exploités de tous les siècles savent qui les exploite, et
comment. Les exploités forgent leur conscience dans la
quotidienneté de l'exploitation elle-même, et non dans les
méandres de l'imaginaire. Or, comme le dit Marx, « dans la vie
courante, n'importe quel boutiquier sait fort bien faire la
distinction entre ce que chacun prétend être et ce qu'il est
réellement ». (MARX, ENGELS, L'Idéologie allemande, E. S.,
p. 79.)
La maxime objective qui régit les rapports de classe pratiques,
celle qui traverse tout, y compris la philosophie, c'est : « Là où
il y a oppression, il y a révolte. » Les opprimés veulent
renverser les exploiteurs, les exploiteurs briser toute résistance.
Tout ce qu'ils pensent ne peut que refléter cette nécessité
fondamentale. Il en résulte que la singularité de la philosophie
marxiste n'est ni dans son rapport conscient à la lutte des
classes, ni dans son lien à la pratique sociale, et plus
particulièrement à la lutte politique (Platon, Aristote, Leibniz,
Spinoza, Rousseau, Hegel, etc., sont tous des théoriciens de la
politique, et, pour beaucoup d'entre eux, des praticiens.).
Encore moins représente-t-elle un « réel » qui s'oppose à
1'« imaginaire » des philosophies antérieures.
La vérité, c'est que toute une couche de gloses sur l'idéologie
comme « représentation imaginaire », tout un discours visant à
lier le marxisme à la théorie de l'inconscient par le biais de la
phantasma-tique idéologique, ou de la théorie du sujet, a fini
par obscurcir durablement la question. (De ces tentatives
obstinées, Michel Pêcheux, qui fait figure il est vrai de fossile
laissé là tel quel par les sédimentations issues de Mai 68, offre
encore le tableau le plus laborieux : « Le rapport entre
inconscient (au sens freudien) et idéologie (au sens marxiste)