leurs prix à un niveau monopolistique (c'est le raisonnement implicite qui sous-tend la
remarque de la Commission sur les bénéfices "à court terme" pour le consommateur).
Ce genre de pratique est interdit en droit de la concurrence dans la plupart des pays et
doit être également proscrit sur les marchés internationaux.
2. Les critères d'application des droits AD (anti-dumping) dans l'UE sont au nombre de
quatre. Premièrement, la Commission doit établir le dumping. Deuxièmement, elle
doit établir le préjudice infligé aux producteurs nationaux (ou plutôt valider les
arguments des plaignants à ce sujet). Troisièmement, elle doit présenter un argument
suggérant un lien de causalité entre les deux. On a montré en cours, dans le cadre de
l'étude de cas sur le coton écru, que le mode de calcul des marges de dumping était
biaisé, que la notion de préjudice était très vague, et que le lien de causalité était
fondé sur des raisonnements économiquement absurdes. Néanmoins, ces trois critères
sont, à quelques détails près (dont le seuil de minimis au-dessous duquel les volumes
de vente des producteurs étrangers sont jugés trop faibles pour justifier une action
AD) conformes au texte de l'Accord Anti-Dumping de l'OMC. Enfin, et c'est le
quatrième critère, en vertu d'une clause spécifiquement européenne dite d'"intérêt
communautaire", la Commission se réserve le droit de surseoir à l'application de
droits AD si elle estime que ceux-ci infligeraient plus de dommages à l'économie de
l'UE que le dumping lui-même. La clause d'intérêt communautaire est généralement
invoquée à l'initiative d'industries aval (utilisatrices du bien sujet aux droits AD).
3. Ces critères sont essentiellement juridiques (comme on l'a noté plus haut, ils
s'appuient sur des raisonnements sans logique économique) et n'ont rien à voir avec
les pratiques prédatrices évoquées dans le document de la Commission. Une
législation anti-dumping visant les pratiques prédatrices devrait inclure comme critère
ex-ante l'existence d'une position dominante ou, tout au moins, d'une structure de
marché suffisamment concentrée pour qu'une guerre des prix à intention prédatrice
soit plausible, et comme critères ex-post, la sortie des concurrents nationaux et le
rétablissement de prix monopolistiques par les producteurs-exportateurs étrangers.
4. La seule justification possible de la forme actuelle de la législation AD est celle d'une
soupape de sécurité pour les pressions protectionnistes qui, sinon, pourraient amener
les législatures nationales à voter des lois protectionnistes (telles que l'amendement
super-301 aux Etats-Unis) qui seraient encore plus dommageables économiquement
que les actions AD. Ainsi, les efforts des pays demandant une réforme des procédures
AD pourraient, bien que justifiés économiquement, se révéler contre-productifs
politiquement s'ils préparaient le terrain à un retour d'autre formes de
protectionnisme.