Les taux d’intérêt
Définition générale : un taux d’intérêt est la rémunération d’un capital prêté versée par
l’emprunteur au prêteur, calculée le plus souvent comme un pourcentage du capital prêté.
Pour les néoclassiques : le taux d’intérêt est la rémunération de l’abstinence : celui qui prête
renonce à une consommation immédiate pour épargner. Le taux d’intérêt devient le prix du
temps, la récompense de l’attente.
Pour Keynes : le taux d’intérêt est la récompense de la renonciation à la liquidité. « Il mesure
la répugnance des détenteurs de monnaie à aliéner leur droit d’en disposer à tout moment ». Il
conduit les agents à arbitrer entre actifs liquides (généralement préférés) ou placés (contre
rémunération).
1) Le rôle des taux d’intérêt dans l’activité économique
Pour les ménages : le taux d’intérêt rémunère l’épargne et détermine ainsi la tendance à
épargner et à placer le revenu épargné. Mais il détermine aussi le coût du crédit à la
consommation ou au logement. Il est un enjeu pour la consommation, l’épargne et
l’investissement des ménages.
Pour les entreprises : le taux d’intérêt détermine la rentabilité des investissements
productifs. Quand il augmente, certains investissements deviennent non rentables. En effet
l’investissement dépend du rapport profit/capital investi : on n’investira que si ce rendement
économique est supérieur au coût des emprunts consentis pour investir (voir l’effet de
levier/massue). Plus le rendement économique de l’investissement est supérieur au taux
d’intérêt, plus on peut accroître la rentabilité des capitaux propres par l’emprunt.
Si le taux d’intérêt est trop élevé, il peut conduire à la substitution des investissements
financiers aux productifs (lorsque la rentabilité financière est supérieure à la rentabilité
économique). Avant 79, la tendance est à l’endettement mais les phases le taux d’intérêt
était supérieur à la rentabilité économique entraînaient des ralentissements du taux
d’investissement.
Le taux d’intérêt n’est cependant pas l’unique déterminant de l’investissement.
Pour l’Etat : le rôle des taux d’intérêt est devenu fondamental dans la politique budgétaire
depuis que le ficit public ne peut plus être financé par création monétaire (inflation). Le
taux d’intérêt est devenu la mesure de la charge de la dette. Plus l’Etat emprunte, plus le taux
d’intérêt aura tendance à augmenter (demande plus importante de capitaux), ce qui réduit la
marge de manœuvre de la politique budgétaire de l’Etat. Cela entraîne de plus une difficulté
supérieure pour les entreprises à se financer sur les marchés financiers (effets d’éviction).
2) Le rôle des taux d’intérêt dans la politique économique
Le taux d’intérêt est un déterminant essentiel de la politique économique mais depuis à peu
près 20 ans il est de moins en moins maîtrisé par les gouvernements. Les taux directeurs des
banques centrales constituent l’élément central du refinancement de l’économie et donc de la
plus ou moins grande liquidité du marché monétaire. Les banques centrales calculent des taux
sur lesquels se fixent les banques de second rang pour établir leur politique de crédit. Pendant
longtemps, la pratique du « fixing » (fixation par la BC du taux du marché interbancaire) a
dominé, puis elle a cédé la place à une cotation en continu du marché interbancaire. Ce taux
fluctue dans une fourchette selon les actions de la banque centrale.
La politique monétaire fixe les taux de change à travers les mouvements de capitaux
qu’engendre l’évolution des taux d’intérêt (leur hausse doit logiquement entraîner une
appréciation de la monnaie). Elle a longtemps été dirigée par les gouvernements mais l’est de
moins en moins :
_ L’indépendance de la banque centrale américaine date de 1913 (création de la Fed)
_ Celle de la BC allemande est statutaire (depuis la création de la Bundesbank en 1948)
_ France : depuis 1993 (objectif de l’euro)
_ Angleterre : depuis 1999
_ BCE depuis son apparition (article 7 du traité de Maastricht)
La politique économique détermine la nature du financement de l’économie : fonds propres
ou endettement. L’évolution des taux d’intérêt a une influence essentielle sur le comportement
des agents, ce qui l’a rendue essentielle :
_ 1870 à 1914 : mise en place d’une structure de marchés financiers ouverts sur l’extérieur et
un financement direct ou financier
_ 1918 aux années 1970 : finance administrée
_ Depuis les années 70 : libéralisation, déréglementation, dérégulation et globalisation des
marchés financiers.
Michel Aglietta distingue différentes périodes en fonction de l’évolution des taux nominaux
d’intérêt : _ Hausse tendancielle entre 1896 et 1913, puis 1945 et 1980. Dans ces périodes,
l’orientation générale des prix est à la hausse. L’inflation étant en général sous-estimée, les
taux d’intérêt réels sont à la baisse, voire négatifs. L’adaptation à une culture d’inflation
conduit à faire coïncider le taux d’intérêt réel avec le taux d’intérêt réel anticipé.
_ Baisse tendancielle des taux nominaux entre 1875 et 1895, puis depuis 1980.
L’orientation générale des prix est à la déflation, les taux d’intérêt réel augmentent
3) L’influence des taux d’intérêt sur la croissance
Pour Aglietta, des taux d’intérêt réels négatifs stimulent l’investissement et l’activité
économique (et inversement). Pour Maurice Allais, le taux d’intérêt le plus adapté est celui
qui se rapproche le plus du taux de croissance de l’économie car il permet de faciliter le
remboursement de la dette (même principe chez Samuelson, l’endettement peut parfois
empêcher tout développement économique).
MAIS : des taux d’intérêt faibles découragent l’épargne.
La politique monétaire américaine depuis les années 80 a varié pour s’adapter aux maux et
aux potentialités de l’économie. En 79, Paul Volker augmente les taux pour éradiquer
l’inflation et favoriser la restructuration de l’économie américaine (industrie) en attirant les
capitaux étrangers (appréciation du dollar). Mais cette hausse des taux provoque la crise de la
dette (du tiers monde et mexicaine en 82), d’autant que le choc est double (hausse à la fois des
taux d’intérêt et du dollar).
Depuis l’arrivée à la fin des 80s de Greenspan, la politique monétaire est plus souple avec une
baisse radicale des taux d’intérêt (taux d’intérêt réel zéro au début des 90s), ce qui permet la
relance économique américaine. Les taux d’intérêt sont relevés en 96-97, avant de rebaisser
depuis 2000.
Par opposition, les taux d’intérêt dans le monde sont très dépendants de la politique monétaire
américaine et de la hiérarchie des taux d’intérêt (and the winner is… la Fed, la médaille
d’argent revenant à la Bundesbank et le bronze au Japon). Les taux d’intérêt sont
désynchronisés dans le cadre des décisions du G5 puis du G7 (Accords du Louvre en 87),
mais surtout du fait de la réunification allemande et du traité de Maastricht. Il y a une
opposition entre des taux américains décroissants et faibles et des taux européens à la hausse
et assez élevés.
Pourquoi les politiques de taux d’intérêt faibles aujourd’hui (France, Japon) n’assurent-elles
pas la relance ?
Le maniement de la politique de taux d’intérêt devient de plus en plus difficile pour assurer
les ressorts de la régulation normale, d’où la problématique d’une nouvelle régulation
financière et la question de l’incapacité des taux d’intérêt à modifier le rythme de l’économie.
Aglietta insiste sur l’appréciation des titres financiers qui découle de ces politiques de taux
faibles (les agents empruntent pour placer, d’où une augmentation du prix des actifs
financiers, comme en 29 en fait !)
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