GASTROENTÉROLOGIE
ET COLOPROCTOLOGIE
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dence cumulée de cette gastroparésie
sur10ansestde4,8%,avecunesurve-
nueparticulièrementfréquente chez
lesmalades atteints d’une néphropa-
thie, d’une rétinopathie et/ou d’une
neuropathie diabétique. L’incidence
cumulée de la gastroparésie est seule-
mentde1%dans le diabète de type 2.
Sontévocateurs des vomissements
réguliers qui soulagentuninconfort
épigastrique,une plénitude épigas-
trique post-prandialeavecsensation
de digestionprolongée, une satiété
précoceet/ou nausées. Le déclenche-
mentoul’aggravation de la symp-
tomatologie par la prise alimentaire
renforce la suspiciondiagnostique.
Cependant,seulement40 %desmalades
décrivantdetelssymptômessouffrent
réellementd’une gastroparésie. Dans
certainscas,lesmêmessymptômespeu-
vent même témoigner d’une vidange
anormalementrapide. Une douleur
abdominaleépigastrique ou péri-
ombilicale, volontiers quotidienne,
parfoispermanente,estunautremode
de révélation d’une gastroparésie.
Nocturnedansprès de2/3descas,elle
perturbe le sommeil d’un malade sur
deux.Chezcertainsmalades,ladouleur
est décrite comme un ballonnement
gênant,de siège sus-ombilical.
Parmilesmaladesgastroparétiques,les
diabétiques ontune particularité:la
gastroparésie peutêtrepaucisympto-
matiqueetlesvomissementssontsou-
vent absents. Dès lors,il est important
d’évoquer la gastroparésie devant des
signes indirects :perte de poids mal
comprise, symptomatologie de reflux
gastro-œsophagien malcontrôléepar
un traitementanti-sécrétoire bien
suivi,difficultésd’équilibrationdudia-
bète.Dans le diabète de type 1,lagas-
troparésiedésynchronisel’horairedes
pics glycémiques post-prandiaux par
rapportaux horairesproposésdes
injections d’insuline et favorise les
accidents hypoglycémiques. Dans le
diabètedetype2,lagastroparésiefavo-
rise la mauvaisebiodisponibilitédes
anti-diabétiquesoraux,sourced’hyper-
glycémies.
Du faitdel’absence de corrélation
entrelessymptômesetlaréalitéd’une
gastroparésie, une mesure objective
de la vidange gastrique est utilepour
assoir le diagnostic. Si la méthode de
référence demeure la scintigraphie,
une étude de cette vidangeavecun
test respiratoireàl’acide octanoïque
marqué par le 13C, isotope stable du
carbone,est envisageable.
La prise en charge efficace de la gas-
troparésiedemeureunchallengepour
le clinicien.
Lapremièrelignedemesuress’appuie
sur des recommandations hygiéno-
diététiques (fragmentation de la prise
alimentaire, réduction de la fraction
lipidique et de l’apportenfibres), la
suppressionlesmédicamentsralentis-
santlavidange gastrique, la normali-
sation de la glycémie et le recours aux
prokinétiques [12,15].
Lemétoclopramideestefficacemaisla
fréquencedeses effetssecondaires
(20 %) en limite l’utilisation. L’utili-
sation deladompéridone estdésor-
mais déconseillée en raison du risque
de troubles du rythmequi n’est pas
contre-balancée parune efficacité
symptomatique démontréeàmoyen
terme.L’érythromycineetl’azithromy-
cine ontdes propriétés prokinétiques
quidépendentdeladose administrée
etdu moded’administration:parvoie
intraveineuse, l’érythromycine doit
être infuséeàla dose de 3mg/kgen
20 à30 minutes pourdéclencher des
contractionsantralesalorsque250mg
toutesles6à12heuresestla dosepré-
coniséepouruneadministrationorale
d’érythromycine. L’azithromycine a
ététestéeàladosede250mgenintra-
veineux.Ilfautsavoir pour l’erythro-
mycine, que l’hyperglycémie diminue
son efficacité, qu’un phénomène de
tachyphylaxie est problématique lors
d’une utilisationprolongée et que
l’érythromycine,substratetinhibiteur
du cytochrome P450 3A4,interagit
avec le métabolismehépatique de
nombreux médicamentstelsque le
fluconazole,lekétoconazole,levérapa-
mil ou le diltiazem. La co-administra-
tiond’érythromycineavecdesmédica-
ments allongeantl’espace QT est à
éviter de façon formelle car l’érythro-
mycine augmente le risque d’allonge-
mentdel’intervalleQTetdetorsadede
pointe,surtoutdansles4jourssuivant
l’institutiondu traitementetencasde
cardiopathie sous-jacente. Le prucalo-
pride, agoniste 5-HT4,peutêtre testé
mais son effet moteur gastrique est
moinsnetqueceluidécritauniveaudu
côlon.Lesanaloguesdelaghrélinesont
en cours d’évaluation.
L’échec de ces mesuresdepremière
intention conduitàdiscuter l’option
d’un traitementendoscopiqueou
une stimulation électrique àhaute
fréquence de l’estomac (SEG). Un
spasmepyloriquepeutexpliquercer-
taines gastroparésies diabétiques.
Maisl’utilitédedilatationspneuma-
tiques pyloriques ou d’injections
intrasphinctériennesdetoxinebotu-
lique demeure àdémontrer [16]. La
difficulté clinique réside dans la dif-
ficultéd’identifierdans la pratique
lesmalades diabétiques gastroparé-
tiques ayantunspasme pylorique.
L’effetsymptomatiquedelaSEGaété
décritdansdesgastroparésiesdiabé-
tiques,sévères(vomissementspluri-
quotidiens avec retentissement
nutritionnel)etréfractairesàtousles
traitementsavecungainpondéralet,
dans certaines séries, une équilibra-
tion plus faciledudiabète avec une
baisseduchiffre d’hémoglobine
glycosylée[17].
Quand la perte de poids excède 10 %,
le recours àl’alimentation artificielle
se discute.Du faitdesamoindre mor-
bidité et de sa meilleure efficacité, la
nutritionentérale,ensiteduodénalou
jéjunal, est àpréféreràla nutrition
parentérale. L’intérêt d’une solution
chirurgicale, tellequ’une diversion
duodénale,est très discuté [15].
L’atteinte œsophagienne
Les troubles moteurs œsophagiens au
cours du diabète sontnon spécifiques
[18-20].Ils seraientretrouvés chez
plus d’un diabétiquesur deux décri-
vant des symptômes orientantvers le
tube digestif haut,même en l’absence
dedysphagiecaractérisée.Lescontrac-
tionssontmalounonpropagéeset/ou
d’amplitude réduite, parfois répéti-
tives. Un défaut de relaxation du
sphincterinférieur de l’œsophage est
possibleavec,aumaximum,untableau
manométrique d’achalasie. L’atteinte
œsophagienne,encontrariantlaprise
alimentaire, est délétère pour l’équi-
libre du diabète.
Unrefluxgastro-œsophagien(RGO)est
décritpar 14 %des maladesdiabé-
tiques, plus volontiers dans le diabète
detype2(prévalenceentre25et41 %),
notammentpar lesmalades dontle
diabète évolue depuis plus de 10 ans
[21]. Il peutêtre favorisé par une
gastroparésiequiaugmentelecontenu
gastriquesusceptiblederefluer.L’alté-
ration du péristaltisme œsophagien
retarde la clairance acide œsopha-
gienne et accroît le risqued’œso-
phagite. Dans certaines séries, la neu-
ropathie viscéraleest apparue un
facteur indépendantderisque d’œso-
phagite liée àune moindre sensibilité
muqueuseœsophagienneauxépisodes