Victor n°2 - Cliniques universitaires Saint-Luc

JUIN 2012 / NOVEMBRE 2012
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Chers lecteurs,
Bien que la greffe tissulaire ne soit pas aussi « médiatisée » que la transplantation d’organes, elle possède un historique clinique
long de trente années. Les premières indications furent essentiellement focalisées sur les tissus de l’appareil locomoteur (os et
tendons) dans le domaine carcinologique pour maintenir l’intégrité anatomique osseuse après résection
tumorale. Ces greffes ostéo-tendineuses ont permis de démontrer leur efcacité clinique à long terme pour
éviter toute amputation dans le décours du diagnostic tumoral. Récemment, les multiples origines tissulaires
(cornée, valve cardiaque, îlots de Langerhans pancréatiques, hépatocytes du foie) ont amené les autorités
compétentes à rebaptiser les tissus/cellules d’origine humaine en Matériel Corporel Humain et à dénir une
législation propre à ces derniers. Si les greffes tissulaires osseuses ont été considérées comme des greffes
dites « mortes » (ou non-cellularisées), la thérapie cellulaire issue des greffes d’îlots de Langerhans et Hé-
patocytes, par exemple, permet de guérir le diabète de type 1 ou des maladies métaboliques hépatiques,
respectivement. Dans un avenir proche, l’ingénierie tissulaire permettra de pouvoir « recréer » une structure
vivante par la combinaison des tissus et des cellules.
Dans ce deuxième numéro, VICTOR aborde le don d’organes et de tissus en général : la législation, l’allocation des organes et des
tissus et le déroulement d’un prélèvement. Nous parlerons également d’une nouvelle fonction de coordination locale du don
pour les Services d’urgences et des soins intensifs. Enn, le numéro comprendra le témoignage de la maman d’un donneur.
Bonne lecture,
Dr Denis Dufrane, Coordonnateur du Centre de Thérapie Tissulaire et Cellulaire
En Belgique, le prélèvement et la transplantation d’organes sont régis par
la loi du 13 juin 1986. Voici les implications concrètes de cette loi :
Deux objectifs
1. Augmenter le nombre d’organes disponibles chez les
donneurs décédés.
2. Créer une sécurité juridique en matière de prélève-
ment d’organes et de tissus tant sur donneurs vivants
que décédés.
« Qui ne dit mot consent ! »
La Belgique fonctionne selon le système de l’opting out. Il s’agit d’un
principe de consentement implicite présumant que chacun accepte
de donner ses organes après sa mort.
Comment exprimer sa volonté ?
Il est possible d’exprimer sa volonté explicite en faveur du don d’or-
ganes auprès de l’administration communale de son lieu de résidence 1.
Malgré l’opting out, cette formalité reste utile. Nul ne pourra aller à
l’encontre de cette volonté enregistrée et centralisée dans le Registre
National. Il est également possible de manifester son opposition,
soit via son administration communale, soit oralement auprès de ses
proches.
La famille
Lorsqu’un donneur potentiel est référé, l’équipe
de transplantation consulte le Registre National.
En cas de non enregistrement de la volonté, la
famille est abordée an de savoir si une éven-
tuelle opposition avait été émise par le défunt.
La gratuité
Le don d’organes ne peut faire l’objet d’aucune compensation nan-
cière ou autre. Cette disposition prévient les tracs éventuels qui pour-
raient se développer autour de la transplantation.
Religion et prélèvement d’organes
Aucune des trois grandes religions monothéistes n’interdit le don ou la
transplantation d’organes.
Lanonymat
L’identité des receveurs ne peut pas être connue des proches du don-
neur. Ces derniers peuvent néanmoins savoir si les transplantations se
sont bien déroulées.
Édito
Vignette d’Information du Centre de Transplantation d’Organes
Don d’organes et législation
1 Formulaire à télécharger sur le site www.beldonor.be
Quatre grands critères généraux interviennent dans le choix du rece-
veur :
- le résultat prévisible après transplantation (selon
les paramètres du donneur et du receveur tels que
le groupe sanguin ou le type de tissu) ;
- le degré d’urgence établi par les spécialistes ;
- le temps d’attente ;
- l’équilibre entre le nombre d’organes importés et
exportés au niveau national.
L’organe est alors proposé au centre de transplantation du premier
patient sur la liste d’attente. Chaque année, près de 7 000 organes sont
alloués par Eurotransplant alors que 16 000 personnes gurent sur la
liste d’attente, tous organes confondus. En 2011, près de 1500 patients
sont décédés, faute d’avoir reçu un organe dans les délais.
La Fondation Eurotransplant soutient également la recherche scienti-
que an d’améliorer les résultats de la transplantation. Du personnel
qualié se tient disponible 24 h / 24, 7 j / 7.
Don sans frontières…
CoeurPoumon FoieReinPancréas
« Dans la mort, il y a aussi de la vie »
En Belgique, l’allocation des organes est gérée par Eurotransplant, une
Fondation créée à Leiden (Pays-Bas) en 1967 et qui coordonne l’échange
des organes disponibles dans huit pays européens en établissant la
meilleure combinaison possible entre organes et receveurs potentiels.
La Fondation Eurotransplant rassemble septante-deux centres de
transplantation dans huit pays européens : Belgique, Pays-Bas, Luxem-
bourg, Allemagne, Autriche, Slovénie, Croatie et Hongrie (accord de
collaboration). Eurotransplant dispose d’un chier central informa-
tisé où gurent toutes les personnes en attente d’une transplantation
d’organes et leurs paramètres dans les huit pays.
Eurotransplant comprend également un système de collecte des para-
mètres des donneurs. Dès qu’un donneur est proposé, ses paramètres
sont immédiatement référencés par le centre de transplantation
concerné. Eurotransplant prend alors en charge l’attribution des or-
ganes du donneur. Une sélection de receveurs compatibles est établie
parmi les 16 000 patients inscrits dans la liste d’attente centralisée.
Révy Misra
Christian Toumpsin
Xavier Merny
Depuis décembre 2011, sous la responsabilité du Pr Philippe Hantson et
dans le cadre du projet GIFT, Révy Misra, Christian Toumpsin et Xavier
Merny occupent une nouvelle fonction de coordination locale pour le don
d’organes et de tissus dans les Services d’urgences et des soins intensifs
des Cliniques Saint-Luc. Ils nous parlent de leur fonction.
EN QUOI CONSISTE CETTE NOUVELLE FONCTION ?
Révy Misra (RM) : Nous avons plusieurs missions. La majeure partie de
notre travail consiste à former et informer les soignants de l’institution
sur le prélèvement d’organes et de tissus.
Christian Toumpsin (CT) : Concrètement, nous faisons ofce de référents
locaux pour toutes les procédures de prélèvement d’organes et de
tissus auprès des équipes. Et nous allons lancer des formations spéci-
ques pour le personnel des Cliniques.
QUELLES SONT VOS AUTRES MISSIONS ?
RM : Nous prenons également en charge la détection des patients sus-
ceptibles d’être donneurs d’organes ou de tissus tant aux Urgences
qu’aux Soins intensifs. Nous sommes les interfaces entre le Centre de
Transplantation et les Soins intensifs/Urgences.
CT : Cette activité de détection consiste en un passage régulier aux
Soins intensifs an de déterminer si certains patients évoluant vers un
décès peuvent être considérés comme donneurs d’organes et/ou de
tissus. Il existe également un logiciel (Donor Action) dans lequel nous
encodons pour le SPF tous les décès survenus aux Soins intensifs et
aux Urgences.
Xavier Merny (XM) : Cet encodage rétrospectif des décès nous permet
de déceler des donneurs potentiels qui auraient pu être manqués.
Cette analyse devrait nous aider à améliorer les procédures.
PEUTON CONSIDÉRER CELA COMME UN CHANGEMENT DE MENTALITÉS ?
RM : Effectivement. Avant, le don d’organes n’était envisagé qu’à partir
de la mort du patient ou quand il commençait à aller très mal.
XM : Et le prélèvement de tissus, très mal connu, n’était réalisé qu’après
le prélèvement des organes. Mais les choses ont évolué : actuellement,
nous avons une activité de prélèvement chez des donneurs de tissus
même quand ils ne peuvent être considérés comme donneurs d’or-
ganes.
CT : A Saint-Luc, la majorité des donneurs d’organes sont identiés par
les équipes médicales et inrmières. Ce n’était pas encore totalement
le cas pour les donneurs de tissus, et c’est surtout sur cet aspect que
nous travaillons.
QUE FAITESVOUS POUR FAIRE CONNAÎTRE LE DON DE TISSUS ?
CT : C’est justement via la formation des équipes médicales que nous
intervenons en apportant notre soutien pour l’identication d’un don-
neur potentiel, les procédures à suivre, l’approche des familles et aussi
le bénéce qu’une greffe pourra apporter au receveur.
XM : Dès que l’on montre les applications pratiques d’une greffe, le soi-
gnant est directement sensibilisé au travail de détection.
RM : Nous informons également le personnel sur le déroulement de
chaque prélèvement. Ensuite, Christian et moi restons proches des
équipes. Nous nous déplaçons régulièrement dans les différentes
unités an de nous faire connaître, d’expliquer notre fonction et de
répondre aux moindres questions. On peut dire que la collaboration
est totale.
AVEZVOUS DES CONTACTS AVEC LES FAMILLES DES PATIENTS ?
RM : Oui, nous sommes occupés à rédiger des brochures à leur atten-
tion an de les sensibiliser au don d’organes et de tissus. Finalement, ce
qui se vit sur le terrain est le reet de qui se passe dans la population :
la mort reste un sujet tabou et la plupart des familles interrogées igno-
rent les volontés de leur proche en matière de don d’organes ou de
tissus. Aussi, nous voulons tenter de susciter une réexion chez eux.
Chaque décès reste un drame. Mais dans la mort, il y a aussi de la vie :
les transplantations d’organes continueront à donner une nouvelle vie
aux receveurs tandis que les très nombreuses applications en matière
de greffes de tissus interviendront de manière certaine sur la qualité
de vie et le devenir des patients qui en bénécient.
10H30
Le coordinateur prend contact avec le Quartier opératoire an
de déterminer une plage horaire pour l’occupation d’une salle
d’opération. La décision tient compte, d’une part, du délai
de six à vingt-quatre heures imposé pour le prélèvement et,
d’autre part, du programme opératoire. Cette fois-ci, l’entrée en
salle d’opération se fera à 22h00.
10H00
Xavier Merny, coordinateur de
l’Unité de Thérapie Tissulaire
et Cellulaire de l Appareil
Locomoteur, reçoit un appel
téléphonique : un donneur
potentiel qui vient de décéder
est référencé par le Service
des urgences. Après vérica-
tion des antécédents, analyses
sérologiques, etc. le donneur
est accepté par le Dr Denis
Dufrane pour une procédure
de prélèvement de tissus.
10H45
Après avoir vérié l’enregistrement du donneur au registre
national, Xavier Merny passe plusieurs coups de l an de
constituer l’équipe qui réalisera le prélèvement. Cette dernière
sera composée du coordinateur, du chirurgien orthopédiste de
garde et de quatre étudiants en médecine.
21H30
Le brancardier est contacté par le coordinateur an d’ouvrir
l’accès au funérarium. Le corps du donneur sera ensuite trans-
par l’équipe de prélèvement jusquà la salle d’opération.
03H00
Le prélèvement est termi. Le corps du donneur est reconduit
au funérarium et les greons, emballés stérilement au bloc
opératoire, sont transportés vers l’Unité de Thérapie Tissulaire
et Cellulaire de lAppareil Locomoteur.
DIX JOURS PLUS TARD
Les greons prélevés suite à deux demandes particulières sont délivrés en France an d’être transplantés
chez les patients en attente de cette intervention. Les autres greons sont stockés durant maximum cinq
ans à -80°C dans les installations de l’Unité de Thérapie Tissulaire et Cellulaire de l’Appareil Locomoteur.
Grâce à ce prélèvement, en plus des deux patients en attente, une quarantaine de patients pourront être
transplantés. S’il est vrai que le don de tissus ne présente pas un caractère vital, il permet incontestablement
d’améliorer de manière considérable la qualité de vie des patients qui pourront en bénécier.
11H30
Le coordinateur prépare tout le nécessaire pour l’opération à
venir, des instruments chirurgicaux au dossier administratif.
22H00
Xavier Merny et son équipe se rendent au Quartier opéra-
toire pour procéder au prélèvement. Lopération va durer
cinq heures, de l’incision à la restauration tégumentaire. En
eet, l’intégrité du corps est respectée. Etant donné le jeune
âge du donneur, de nombreux tissus osseux et tendineux
sont prélevés. Deux greons sont prélevés spécialement
pour deux patients : un bloc tibia/péroné destiné à un jeune
homme de 16 ans et l’humérus droit destiné à une jeune
femme de 28 ans, tous deux sourant d’un ostéosarcome
(tumeur maligne du tissu osseux).
03H20
Les greons sont placés dans un congélateur à -80°C. Ces der-
niers resteront en période « interdite » (en quarantaine) durant
une dizaine de jours. Durant cette période, le coordinateur
complète le dossier administratif par les diérentssultats
d’analyses sérologiques, microbiologiques, etc.
Bon nombre de prélèvements de tissus sont réalisés sans pré-
lèvement d’organes associés. En eet, ce type dactivité est en
augmentation au sein de l’Unité de Thérapie Tissulaire et Cellu-
laire de l’ Appareil Locomoteur des Cliniques Saint-Luc. Voici un
exemple de prélèvement de tissus réalisé chez un jeune don-
neur âgé de 33 ans et admis dans le Service des urgences pour
un arrêt cardio-respiratoire.
Chronologie d’un prélèvement
  
Le don d’organes et de tissus est un geste généreux et solidaire. Bernadette Hotat nous parle de son ls qui avait
décidé d’être donneur il y a quelques années.
« Un beau week-end d’août, mon ls, Marc, fait une crise d’appendicite
et se retrouve aux Urgences en plein nuit pour être opéré le lendemain
à 6h du matin. Après s’être réveillé, on le monte dans sa chambre, par-
faitement conscient. Banal. Linrmière passe le voir une heure après et
constate qu’il est en arrêt cardiaque. Immédiatement conduit en salle
de réanimation, les urgentistes arrivent à le réanimer avec beaucoup de
dicultés : son cœur fonctionne mais il est dans le coma. Toute la jour-
née, le médecin fera tout ce qu’il pourra pour le maintenir en vie, mais
la situation s’aggrave et on plonge Marc dans un coma profond. Après
deux jours d’examens approfondis, les médecins m’annoncent que Marc
soure d’un œdème cérébral qui a déjà causé des dégâts irréversibles
dont on ne connaît pas encore toute l’ampleur. L’horreur ! Marc a vingt-
trois ans et suit des études en sculpture à La Cambre. Il est passionné,
s’engage et défend ses idées, il croque la vie à pleines dents. En une fraction de seconde tout bascule !
Quelques années auparavant, nous avions débattu du don d’organes en famille, avec ses frères. Il est revenu un beau jour exprès de Bruxelles
pour s’enregistrer comme donneur auprès de la commune. Toujours pressé, il mavait dit par téléphone : « Ça y est m’man, j’ai signé ! Je peux
mourir maintenant, mais je nai pas le temps de passer au bureau pour t’embrasser, à dimanche. »
Un éclair me traverse et je mentends dire à l’équipe soignante : « Faites en sorte qu’il puisse réaliser sa dernière volonté : faire don de ses organes. »
Les médecins sont médusés et choqués, me disent que je suis sous le choc et quil y a encore de l’espoir, quil nest pas mort. J’étais parfaite-
ment lucide. La situation sest dégradée et il a évolué vers la mort cérébrale.
Suite à notre insistance, le prélèvement d’organes a été réalisé. C’était la première fois que cet hôpital faisait face au don d’organes, nous
étions pourtant en 2003. Mon deuil sest déroulé comme pour toutes les personnes qui perdent un être cher à la eur de l’âge, à la diérence
que je me consolais un peu en pensant aux deux personnes qui grâce à Marc ont pu prolonger leur espérance de vie, dont une femme qui
pourra, qui sait, peut-être enfanter. Neuf ans après, les valeurs de ma vie ont changé et je suis toujours très heureuse que Marc ait fait ce
merveilleux cadeau. C’ était SA volonté. »
Bernadette Hotat
Sophie Veriter du Laboratoire de Chirurgie Expérimentale UCL a reçu le
prix du meilleur abstract 2012 de la Société Belge deTransplantation
pour ses travaux sur l’amélioration d’un pancréas bio-articiel au dé-
part des cellules souches mésenchymateuses.
Sandrina Bouhon, coordinatrice locale de transplantation au CHU Mont
Gondinne a reçu le prix Oxygène 2011-2012.
Patrick Evrard, chef de clinique au CHU Mont-Godinne a été nommé
Président de la Société Belge de Transplantation.
Supervision : Thomas De Nayer.
Comité de rédaction : Denis Dufrane, Olivier Van Caenegem, Dominique Van Deynse et Sylvain Bayet
Maquette/Mise en page : Centre audiovisuel des Cliniques universitaires Saint-Luc – Rudy Lechantre
Photographe : Centre audiovisuel des Cliniques universitaires Saint-Luc – Hugues Depasse
Editeur responsable : Jan Lerut
Parution : juin 2012
Centre de transplantation de l’UCL / Service communication des Cliniques universitaires Saint-Luc et du CHU Mont-Godinne
Témoignage : « C’était SA volonté… »
Dans son prochain numéro, VICTOR parlera de la transplantation thoracique.
Rendez-vous en décembre 2012 !
Calendrier
des activités
- Eurotransplant Annual Meeting :
11 et 12 octobre 2012
- Journée internationale
du don d’organes :
13 octobre 2012
- Symposium - GIFT :
25 octobre 2012 (Bruxelles)
- Concert du groupe Machiavel au prot
de l’ASBL Oxygène Mont-Godinne
(Association de transplantés pulmonaires) :
17 novembre 2012 (Hall Baudouin 1er
de Jodoigne, à partir de 20h30),
informations :
Dominique Van Deynse (tél : 02/764 1453,
dominique.vande[email protected])
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