Institut National des Langues et Civilisations Orientales L2 Arabe

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Institut National des Langues et Civilisations Orientales
L2 Arabe littéral
Année universitaire 2012-2013
Introduction à l'islamologie
Cours de Mme Comerro
Sommaire
Introduction
Histoire du monothéisme
Première partie
Les sources et leur élaboration
Deuxième partie
L'efficacité symbolique
Modalités d'examen:
 contrôle continu: participation, trois fiches de lecture (deux pages: auteur en quatre lignes,
contenu de l'ouvrage, évaluation personnelle de l'ouvrage);
 examen final: dissertation ou commentaire de texte.
Introduction
Histoire du monothéisme
Le message central de l'Islam est l'unicité de Dieu (tawhid). Ce monothéisme n'est pas une
conception propre à l'islam: elle est partagée par le judaïsme et le christianisme.
Le monothéisme a une histoire. Il y a des religions dans le monde qui ne sont pas monothéistes. On
dit que le judaïsme est le premier à avoir professé le monothéisme. Les juifs ont été suivis par les
chrétiens qui ont donné du monothéisme une définition pariculière, la trinité (un dieu qui se module
en trois personnes, le père, le fils et le saint esprit). Cette conception de la trinité a mis plusieurs
siècles à s'élaborer dans les conciles (assemblée d'autorité ecclésiastique des évêques). Le premier
concile aurait eu lieu à Jérusalem au premier siècle.
Cette unicité de Dieu est affirmée de façon centrale par le Coran. Le premier pilier du credo
islamique est la profession de foi (shahâda: « Il n'y a de dieu que Dieu et Mohammed est son
prophète »).
Des thèmes développés dans le Coran sont communs au judaïsme et à l'islam: résurrection des
morts, jugement dernier. Ces thèmes apparaissent vers le IIIe siècle avant notre ère. Dans l'Ancien
Testament: deux attestations de cette idée d'un autre monde, de la résurrection des morts. Au
premier siècle, on en discutait encore.
Les historiens et les exégètes ne confondent plus l'histoire d'Israël avec la présentation théologique
faite par la Bible. La Bible commence par le récit de la création du monde par le dieu unique.
Certains passages de la Bible admettent implicitement l'existence d'autres dieux:
 « Tu n'auras pas d'autres dieux face à Moi » (Exode 20, 3);
 « Dieu s'est dressé dans l'assemblée divine. Au milieu des dieux, Il juge » (Psaumes 82,
verset 1).
 « Qui, dans le ciel, rivalise avec YHVH1? » (Psaumes 89, 6-8);
 Hélion, dieu très haut, et YHVH, dieu particulier à Israël (Deutéronome 32,8).
À l'origine, Israël reconnaît l'existence d'autres dieux; ce n'est pas une situation de monothéisme,
mais d'hénothéisme (monolâtrie).
Le monothéisme universaliste apparaîtrait avec les prophètes de l'exil après la destruction de
Jérusalem par les Babyloniens en 587 avant JC (livre d'Isaïe). Le livre prophétique d'Isaïe est une
compilation. Il y aurait eu un prophète Isaïe qui aurait vécu au VIIIe siècle avant JC. Il aurait eu des
disciples qui auraient vécu à Babylone après la destruction du royaume de Judas et qui aurait
continué la prophétie de leur maître (Deutéro-Isaie). Un Trito-Isaie aurait vécu lors de la
reconstruction du temple (utlisation de la pseudépigraphie).
Depuis le XVIe siècle, les exégètes estiment que Moise n'est pas l'auteur de la Torah (il ne peut pas
raconter sa propre mort).
Les textes les plus proches concernant le monothéisme se trouvent entre le Deutéro-Isaïe (43, 10-11;
44, 6-8; 45, 5-7) et le Coran.
Jusqu'aux premiers rois inclus (David et Salomon), le passé d'Israël n'est documenté que dans le
1
Dans la Bible: YHVH, Elohim (pluriel de El).
Bible.
Dans la stèle de Merneptah (1230 avant JC), on peut lire la mention: « Israël est dévasté, sa
semence n'est plus ». Une entité qui s'appellerait Israël aurait été vaincu par les Égyptiens.
À la mort de Salomon (930), deux tribus ont suivi Roboam, le fils de Salomon, et sont parties
fonder le royaume du Judas (avec comme capitale Jérusalem); Jéroboam, avec les dix autres tribus,
fonde le royaume d'Israel (avec comme capitale Samarie).
À partir de cette séparation des deux royames, des témoignages extérieurs viennent corroborer ou
infléchir ce que nous dit la Bible de l'histoire du peuple juif.
Sur la période lointaine des patriarches (Abraham, Isaac, Jacob), on a affaire à une généalogie
fictive; on a construit sous forme généalogique des traditions qui appartiendraient à des peuples
différents. Le partiarche le plus ancien serait Jacob (ancêtre des douze tribus), nommé aussi Israël, à
la suite d'un combat qu'il aurait mené contre l'ange de Dieu.
Les exégètes estiment que la première place donnée à Abraham aurait été faite à partir de la
séparation de ces deux royaumes, quand il n'est plus resté que le royaume de Judas (le royaume
d'Israël avait disparu deux siècles avant, en 722, sous les coups des Assyriens). Abraham aurait été
le patriarche d'Hébron (première capitale du roi David).
L'histoire d'Abraham a été écrite en plusieurs fois à partir de scènes indépendantes l'une de l'autre,
qui revêtent des significations religieuses fortes: la terre promise, la descendance (Sarah était stérile,
la naissance d'Isaac est considérée comme le fruit d'une promesse divine) et une bénédiction
universelle. Le cycle de Jacob est plus unifié, complet et anecdotique.
Selon les archéologues et les historiens, Israël se serait constitué progressivement à partir de
groupes indépendants qui se sont organisés en royaumes au Xe siècle sous le commandement de
David.
Les patriarches sont reliés artificiellement par l'histoire de Joseph. Entre Joseph et Moise, il s'est
écoulé un laps de temps sur lequel la Bible ne nous dit rien.
Le caractère monolatrique de la croyance d'Israël remonterait à Moise qui l'impose à des clans sortis
d'Égypte à la suite d'une révélation de YHVH qu'il aurait reçue au Mont Sinai. Moise et ceux qui lui
succèdent introduisent le culte de YHVH dans la terre de Canaan (Palestine).
La conquête de la Palestine (terre promise par Dieu à son peuple) est violente: c'est une guerre
sainte avec Dieu à la tête des armées (Josué, 6, 20-21).
Les données archéologiques contredisent une conquête violente: la destruction de Jérico est
antérieure au Xe siècle; on trouve des contradictions dans le livre de Josué (Josué traite avec
certains peuples; initiatives de groupes particuliers; la conquête n'est pas achevée à la mort de
Josué).
L'hypothèse des historiens et des archéologues est qu'Israel est l'aboutissement d'un processus long
et compelxe et qu'il s'est formé à partir des populations autochtones (Habiru > Hébreux), en conflit
avec les rois des cités-États cananéennes.
Le modèle littéraire d'une guerre sainte a été trouvé dans la littérature assyrienne. Le grand dieu des
Assyriens est le dieu Assur. Les Assyriens diffusent des documents juridiques et de propagande
dans lequel le roi d'Assyrie demande la soumission des ennemis. C'est Assur qui détruit le royaume
d'Israël. Le royaume de Judas aurait calqué sa propagande sur la littéraure assyrienne.
Entre 722 et 587, le roi Josias aurait profité de l'affaiblissement de l'Assyrie pour reconquérir les
anciennes terres du royaume d'Israël. Une partie du livre de Josué aurait été composée à ce momentlà. YHVH se comporte comme Assur (dieu conquérant). Cette conception triomphaliste d'un dieu
guerrier va être revu après la destruction de Jérusalem.
La Bible donne une énorme importance aux royaumes de David et de Salomon. Or les découvertes
archéologiques ne permettent pas de corroborer cette hypothèse. On n'avait pas encore de structure
urbaine développée (chefferies, structures pré-étatiques).
Pour les archéologues (Finkelstein, La Bible devoilée), la formation du peuple d'Israël s'est faite
lentement à partir des populations autochtones de Canaen. L'exode s'inscrit dans un cadre plus
général de mouvements migratoires entre Canaen et le delta égyptien, à l'abri de la famine.
La dynastie des Hyksos (populations sémitiques qui s'est installées en Égypte) a régné entre 1670 et
1570 avant JC.
Pour les archéologues, l'idée d'une population cananéenne qui prend le pouvoir en Égypte et est
vaincue est le souvenir de cela.
Israel aurait été un peuple hénothéiste: on trouve cette idée dans le livre des rois où de fortes
influences étrangères se développent sous la monarchie. Des personnages sont restés célèbres:
Achab et son épouse Jézabel, combattue par le prophète Élie; la reine Athalie, fille de Jézabel, qui a
épousé un roi de Judas.
Deux périodes clés pour l'écriture de la Bible:
 VIIe siècle avant JC (roi Josias);
 à partir de 587 avant JC (exil à Babylone après la destruction de Jérusalem).
Josias a régné sur le petit royaume de Judas. Avec l'affaiblissement de l'Assyrie, il a essayé de
reconquérir le royaume du Nord. Il est tombé contre les Égyptiens. Son projet politique a échoué. Il
avait un projet politique et religieux: unifier le royaume de Judas et l'ex-royaume d'Israël dans une
seule capitale, Jérusalem, avec un seul temple, et un seul dieu, YHVH (Rois, II, 23).
On est loin d'une situation de monothéisme.
D'où vient le monothéisme?
On situe l'émergence d'un monothéisme universel au moment de l'exil à Babylone: dans l'air du
temps en Grèce au VIe siècle où on voit apparaître les philosophes présocratiques qui essayent de
trouver une explication naturelle à ce qui se passe dans le monde, qui s'organise autour d'un principe
unique (Thalès, Pythagore, Parménide, Empédocle, Héraclite).
Empédocle: dieu cosmique constitué de quatre éléments qui constituent toute chose avec le principe
d'amour qui unit et la haine qui désunit. On essaye de sortir de la multiplicité des dieux.
À Babylone, le dernier roi babylonien, Nabonide, vaincu par les Perses, avait essayé de faire du
dieu lunaire Sin un dieu plus fort que les autres; le clergé babylonien défendait le dieu Marduk;
Nabonide fait de Marduk son dieu.
Le prophète Isaïe fait de ce roi Cyrus le messie d'Isrël: le peuple hébreu fait d'un roi perse son
messie. On a retrouvé au XIXe siècle le cylindre de Cyrus qui montre les hauts faits du nouveau roi
de Babylone après la conquête, qui se réfère au dieu Marduk qui lui a donné Babylone, lui a permis
de conquérir d'autres populations (Mèdes plus au nord-ouest) et de devenir le roi du monde.
La religion d'Ahura Mazda devient la religion de l'empire achéménide.
Sous les sucesseurs de Darius (Xerxès, Artaxerxès), l'élite juive peut revenir en Canaen.
S'exprime un vériatble monothéisme universel: l'hénothéisme, l'aniconisme (pas d'image de YHVH)
et le fait qu'il n'a pas su protéger son peuple font que YHVH est en échec. Il faut trouver une autre
théologie: un dieu universel qui utilise Cyus comme messie pour faire régner l'ordre qu'il a décidé.
Ier siècle de notre ère: Jésus, le christianisme
Le judaisme est pluriel: l'unicité de Dieu va de soi (monothéisme), pas l'idée de la résurrection et du
jugement dernier (les Saducéens n'y croyaient pas).
Foule de figures intermédiaires: les anges et les démons. Si Dieu est unique et transcendant, il faut
trouver des moyens pour qu'il communique avec les hommes. Il ne s'adresse plus directement aux
hommes.
La foi juive a résisté au dualisme: l'idée de résurrection, de jugement dernier, d'anges vient des
religions perses (zoroastrisme, mazdéisme) mais avec un dualisme auquel la foi juive résiste. Un
satan apparaît mais il est soumis à Dieu.
Mouvement apocalyptique: vision sur ce qui va arriver, sur un autre monde.
On avait du mal à articuler cette idée d'un dieu unique, créateur et tout-puissant qui aurait ordonné
le monde, et le désordre, le mal la corruption qui règnent dans le monde.
On dit que le monde va vers sa fin: il y aura un jugment, un autre monde, cette possibilité enfin
réalisée d'une justice qui récompensera les bons et punira les mauvais.
Cette idée appraît peu dans la bible hébraïque: livre de Daniel qui date du IIe siècle avant notre ère,
écrit au moment de la persécution du peuple juif: Antiochus Épiphane (successeur des Diadoques) a
pour projet d'helléniser les juifs (statue de Jupiter dans le temple, interdire la corconcision). Les
juifs se révoltent sous la domination de la famille des Macchabées.
Conquête romaine: Pompée, en 63 avant JC, conquiert la Palestine. Les Romains mettent au
pouvoir une dynastie pro-romaine: Hérode est nommé gouverneur puis roi des Juifs par le Sénat
romain.
Se développe l'idée que monde va mal et que c'est bientôt la fin des temps. La prédication de Jésus
est axée sur la fin des temps et le royaume de dieu qui va venir.
Le Coran hérite du monothéisme, de l'idée de jugement et de résurrection. Cette idée de jugement
dernier n'appartient pas seulement au monothéisme.
Dernier livre de la République de Platon: Er le Pamphylien est tombé sur le champ de bataille et on
l'a cru mort. On l'a transporté pour le brûler et il s'est réveillé sur le bûcher.
Il y a eu plusieurs courants du christianisme: un judéo-christianisme resté fidèle à la loi juive.
Philon d'Alexandrie, auteur juif qui écrivait en grec, propose une autre exégèse de l'épisode d'Isaac:
le vrai père d'Isaac n'est pas Abraham mais Dieu; Sarah dit que Dieu lui a donnéle rire (Isaac <
dhahaka: rire).
Le lien entre l'apocalyptique et la divination: l'haruspicine (lecture des entrailles), pratique antique
des Arcadiens qui s'est maintenue en Babylonie, a pu influencer ce nouveau courant de
l'apocalyptique.
Le mythe d'Er le Pamphylien
Il s'agit d'âmes séparées des corps. Elles sont séparées en deux groupes, les justes et les fauteurs
d'injustice (jugement dernier).
Socrate insiste sur l'injustice politique, crime par excellence, parce que les gouvernants sont
responsables des gouvernés.
L'image utilisée est celle d'une fileuse, la déesse Nécessité. Un immense roué englobe les huit
sphères terrestres. Ses trois filles tissent le fil de la vie des humains et des animaux.
Dans cette vision de la Nécessité, d'un ordre nécessaire du monde, il introduit la liberté de l'homme,
responsable de son existence (Monod, Le hasard et la nécessité).
Le hasard est l'ordre de passage: le premier est le plus favorisé, mais choisit la vie d'un tyran et fait
un mauvais choix; le dernier Ulysse choisit la vie qu'il aurait choisi s'il avait été numéro un, une vie
ordinaire. Le choix judicieux vient corriger le hasard.
D'un certaine manière, le séjour sous la terre, l'expérience de la souffrance nous entraînent à choisir
une vie bonne: une morale s'installe.
Cours n°1
La Sîra ou la vie du prophète Muhammad
etudiants-licence-arabe.id.st
Le monothéisme n'est pas propre à l'islam. C'est la prédication d'un prophète arabe au VIIe siècle
qui est propre à l'islam.
On retrouve l'unicité de Dieu, le paradis et l'enfer, les anges, la fin du monde. On retrouve Abraham,
Isaac, Jacob, Moise, Joseph, Jésus qui appartiennent à l'héritage biblique.
Ce que nous raconte la Bible est une histoire sainte mais pas historique. On a revisité cette
chronologie biblique en fonction des découvertes archéologiques. Certains récits ne sont pas
historiques: Noé, l'exode, Moise.
Muhammad n'a pas introduit le monothéisme en Arabie. Au VIIe siècle, l'Arabie n'était pas occupée
que par des païens.
Depuis le IVe siècle, au Yémen, une dynastie juive s'était installée. Le judaïsme existe aussi dans les
oasis (Q, 17, 110).
Le christianisme aussi était bien installé en Arabie, au Yémen: Najran, une colonie chrétienne
importante, est attaquée par le roi juive du Yémen, Youssouf; cette attqque entraîne une réaction de
la part de Byzance qui pousse l'Éthiopie (chrétienne) à envahir le Yémen.
On dit que le prophète est né l'année de l'éléphant; la tradition musulmane la date de 570.
Abraha, roi éthiopien gouvernant le Yémen, a fait une expédition à l'intérieur de l'Arabie. Il voulait
attaquer le sanctuaire de la Mecque parce qu'il faisait concurrence à la cathédrale de Sanaa. Il aurait
voulu intervenir en Arabie pour étendre son territoire.
En 570, les Perses s'installent au Yémen: période d'effondrement du royaume du Yémen.
Le premier document contemporain est le Coran (fragments coraniques du VIIe siècle). À travers
le Coran, on peut avoir une diée de la doctrine prêchée par Muhammad. Il fait allusion à un certain
nombre d'événements de la vie du prophète et de la communauté. Dans quelle mesure l'explicitation
des commentaires est-elle une reconstruction?
Sourate 93, « Al-Duhâ »: Muhammad n'est pas cité, mais les exégètes ont conclu qu'il est orphelin.
Dieu l'a guidé avant la révélation.
Sourate 8, « Al-Anfâl »: on fait allusion à quelque chose de bien connu, l'événement de Badr. C'est
un mode allusif qui ne permet pas de raconter la vie du prophète sans le secours de la tradition.
Le Hadith est la tradition qui apporte les faits et paroles du prophète Muhammad. Ils ont été
compilés dans des ouvrages à partir du IXe siècle. Ils s'appuient sur une tradition antérieure, censée
remontée au VIIe siècle. Il y a eu des traditions apocryphes introduites dans ce corpus.
On a des inscriptions épigraphiques intéressantes: « Au nom de Dieu, je suis Zuhayr, j'écris au
temps où Omar est mort année vingt-quatre » (de l'Hégire).
Deux barrages en Arabie ont été fait construire quand Mu'awiyya était commandeur des croyants.
Des pièces de monnaie portent le nom de Mu'awiyya avec son titre écrit en persan (41 de l'Hégire).
Un papyrus daté de 22 de l'Hégire est un protocole grec et arabe (document égyptien).
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