Forum social mondial Tunis

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Forum social mondial / Tunisie
Tunisie : Un Forum social mondial en perte de vitesse ?
(MFI / 01.04.2013) Le Forum social mondial, grand-messe altermondialiste et
pendant du Forum économique mondial, n’a pas rassemblé plus de
30 000 personnes, du 26 au 30 mars, sur le campus de l’université de Tunis El
Manar. On est loin du chiffre record de participation en 2005 de 155 000
personnes à Porto Alegre.
Les Printemps arabes ont dominé cette édition 2013 du Forum social mondial
(FSM), organisé pour la quatrième fois en terre africaine, mais pour la première
fois dans un pays du monde arabe. La réunion, qui avait pour thème « les
processus révolutionnaires, révoltes, contestations, soulèvements et guerres
civiles », a été marquée par les problématiques du Maghreb et du Moyen-Orient,
régions en ébullition depuis les révolutions tunisienne et égyptienne de 2011.
Les échauffourées entre pro et anti-révolutionnaires syriens ont marqué le Forum,
de même que l’agression d’un journaliste marocain, ce 29 mars, lors d’un
accrochage entre Marocains et Sahraouis du Front Polisario au cours d’un débat
sur le Sahara occidental, territoire qui revendique son indépendance du Maroc
depuis 1976.
De moins en moins de participants
« C’était intéressant, mais on n’a pas vraiment débattu des questions liées à la
crise dans la Zone euro et à la solution catastrophique qui a été évitée de justesse
à Chypre : faire payer les petits épargnants pour la crise financière », regrette un
altermondialiste espagnol, qui ne rate jamais un FSM. La manifestation de clôture,
dédiée à la Journée de la Terre, a rendu hommage aux six Palestinens tués le 30
mars 1976 par l’armée israélienne parce qu’ils manifestaient contre la confiscation
des terres des Arabes israéliens en Galilée. Trop politique ? Cette marche finale
qui se voulait plus dynamique que les sempiternels discours des forums
précédents, n’a pas réuni tous les participants loin s’en faut. Selon la police
tunisienne, 15 000 personnes y ont participé, alors que le FSM a attiré 30 000
personnes cette année...
Bien moins, il est vrai, que le record de participation affichés par le FSM, avec
155 000 personnes en 2005. Le grand raout s’est tenu de manière annuelle
jusqu’en 2007, avec quatre éditions à Porto Alegre, une à Bombay (Inde, 2004),
une autre dans trois villes, successivement Bamako au Mali, Caracas au Vénézuela
et Karachi au Pakistan (2006) et la troisième à Nairobi (Kenya, 2007). La
participation est en déclin, alors que le FSM ne se réunit plus que tous les deux
ans. Il avait rassemblé 100 000 personnes en 2009 à Bélem (Brésil) puis 50 000 en
2011à Dakar (Sénégal).
Depuis sa création en 2001 à Porto Alegre, ce forum s’est imposé comme une
grande institution opposée à l’ordre néo-libéral. Son conseil international,
composé des représentants d’une cinquantaine d’associations disposant de moyens
financiers importants, est devenu un lieu d’influence et de luttes de pouvoir.
Certains militants s’en inquiètent, et réclament une autre organisation, du sang
neuf et « moins de complaintes » sur des problèmes organisationnels au détriment
du débat politique de fond.
Un certain désenchantement
En fait, les deux forums, le Forum économique mondial (FEM) de Davos tout
comme le FSM, qui n’ont aucun pouvoir décisionnel, semblent en perte de vitesse.
« Il ne faut rien y voir de plus qu’une machine à café mondiale où le gens se
rencontrent, bavardent, se serrent la main, échangent des tuyaux et s’en vont »,
avait critiqué en 2009 l’économiste français Jacques Attali, ancien conseiller de
François Mitterrand et ex-président de la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement (BERD). Il parlait du FEM, mais la critique
pourrait aussi bien s’appliquer au FSM. Son slogan, « un autre monde est
possible », semble rattrapé par l’actualité internationale.
Les révolutions dans le monde arabe ont cédé la place à un certain
désenchantement, tandis que les formes de mobilisation ont changé, avec le
mouvement des Indignés notamment. La montée en puissance des marchés
émergents, réunis au sein du groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique
du Sud) tend par ailleurs à contredire « la fin du capitalisme » annoncée en 2009
par le FSM en pleine crise financière internationale.
Signe des temps : la dernière édition du Forum de Davos s’est déroulée en janvier
dernier en l’absence de représentants officiels de deux grandes puissances
mondiales : les Etats-Unis et la Chine. Présentée comme « historique », la
présence en Suisse des chefs d’Etat de neuf pays d’Afrique (Éthiopie, Guinée,
Kenya, Maurice, Nigeria, Rwanda, Afrique du Sud, Tanzanie et Zimbabwe) n’a
pas réussi à compenser cette marque de déclin. La prochaine édition du FSM est
prévue pour 2015… mais aucun pays n’a encore présenté de candidature. Il est
question du Canada ou de l’Inde. A moins qu’un bouleversement géopolitique
majeur ne pousse les organisateurs à se rendre ailleurs.
Sabine Cessou
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