1 Introduction et problématique
1.1 Le corpus principal du mémoire
1.1.1 Le livre brisé
À l'occasion d'une étude sur le genre de l’autofiction, il ne serait que logique de
choisir comme objet d'étude une des œuvres de l’écrivain “ responsable ” de cette
marque générique, Serge Doubrovsky. Outre le roman intitulé Fils (1977), Le livre
brisé (1989) est, selon son auteur, la preuve parfaite qu'il est possible de créer un texte
à la fois factuel et fictionnel ; un récit de vie plus ou moins romancé, où il y a identité
nominale entre auteur, narrateur et protagoniste. Ce roman est une exposition de soi,
surtout de la vie amoureuse de son auteur, où le narrateur raconte sa vie scandaleuse
avec des femmes. Sauf une, elles font toutes partie de son passé, et Doubrovsky les
fait monter du « séjour des morts » en écrivant leur histoire par rapport à lui-même.
En tant qu'autofiction, ce roman est un récit intra-homodiégétique1, écrit à partir d’un
présent d’énonciation narrative. Le narrateur juif, inspiré par la philosophie
existentialiste, nous présente ses réflexions sur la situation juive par rapport à la
Seconde Guerre mondiale, toujours dominé par une certaine ironie. L'ironie domine
dans le texte romanesque. Le narrateur y traite de ses relations amoureuses et
catastrophiques, notamment de sa relation à Ilse, sa présente femme qui meurt,
probablement par suicide, après avoir lu quelques passages très durs sur elle-même
dans le manuscrit qu'est en train d'écrire son mari. Sa mort marque une rupture dans le
texte, qui aura dès ce moment-là, une forme stylistiquement plus proche de
l’autobiographie. Change alors le statut générique du texte au milieu même du récit.
1 Ou « autodiégétique » , voir Genette 1972, p.253