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atteint le dernier recours, l'association de la morphine à la mort imminente et finalement la
peur de la toxicomanie. Il vaut la peine d'expliciter avec le patient ses priorités, de l'informer,
de l'impliquer dans la conduite du traitement et de reformuler ses craintes. La «non-
compliance» peut aussi être due à des problèmes pratiques quotidiens. Par exemple, certains
traitements antalgiques, qui doivent être pris toutes les huit heures, ne sont pas compatibles
avec le semainier classique du patient. Un deuxième semainier est souvent nécessaire ou une
adaptation des voies d'administration.
Les troubles cognitifs
La démence est une pathologie fréquente chez la personne âgée. Dans une étude de
prévalence faite à Genève, 2,7% des personnes âgées de 65 et 69 ans et 3,6% de celles âgées
de 75 à 79 ans sont atteintes de démence. Par la suite, le risque de développer une démence
double tous les cinq ans pour atteindre 25% à plus de 90 ans.14 Plusieurs études ont également
montré que les troubles cognitifs sont comme l'âge, un facteur de risque indépendant pour
recevoir un traitement antalgique inadéquat par rapport à l'intensité des douleurs présentées.
Vu les troubles mnésiques et la désorientation temporo-spatiale, l'évaluation de la douleur est
plus difficile chez les patients atteints de démence. Différentes échelles d'hétéro-évaluation de
la douleur ont été validées chez les patients atteints de démence au cours de ces dernières
années, néanmoins, il faut se rappeler que ces échelles doivent être réservées aux patients
atteints de démence sévère ne pouvant pas communiquer. En effet, nous avons montré que
plus de 90% des patients atteints de démence (légère (n = 64), modérée (n = 81) et sévère (n =
15)) étaient capables d'utiliser une échelle d'auto-évaluation (échelle verbale, visuelle
analogique verticale et horizontale et échelle faciale) de façon fiable et reproductible.15 Par
ailleurs, il faut se rappeler qu'une douleur peut se manifester chez un patient peu ou non
communiquant uniquement par des troubles du comportement par exemple.
Les traitements antalgiques médicamenteux
Pratiquement tous les antalgiques sont utilisables chez la personne âgée, si l'on respecte les
règles de prudence d'adaptation des traitements en tenant compte de la fonction hépatique,
rénale et de la malnutrition.16,17
Les non-opiacés ou médicaments du premier palier de l'échelle de l'OMS sont les traitements
de première ligne pour les douleurs légères à modérées. Le paracétamol est le traitement de
premier choix en raison de son profil relativement sûr chez les patients âgés. Malgré le fait
que les AINS puissent être extrêmement utiles dans certaines situations (arthrite, douleurs
osseuses sur métastases par exemple), il faut être prudent lors de leur administration chez les
personnes âgées, en particulier chez les patients diabétiques, hypertendus ou avec une
insuffisance cardiaque. Les AINS de courte demi-vie sont préférables (ibuprofène ou
diclofénac par exemple) et doivent être prescrits sur une courte période. Il faut être
particulièrement attentif aux effets secondaires classiques (insuffisance rénale, toxicité
gastrique), mais aussi penser à la décompensation cardiaque, à l'hypertension ou à l'état
confusionnel.
La plupart des opiacés peuvent être utilisés à la condition d'être instaurés à faibles doses
initiales, qui seront ensuite rapidement titrés sous contrôle de l'effet analgésique et des effets
indésirables. Pour des douleurs modérées surtout non cancéreuses, des opiacés dits «faibles»
du 2e palier comme le tramadol, la dihydrocodéine ou la codéine peuvent être utiles. Les
médicaments combinés (opiacés associés au paracétamol) sont à éviter, à cause du risque de