ECOLE DES HAUTES ETUDES COMMERCIALES DE L’UNIVERSITE DE LAUSANNE
Professeur :
Olivier Cadot
Matière :
Mondialisation & politique
commerciale
Session :
Eté 2003
Durée de l’examen : 2 heures
Sans documentation. Prière de rendre la donnée de l’examen avec le travail
Si vous n’arrivez pas à répondre à une question, passez à la question suivante. Toutes les
questions et sous-questions ont la même pondération (12.5 points sur 100 pour chaque
sous-question). Bonne chance !
Question 1
Considérez la description suivante des procédures antidumping donnée par la
Commission Européenne dans un document daté de juillet 2000:
Antidumping: La commission veille au grain
La libéralisation du commerce mondial promue par la politique commerciale
commune ne sert les intérêts des consommateurs et des producteurs européens que si
tous les partenaires commerciaux de l'Union jouent à armes égales. D'
l'importance des mesures défensives - antidumping et anti-subvention - adoptées de
longue date par la Communauté. Sans arrière-pensées protectionnistes, et dans le
respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce.
Contrer les pratiques commerciales déloyales
Le développement harmonieux du commerce international figure, depuis l'origine,
parmi les objectifs de l'Union européenne (art. 133 du traité de Rome). Mais le
désarmement douanier et la suppression progressive des restrictions quantitatives
aux importations ne suffisent pas. Encore faut-il, d'une part, que l'accès au marché
des pays tiers aux produits européens soit réellement garanti (en vue de quoi la
Communauté s'est dotée d'instruments offensifs contre les obstacles au commerce),
et d'autre part, que les exportations en direction de l'UE se fassent dans le respect des
normes commerciales internationales. Ce second volet, défensif, de la politique
commerciale commune vise principalement le dumping, ainsi que les subventions
aux entreprises des pays tiers exportant vers l'UE. Les instruments de défense
commerciale de la communauté, qui ont été actualisés au milieu des années 1990
(règlement 384/96 et décision CECA 2277/96), s'inscrivent dans le cadre des règles
multilatérales de l'OMC, ce qui n'est pas le cas du système punitif en vigueur aux
Etats-Unis.
Des distorsions préjudiciables à l'industrie comme aux consommateurs
Le dumping, qui consiste, pour un exportateur, à vendre ses marchandises à perte, ou
en dessous du prix du marché domestique, est la plus commune des pratiques
commerciales déloyales. Si elle n'est pas contrée, cette stratégie permet de gagner
rapidement des parts de marché, voire d'éliminer la concurrence. Elle porte
préjudice, au premier chef, à l'industrie européenne, sans entraîner de bénéfices
durables pour les consommateurs (dans la mesure une hausse des prix est, à
terme, hautement probable). Une industrie qui s'estime victime de dumping peut
déposer, directement ou par l'intermédiaire d'un Etat membre, une plainte auprès de
la Commission. Les plaignants doivent représenter une part significative de la
production communautaire totale du produit en cause. Après un examen
préliminaire, et consultations des Etats membres, la Commission peut décider de
l'ouverture d'une enquête. Celle-ci, qui doit être menée en quinze mois au plus, vise à
établir - notamment par la consultation des livres de compte des importateurs au sein
de l'UE ou des producteurs-exportateurs des pays tiers - des éléments de preuve
positifs.
7 jours Europe
Politique commerciale commune - Les instruments
Fiche pratique n° 021
1. Si les "producteurs-exportateurs" des pays tiers veulent vendre sur le marché de l'UE
"à perte ou en dessous du prix du marché domestique", pourquoi faudrait-il les
empêcher de le faire ? Précisez l'argument de la Commission par un raisonnement
économique.
2. Décrivez les critères d'application des droits anti-dumping dans l'UE. Sont-ils
conformes à l'accord anti-dumping de l'Uruguay Round ?
3. Ces critères vous semblent-ils adéquats pour faire face au problème expliqué dans
votre réponse à la sous-question 1? Quels critères complémentaires ou alternatifs
pouvez-vous proposer ?
4. Pouvez-vous donner une justification autre qu'économique à la forme actuelle
(approuvée à l'OMC) de la règlementation antidumping ? Que pensez-vous des
efforts des pays qui tentent de mettre la réforme de ces procédures à l'ordre du jour du
cycle de Doha ?
Réponse suggérée
1. Si les producteurs-exportateurs étrangers veulent vendre sur notre marché moins cher
que sur le leur, a priori ils nous subventionnent, et pourquoi pas si on fait une bonne
affaire. Il y a un problème, par contre, s'ils le font avec une intention prédatrice : il
s'agirait alors d'une guerre des prix dans l'intention de contraindre nos producteurs à
sortir du marché, après quoi les étrangers seraient les maîtres et pourraient ramener
leurs prix à un niveau monopolistique (c'est le raisonnement implicite qui sous-tend la
remarque de la Commission sur les bénéfices "à court terme" pour le consommateur).
Ce genre de pratique est interdit en droit de la concurrence dans la plupart des pays et
doit être également proscrit sur les marchés internationaux.
2. Les critères d'application des droits AD (anti-dumping) dans l'UE sont au nombre de
quatre. Premièrement, la Commission doit établir le dumping. Deuxièmement, elle
doit établir le préjudice infligé aux producteurs nationaux (ou plutôt valider les
arguments des plaignants à ce sujet). Troisièmement, elle doit présenter un argument
suggérant un lien de causalité entre les deux. On a montré en cours, dans le cadre de
l'étude de cas sur le coton écru, que le mode de calcul des marges de dumping était
biaisé, que la notion de préjudice était très vague, et que le lien de causalité était
fondé sur des raisonnements économiquement absurdes. Néanmoins, ces trois critères
sont, à quelques détails près (dont le seuil de minimis au-dessous duquel les volumes
de vente des producteurs étrangers sont jugés trop faibles pour justifier une action
AD) conformes au texte de l'Accord Anti-Dumping de l'OMC. Enfin, et c'est le
quatrième critère, en vertu d'une clause spécifiquement européenne dite d'"intérêt
communautaire", la Commission se réserve le droit de surseoir à l'application de
droits AD si elle estime que ceux-ci infligeraient plus de dommages à l'économie de
l'UE que le dumping lui-même. La clause d'intérêt communautaire est généralement
invoquée à l'initiative d'industries aval (utilisatrices du bien sujet aux droits AD).
3. Ces critères sont essentiellement juridiques (comme on l'a noté plus haut, ils
s'appuient sur des raisonnements sans logique économique) et n'ont rien à voir avec
les pratiques prédatrices évoquées dans le document de la Commission. Une
législation anti-dumping visant les pratiques prédatrices devrait inclure comme critère
ex-ante l'existence d'une position dominante ou, tout au moins, d'une structure de
marché suffisamment concentrée pour qu'une guerre des prix à intention prédatrice
soit plausible, et comme critères ex-post, la sortie des concurrents nationaux et le
rétablissement de prix monopolistiques par les producteurs-exportateurs étrangers.
4. La seule justification possible de la forme actuelle de la législation AD est celle d'une
soupape de sécurité pour les pressions protectionnistes qui, sinon, pourraient amener
les législatures nationales à voter des lois protectionnistes (telles que l'amendement
super-301 aux Etats-Unis) qui seraient encore plus dommageables économiquement
que les actions AD. Ainsi, les efforts des pays demandant une réforme des procédures
AD pourraient, bien que justifiés économiquement, se révéler contre-productifs
politiquement s'ils préparaient le terrain à un retour d'autre formes de
protectionnisme.
Question 2
Considérez l'extrait suivant du rapport du panel de l'OMC sur une plainte de l'Inde contre
les Etats-Unis, rendu public par l'OMC le 20 juin 2003:
UNITED STATES RULES OF ORIGIN
FOR TEXTILES AND APPAREL PRODUCTS
Report of the Panel
ARGUMENTS OF THE PARTIES
The arguments presented by the parties in their written submissions and oral
statements are reflected below.
1
The parties' answers to questions and comments on
each other's responses are reproduced in Annex A.
First written submission of India
As the United States International Trade Commission ("ITC") noted, "rules of origin
have a particularly significant impact in the textiles area because the manufacture of
such products involves many production processes often performed in more than one
country."
2
The temptation to use rules of origin as a means of protectionism is
therefore particularly great in this area. The United States could not resist this
temptation. Despite its advocacy of trade-neutral rules of origin, the United States
included in its legislation implementing the results of the Uruguay Round
negotiations, new rules for the determination of the origin of textiles and apparel
products that changed the criteria to determine the origin of products covered by a
transitional regime of country-specific quotas established under the Agreement on
Textiles and Clothing ("ATC") [.]
[…] Section 334(b)(1)(C) establishes a new rule, which fixes the origin of a fabric in
the country where it is woven, knitted or otherwise formed in the "greige" state. No
recognition of origin is given for any operations which follow the forming of the
fabric, such as dyeing, printing or other finishing steps. This is a major departure
from the previous rule, under which dyeing and printing, as well as at least two
additional finishing operations, were deemed sufficient to transform "greige" fabric
formed in one country into a new product of the country where the finishing
operations were performed. Greige fabric is "a term used to describe textile products
prior to bleaching, dyeing or finishing."
Finally, section 334(b)(1)(D) contains the "single country assembly" rule. It
provides that, where a textile product (except for those product headings specified in
1
The summaries of the parties' arguments are based on the executive summaries submitted by the
parties to the Panel.
2
United States International Trade Commission, "The Impact of Rules of Origin on US Imports
and Exports," Report to the President on Investigation No. 332-192 under section 332 of the Tariff Act of
1930, Publication No. 1695, May 1985, p. xi.
the section 334(b)(2) "Special Rule") is wholly assembled in a single country, that is
its country of origin. The mere cutting of fabric to form garment parts is no longer
sufficient to confer origin on an assembled textile good.
1. Expliquez ce que sont les règles d'origine en général. Quelle est leur utilité
a) dans un accord de libre-échange du type NAFTA?
b) dans un accord du type ATC (Agreement on Textiles and Clothing, successeur de
l'Accord Multifibre)?
2. Que pensez-vous de l'accusation indienne à propos de la tentation de les utiliser
comme protectionnisme déguisé ? Soyez aussi précis (précise) que possible dans
votre explication de l'effet protectionniste, si vous le désirez à l'aide d'un graphique.
Qui seraient les producteurs protégés ? (Dans quel pays et dans quel segment de la
filière se trouveraient-ils ?)
Réponse suggérée
1. En général, les règles d'origine fixent un seuil minimum de contenu local (proportion
de la valeur ajoutée ou d'inputs locaux) de façon à empêcher que des règles
commerciales préférentielles accordées à un pays ne soient abusées par des
entreprises dont la seule activité locale serait une transformation superficielle.
Dans un accord de libre-échange, chaque pays membre est libre de fixer ses tarifs
extérieurs. Sans règles d'origine, celui qui a le tarif extérieur le plus faible sera alors
utilisé comme point d'entrée pour toute la zone de libre-échange et les autres pays
seront privés de revenu tarifaire. Les règles d'origine servent à empêcher cette
déflection du commerce extérieur, puisqu'elles garantissent qu'un bien dont certains
composants sont importés du reste du monde ne peut être réexporté vers un autre pays
de la zone sans subir une transformation substantielle (généralement au moins un
changement de ligne tarifaire).
Dans un accord tu type ATC, les règles d'origine garantissent qu'un bien ne peut pas
être produit dans un pays exportateur dont les quotas d'exportation sont saturés,
exporté vers un second pays dont les quotas ne sont pas saturés, transformé
superficiellement, et finalement réexporté vers un pays tiers. Un tel trafic reviendrait
à échanger des parts de quotas d'exportation entre des pays les utilisant complètement
et d'autres n'ayant pas la capacité productive pour utiliser les leurs. Ceci serait certes
économiquement logique et désirable, mais par contre politiquement inacceptable
pour les pays protectionnistes inspirateurs du système (l'Europe et les Etats-Unis).
2. Comme le souligne la déposition indienne à l'OMC, ces règles peuvent aisément
manipulées dans un but protectionniste. En effet, dans un accord de libre-échange,
elles obligent les producteurs de bien final, par exemple de chemises (généralement
les partenaires du sud dans ces accords) à sourcer les bien intermédiaires comme le
tissu auprès de leurs partenaires du Nord plutôt que dans des pays tiers plus efficaces.
Il s'agit là d'une diversion de commerce économiquement inefficiente mais qui profite
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