Rémi Jeannin
C / En baissant le coût du travail, la croissance permettrait de créer davantage d’emplois et de diminuer le
chômage
1 / EXPLICATION : Pour augmenter le contenu en emploi de la croissance, des politiques ont été menées pour dissuader les
entreprises de substituer du capital au travail et les inciter à embaucher, essentiellement en diminuant le coût du travail. C’est le
cas en France avec la baisse des cotisations patronales sur les bas salaires menées depuis 1993 afin de favoriser l’emploi peu
qualifié, l’encouragement au développement du secteur tertiaire (les « services à la personne » notamment) et le développement
du temps partiel qui favorise une flexibilité interne de l’emploi. [ Document 2]
2 / ILLUSTRATION : Les dispositifs d’aide à l’emploi mis en place en 2003 ont un impact d’autant plus fort sur le chômage que
la baisse du coût du travail provoquée par la mesure est plus forte. Ainsi, les CES font baisser le coût du travail de 90 % et 100
CES se traduisent par 72 chômeurs en moins, alors que 100 contrats de qualification ne coûtent que 30 % en moins et se
traduisent par seulement 12 chômeurs en moins. [ Document 5]
Paragraphe de transition :
Il semble donc que la croissance soit capable de générer plus ou moins d’emplois selon les gains de productivité du travail et
selon les anticipations des employeurs concernant ses effets durables sur la demande. Cependant, les créations d’emplois ne
sont pas toujours suffisantes pour faire baisser significativement le chômage et celui-ci peut se maintenir en dépit du retour de
la croissance.
II / Cependant, les créations d’emploi liées à la croissance ne sont pas toujours suffisantes pour résorber le
chômage.
A / Les créations d’emplois peuvent être insuffisantes face à l’augmentation de la population active.
1 / EXPLICATION : Le chômage est calculé en retranchant de la population active le nombre de personnes occupant un emploi
(la population active occupée). Si le nombre d’actifs augmente plus vite (pour des raisons démographiques par exemple) que le
nombre d’emplois, le chômage va augmenter malgré les créations d’emplois.
2 / ILLUSTRATION : Dans les années 70 et 80, la population active augmentait à un rythme élevé à cause de l’arrivée sur le
marché du travail de la génération du « baby-boom » (nés entre 1945 et 1965) mais, à partir de 1975, les créations d’emplois en
période de faible croissance étaient trop peu nombreuses pour empêcher la hausse du chômage. Inversement, depuis 2005, le
départ à la retraite de ces générations nombreuses permet, malgré une croissance et des créations d’emplois faibles, une
diminution du chômage. [ Document 6]
3 / APPROFONDISSEMENT : Quand des emplois sont créés, des personnes qui avaient arrêté de chercher du travail par
découragement se remettent à en chercher, d’où une augmentation de la population active qui diminue l’impact sur le chômage
(effet de flexion). Ceci peut expliquer partiellement pourquoi la création de cents emplois aidés ne se traduit toujours par une
baisse du chômage très inférieure [ Document 5].
B / Par ailleurs, les créations d’emplois atypiques liés à la croissance font baisser le chômage de manière
artificielle et temporaire
1 / CONSTAT : Pour augmenter le « contenu en emploi de la croissance », des politiques ont été menées qui favorisent
également la création d’emplois précaires (pour que les entreprises embauchent malgré l’incertitude sur l’évolution de la
demande) et la création d’emplois à temps partiel (exemple : deux emplois à mi-temps qui remplacent un emploi à plein-
temps). [ Document 2].
2 / EXPLICATION : Beaucoup de personnes en temps partiel souhaiteraient travailler davantage à cause des salaires
insuffisants pour satisfaire leurs besoins (à travail partiel … salaire partiel) : si elles ne sont pas au chômage, elles sont dans une
situation de sous-emploi qui s’y apparente fortement. La baisse du chômage peut être dans ce cas qualifiée d’ « artificielle ». Et
en cas de retournement de la croissance à la baisse, les emplois précaires sont les premiers à être supprimés, tout comme ce sont
d’abord ces emplois qui sont créés en période de reprise. La baisse du chômage peut être dans ce cas qualifiée de
« temporaire ».
C / Enfin, faire baisser le chômage suppose que de faire correspondre besoins des employeurs et
caractéristiques des chômeurs
1 / CONSTAT : Selon Jean Pisani-Ferry, la France est (à une exception près) le pays européen où le taux de perte d’emploi et le
taux de sortie du chômage est le plus faible. Autrement dit, les personnes qui occupent un emploi stable ont de fortes chances
de le conserver et il est difficile aux chômeurs de retrouver le chemin de l’emploi, en dépit des variations de la croissance.
2 / EXPLICATION : Les créations d’emploi sont le résultat d’un pari mutuel de l’employeur sur le salarié et du salarié sur son
entreprise qui suppose une mise en correspondance des personnes à la recherche d’un emploi et des besoins des employeurs.
Or, les différences entre les qualifications détenues et celles demandées par les employeurs, la faible mobilité des travailleurs,
les coûts de l’embauche et de la séparation font que les employeurs rechignent à faire ce pari. Un chômage structurel se crée,
indépendant des variations de la croissance : des salariés peu qualifiés souvent, qui sont d’autant moins « employables » que le
temps passé au chômage s’allonge. [ Documents 4]
Le petit « plus » valorisé : Ainsi une partie du chômage créé par une baisse de croissance se maintient lorsque la croissance
réapparaît. Les économistes (et les physiciens avant eux …) appellent ce phénomène un « effet d’hystérésis ».