F. Fiorenza Prise en charge des métastases osseuses par le chirurgien orthopédiste. Service d’Orthopédie-Traumatologie CHU Dupuytren - Limoges Fabrice Fiorenza Résumé La maladie métastatique osseuse reste la pathologie tumorale osseuse la plus fréquente. Aussi, la prise en charge du patient présentant une métastase osseuse nécessite une évaluation oncologique multidisciplinaire soigneuse afin de conduire au traitement adéquat. Le chirurgien orthopédiste pourra être amené à proposer pour ces patients une ostéosynthèse prophylactique en cas de risque de fracture, une ostéosynthèse avec ou sans ciment ou une reconstruction prothétique après fracture pathologique ou encore une décompression rachidienne avec stabilisation en cas d’instabilité associée. Le but de cette chirurgie est de soulager la douleur et de proposer une stabilisation immédiate permettant un appui total. Cette reconstruction doit idéalement être définitive et durer jusqu’au décès du patient. En cas de doute sur la nature métastatique ou non d’une lésion lytique isolée, un bilan est nécessaire avec discussion du dossier au sein d’une équipe multidisciplinaire et réalisation d’une biopsie par un chirurgien expérimenté avant toute chirurgie définitive. Métastases osseuses / Traitement chirurgical !La maladie métastatique osseuse reste la pathologie tumorale osseuse la plus fréquente. On estime qu’environ 2/3 des patients présentant des cancers sont susceptibles de développer des métastases osseuses. Du fait de l’amélioration constante des traitements modernes (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie, etc), le pronostic de survie de ces patients progresse de façon constante. Aussi, la prise en charge du patient présentant une métastase osseuse nécessite une évaluation oncologique multidisciplinaire soigneuse afin de conduire au traitement adéquat. Le chirurgien orthopédiste va être sollicité en urgence devant une fracture pathologique, en consultation lors d’une douleur révélatrice inexpliquée ou par un collègue pour donner un avis spécialisé. Il pourra être amené à proposer pour ces patients une ostéosynthèse prophylactique en cas de risque de fracture, une ostéosynthèse avec ou sans ciment , une reconstruction prothétique après fracture pathologique ou encore une décompression rachidienne avec ostéosynthèse en cas d’instabilité associée. Le but de la chirurgie est d’éradiquer la douleur et de proposer une stabilisation immédiate permettant un appui total chez des patients dont les jours sont comptés et qui ne peuvent attendre une consolidation osseuse durant de longs mois. Cette reconstruction doit idéalement être définitive et durer jusqu’au décès du patient. En fonc- Correspondance : Dr Fabrice Fiorenza Service d’Orthopédie-Traumatologie - CHU Dupuytren - Limoges - France E mail : [email protected] Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°3 155 Prise en charge des métastases osseuses par le chirurgien orthopédiste tion des localisations anatomiques, différents types de reconstructions sont possibles. Le risque fracturaire reste parfois difficile à évaluer. Une destruction de plus de 50% de la corticale osseuse sur toutes les incidences radiologiques [1] ou encore une avulsion complète du petit trochan- ter sont considérés comme des signes de fracture inévitable. On pourra également s’aider des critères de Mirels [2] qui permet d’estimer le risque de fracture pathologique. Ce score largement utilisé aux USA [3] comporte 4 items : la douleur, la localisation ana- tomique, la taille de la lésion par rapport au diamètre de la diaphyse osseuse et l’aspect radiologique. Un score supérieur ou égal à 8 est corrélé à un risque fracturaire significatif pour lequel une stabilisation prophylactiTableau 1 1). que est conseillée (T Ta bleau I - Scor e de Mir els / Mirels Scoring System Score Mirels Score Localisation Aspect radiologique Taille /diamètre Douleur 1 2 3 Membre supérieur Membre Inférieur Région trochantérienne Condensant Mixte Lytique < 1/3 1/3-2/3 >2/3 faible modérée importante Pour les diaphyses des os longs, l’enclouage centromédullaire verrouillé est la technique chirurgicale de choix. On pourra y associer le comblement des defects osseux par du ciment Figure 1 chirurgical (Figure 1). Excepté le cas des métastases de cancer du rein, la contamination diaphysaire par les cellules tumorales est acceptable à condition de proposer une radiothérapie de l’os en entier en post-opératoire. Au niveau du membre supérieur et plus particulièrement au niveau de l’avant bras où les contraintes sont moins importantes, on pourra proposer une ostéosynthèse par plaque associée à du ciment chirurgical. La prise en charge des fractures pathologiques au niveau de la hanche diffère de façon significative de la prise en charge traumatologique courante. Un bilan complet doit être effectué (médical, chirurgical, oncologique et radiologique). Quand la lésion est limitée à la tête fémorale ou au col fémoral, on peut proposer une prothèse totale de hanche cimentée ou une prothèse intermédiaire. Les ostéosynthèses type vis-plaque sont rarement indiquées du fait des taux élevés d’échec dus à la nature pathologique de l’os. Un bilan radiologi- 156 que et scintigraphique complet de tout le fémur sont nécessaires à la recherche de lésions plus distales. On pourra utiliser des tiges prothétiques longues afin de diminuer le risque de fracture sous prothèse. En cas de destruction fémorale proximale importante, des prothèses massives visant à remplacer toute l’extrémité proximale du fémur seront utilisées Figure 2 (Figure 2). Pour les lésions localisées au niveau de l’acétabulum certains patients non répondeurs aux traitements médicaux pourront bénéficier de reconstructions complexes décrites par Harrington [4] et utilisant prothèse totale de hanche cimentée, broches de soutien au niveau de l’os iliaque et/ou du sacrum, ciment chirurgical pour combler les défects osseux et anneaux de renfort afin d’éviter toute migration intra-pelFivienne de l’implant cotyloïdien (Figure 3 3). Il ne faut jamais affirmer la nature métastatique d’une lésion lytique isolée ou se précipiter sur une fracture pathologique: traction, bilan radiologique, biologique, scintigraphique et IRM et discussion avec les membres de l’équipe multidisciplinaire doivent être de rigueur avant d’agir. En cas de doute, une biopsie sera effec- Médecine Nucléaire - tuée par le chirurgien de l’équipe multidisciplinaire avant d’envisager la chirurgie définitive. L’ostéosynthèse d’une soi-disant métastase qui se révèle au final être une tumeur maligne primitive est une catastrophe car il y a contamination inévitable de toute la voie d’abord et de toute la diaphyse en cas d’enclouage. Le traitement conservateur est alors souvent impossible. Les métastases uniques de cancer du rein ont un meilleur pronostic si elles sont réséquées en bloc comme une tumeur primitive. L’avis du comité pluridisciplinaire est alors recommandé. En conclusion, la prise en charge des patients présentant une métastase osseuse reste difficile car le choix entre les différentes modalités thérapeutiques doit apporter le meilleur traitement palliatif tout en minimisant les risques [5]. Il faut insister sur la nécessité de la prise en charge de ces patients au sein d’une équipe multidisciplinaire afin de proposer le traitement le plus adéquat possible en fonction de l’état général et du pronostic de survie. Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°3 F. Fiorenza Figure 1 - Métastase de l’extrémité distale du fémur ayant nécessité un enclouage centro-médullaire cimenté. Metastic lesion of the distal femur treated with nailing and cement Figure 2 - Femme de 78 ans présentant des métastases multiples de cancer du sein avec fracture pathologique associée de l’extrémité pr oximale du fém ur othétipro fémur ur.. Remplacement pr prothétique par prothèse massive. 78-year-old lady with pathologic fracture of proximal femur (breast cancer),treated by resection and endoprosthetic replacement of proximal femur. Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°3 157 Prise en charge des métastases osseuses par le chirurgien orthopédiste Figure 3 - Homme, 50 ans, métastase de cancer du poumon localisée au niveau du toit du cotyle. Reconstruction par prothèse totale de hanche cimentée selon la technique de Harrington Acetabular reconstruction according to Harrington’s procedure for a 50- year-old patient with metastatic disease of the roof of the acetabulum (primary lung cancer) The role of the orthopaedic surgeon in metastatic bone disease management Metastatic bone disease is the most common malignant bone lesions seen in adults. A multidisciplinary approach is required in order to assess patients’ status and prognosis. The orthopaedic surgeon has three main roles in the management of these patients: to undertake prophylactic fixation of a metastatic lesion when there is a risk of fracture, to stabilise or reconstruct after pathologic fracture, to decompress the spinal cord and nerve or stabilise the spine. The aims of surgery are to relieve pain and restore function. The procedure should provide immediate stability and fixation should aim to last for the lifetime of the patient. If there is the slightest doubt as to the nature of the pathology, and in particular when there is a solitary bony lesion, further investigations should be performed (MRI, scintigraphy). The case should be discussed by the members of the multidisciplinary team and a biopsy carried out before the definitive surgery. Metastatic bone disease / Surgical management RÉFÉRENCES 1. Fidler M. Incidence of fracture through metastases in long bones. Acta Orthop Scand 1981;52(6): 6237. 2. Mirels H. Metastatic disease in long bones. A proposed scoring system for diagnosing impending patho- 158 logic fractures.Clin Orthop Relat Res 1989;(249): 256-64. 3. Aaron A. D.Treatment of metastatic adenocarcinoma of the pelvis and the extremities. J Bone Joint Surg Am 1997;79(6): 917-32. Médecine Nucléaire - 4. Harrington K. D. Orthopaedic management of extremity and pelvic lesions. Clin Orthop Relat Res 1995;(312):136-47. 5. Bauer H. C. Controversies in the surgical management of skeletal metastases. J Bone Joint Surg Br 2005;87(5): 608-17. Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2006 - vol.30 - n°3