauche
(MSG) et de troubles sensitifs de l'hémicorps gauche, en l'absence d'atteinte faciale, oriente
vers une lésion de localisation médullaire ; l'atteinte du MSG oriente vers une topographie
cervicale. L’atteinte sensitive limitée à la piqure au membre inférieur droit évoque une
atteinte dissociée de la sensibilité spino-thalamique typique d’une atteinte médullaire
Quels seraient les éléments en faveur d'un syndrome lésionnel, non constaté dans le cas
présent ?
Une douleur de type radiculaire (non rapportée dans le cas présent) associée aux troubles
sensitifs et moteurs du MSG, correspondrait à un syndrome lésionnel indiquant le niveau
médullaire de la lésion ; le déficit sensitif au niveau du thorax et de l'abdomen correspondrait
alors à un syndrome sous-lésionnel.
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Une douleur localisée du rachis, spontanée ou provoquée, à rechercher systématiquement,
suggérerait la présence d'une lésion rachidienne responsable de l'atteinte médullaire
(syndrome rachidien).
La conclusion, dans le cas présent, est donc celle d'une suspicion de lésion médullaire
installée depuis moins de 24 heures.
2. Quels mécanismes lésionnels suspectez-vous ? Sur quels arguments ?
Quels examens prescrivez-vous en urgence ? (justifiez votre réponse et hiérarchisez l’ordre
des examens complémentaires à demander)
Chez cette personne jeune, en l'absence d'antécédents pathologiques et de contexte clinique
évocateur d'une cause particulière, le caractère rapidement progressif des troubles et le
caractère modéré de l'atteinte sensitivo-motrice, sans syndrome lésionnel ou signes
rachidiens, font évoquer un mécanisme inflammatoire auto-immun et en particulier une
« myélite idiopathique à risque de SEP ».
Il est cependant nécessaire d'éliminer une autre cause d'atteinte médullaire pouvant relever
d'un traitement en urgence : causes infectieuse (atteinte clinique en général plus bruyante :
myélite transverse ou contexte infectieux associé), tumorale ou rachidienne avec compression
médullaire (atteinte plus progressive sur plusieurs semaines ou mois), ou vasculaire (atteinte
brutale et souvent sévère, facteurs de risques vasculaires).
Examens à réaliser en urgence: IRM de la moelle pour éliminer une compression
médullaire+++. Biologie avec surtout NFS, VS,CRP pour rechercher un syndrome
inflammatoire et orienter rapidement vers une cause infectieuse, tumorale ou systémique. Une
radio de thorax pour les mêmes raisons.
En cas de normalité de l’IRM de la moelle, une IRM cérébrale devra être réalisée en urgence.
Autrement l’IRM cérébrale pourra être réalisée les jours suivants avec le reste du bilan :
ponction lombaire avec iso-électrofocalisation des IgG du LCR, bilan immunologique
sérique.
l’IRM est l'examen le plus important à demander en urgence devant toute suspicion de lésion
médullaire apparue récemment. Elle permet dans le cas présent d’éliminer une compression
médullaire, qui pourrait nécessiter une prise en charge chirurgicale récente et serait une
contre-indication à réaliser une ponction lombaire.
3. Quels résultats à l’IRM de la moelle pourraient faire suspecter une poussée de SEP ?
La présence d’un ou plusieurs hypersignaux intra-médullaire avec certains éléments qui
peuvent orienter: l'absence d'effet de masse, le caractère arrondi intramédullaire non
systématisé à un territoire vasculaire, la taille limitée de la lésion en hauteur (moins de 2
segments vertébraux) et en largeur (épargnant la substance grise centro-médullaire), une
prise de gadolinium évoquant une lésion inflammatoire active, la présence de plusieurs
anomalies de signal de ce type.
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Une lésion infectieuse serait souvent plus étendue en largeur, aspect correspondant à une
« myélite transverse infectieuse ».
4. Qu'attendre de l'IRM cérébrale dans ce contexte ?
L'IRM cérébrale recherche une dissémination des lésions qui peuvent toucher à la fois la
moelle et le cerveau, quelle qu’en soit la nature (infectieuse, tumorale ou inflammatoire
idiopathique).
Dans l'hypothèse d'une SEP, l'IRM cérébrale retrouve dans la majorité des cas des lésions
inflammatoires asymptomatiques de grande sensibilité et de grande spécificité pour la SEP,
ainsi dans le cas présent chez cette femme jeune, la présence de 2 hypersignaux évocateurs
(taille > 3mm, sans effet de masse, ovalaires) au niveau encéphalique. La présence d’au
moins 2 hypersignaux de ce type associé à une ponction lombaire positive (Profil oligoclonal
dans le LCR non retrouvé dans le sang et/ou Synthèse intrathécale d’IgG) indiquent une
dissémination spatiale de l'atteinte inflammatoire selon les critères diagnostic de McDonald
qui oriente vers un risque important de SEP.
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L’IRM DANS LA SEP
(Conférence de consensus 2001)
L’IRM est l’examen le plus sensible (> 90 % pour l’IRM cérébrale, toutes formes de SEP
confondues), mais il est non spécifique.
Il doit être réalisé sur une machine d’au moins 1 Tesla et comporter au minimum les
séquences suivantes : T1, FLAIR, T2 double écho, T1 réalisée 5 minutes après injection d’une
simple dose de gadolinium.
L’IRM médullaire est indiquée en cas de myélopathie ; elle peut également être proposée en
l’absence de lésion sur l’IRM cérébrale et/ou lorsque les anomalies de la substance blanche
peuvent être imputées à l’âge.
Les critères de Barkhof et al. (1997) constituent le meilleur compromis sensibilité-spécificité
pour le diagnostic de dissémination spatiale à l’IRM (sans l’aide de la ponction lombaire). Au
moins 3 des 4 critères sont requis pour retenir la dissémination spatiale :
1 lésion T1 rehaussée par le gadolinium ou 9 lésions hyperintenses T2 ;
au moins 1 lésion sous-tentorielle ;
au moins 1 lésion juxtacorticale ;
au moins 3 lésions périventriculaires.
Les nouvelles techniques d’IRM (spectroscopie, transfert de magnétisation, imagerie
fonctionnelle ou de diffusion) ne participent pas à la définition des critères diagnostiques
actuels.
La Tomodensitométrie (scanner) ne donne pas une bonne définition des lésions médullaires
mais permet de bien visualiser les vertèbres.
La TDM cérébrale permettrait dans le cas présent de rechercher une lésion encéphalique qui
(rarement) épargnerait la face ou des lésions multifocales (infectieuses, tumorales,
inflammatoires) qui atteindraient à la fois le cerveau et la moelle épinière.
A noter que dans le cas présent, la TDM médullaire et cérébrale sera très souvent normale ;
les lésions inflammatoires discrètes, ne seront retrouvées que sur l'IRM (visibles en TDM
seulement dans 1/3 des cas). La TDM médullaire est peut-être demandée dans le cas présent
faute d'une IRM possible immédiatement ; Autrement, elle n’a pas d’intérêt.
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Voici quelques clichés résumant les anomalies retrouvées à l’IRM chez cette patiente :
Figure 1 : séquence T2
Figure 2 : séquence FLAIR
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