Ainsi en France, entre 1951 et 1972, les réfugiés reconnus par l’OFPRA sont à 98 % européens,
essentiellement espagnols, russes, arméniens, polonais, hongrois et yougoslaves25. Pourtant, les
guerres et les persécutions ne manquent pas de se développer sur les autres continents et notamment
en Afrique au fur et à mesure où se multiplient les guerres de libération contre les colonisateurs :
l'histoire du droit d'asile rencontre ici celle de la décolonisation et celle de la dimension post-
colonial du fait migratoire 26. La décennie des années 1960 est marquée par les mouvements de
décolonisation27 qui inscrivent sur la scène internationale les pays nouvellement libertés. En 1964,
l’Organisation de l’unité africaine décide de se doter de sa propre convention sur le droit des
réfugiés. Le haut commissaire aux Réfugiés, voyant son autorité menacée, convoque à Bellagio en
Italie une conférence d’experts destinés à étendre le champ de la Convention de Genève sans passer
par une conférence internationale qui pourrait remettre en question les autres termes de la
convention. Un Protocole additionnel est adopté, dit « protocole de Bellagio » ou « Protocole de
New York », rédigé en termes minimaux et adopté presque sans débats par l’Assemblée Générale
des Nations Unies en 1967 : il supprime juridiquement la référence temporelle de l’article 1A2. Or,
dès ce moment, la plupart des pays occidentaux, commencent à proclamer la fermeture
administrative de leurs frontières28 et, dans ces pays, les taux de rejet des demandes d'asile
s'accroissent de manière exponentielle suivant une évolution à la hausse qu'ils suivront jusqu'aux
maxima actuels proches des 100 % en Europe29. Certains réfugiés originaires de l'Asie du Sud-Est
(Boat-people) ou fuyant les dictatures d'Amérique du sud seront bien accueillis encore dans les
années 1970. Mais dès cette époque là, les taux de rejet des demandes d'asile d'origines africaines
s'envoleront pour atteindre leurs maxima actuels dès le milieu des années 198030. Cette dimension
post-coloniale du rejet des exilés au centre des évolutions ultérieures31.
Méfiance des États à l'encontre des demandeurs d'asile de 1967 à 2009 [modifier]
En Occident, les demandes d'asile suscitent de plus en plus fréquemment des décisions de
rejet32,33. Certaines personnes qualifient ce fait de "grand retournement du droit de l'asile contre les
exilés"34, disent que les règles du droit d'asile discréditent les exilés alors que, selon ces personnes,
ces règles devraient les protéger35 et affirment que ces faits s'inscrivent dans un mouvement plus
vaste de radicalisation des politiques publiques antimigratoires puis de remontée des nationalismes
xénophobes36 dans les systèmes politiques européens. Certaines personnes disent que plusieurs
phénomènes cumulatifs s'enchaînent historiquement qui expliqueraient une transformation du droit
de l'asile en ce qui constitue selon elles un droit du rejet :
la colonisation et de la décolonisation pour ce qui concerne les années 1960 et 1970
les politiques antimigratoires préparées par ce qui précède et propulsées dans la conjoncture
de crise économique des années 1970
la montée en puissance des partis d’extrême droite durant les années 1980 et suivantes
l’affaiblissement des idéologies et des partis de gauche en Europe durant les années 1990
l’européanisation des politiques migratoires à la fin des années 1990 37…
Certaines personnes disent qu'au terme de ce demi-siècle d'histoire le droit d'asile semble en
voie d'extinction38 comme à la fin du XVIe siècle : ces personnes disent que, comme à la fin du
XVIe siècle, la plupart des tribunaux ne le reconnaissent plus et que la quasi-totalité des demandes
d'asile sont rejetées39. Ces personnes disent également que, plus encore, le droit de l'asile, développé
dans les pays limitrophes des pays riches occidentaux, sert à avancer le moment et le lieu de rejet de
ces demandes ; cette "externalisation de l'asile"40 s'accompagne d'une prolifération des camps
d'étrangers41 dans lesquels sont enfermés 42 les exilés en transit ou rejetés43.
Article détaillé : Externalisation de l'asile.
Bibliographie [modifier]
Diane Afoumando, Exil impossible - L’errance des Juifs du paquebot « St-Louis » ,
L’Harmattan, 2005. UN CHAPITRE EN ACCES LIBRE]
Marc Bernardot, Camps d’étrangers . Editions Du Croquant, Collection TERRA, mars 2008
François Crépeau, Droit d’asile : de l’hospitalité aux contrôles migratoires, Bruyland, 1995.
Antoine Decourcelle, Stéphane Julinet, Que reste-t-il du droit d’asile ?, L’esprit frappeur,
2000.