Economie - Semestre 2 - La sphère publique : définition, histoire et justifications. L'intervention publique n'est justifiée que parce qu'il y a des allocations sous-optimales des ressources. C'est ce qu'on appelle les market failures – les défaillances de marché. Adam Smith en eut l'intuition, Arrow et Debreu ont donné la démonstration de ce qu'il y avait une façon de rendre compatible ces actions d'agents uniquement motivés par leur intérêt particulier. Individuellement tous les agents sont sur un maximum. Cette situation définit un optimum collectif : la procédure marchande concurrentielle conduit à un optimum au sens de Pareto : une situation collective dans laquelle il n'est pas possible de modifier la situation d'un agent sans détériorer celle d'un autre – autrement dit une forme de statu quo. À chaque fois que c'est possible, la concurrence est ce qu'il y a de plus souhaitable. Cette solution serait préférable à toute autre résolution de la coordination des agents. Cela explique que les néoclassiques défendent la concurrence, y compris dans les services publiques. Certains économistes contestent cette optimalité de la procédure concurrentielle. Ils trouvent une légitimation à l'intervention publique. Si la procédure concurrentielle est prise en défaut, alors il y a nécessité d'intervention de l'Etat. Musgrave va identifier dans son ouvrage de 1959 trois justifications de l'intervention publique. La situation dans laquelle l'intervention publique porterait sur des biens n'ayant pas les caractéristiques prêtées aux biens privatifs : le fait qu'ils soient rivaux et excludables (le fait qu'il soit possible d'exclure un agent de l'usage d'un bien). Ces biens sont appelés des biens publics. En présence de biens publics, il y a défaillance de marché, l'intervention publique est justifiée. Deuxième cas : lorsque la procédure d'allocation marchande conduit à un résultat qui n'est manifestement pas l'optimum parce qu'il y a eu des altérations dans l'allocation de bien-être qui se sont passées en dehors du marché. C'est ce que les économistes ont identifié comme des effets externes ou externalités. Les cas typiques d'externalités sont les pollutions. Troisième situation : le monopole naturel, à savoir que la procédure concurrentielle sélectionne un seul producteur, qui se trouve en position dominante, et va chercher à constituer une rente de monopole. L'économie publique couvre donc les domaines qui ont trait à l'optimum, aux biens publics et choix publics, auxquels on ajoute les questions de justice et donc de redistribution théorisées par l'économiste Amartya Sen, avec en plus la question de l'environnement et des risques. À ces trois défaillances vont correspondre trois fonction de l'Etat : allocation, répartition, stabilisation. Elles s'interprètent toutes les trois d'après les défaillances susmentionnées. Lorsque la main invisible du marché procède à l'allocation optimale des ressources. Lorsqu'elle est prise en défaut, la main visible de l'Etat prend le relai. La fonction d'allocation ou d'attribution des ressources consiste à rendre optimale l'allocation des ressources. Ces ressources, c'est le capital, le travail et les ressources naturelles. Et dès lors que la procédure marchande classique ne permet pas d'atteindre l'optimum, on est en situation sous-optimale, et l'Etat doit ramener l'économie à l'optimum. Cinq situations typiques où l'Etat est fondé à intervenir. Le monopole (absorbtion, fusion d'entreprises) que l'Etat peut casser, réglementer, nationaliser. Deuxième situation : les rendements croissants – situation qu'on rencontre en économies de réseaux. L'Etat intervient en nationalisant le monopole, souvent. Troisième situation : les pollutions et autres externalités, à savoir que le prix n'intègre pas les coûts annexes. Quattro : les biens publics (éducation ?). Quinto : les biens dits tutélaires, l'Etat souhaite influer sur la consommation des consommateurs souverains (santé, hygiène, éducation). L'éducation est nécessaire à l'économie, on la rend obligatoire jusqu'à seize ans. À l'inverse, limitation de la consommation de tabac. La fonction de répartition. On peut considérer que les inégalités qu'on voit se former sur le marché ne sont ni fondées, ni souhaitables pour le bon fonctionnement de l'économie. Il ne faut pas aller jusqu'à l'égalitarisme qui conduit à une paralysie des marchés. On ne peut pas se passer du marché, mais on ne doit pas lui laisser le dernier mot. Où placer le curseur, alors ? Dans tous les cas, l'Etat va intervenir par le budget et la fiscalité, ainsi qu'une politique sociale. Dans cette fonction de répartition, l'Etat peut aussi chercher à améliorer les chances d'accès à un certain nombre de biens. Ça passe par la mise en place de services publics. La fonction de stabilisation sert à réguler l'activité économique. Le plein emploi de la force de travail, la croissance, ... etc. Ce sont les politiques conjoncturelles d'intervention publique. Ces trois fonctions sont-elles interdépendantes ou non ? Musgrave affirme qu'elles sont interdépendantes, tout en ajoutant qu'elles pouvaient être menées par des services différents. On a une infinité de solutions possibles à l'allocation des ressources. L'Etat doit faire des choix. L'économiste montre les voix possibles, leurs coûts et avantages. La théorie économique ne définit pas de solutions. La répartition spontanée des ressources qu'opère le marché doit être corrigée. Mais les politiques de redistribution on des effets sur l'activité économique, autrement dit sur la fonction de stabilisation/régulation. Chaque service du gouvernement pourrait se spécialiser dans l'accomplissement d'une des fonctions, sous réserve que les autres fonctions soient assurée de manière optimale par les autres services. Cette séparabilité des fonctions a fait débat parmi les économistes. Il faut mettre en agence les fonctions. Musgrave a le mérite de créer une typologie claire, mais elle est normative et fait l'impasse sur les conflits d'intérêts qui pourraient opposer les différents bureaux, pour reprendre le terme de l'école du Public Choice. Les biens publics. La théorie économique repose sur plusieurs piliers. La théorie des préférences explique les goûts du consommateurs, et les technologies pour les producteurs. La théorie des préférences repose sur les fonctions d'utilité (U = f(x)). Les arguments sont ce qui définit les pris en compte. Dernier pilier : la théorie de la valeur, qui définit les modes de formations des prix. Pour tous les xi on va avoir des Pi. La rencontre des agents ayant des préférences a priori (avant l'allocation marchande des ressources) incompatibles conduit à la formation d'un système de prix qui équilibre tous les marchés entre l'offre et la demande. C'est un résultat fondamental. Le mécanisme de marchés concurrentiel a une solution sans qu'il ne soit besoin de l'intervention de l'Etat. L'Etat apporte une garantie à la passation des contrats, notamment pour ce qui est de la propriété privée. C'est le résultat le plus important des sciences sociales que d'avoir mis en théorème cet équilibre. Debreu a dit qu'avait été démontré mathématiquement la supériorité du marché sur toute autre forme d'organisation sociales. Si l'on conteste la forme des trois théories-piliers, les bases de ce résultat s'effritent peu à peu. Nous nous interessons ici à la théorie des biens. La théorie standard des biens suppose que les biens ont certaines propriétés. L'agent prête au bien des propriétés de la même manière que les autres. On a une hypothèse de sens commun. D'après ce qu'on appelle en économie l'hypothèse de nomenclature, les agents reconnaissent les biens de manière antérieure à leur prise de décision. Ils ont une connaissance des biens avant d'en faire usage. Les biens sont séparables, listés, de manière pré-établie, et la liste est complète. Deux propriétés économiques viennent s'ajouter : rivalité et excludabilité. La rivalité signifie que deux individus ne peuvent jouir de l'usage du même bien en même temps. Les agents sont en rivalité pour s'approprier ces biens. Les biens sont excludables : l'accès à la jouissance d'un bien passe par le consentement du consommateur à payer un prix pour ce bien. Si des biens ne respectent pas les deux propriétés, intervention de l'Etat. D'où l'importance de démontrer l'existence de biens publics. D'où aussi la rage de certains économistes à démontrer que ces biens n'existent pas. S'ils existent, comment les produire ? À quel niveau ? Qui doit les produire ? Cela définit immédiatement des questions qui ont un caractère normatif. On va chercher à déterminer un optimum de production. Il faut définir les biens publics purs, les biens de club et les biens communs. Il existe des biens qui ne sont pas rivaux : la consommation par un agent n'empêche pas les autres agents de l'utiliser. Les agents ne se font pas concurrence sur un marché. L'exemple le plus souvent fournit est celui du phare côtier, pour Marshall. Ce n'est pas parce qu'un chalutier bénéficie de la lumière du phare que les autres ne peuvent en bénéficier. Il en va de même pour le réseau routier. Il existe aussi des biens non-excludables, qu'on ne peut réserver à ceux qui ont accepté d'en payer le prix. Il n'est pas possible d'exclure un individu de l'usage d'un bien. Même un pacifiste convaincu bénéficie du parapluie nucléaire. On bénéficie d'un éclairage public même quand on ne paie pas d'impôts. Les deux critères sont indépendants, on peut donc les faire varier. Un banc de poisson est un bien rival, mais non-excludable. Une chaîne de télévision payante est un bien excludable, mais non-rival. Si l'on combine tous ces critères, on arrive à un tableau à quatre cases : Non-rivalité Non-excludabilité Excludabilité Biens public purs (phare, défense nationale) Biens de club (chaîne de télévision payante) Rivalité Biens en commun ou communs Biens privés (fruits, boissons...) (banc de poissons) En 1954, le prix Nobel Samuelson, dans Review of economics and statistics, publie un article qui définit les caractéristiques des biens publics ou collective goods purs. Il peuvent être consommés par l'ensemble de la collectivité dans les mêmes quantités. Ils entrent dans les préférences des agents. On va avoir le vecteur des biens privatifs. Samuelson introduit les biens collectifs purs dans une fonction d'utilité nettement plus étendue. On parle de bien publics purs lorsque les conditions de non-rivalité, de non-excludabilité, d'obligation d'usage et de non-encombrement sont réunies. Il ya obligation d'usage lorsque la disponibilité du bien public ne dépend pas de la volonté de l'individu : l'exemple de la défense nationale est le plus marquant. Ce n'est pas le cas de tous les biens publics. Pour le réseau routier, il n'y a pas obligation d'usage : je peux toujours prendre un moyen alternatif. L'éducation n'est pas non plus un bien public pur au sens où l'entend Samuelson. La condition de non-encombrement est respectée pour la défense nationale, mais la justice peut être encombrée. Pour l'école, peut-être la qualité du service éducatif est liée au nombre d'élèves par classe. La satisfaction que l'on tire de l'usage du réseau routier dépend du nombre d'usagers à un moment donné. Ce sont des exemples d'externalités : la satisfaction d'un agent dépend des décisions des autres agents. Un bien public pur, peut concerner une partie seulement de la population : lorsque l'Etat prend des mesures de dépollution pour une zone côtière. Tous les biens non-rivaux, énonce un Samuelson pourtant néoclassique, doivent être rendus non-excludables, doivent donc être rendus disponible gratuitement. Il faudrait refuser le principe de cryptage des chaînes privées. Les biens excludables, non-rivaux, sont appelés des biens de club, et ne font pas l'objet d'un traitement analytique pour Samuelson. Il les regroupe avec les biens collectifs purs. Dans un article de la revue Economica, Buchanan fait de la taille de la communauté des consommateurs une variable fondamentale dans la satisfaction tirée des biens de clubs. Il est intéressant d'avoir un abonnement téléphonique quand on est deux. De même, il peut y avoir des effets d'encombrement au-delà d'un certain seuil. Si un club de tennis a beaucoup d'adhérents, l'entretien sera plus facile, mais il y aura un nombre à partir duquel il y aura encombrement. L'exemple-type de bien public pur est les ressources naturelles. Le danger est le comportement de passager clandestin ou free riding – à savoir de faire usage du bien commun sans en payer le prix. Appliqué aux ressources naturelles, cela conduit à une surexploitation des ressources. La politique de quotas sur le thon en Méditerranée est assez illustrative. Tout ce que ne prend pas un pêcheur, son concurrent le prendra. Il y a donc un intérêt individuel à maximiser les prises. Les ressources qui étaient renouvelables peuvent devenir non-renouvelables. Le théorème de Rotteling sur le pétrole montre que la règle rationnelle d'exploitation d'une ressource, c'est d'aller jusqu'à la disparition totale d'une ressource.