Myélite aiguë à risque de SEP chez une femme jeune

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OBSERVATION
La situation initiale : des paresthésies soudaines et qui persistent
Cette jeune femme consulte son médecin généraliste :
depuis la veille elle a des sensations « bizarres » dans les membres, du côté gauche.
Ces troubles ont débuté à la fin de sa journée de travail, par une gêne au niveau de la main ;
la patiente a d'abord pensé qu'elle avait appuyé anormalement son coude, mais durant la nuit
les troubles sensitifs ont augmenté.
Au moment de la consultation, alors que les paresthésies persistent, le médecin constate :
– une hypoesthésie globale (au tact et plus modérément à la piqûre) au niveau de l'hémicorps
gauche (membre supérieur, hémithorax, épaule, membre inférieur) ; Une hypoesthésie à la
piqure au niveau du membre inférieur droit.
– une légère diminution de la force musculaire du membre supérieur et inférieur gauche.
La patiente a un bon état général ; elle n'a pas de maladie intercurrente, en particulier
infectieuse ; pas d'antécédents pathologiques notables, en particulier neurologiques.
Devant la symptomatologie précédemment décrite, après un appel téléphonique auprès de son
correspondant neurologue, le médecin demande à la patiente de le consulter sans tarder.
Le neurologue confirme les constatations faites précédemment ; en particulier il ne note
aucune autre anomalie :
– pas de syndrome pyramidal ;
– pas de trouble visuel ou de signes cérébelleux ;
– pas de trouble des fonctions supérieures.
1. A quel niveau suspectez-vous que se situe l’atteinte neurologique ?
Dans le cas présent l'association de troubles sensitifs et moteurs du membre supérieur gauche
(MSG) et de troubles sensitifs de l'hémicorps gauche, en l'absence d'atteinte faciale, oriente
vers une lésion de localisation médullaire ; l'atteinte du MSG oriente vers une topographie
cervicale. L’atteinte sensitive limitée à la piqure au membre inférieur droit évoque une
atteinte dissociée de la sensibilité spino-thalamique typique d’une atteinte médullaire
Quels seraient les éléments en faveur d'un syndrome lésionnel, non constaté dans le cas
présent ?
Une douleur de type radiculaire (non rapportée dans le cas présent) associée aux troubles
sensitifs et moteurs du MSG, correspondrait à un syndrome lésionnel indiquant le niveau
médullaire de la lésion ; le déficit sensitif au niveau du thorax et de l'abdomen correspondrait
alors à un syndrome sous-lésionnel.
2008- Dr J-C. Ouallet
1
Une douleur localisée du rachis, spontanée ou provoquée, à rechercher systématiquement,
suggérerait la présence d'une lésion rachidienne responsable de l'atteinte médullaire
(syndrome rachidien).
La conclusion, dans le cas présent, est donc celle d'une suspicion de lésion médullaire
installée depuis moins de 24 heures.
2. Quels mécanismes lésionnels suspectez-vous ? Sur quels arguments ?
Quels examens prescrivez-vous en urgence ? (justifiez votre réponse et hiérarchisez l’ordre
des examens complémentaires à demander)
Chez cette personne jeune, en l'absence d'antécédents pathologiques et de contexte clinique
évocateur d'une cause particulière, le caractère rapidement progressif des troubles et le
caractère modéré de l'atteinte sensitivo-motrice, sans syndrome lésionnel ou signes
rachidiens, font évoquer un mécanisme inflammatoire auto-immun et en particulier une
« myélite idiopathique à risque de SEP ».
Il est cependant nécessaire d'éliminer une autre cause d'atteinte médullaire pouvant relever
d'un traitement en urgence : causes infectieuse (atteinte clinique en général plus bruyante :
myélite transverse ou contexte infectieux associé), tumorale ou rachidienne avec compression
médullaire (atteinte plus progressive sur plusieurs semaines ou mois), ou vasculaire (atteinte
brutale et souvent sévère, facteurs de risques vasculaires).
Examens à réaliser en urgence: IRM de la moelle pour éliminer une compression
médullaire+++. Biologie avec surtout NFS, VS,CRP pour rechercher un syndrome
inflammatoire et orienter rapidement vers une cause infectieuse, tumorale ou systémique. Une
radio de thorax pour les mêmes raisons.
En cas de normalité de l’IRM de la moelle, une IRM cérébrale devra être réalisée en urgence.
Autrement l’IRM cérébrale pourra être réalisée les jours suivants avec le reste du bilan :
ponction lombaire avec iso-électrofocalisation des IgG du LCR, bilan immunologique
sérique.
l’IRM est l'examen le plus important à demander en urgence devant toute suspicion de lésion
médullaire apparue récemment. Elle permet dans le cas présent d’éliminer une compression
médullaire, qui pourrait nécessiter une prise en charge chirurgicale récente et serait une
contre-indication à réaliser une ponction lombaire.
3. Quels résultats à l’IRM de la moelle pourraient faire suspecter une poussée de SEP ?
La présence d’un ou plusieurs hypersignaux intra-médullaire avec certains éléments qui
peuvent orienter: l'absence d'effet de masse, le caractère arrondi intramédullaire non
systématisé à un territoire vasculaire, la taille limitée de la lésion en hauteur (moins de 2
segments vertébraux) et en largeur (épargnant la substance grise centro-médullaire), une
prise de gadolinium évoquant une lésion inflammatoire active, la présence de plusieurs
anomalies de signal de ce type.
2008- Dr J-C. Ouallet
2
Une lésion infectieuse serait souvent plus étendue en largeur, aspect correspondant à une
« myélite transverse infectieuse ».
4. Qu'attendre de l'IRM cérébrale dans ce contexte ?
L'IRM cérébrale recherche une dissémination des lésions qui peuvent toucher à la fois la
moelle et le cerveau, quelle qu’en soit la nature (infectieuse, tumorale ou inflammatoire
idiopathique).
Dans l'hypothèse d'une SEP, l'IRM cérébrale retrouve dans la majorité des cas des lésions
inflammatoires asymptomatiques de grande sensibilité et de grande spécificité pour la SEP,
ainsi dans le cas présent chez cette femme jeune, la présence de 2 hypersignaux évocateurs
(taille > 3mm, sans effet de masse, ovalaires) au niveau encéphalique. La présence d’au
moins 2 hypersignaux de ce type associé à une ponction lombaire positive (Profil oligoclonal
dans le LCR non retrouvé dans le sang et/ou Synthèse intrathécale d’IgG) indiquent une
dissémination spatiale de l'atteinte inflammatoire selon les critères diagnostic de McDonald
qui oriente vers un risque important de SEP.
2008- Dr J-C. Ouallet
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L’IRM DANS LA SEP
(Conférence de consensus 2001)
L’IRM est l’examen le plus sensible (> 90 % pour l’IRM cérébrale, toutes formes de SEP
confondues), mais il est non spécifique.
Il doit être réalisé sur une machine d’au moins 1 Tesla et comporter au minimum les
séquences suivantes : T1, FLAIR, T2 double écho, T1 réalisée 5 minutes après injection d’une
simple dose de gadolinium.
L’IRM médullaire est indiquée en cas de myélopathie ; elle peut également être proposée en
l’absence de lésion sur l’IRM cérébrale et/ou lorsque les anomalies de la substance blanche
peuvent être imputées à l’âge.
Les critères de Barkhof et al. (1997) constituent le meilleur compromis sensibilité-spécificité
pour le diagnostic de dissémination spatiale à l’IRM (sans l’aide de la ponction lombaire). Au
moins 3 des 4 critères sont requis pour retenir la dissémination spatiale :
– 1 lésion T1 rehaussée par le gadolinium ou 9 lésions hyperintenses T2 ;
– au moins 1 lésion sous-tentorielle ;
– au moins 1 lésion juxtacorticale ;
– au moins 3 lésions périventriculaires.
Les nouvelles techniques d’IRM (spectroscopie, transfert de magnétisation, imagerie
fonctionnelle ou de diffusion) ne participent pas à la définition des critères diagnostiques
actuels.
La Tomodensitométrie (scanner) ne donne pas une bonne définition des lésions médullaires
mais permet de bien visualiser les vertèbres.
La TDM cérébrale permettrait dans le cas présent de rechercher une lésion encéphalique qui
(rarement) épargnerait la face ou des lésions multifocales (infectieuses, tumorales,
inflammatoires) qui atteindraient à la fois le cerveau et la moelle épinière.
A noter que dans le cas présent, la TDM médullaire et cérébrale sera très souvent normale ;
les lésions inflammatoires discrètes, ne seront retrouvées que sur l'IRM (visibles en TDM
seulement dans 1/3 des cas). La TDM médullaire est peut-être demandée dans le cas présent
faute d'une IRM possible immédiatement ; Autrement, elle n’a pas d’intérêt.
2008- Dr J-C. Ouallet
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Voici quelques clichés résumant les anomalies retrouvées à l’IRM chez cette patiente :
Figure 1 : séquence T2
Figure 2 : séquence FLAIR
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Séquence n° 2 .
La conclusion provisoire expliquée à la patiente est celle d'une myélite aiguë justifiant la
poursuite des investigations.
5. Quelles sont ces investigations à réaliser (justifiez)?
Parmi les diverses causes possibles, celle d'une première atteinte inflammatoire (syndrome
cliniquement isolé)annonciatrice d'un risque de SEP est la plus probable.
La reprise de l'anamnèse ne retrouve pas d'arguments pour une infection virale récente ou
une maladie générale inflammatoire systémique. L’aspect des lésions à l’IRM est évocateur
de SEP(arrondies, 1 lésion touchant la moelle, une péri-ventriculaire et une juxtacorticale).Le bilan sera donc orienté par ce diagnostic.
Le bilan comprendra obligatoirement la réalisation d’une IRM cérébrale de suivi avec un
délai en général de 3 mois, à la recherche d’une dissémination temporelle. En cas d’absence
de dissémination temporelle sur cette IRM une autreIRM pourra être prescrite avec à
nouveau un délai de plus de 3 mois.
La ponction lombaire peut être discutée avec biochimie, cytologie (pour éliminer une
infection), recherche d’une synthèse intrathéquale d’IgG et profil oligoclonal à
l’isoélectrofocalisation en faveur d’un risque supplémentaire de SEP : possibilité de
compléter les critères de dissémination dans l’espace des critères diagnostics de McDonald.
Un bilan immunologique à titre de diagnostic différentiel peut être prescrit : Facteurs
antinucléaires, anti-phospholipides, anti DNA natif pour rechercher un lupus, anti antigènes
nucléaires solubles (notamment SSA, SSB dans l’hypothèse d’un syndrome de Goujerot
Sjogren)
La patiente signale une fatigue importante survenue 4 à 5 jours avant le début des troubles
neurologiques, fatigue qu'elle n'avait jamais ressentie jusqu'alors. Elle est hospitalisée.
L'étude du LCR montre la présence de 12 éléments par mm3 (quelques jours plus tard sera
mis en évidence un profil oligoclonal des IgG du LCR).
Un bilan biologique à visée étiologique s'avérera négatif.
Les potentiels évoqués visuels pratiqués deux semaines plus tard seront négatifs.
6. Le diagnostic de SEP peut-il être confirmé ?
Dans l'état actuel des constatations, une SEP ne peut être affirmée car il n’existe pas de
critère de dissémination dans le temps.
Critères diagnostiques de McDonald 2001
2008- Dr J-C. Ouallet
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Nombre de
poussées
Signes de
localisation
clinique
2 ou plus
2 ou plus
2 ou plus
1
1
2 ou plus
1
(monosymptomatique)
1
0
(progression primaire)
1

Critères additionnels nécessaires
pour établir le diagnostic de SEP
Aucun
1. Dissémination dans l’espace par IRM
(3 des 4 critères de Barkhof)
ou 2. LCR positif (bandes oligoclonales ou
élévation de l’index IgG du LCR) et au moins 2
lésions à l’IRM suggestives de SEP
Dissémination dans le temps par IRM (prise de
gadolinium sur une IRM réalisée à 3 mois de
distance* du début de la poussée ou nouvelle lésion
en T2 sur une IRM supplémentaire à encore au
moins 3 mois de distance de la précédente IRM**)
Dissémination dans l’espace par IRM ou LCR
positif et 2 lésions à l’IRM
Et
Dissémination dans le temps par IRM
(voir supra)
LCR positif
Et
Dissémination dans l’espace :
. Au moins 9 lésions en T2 sur l’IRM
cérébrale
. ou 2 lésions sur l’IRM médullaire
. ou 1 lésion médullaire et 4 à 8 lésions
cérébrales
. ou positivité des PEV et 4à 8 lésions
cérébrales en IRM
. ou positivité des PEV, 1 lésion médullaire
et moins de 4 lésions cérébrales à l’l’IRM
Et
Dissémination dans le temps par l’IRM ou
progression clinique sur plus d’1 an
*Les prises de gadolinium d’une poussée
aiguë ne durent en effet théoriquement
pas plus de 2 mois. **Si l’on admet
qu’une première IRM a été réalisée au
moment de la première poussée, il s’agira
alors de la 3 IRM.
Critères diagnostiques de McDonald 2005 (Polman)
2008- Dr J-C. Ouallet
7
Polman et al., Ann Neurol 2005,
2008- Dr J-C. Ouallet
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2008- Dr J-C. Ouallet
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Une SEP ne peut être affirmée
Effectivement, le diagnostic de SEP ne peut être affirmé dans le cas présent. Le diagnostic de
SEP repose sur la mise en évidence d'une double dissémination, spatiale et temporelle, des
lésions inflammatoires idiopathiques du SNC ; dans le cas présent la dissémination temporelle
est absente.
Certains patients peuvent n’avoir dans leur vie qu’un seul événement inflammatoire
idiopathique et ne pas développer de SEP.
2008- Dr J-C. Ouallet
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7. Proposez-vous un traitement ? Lequel ?
Peut-on proposer la mise en route d’un traitement de fond ? lequel ?
Le diagnostic de myélite aiguë conduit à proposer à la patiente un traitement corticoïde
intraveineux (solumédrol 1 000 mg, dans 250 ml de glucosé isotonique, à passer en 3 heures;
à répéter 3 jours de suite).
Il n’y a pas d’indication à la mise en route d’un traitement de fond (Interféron ou acétate de
glatiramère en première intention dans une SEP non aggressive). En effet ces traitements
requièrent un diagnostic de SEP selon les critères de McDonald avec dissémination dans le
temps (traitement possible après une première poussée clinique s’il existe une récidive à
l’IRM).
La patiente quitte l'hôpital le lendemain de la dernière perfusion de solumédrol.
Un rendez-vous a été pris avec son neurologue pour dans 3 semaines.
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Quelles sont les principales causes de myélite aiguë à rechercher chez cette personne jeune
en l'absence de contexte clinique évocateur ? Quelles sont les maladies générales pouvant
débuter par un tableau clinique de myélite aiguë ?
Par ordre de fréquence, devant une myélite aiguë, la « myélite inflammatoire idiopathique à
risque de récidive » (et donc de SEP) est évoquée en priorité chez cette femme jeune sans
contexte étiologique évident.
D’autres maladies auto-immunes avec extension possible au niveau du SNC, sont à écarter :
lupus, sarcoïdose, maladie de Sjögren.
Les causes infectieuses réalisent souvent un tableau clinique plus bruyant : myélite transverse
avec paraplégie et rétention urinaire.
Une atteinte tumorale, d'évolution habituellement lente, par compression médullaire
extrinsèque ou, plus rarement par tumeur intramédullaire est écartée par l’IRM.
Une cause vasculaire, malformation artérioveineuse au niveau de la charnière craniooccipitale, visualisée par l'IRM, peut se traduire par une symptomatologie neurologique
atypique chez un adulte jeune.
Signalons encore comme autres causes possibles d'une symptomatologie médullaire aiguë
chez un adulte jeune : une syringomyélie, une maladie du rachis, en particulier une hernie
discale.
Qu'attendre de l'étude du LCR devant une suspicion de myélite aiguë ?
La PL permet d'éliminer certains diagnostics différentiels de la SEP et d'apporter des éléments
en faveur du diagnostic de SEP.
Dans le contexte d'une myélite aiguë d'origine encore indéterminée, l'examen du LCR permet
d'éliminer une cause infectieuse responsable de méningite en particulier d'origine virale et de
rechercher des éléments indiquant un risque d'évolution vers une SEP.
Le profil oligoclonal des IgG du LCR non retrouvé dans le serum (ou/et une synthèse
intrathécale des IgG) a une forte spécificité pour le risque de SEP : il est observé dans plus de
90 % des cas au cours de l'évolution d'une SEP ; il est retrouvé dans 60 à 70 % des cas dès la
1re poussée.
Les critères cliniques et IRM de la SEP sont aujourd’hui bien établis (cf. tableaux critères de
McDonald) ; la survenue d'une récidive après une myélite inflammatoire régressive est
absolument nécessaire pour affirmer un diagnostic de SEP.
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Séquence n° 3. Information de la patiente sur le risque ultérieur de SEP
Trois semaines plus tard la patiente, accompagnée par son conjoint, consulte son neurologue ;
Les troubles neurologiques ont régressé, de même la fatigue.
Bien que le mot de « sclérose en plaques » n'ait pas été prononcé, la patiente est angoissée :
elle s'est renseignée sur Internet… la consultation d'un blog de patients ayant une SEP l'a
bouleversée…
en fait elle est persuadée d'avoir une SEP !
Le médecin rappelle qu'en l'état actuel des constatations on ne peut parler de SEP du fait de
l’absence de dissémination temporelle même si il existe effectivement un risque élevé de
récidive et donc un risque élevé de survenue ultérieure d'une SEP.
Ce risque rend nécessaire une surveillance, par la clinique et l'IRM dans les mois à venir du
fait de l’indication d’un traitement de fond immunomodulateur si le diagnostic de SEP se
confirmait.
La patiente et son conjoint expriment leur angoisse face à l'image qu'ils ont de la SEP ;
le médecin insiste, d'une part sur l'absence de certitude diagnostique actuelle,
d'autre part, au cas où ultérieurement une SEP se confirmerait sur :
– le caractère aléatoire de l'évolution et l'existence de formes bénignes de la maladie ;
– les éléments de pronostic favorable dans le cas présent ;
– les ressources thérapeutiques actuelles.
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Quel est le risque de récidive depuis une première poussée de myélite inflammatoire… et
donc le risque de survenue d'une SEP ?
Après une première poussée clinique régressive de myélite, en cas de lésions multifocales
évocatrices de SEP sur l'IRM (ainsi dans le cas présent), le risque de récidive et donc
d'évolution vers une SEP est d’environ 80 % : il n'est pas de 100 %.
En cas d'atteinte purement médullaire, en l'absence d'anomalies IRM au niveau cérébral, le
risque de survenue d'une SEP est inférieur à 50 %.
En cas de signes seulement cliniques, en l'absence d'anomalies IRM, médullaires ou
cérébrales, le risque est de 20 % : une IRM normale au cours de la 1re poussée n'écarte pas
totalement la survenue ultérieure d'une SEP.
Quelle surveillance proposer après une première poussée de myélite inflammatoire
régressive ?
Après la 1re poussée de myélite et après la 1re IRM, une IRM est indiquée 3 à 4 mois plus
tard, même en l'absence d'événement clinique.
L'objectif est de rechercher une éventuelle extension des lésions dans le temps, ce qui
permettra d'affirmer une SEP.
En cas de négativité à ce 1er contrôle, l'IRM sera répétée à nouveau 3 à 4 mois plus tard.
Après la 1re année, en l'absence d'événement clinique, la pratique d'une nouvelle IRM n'est
pas recommandée.
Un examen neurologique pratiqué à 3 mois et à 6 mois permettra de s'assurer de la
récupération des anomalies après la 1re poussée et de l'absence d'apparition de nouveaux
signes qui témoigneraient d'une récidive clinique et feraient affirmer une SEP.
Quelle annonce diagnostique faire à ce stade, après la 1re poussée de myélite
inflammatoire ?
A ce stade, le diagnostic de myélite inflammatoire idiopathique ayant été expliqué à la
patiente, il est nécessaire de l'informer du risque de récidive et de répondre à ses premières
interrogations si elle a été alertée sur la possibilité ultérieure d'une SEP (par le compte rendu
de l'IRM ou par ses propres recherches sur Internet, en particulier après la corticothérapie
intraveineuse) :
«…vous n'avez pas de SEP… il est vrai que vous avez un risque d'avoir ultérieurement une
SEP… ce n'est pas une certitude… une surveillance systématique clinique et IRM est
nécessaire la première année… en cas de récidive de la poussée un traitement spécifique de
la prévention des récidives sera mis en place…»
Eléments pronostiques
2008- Dr J-C. Ouallet
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Existe-t-il des éléments pronostiques favorables et défavorables après une première poussée
de myélite inflammatoire ?
Après une première poussée de myélite inflammatoire idiopathique l'évolution est
imprévisible comme on vient de le voir. Cependant sont des éléments défavorables indiquant
un risque élevé de récidive :
–– la positivité de la PL (profil oligoclonal des IgG restreinte au LCR ou synthèse
intrathécale d’IgG, même en l’absence de profil oligoclonal) ;
– l’importance des lésions inflammatoires à l'IRM (prenant le gadolinium).
Quelles sont les indications des traitements de fond actuels de la SEP ? Existe-t-il une
tendance à les mettre en œuvre plus précocement qu'auparavant ?
Les traitements de fond actuels (interféron ; acétate de glatiramère ; natalizumab) sont
réservés aux diagnostics confirmés de SEP après une récidive clinique ou IRM ; ils n'ont
donc pas d'indication pour une première poussée de myélite inflammatoire idiopathique sans
preuve de dissémination temporelle clinique ou IRM.
2008- Dr J-C. Ouallet
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Séquence n° 4. La patiente fait part de ses préoccupations
La patiente a préparé des questions à propos de points qui la préoccupent depuis ces dernières
semaines…
« au cas où elle débuterait une SEP » :
– doit-elle prendre certaines précautions (1) dans sa vie quotidienne ?
– que répondre dans le questionnaire médical qu'elle doit remplir pour obtenir un prêt
immobilier (2) ?
– doit-elle informer ses proches (3) alors qu'elle est partagée entre un désir de discrétion et
un désir d'aide psychologique de leur part ?
– quel psychiatre ou quel (le) psychologue habitué (e) à ce type de situation peut-elle
consulter ?
– que faire à propos de la vaccination contre l'hépatite B (4) qu'elle doit recevoir (elle
envisage d'être aide-soignante) ?
– une infection herpétique (5) est-elle une cause de déclenchement de la SEP (comme elle
l'a lu) alors que son conjoint a un herpès génital récurrent… ?
– doit-elle surseoir à son désir d'avoir un premier enfant (6) ?
2008- Dr J-C. Ouallet
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1. prendre des précautions
A ce stade certaines précautions sont-elles à prendre pour diminuer le risque de récidive ?
Non ! Aucune précaution n'est à prendre à ce stade, en particulier en ce qui concerne
l’alimentation, le mode de vie, la contre-indication de tel ou tel médicament.
En cas de handicap séquellaire neurologique après la première poussée, le patient évitera de
s'exposer toutefois à de très fortes chaleurs : l'augmentation de la température corporelle tend
à diminuer la conduction myélinique et à augmenter transitoirement les déficits
neurologiques.
2. obtenir un prêt immobilier
Que conseiller à la patiente pour la réponse qu'elle doit faire aux questionnaires médicaux
accompagnant les demandes d'assurance (prêt immobilier ; assurance décès ; etc.) ?
Avant tout il faut bien indiquer au patient que la réponse à cette question est sous sa seule
responsabilité : l'information qui a été délivrée par ses médecins est couverte par le secret
professionnel.
En déclarant une SEP (que la patiente n'a pas dans le cas présent) la personne s'expose à un
refus de son assurance ou à une forte augmentation des primes qu'elle devra verser ; ce non
seulement pour la démarche faite sur le moment, mais aussi pour toutes les démarches
ultérieures… cependant, une fausse déclaration pourrait engager sa responsabilité juridique au
cas où l'assurance déclencherait un recours devant les Tribunaux ; seule cette (rare) procédure
pouvant aboutir à une saisie du dossier médical !
Une possibilité est de souscrire une assurance sans questionnaire médical : assurance de
banque en général plus chère, assurance de mutuelle spécifique ou assurance spécialisée pour
les personnes handicapées en cas de séquelles.
3. informer ses proches
Que conseiller en général à un patient SEP au début de sa maladie à propos des informations
à délivrer ou ne pas délivrer à ses proches ?
Il appartient au patient SEP de décider en fonction de sa situation personnelle et familiale s'il
doit ou non parler de sa maladie à ses proches.
L'avantage d'en parler aux proches, en particulier au conjoint, est d'une part d'établir un
contact de confiance (comment serait-il possible de cacher sa maladie, au fil des
consultations, des IRM, du traitement de fond par voie injectable…), et d'autre part de
bénéficier d'un soutien psychologique.
L'inconvénient d'en parler à d'autres personnes que « les personnes de confiance » peut être
celui d'être soumis à un regard involontairement négatif, en particulier au plan professionnel.
De manière générale, le conseil peut être d'en parler à son conjoint et aux personnes de
confiance et à l’inverse de ne pas parler de sa maladie au-delà de ce cercle protecteur et
directement concerné ; ce qui serait d’autant plus prématuré dans le cas présent que la patiente
n’a pas de SEP avérée.
Sur le lieu de travail le maintien du secret est souvent souhaitable (rappelons que le médecin
du travail est soumis à la règle du secret médical), notamment en cas de contrat à durée
déterminée, hormis dans le cas où la maladie permet l’accès à un poste de personne
2008- Dr J-C. Ouallet
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handicapée intéressant l’entreprise. A contrario, en cas de contrat à durée indéterminée et de
handicap séquellaire, parler de sa maladie permettra parfois de clarifier les difficultés
rencontrées en établissant un contact authentique et susceptible d’aboutir à une adaptation du
poste de travail.
4. se faire vacciner contre l'hépatite B
Que conseiller à cette patiente qui doit avoir une vaccination contre l'hépatite B en raison
d'un risque professionnel ? A-t-elle le droit de s'opposer à cette vaccination sans conséquence
professionnelle ?
Aucune vaccination n'est contre-indiquée par la SEP (cf. Les recommandations ANAES
d'après la conférence de consensus 2001).
Les études portant sur le risque de SEP après vaccination contre l'hépatite B ont montré, dans
leur quasi-totalité, une absence de lien significatif entre la vaccination et le risque de SEP. Il
en est de même des patients déjà atteints de SEP vaccinés.
Cependant, à la suite de décisions juridiques au cas par cas, ayant conduit à une indemnisation
de patients après une vaccination contre l'hépatite B, une incertitude persiste concernant la
jurisprudence. En effet quelques patients ont été indemnisés sur décisions juridiques
interprétant le bénéfice du doute après l’avis des experts sur l'hypothèse toujours possible d'un
risque très faible. Cette situation juridique spécifique à la France relayée par les campagnes
médiatiques menées en France sur le sujet, nécessite une prudence. Quel que soit le caractère
rassurant des études scientifiques, aucune ne peut garantir à 100 % l'innocuité du vaccin
contre l'hépatite B ; dans tous les cas le libre choix de la personne doit être respecté, une fois
l’information donnée.
En pratique la vaccination contre l'hépatite B est conseillée chez tous les nourrissons car
aucun cas de SEP n'a été rapporté à la vaccination à cet âge et le bénéfice apporté sur la
prévention des hépatites chroniques et des cancers du foie à l'âge adulte n'est pas à démontrer.
Chez un adulte, les vaccinations recommandées en raison d'un risque identifiable particulier
(professionnel ou familial principalement) doivent être conseillées, y compris chez les
personnes ayant une SEP ; dans un tel cas, l'absence de vaccination mettrait en effet le
médecin non-prescripteur en situation de faute en cas de survenue d'une hépatite B et/ou d'une
de ses complications.
5. un risque de poussée liée aux infections
Certaines infections sont-elles impliquées dans la survenue de poussées de SEP ?
Il n'y a aucun risque démontré de survenue d'une SEP en liaison causale directe avec une
maladie infectieuse quelle qu'elle soit ; néanmoins le risque de poussée de SEP est faiblement
augmenté après une infection des voies aériennes supérieures, en particulier virale. Les
patients avec sérologie EBV positive seraient à risque sans qu’un lien causal direct puisse être
identifié.
A contrario, certaines infections parasitaires digestives pourraient protéger contre les poussées
de SEP.
Signalons qu’il sera parfois utile, face à certaines croyances, de rappeler que la SEP n'est pas
une maladie contagieuse.
2008- Dr J-C. Ouallet
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6. désir de grossesse
Que dire à une patiente chez qui une SEP serait confirmée et qui désire avoir un enfant ?
Le désir d'une femme atteinte de SEP d'avoir un enfant doit être respecté.
La grossesse n'apporte pas un risque évolutif particulier de la SEP ; la fréquence des poussées
est diminuée durant la grossesse et légèrement augmentée dans le postpartum. Le risque
d’évolution du handicap n’est pas modifié.
Le risque d'évolution à long terme vers un handicap, ce dont est prévenue la patiente,
n'empêche pas habituellement la décision d'avoir un enfant.
Quand au risque encouru par l'enfant, il convient de préciser aux futurs parents que la SEP
n'est pas une maladie génétique ou héréditaire, même si, comme pour beaucoup d'autres
maladies, il existe une prédisposition génétique. Ainsi,
le risque statistique d'avoir une SEP, de l'ordre de 0,1 % dans la population générale, est de
l'ordre de 4 % si la mère a une SEP et de l'ordre de 3 % si le père a une SEP ; ce risque est
bien inférieur au risque global de la vie : risque de malformation ou maladie congénitale,
cancer, accident coronaire , traumatisme grave…
Enfin, l'apparition de médicaments nouveaux actuellement en cours d’étude laisse présager un
profil évolutif à venir beaucoup plus favorable dans la plupart des SEP.
Objectifs pédagogiques
• Reconnaître la localisation médullaire d’une atteinte neurologique
• Agir en urgence devant une symptomatologie médullaire aiguë
• Connaître les principales causes des myélites inflammatoires aiguës
• Demander un bilan biologique à visée étiologique devant une myélite inflammatoire aiguë
• Dans le contexte d’une myélite inflammatoire aiguë, réunir les éléments en faveur du risque
ultérieur de SEP
• Organiser la surveillance clinique et IRM de la 1re année après une myélite aiguë régressive
• Informer le patient d’un risque ultérieur de SEP après une myélite inflammatoire aiguë
• Dans une situation à risque élevé de SEP, après une myélite inflammatoire aiguë régressive,
répondre aux premières interrogations du patient
2008- Dr J-C. Ouallet
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Diagnostic Précoce de SEP par IRM en pratique
IRM : dissémination temporelle
Début épisode
neurologique
0-1 mois
1re IRM
1 lésion Gd+ dans un territoire
différent de celui impliqué dans
la 1re poussée
= dissémination dans le temps
3 mois
2e IRM
IRM de référence pour les lésions
T2 > 1 mois
IRM pour rechercher DIT avec Gd
> 3 mois
2008- Dr J-C. Ouallet
3e IRM
1 nouvelle lésion T2
= dissémination dans le temps
20
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