STRUCTURE RELATIONNELLE DE
L’EXISTER DANS L’ETRE
« LE POUVOIR DE FAIRE ÊTRE » COMME LIEN PHILOSOPHIQUE ET
THÉOLOGIQUE ENTRE LE JUDAÏSME ET LE CHRISTIANISME
I. LES QUESTIONS QUE NOUS POSONS
A. SERVIR LA VÉRITÉ AVEC HARDIESSE.
Au terme d’une imposante tradition de plus de trente siècles
tradition aux multiples composantes philosophiques, scienti-
fiques, religieuses et politiques est-il encore possible de se
poser aujourd’hui, de nouveau et comme à neuf, toutes, oui,
toutes les interrogations fondamentales de l’existence humaine ?
On pourrait en douter au premier abord, puisque notre tradi-
tion occidentale gréco-judéo-chrétienne a déjà soulevé toutes les
interrogations fondamentales de l’existence, en a aussi défini les
termes et semble également, aux yeux de beaucoup, leur avoir
proposé toutes les solutions dignes d’intérêt, les vraies et les
moins vraies, et quelques fausses en plus...
Cette supposition d’exhaustivité est-elle fondée ? Toute la
vérité touchant notre existence humaine a-t-elle été dite, de sorte
qu’il n’y aurait de renouvellement possible que dans l’erreur ?
N’y a-t-il pas plutôt un devoir de trouver dans les traditions qui
tissent notre culture, en les ajustant entre elles selon leurs
valeurs, des vérités plus grandes que celles qu’elles nous
apportent séparément, ou qui résulteraient d’un compromis avec
les déficiences de l’une ou de l’autre ? Les vérités qui
s’accordent renforcent leur intelligibilité, tandis que leur
isolement ou une promiscuité inaperçue ou forcée avec l’erreur
les obscurcissent et les naturent. C’est dans cet état d’esprit
qu’il convient d’analyser, de comprendre et de poursuivre la
rencontre de la tradition grecque, philosophique et scientifique,
avec la tradition juive, éthique et religieuse et d’accueillir de
surcroît, si elle s’est accomplie, une vélation de Dieu lui-
même.
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1. Pour une philosophie repensée en son intégralité.
Après Platon et Aristote, Augustin et Thomas d’Aquin et
depuis Descartes, Kant et Hegel un nouveau système philo-
sophique et théologique est-il encore possible ? Un système
englobant toutes les composantes de l’existence, inventif de
vérité, hardi dans la recherche d’une intelligibilité totale ?
Sans doute on ne peut ignorer ces grands esprits et
l’influence déterminante qu’ils ont exercée et qui perdure encore.
Sans doute il est impossible de ne pas se situer par rapport eux ;
impossible surtout de ne pas reconnaître notre immense dette à
leur égard, bien que leurs pensées ne comblent pas entièrement
notre désir de comprendre. Peut-on soutenir pour autant qu’il ne
reste à la pensée philosophique moderne qu’à systématiser les
acquis rationnels antérieurs et à se rabattre pour le reste sur
l’analyse des faits de société à l’instar des sciences humaines ?
Ne faut-il pas aussi, aujourd’hui et demain, tenter de
résoudre les antinomies multiples, méthodologiques et ontolo-
giques, transmises par ses impressionnants devanciers et
poursuivre et si possible faire aboutir l’effort qu’ils ont fait
pour les surmonter et combler l’écart qui persiste entre la réalité
et la représentation qu’ils s’en donnaient.
2. Pour une théologie réinterprétée en ses
présupposés spéculatifs.
En outre, sur le plan théologique n’est-il pas nécessaire de
reprendre, à un niveau d’interprétation plus rationnel et mieux
organisé, les vérités confirmées qui parviennent à se dégager de
l’ensemble, vénérable mais chaotique, des doctrines religieuses ?
Notre tradition occidentale, en effet, non seulement n’a pas
fini de répondre entièrement à toutes les questions qu’elle a
soulevées en philosophie sur notre nature humaine en son
identité permanente et en son historicité ce qui implique déjà
une problématique de la tradition en général en tant que
conduite humaine, par rapport à ce qui est transmis , mais elle-
même, comme tradition occidentale, devient également une
question fondamentale spécifique, en raison de sa composante
religieuse, laquelle invoque une double révélation divine
survenant dans l’histoire, celle par Moïse et celle de Jésus.
LE POUVOIR DE FAIRE ÊTRE
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Que faut-il entendre par « révélation » au singulier ou au
pluriel ? Ces révélations sont-elles possibles et comment ? Sont-
elles constitutives de notre historicité comme telle ou
simplement conformes à ses lois, sans être nécessaires ? Sont-
elles des réalisations simplement culturelles de l’humanité qui
les porte et s’accomplit historiquement en elles et dont la
méthode historique et son analyse des faits peuvent rendre
compte adéquatement ? Ou bien une réaliproprement divine
s’inscrit-elle dans notre historicité, lors d’événements singuliers,
lui donnant par un surcroît de sens de nature transhistorique,
une signification complémentaire et inédite jusqu’alors, en
laquelle nous comprenons que notre destinée humaine en sa
totalité et donc originellement est intégrée et surélevée en
un ordre transcendant de réalité, en un ordre proprement divin ?
Si un tel sens, préexistant et dévoilé comme une ultime
nouveauté, et si une telle réalité transphénoménale, englobant
notre historicité, ne peuvent être saisis par la seule considération
historique des faits singuliers qui nous les révèlent, à quelle
réflexion philosophique faudra-t-il recourir pour les comprendre
adéquatement et les interpréter correctement ? Voilà de
redoutables questions dans le domaine des rapports entre la
raison et la foi ; questions touchant même leurs essences
respectives !
Posons en hypothèse, pour le moment, la réalité d’une action
divine singulière en l’histoire dans le cadre de la tradition
biblique. Notre tradition occidentale judéo-chrétienne devient
alors une question fondamentale pour une autre raison encore,
non plus d’ordre principalement épistémologique, mais de portée
essentiellement ontologique. En effet, d’une part, en se rattachant
dans son enseignement à un absolu divin éternel, elle actualise
forcément à chaque instant du temps les interrogations sur notre
nature en tant que permanente et d’autre part, en introduisant des
événements circonstanciels de révélation divine dans la perma-
nence de notre nature, elle inscrit celle-ci dans une histoire qui
va au-delà de notre historicité temporelle, dans une histoire
qu’on pourrait aussi appeler, et qui doit être tout autre chose
qu’une composante temporelle nouvelle ajoutée aux données
constantes de notre historicité. La question de la possibilité d’une
révélation et de la juste connaissance de son enseignement
entraîne celle des rapports, fondamentalement interpersonnels,
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du divin et de l’humain, de l’éternel et du temporel, du divin
oeuvrant, sur un mode personnel, dans l’humain et de l’humain
en devenir personnalisé de « divin ». Ce qui est permanent à
travers le temps est-il introduit en une histoire orientée à
l’éternité ? La possibilité et la réalité d’une révélation est donc
liée à la question naturelle de la destinée transcendante de
l’homme selon des relations interpersonnelles.
Enfin, étant déjà doublement une question fondamentale en
elle-même, en tant que mémoire dont la nature doit être ana-
lysée d’une révélation divine et par l’objet de cette
révélation : Dieu engagé envers l’homme l’Humanité en sa
totalité et chacun en son humanité personnelle , dans son
histoire et pour sa destinée, notre tradition occidentale est
également une interrogation cruciale pour elle-même, pour ses
acteurs individuels, sociaux et institutionnels, en raison de la
manière dont sont interprétées ces révélations comme faits et
comme alités dévoilées qui sont à sa source : soit selon le
judaïsme qui n’accepte que la révélation par Moïse ou selon le
christianisme qui accepte la révélation par Moïse en la plaçant en
perspective de celle de Jésus. Cette mise en perspective des deux
révélations, propre au christianisme, donne à ces révélations,
biblique et évangélique, des significations différentes, valables
ou non suivant la valeur de la « perspective de liaison » de l’une
à l’autre. Quelle est donc la nature et la valeur de ces
perspectives de liaison ? Sont-elles empirico-historiques selon
des attitudes psychologiques en lesquelles se plaît l’imaginaire
ou éthico-ontologiques selon les nécessités de l’être que
l’analyse réflexive reconnaît comme les règles de nos actions ?
Y a-t-il une façon de comprendre l’une, seule en elle-même
comme le fait le judaïsme et une façon de comprendre les deux
ensemble en perspective l’une de l’autre, comme le fait le
christianisme, qui soient compatibles entre elles ? Ou bien une
compréhension de l’une, du seul fait d’être focalisée dans
l’exclusivité, comme dans le judaïsme, est-elle nécessairement
incompatible avec une compréhension qui les met toutes deux en
perspective ? Et réciproquement toute mise en perspective de
l’une avec l’autre est-elle nécessairement incompatible et conflic-
tuelle avec une compréhension focalisée dans l’exclusivité ? Ne
faut-il pas, pour qu’elle soit valable, qu’une mise en perspective
de la Torah envers l’Évangile soit en accord avec l’orientation
LE POUVOIR DE FAIRE ÊTRE
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intérieure à la Torah seule ? Ne faut-il pas aussi pour que soit
bien comprise l’orientation intérieure à la Torah seule qu’elle ne
soit pas mise de l’extérieur en opposition à l’Évangile ?
La réponse à ces questions sur les rapports entre le judaïsme
et le christianisme implique, cela se comprend, une réflexion
renouvelée en profondeur sur la nature de notre être humain en
sa constitution la plus profonde tant selon sa présence au monde
et sa relation à autrui comme masculin et féminin, que selon ses
rapports avec une initiative divine de révélation. Nous voilà donc
ramenés par la double question des sources religieuses de notre
tradition et de leur interprétation à celle de notre existence
humaine en tant que telle et à ses interrogations fondamentales.
Cela requiert donc une étude renouvelée de celles-ci.
Inversement n’est-ce pas déjà par rapport à ces interrogations
fondamentales aussi que se situent en partie le judaïsme et le
christianisme dans leurs sources comme dans leurs évolutions ?
Les raisons sont donc multiples qui nous commandent
d’entreprendre, selon les exigences rationnelles, une restructu-
ration, à la racine, de la tradition philosophique héritée des
Grecs, et de travailler ainsi à la stature définitive d’une ontologie
qui soit en accord avec l’expérience éthique la plus authentique
de la Bible et d’Israël, afin de pouvoir, avec le plus de justesse
possible, entendre, adhérer à et témoigner de l’indissociable
réalité d’une révélation transcendante de Dieu en l’humanité de
Jésus. Révélation, advenue en la tradition juive qui en avait posé,
par son éthique vécue comme une relation personnelle avec
Dieu, les conditions de possibilité historiques, maintenue par la
tradition chrétienne qui en garde la mémoire en lien avec la
tradition juive qui en perpétue les conditions d’intelligibilité, et
tenue comme telle à la disposition de tout homme, en vue de son
accomplissement le meilleur.
B. RÉALITÉS ET PROBLÈMES : IMPASSES ET PERSPECTIVES.
1. Pluralités réelles, en une problématique ruineuse.
Plusieurs domaines ou secteurs de réalité retiendront donc
notre attention. Trois ou quatre ? Cela dépend du stade de notre
réflexion comme de l’ouverture de notre angle de recherche et de
la manière de grouper les questions qu’on y rencontre. Ils sont
traversés par les idées, les forces vives, mais aussi les tensions de
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