Le texte principal que nous utilisons pour étudier l’épistémologie et la logique dans les monastères est
le Pramanavarttika, composé par Dharmakirti. C’est un commentaire du texte de son maître Dignaga, le
Pramanasamucchaya qui traite de la logique et de la théorie de l’esprit. A l’origine, le texte de Dignaga
(qui est une compilation de nombreux courts extraits) parle de ce qu’est un esprit valide ou cognition et
de ce que nous pouvons faire pour avoir un esprit vraiment valide, c’est-à-dire libre des perturbations et
de la confusion.
Parce que nous sommes incapables de comprendre les phénomènes très dissimulés en employant la
logique, nous pouvons seulement en venir à les connaître grâce à la confiance en les paroles de
quelqu’un tel que le Bouddha. Donc, Dignaga discute également du fait de savoir si le Bouddha
historique est une personne et un enseignant valable et digne de confiance. Pour ce faire, nous devons
comprendre ses qualités intérieures plutôt que voir les apparences extérieures. C’est donc sur ces
aspects intérieurs de l’esprit du Bouddha que Dignaga a écrit.
Dharmakirti a écrit un commentaire du texte de son maître mais l’approche est assez différente du texte
de référence et il soulève des points que son prédécesseur n’a pas abordés. Il comporte quatre
chapitres entièrement versifiés.
Le premier chapitre traite des bienfaits de la logique, montrant comment elle accroît notre
compréhension de la réalité et sa capacité de transformer l’esprit conceptuel en un esprit de perception,
libre de toutes perturbations. Il dit également combien le Bouddha historique est fiable et digne de
confiance et argumente ce point en toute logique, en se fondant sur la réalisation du Bouddha des
Quatre Nobles Vérités. Il est largement reconnu comme étant le premier à avoir fait cela, et c’est un
sujet d’étude très important.
Son deuxième chapitre comporte environ deux cents versets dont la première partie explique
rationnellement comment quelqu’un peut développer la grande compassion. Cela peut prendre de
nombreuses vies, et c’est pourquoi une partie du chapitre traite également de la continuité de l’esprit de
vie en vie. La deuxième partie du deuxième chapitre emploie la logique pour traiter la manière dont les
Quatre Nobles Vérités fonctionnent et affectent nos vies quotidiennes, en particulier la Vérité du
Chemin, montrant comment notre esprit peut s’améliorer et se développer.
Les troisième et quatrième chapitres décrivent comment, pour le bien des autres, nous pouvons leur
expliquer logiquement les Quatre Nobles Vérités, de sorte qu’ils puissent dissiper leur ignorance et leurs
erreurs.
4- Le Lo-rig : voie d’entrée dans les textes fondamentaux
Deux des livres dont la lecture est recommandée, Connaître l’esprit et Mind and its functions, sont des
textes de Lo-rig. Ce qui se passe normalement dans le bouddhisme tibétain est qu’avant de commencer
des textes importants, tels que le Pramanavarttika ou l’Abhidharmakosha, les maîtres tibétains
composent un texte préliminaire, appelé texte d‘entrée ou d’introduction. Dans ce cas il s’agit du Lo-rig,
esprit (lo) et connaissance (rig), qui condense et catégorise toutes les choses au sein de textes les plus
compliqués qui soient à mémoriser pour les moines et les nonnes dans les monastères. Donc, le
Pramanavarttika et l’Abhidharmakosha constituent les sources principales pour l’étude de la
psychologie et de l’épistémologie bouddhique tibétaine, alors que Lo-rig est le texte que nous étudions
en guise d’introduction à ces textes.
Selon le bouddhisme, la psychologie et l’épistémologie doivent aller de pair et leur étude est
inséparable. La psychologie, en général, s’intéresse surtout à notre monde empirique, le monde
intérieur dont nous faisons l’expérience, plutôt qu’à la manière dont ce monde intérieur vient à exister.
Par cette expérience, une certaine analyse ou investigation peut être effectuée. Sans une
compréhension du monde dans lequel nous agissons et communiquons, il n’est pas possible de pouvoir
comprendre, par exemple, la première Noble Vérité : la Vérité de la souffrance. Or, comme nous l’avons
vu, il s’agit du point de départ.
L’épistémologie est la théorie de l’esprit et de la connaissance et son principal centre d’intérêt est de
savoir comment cette connaissance est apparue et comment nous pouvons la développer. En d’autres