55 Tumeurs du foie (151) QS151 Tumeurs du foie, primitives et secondaires - Diagnostiquer une tumeur du foie primitive et secondaire Voir aussi chapitre anapath du poly +++ Il faut distinguer les tumeurs malignes des tumeurs bénignes. I - Les tumeurs malignes comprennent les tumeurs primitives et les métastases II - Les tumeurs bénignes comprennent les kystes et les tumeurs solides L'identification de la nature et du caractère malin ou bénin des tumeurs hépatiques est un problème fréquent et parfois difficile. Le contexte clinique et les examens d'imagerie ont une grande valeur d'orientation. La ponction dirigée sur laquelle repose le diagnostic histologique formel n'est pas toujours indispensable. La collaboration entre cliniciens, radiologues et anatomo-pathologistes est capitale pour parvenir à un diagnostic précis et rapide. Chez un patient atteint d'une cirrhose, l'apparition d'un nodule dans le foie évoque en premier lieu un hépatocarcinome. Chez un patient atteint d'une tumeur primitive extra-hépatique, la mise en évidence de nodules hépatiques oriente vers des métastases. Chez une femme jeune et en bon état général, la découverte d'une tumeur hépatique solide évoque avant tout une hyperplasie nodulaire focale ou un adénome du foie. Les kystes biliaires du foie et les angiomes sont le plus souvent de découverte fortuite lors d'un examen échographique et leurs caractéristiques d’imagerie sont habituellement suffisantes pour poser le diagnostic. En l'absence de contexte clinique d'orientation ou en cas d'imagerie atypique, le diagnostic étiologique des tumeurs solides repose principalement sur la ponction biopsie dirigée. Carcinome hépatocellulaire I - Epidémiologie et étiologie Prolifération néoplasique d’origine hépatocytaire, le carcinome hépatocellulaire (CHC) est le plus fréquent des cancers primitifs du foie. Les autres tumeurs primitives sont rares (cholangiocarcinome) ou très rares (angiosarcome, carcinome fibro-lamellaire, hépatoblastome, hémangioendothéliome). Le CHC survient presque toujours sur une maladie hépatique, une cirrhose dans plus de 90 % ou une hépatite chronique virale préexistante, au terme d’une évolution de 2 ou 3 décennies. C’est la tumeur maligne la plus fréquente dans le monde. Il existe toutefois une grande disparité géographique. Le CHC est le cancer le plus fréquent en Afrique et en Asie du Sud-Est en raison de l’infection endémique par le virus B. Dans ces régions, un grand nombre de sujets sont contaminés à la naissance et deviennent porteurs chroniques du virus. Le CHC se développe habituellement chez l’adulte jeune au stade de cirrhose virale. Le CHC est beaucoup moins fréquent dans les pays occidentaux. En France, le CHC se développe surtout sur cirrhose alcoolique après l'âge de 50 ans. La cirrhose virale C est devenue la deuxième cause de CHC et sa fréquence devrait encore augmentée au cours des deux prochaines décennies. La cirrhose est un “état précancéreux” mais le risque de CHC est variable selon la cause (risque plus élevé dans cirrhose virale, alcoolique et hémochromatose génétique) et selon le degré de la cirrhose. Globalement, l'incidence annuelle de dégénérescence est de 1 à 5 %. Certains agents étiologiques joueraient un rôle dans la carcinogénèse indépendamment de l'état de cirrhose, notamment le virus de l’hépatite B. Le CHC est plus fréquent chez l’homme que chez la femme. Différents facteurs ont été incriminés : hormonal, génétique, facteur carcinogène plus fréquent chez l’homme (ex. : alcoolisme en France). Le CHC se développe à partir d’un foyer initial localisé, envahit les vaisseaux portes et provoque des métastases dans le foie lui-même par l’intermédiaire des branches portales. Cela explique le caractère souvent multiloculaire du cancer et la tendance à la thrombose néoplasique des branches, puis du tronc de la veine porte. II - Clinique 1. Le CHC peut compliquer une cirrhose connue ou révéler une cirrhose jusqu'alors compensée et méconnue: - hémorragie digestive liée à l'aggravation d'une hypertension portale - apparition ou aggravation d'une ascite - ictère ou encéphalopathie secondaire à une insuffisance hépato-cellulaire Tumeurs du foie (151) 56 La survenue d'une décompensation sans cause déclenchante chez un cirrhotique alcoolique abstinent est particulièrement évocatrice de dégénérescence. 2. Le CHC peut être révélé par des douleurs de l'hypocondre droit et de l'épigastre du fait de l'extension et de la nécrose tumorale. 3. Parfois, le CHC est dépisté par une échographie chez un patient cirrhotique en l'absence de tout symptôme. 4. Il faut distinguer à part le CHC développé sur foie sain. C’est une situation très rare. Il se déclare soit par des signes généraux (asthénie, amaigrissement), soit par des signes hépatiques, isolés ou associés, de façon variable : masse volumineuse, douleurs de l'hypochondre droit, ictère, hypertension portale. En France, le CHC sur foie sain est parfois d’un type histologique particulier, très rare, le cancer fibro-lamellaire qui est de meilleur pronostic que le CHC classique. III - Examens complémentaires A - Examens biologiques 1)Biologie hépatique Les anomalies biologiques hépatiques sont celles de la cirrhose sous-jacente selon sa cause et son degré de sévérité. Aucune n'est spécifique. 2) Alpha-fœto-protéine (AFP) C'est un constituant normal des protéines sériques du foetus humain, qui apparaît dès la 6 ème semaine de vie intra-utérine et qui disparaît quelques semaines après la naissance. De ce fait, le taux d'alphafoetoprotéine est physiologiquement augmentée chez la femme enceinte. Un taux supérieur à 500 ng par ml chez un sujet cirrhotique signifie la présence d'un CHC avec une spécificité de 100%. Ce taux est observé dans environ 30 % des formes patentes de CHC. Dans 20 % des cas, le taux d'AFP est normal. Dans les autres cas, il est intermédiaire et ne permet aucune conclusion. En effet, une élévation modérée de l'AFP est possible en cas d’hépatite chronique en l'absence de toute dégénérescence (cette élévation est liée à la régénération hépatocytaire liée au processus hépatitique chronique). 3) Syndrome paranéoplasiques Hypoglycémie, polyglobulie, pseudo-hyperparathyroïdisme, pseudo-hyperthyroïdie sont très rares mais possibles, parfois révélateurs. B - Examens morphologiques Ils permettent de suspecter le diagnostic, en mettant en évidence le syndrome tumoral : - l'échographie hépatique montre une image nodulaire hypo ou hyperéchogène ou un aspect hétérogène mal limité. L'étude Doppler Couleur permet de préciser la vascularisation des nodules suspects (le CHC est hypervascularisé) et de mettre en évidence une thrombose du système porte ou sus-hépatique (le développement endo-veineux du CHC est très fréquent) - le scanner hépatique et l’IRM sont utiles pour préciser la localisation et le nombre de nodules intrahépatiques; leurs indications sont liées aux performances de l'échographie et aux options thérapeutiques envisageables. Le scanner hélicoïdal met en évidence l’hypervascularisation artérielle du nodule. Le contraste disparaît au temps portal. Ces caractéristiques sont très évocatrices du diagnostic de CHC. - Le bilan d'extension inclue une radiographie pulmonaire. - Une scintigraphie osseuse et un scanner thoracique sont réalisés en cas de point d'appel clinique ou si on envisage un traitement à visée curative (transplantation ou hépatectomie) Tumeurs du foie (151) 57 C - Diagnostic anatomo-pathologique Lorsqu'il existe une cirrhose, un nodule hypervascularisé et une augmentation de l'AFP au-delà de 500 ng/ml, le diagnostic est certain. Sauf protocole thérapeutique particulier, une ponction dirigée pour obtenir une confirmation histologique n'est pas justifiée compte tenu des complications possibles liées au geste (risque hémorragique selon le bilan d'hémostase et l'existence ou non d'une ascite). Lorsque l'AFP n'est pas augmentée, le diagnostic de CHC est évoqué sur un faisceau d'arguments cliniques et morphologiques. Les examens les plus utiles sont l'échographie, l'échographie doppler et le scanner hélicoïdal. Dans cette situation, les indications de la ponction dirigée sont plus larges. Elle se discute selon les options thérapeutiques. Outre le risque hémorragique, elle expose au risque d'ensemencement sur le trajet (risque évalué à 2 % avec une microbiopsie et à 1 pour 10 000 après ponction à l'aiguille fine). Ce risque contre-indique pour certains auteurs la ponction percutanée si on envisage un traitement curatif, en particulier une transplantation. Le diagnostic repose alors sur des arguments d'imagerie typique (tumeur hypervascularisée à l’échodoppler et au scanner hélicoïdal dans un foie de cirrhose) ou sur un prélèvement effectuée au cours d'une coelioscopie. IV – Diagnostic différentiel 1.Autres tumeurs primitives : - la moins rare : le cholangiocarcinome intrahépatique ; cette tumeur se développe à partir des canaux biliaires intrahépatiques, dans la majorité des cas sur foie sain. Elle complique parfois une cholangite sclérosante. Il s’agit d’une tumeur fibreuse (opacification tardive au scanner assez évocatrice de fibrose). Ces tumeurs peuvent poser un diagnostic différentiel difficile avec des métastases d’un adénocarcinome (pancréas, côlon, sein à rechercher systématiquement dans cette situation). - Les autres : - angiosarcome :tumeur exceptionnelle, parfois induite par l’inhalation de monomère de chlorure de vinyl ; en fait le plus souvent secondaire à un angiosarcome extrahépatique. Mauvais pronostic. - carcinome fibro-lamellaire : c’est en fait une variante du CHC (donc limite du diagnostic différentiel – peut être aussi présenté comme une forme clinique) . C’est une tumeur rare développée à partir des hépatocytes avec un important stroma fibreux, apparaissant le plus souvent avant 50 ans sur foie sain, et d ‘évolution lente. Noter la possibilité de calcifications dans la tumeur. hépatoblastome : Tumeur primitive touchant l’enfant avant 3 ans, typiquement avec syndrome paranéoplasique (puberté précoce) et AFP très élevée. - hémangioendothéliome épithélioïde : c’est une tumeur développée à partir des cellules endothéliales. Elle touche le plus souvent le sujet jeune (< 40 ans). Elle est souvent diagnostiquée au stade métastatique (poumons, peau). L’évolution tumorale est très lente. 2.Métastases : cf infra V - Pronostic Il dépend de la taille de la tumeur et de son extension, de la cirrhose sous-jacente et de l’état général du patient. Il est particulièrement péjoratif puisque la médiane de survie des patients ayant un CHC parvenu au stade symptomatique est de quelques mois. VI - Traitement Le traitement dépend : - de l'extension tumorale: taille et nombre des nodules, localisation dans le foie, métastases, - de la cirrhose sous jacente - des autres affections associées. La transplantation hépatique et la résection chirurgicale sont des traitements à visée curative mais sont rarement possibles : Tumeurs du foie (151) - 58 La transplantation a l'avantage de traiter la tumeur et la cirrhose sous-jacente. Les indications sont les suivantes : 1 nodule unique de moins de 3 cm de diamètre ( 5 cm pour certaines équipes) ou bien 3 nodules maximum de moins de 3 cm chacun. L’exérèse chirurgicale n’est possible qu’en cas de tumeur unique de petite taille (moins de 3 cm ou 5 cm selon les équipes) chez des malades ayant une cirrhose Child A. La probabilité d’une récidive sur le foie restant est élevée. Depuis quelques années se sont développés des traitements percutanés qui ont pour objectif de détruire la tumeur soit par alcoolisation (injection d'alcool absolu dans le nodule tumoral pour le nécroser), soit plus récemment par radiofréquence (destruction thermique par une sonde). Ces techniques sont indiquées chez des patients ayant 1 à 3 nodules ne dépassant pas 3 à 5 cm de diamètre. Aucune étude randomisée n'a comparé l'efficacité de la résection chirurgicale et des techniques percutanées. Les traitements médicamenteux sont palliatifs (c’est-à-dire sans perspective de guérison) a - la chimiothérapie systémique n'a pas fait la preuve de son efficacité. L'intérêt du tamoxifène n'a pas été confirmé par les études récentes. Il n'y a donc pas d'indication à une chimiothérapie générale ou à une hormonothérapie en dehors d'un protocole. b - la chimioembolisation lipiodolée consiste à injecter directement dans l’artère hépatique un agent antinéoplasique (le plus souvent Adriamycine®) mélangé à du lipiodol qui se fixe préférentiellement sur les cellules tumorales puis à emboliser les petites artères tumorales avec du spongel. Les contre-indications sont la thrombose portale et l’insuffisance hépatocellulaire. La chimioembolisation peut parfois entrainer une nécrose tumorale partielle ou complète, mais son bénéfice en terme de survie n’est pas démontrée c - En cas de thrombose porte, il est possible d'injecter dans l'artère hépatique du lipiodol contenant de l'iode 131 (Lipiocis) sans embolisation complémentaire. Tumeurs du foie (151) 59 Les tumeurs secondaires du foie Les métastases hépatiques sont les tumeurs hépatiques les plus fréquentes en France. Elles compliquent principalement les tumeurs abdominales drainées par la circulation splanchnique (côlon, rectum, estomac et pancréas) mais elles peuvent aussi se voir dans pratiquement tous les cancers généralisés (poumons, seins, ovaires, rein….). I- Clinique 1. Circonstances de découverte Les métastases hépatiques peuvent être asymptomatiques, découvertes par l'échographie lors du bilan préthérapeutique de toute tumeur (les métastases sont dites synchrones) ou lors des examens de surveillance après traitement de celle-ci (métastases métachrones). Dans cette situation, le diagnostic est évident. Dans d'autres cas, les métastases hépatiques sont symptomatiques, révélatrices d'une tumeur primitive pas ou peu symptomatique. L'altération de l'état général, une gêne épigastrique post-prandiale, des douleurs de l'hypochondre droit plus ou moins intenses sont les principaux signes. Un cas particulier est représenté par les métastases de tumeurs neuroendocrines. Les métastases des tumeurs carcinoïdes peuvent être révélées par un syndrome carcinoïde (flush, diarrhée). Les métastases des tumeurs endocrines peuvent être nombreuses et volumineuses chez un malade encore en bon état général. 2. Examen physique L'hépatomégalie est le signe le plus fréquent. Elle est sensible à la palpation et présente une surface ou un bord inférieur bosselé ou nodulaire. La perception d'un souffle localisé est très évocatrice d'un nodule tumoral. L'ictère (qui témoigne d'une insuffisance hépato-cellulaire ou d'une compression des voies biliaires), l'ascite (qui témoigne d'une hypertension portale ou d'une carcinose péritonéale associée) se voient dans les formes avancées à un stade terminal. Ces signes sont donc exceptionnellement révélateurs. Lorsqu'ils sont présents, ils sont plutôt évocateurs d'un CHC décompensant une cirrhose méconnue. Ce sont les examens complémentaires et notamment la ponction dirigée qui permettent de redresser le diagnostic. L'examen général recherche, d'une part, les signes d'un cancer primitif, d'autre part, d'autres métastases en particulier un ganglion de Troisier par l'examen des creux sus-claviculaires et une carcinose péritonéale par les touchers pelviens. II - Biologie L'apport de la biologie est limitée parce qu'aucun test ne peut résoudre de façon décisive le diagnostic des métastases hépatiques. La biologie hépatique est habituellement perturbée (cholestase anictérique définie par une élévation du taux des phosphatases alcalines et de la gamma-glutamyl-transpeptidase). Dans environ 10 % des cas, elle est strictement normale. Les signes de cytolyse hépatique et les anomalies inflammatoires sont inconstants et n'apportent aucun argument supplémentaire en faveur de l'existence de métastases hépatiques. Les marqueurs tumoraux ont un intérêt limité : l'antigène carcino-embryonnaire (ACE) est à un taux pathologique dans la plupart des cancers digestifs : colo-rectaux et pancréatiques mais il peut être élevé dans les cancers mammaires, bronchiques ou prostatiques. Il n'a donc pas de valeur d'orientation. Une augmentation de l’AFP oriente vers un cancer primitif du foie mais chez un homme jeune et en l’absence de cirrhose, il faut penser à un tératome testiculaire métastasé au foie. III - Imagerie L'imagerie détecte les nodules hépatiques. Elle guide la ponction dirigée. Enfin, elle permet de juger du caractère extirpable ou non de la ou des tumeurs hépatiques. 1) Echographie. C’est l'examen primordial. Cet examen permet de déceler des nodules suspects de plus de 5 mm de diamètre, de les situer dans le foie, et d'en préciser l'échostructure, enfin de guider Tumeurs du foie (151) 60 une biopsie hépatique ou une ponction cytologique transcutanées. Les lésions secondaires sont le plus souvent hyperéchogènes mais elles peuvent être aussi hypoéchogènes et parfois mixtes. L’image en cocarde (centre iso ou hyperéchogène avec fine collerette hypoéchogène) est évocatrice. Parfois l’aspect est anéchogène (par exemple dans les cancers ovariens) rendant le diagnostic difficile avec les masses kystiques bénignes ou les abcès. 2) Scanographie. Elle complète l'échographie lorsque celle-ci est limitée (cicatrices abdominales, obésité, malade peu échogène). Elle est indispensable pour la surveillance. Il n’y a pas d’aspect spécifique de métastases. 3) IRM. Elle peut être nécessaire lorsqu'une exérèse chirurgicale hépatique est envisagée. Ces deux derniers examens permettent de préciser l'extension anatomique précise préopératoire. IV. Diagnostic cytologique ou anatomo-pathologique En l'absence de tumeur primitive, l'identification de la nature histologique des métastases peut orienter la recherche et elle permet de guider le choix d'une éventuelle chimiothérapie. V. Diagnostic de la tumeur primitive Les tumeurs primitives les plus fréquemment à l’origine de métastases hépatiques sont : - les carcinomes du tube digestif, notamment le côlon - le pancréas - les bronches - les seins. La répartition des métastases extra-hépatique est variable en fonction de l'origine : les cancers bronchique à petites cellules et les cancers du sein, métastasent au foie et dans d'autres localisations : os, poumons, cerveau; le cancer de l'ovaire s'accompagne habituellement d'une ascite néoplasique; les cancers de la prostate de métastases osseuses; les lymphomes d'adénopathies et/ou de splénomégalie. Il faut tenir compte du pronostic avant d’entreprendre des explorations complémentaires. Chez un malade en fin de vie, il faut privilégier le confort de vie. La recherche d’une lésion primitive n’a de sens que si elle peut améliorer la prise en charge c’est-à-dire la qualité de vie du malade. Il faut rechercher en priorité soit un cancer chimiosensible (lymphome malin, tumeur embryonnaire, cancer de l'ovaire, séminome, cancer bronchique à petites cellules, tumeur endocrine pancréatique, tumeur carcinoïde) ou un cancer hormonosensible (sein, endomètre, prostate). D'autre part, il faut rechercher un cancer du côlon potentiellement obstructif et justifiant l'exérèse palliative de la tumeur primitive ou la mise en place d’une prothèse colique par voie endoscopique pour éviter un accident occlusif si toutefois la survie estimée du patient peu faire craindre la survenue de ces complications. La recherche de la tumeur primitive est d’abord clinique. L’échographie et le scanner réalisés pour préciser l’atteinte hépatique permettent dans le même temps une exploration abdominale. La radiographie pulmonaire systématique permet de dépister des lésions secondaires voire un aspect évocateur de tumeur bronchique primitive. Selon les signes d’orientation, une exploration endoscopique haute ou basse peut être indiquée. En l’absence de signes d’orientation, la ponction dirigée d’une lésion hépatique confirme la nature maligne et peut permettre d’orienter le diagnostic de la tumeur primitive. III - Méthodes thérapeutiques A - Chirurgie La résection est la seule thérapeutique à visée curative ; elle est surtout justifiée pour les métastases des cancers primitifs coliques ou rectaux. La résécabilité est alors fonction de la taille, du nombre de métastases, et de leur diffusion : une métastase unique est une bonne indication opératoire. Par ailleurs, le pronostic dépend de l'intervalle libre séparant la découverte de la lésion primitive de l'apparition de la métastase : plus celui-ci est long, meilleur est le pronostic. La chirurgie peut être discuté après une chimiothérapie efficace. Dans certains cas, une embolisation portale permet dans un premier temps d’hypertrophier le lobe hépatique non métastatique et d’effectuer secondairement une exérèse hépatique qui n’était pas possible immédiatement. Tumeurs du foie (151) 61 B - Chimiothérapie Dans le cas des métastases des cancers recto-coliques, la chimiothérapie générale qui utilise le 5flurouracile (5FU) avec acide folinique, l'oxaliplatine et l'irinotécan améliore la survie moyenne et la qualité de vie. La chimiothérapie est arrêtée en cas de toxicité importante, de progression tumorale après 2 mois ou d'altération de l'état général. En cas de régression tumorale sous chimiothérapie, il faut toujours rediscuter la possibilité d'une exérèse chirurgicale. Dans les autres cancers, la chimio-sensibilité est très variable selon la localisation primitive. Les cancers les plus sensibles sont le cancer de l'ovaire, le cancer du sein, les cancers bronchiques à petites cellules, les cancers endocrines de l'appareil digestif, le séminome et certains cancers embryonnaires ainsi que les localisations hépatiques des hémopathies. La chimiothérapie peut obtenir des régressions tumorales et des rémissions cliniques mais pratiquement pas de guérison sauf en cas d’hémopathies et de séminomes. Tumeurs du foie (151) 62 Tumeurs bénignes non kystiques du foie Parmi les tumeurs bénignes non kystiques du foie, il importe de connaître : l’hémangiome qui est la plus fréquente, l’hyperplasie nodulaire focale (HNF) et l’adénome du foie qui se voient principalement chez la femme jeune. Hémangiomes (ou angiomes) Ce sont des tumeurs bénignes conjonctives formées par des cavités bordées par un endothélium dans lesquelles le sang circule lentement. Elles sont généralement de petite taille (moins de 4 cm), multiples une fois sur 2. Les hémangiomes sont fréquents (2 à 5 % de la population générale) et prédominent chez la femme (2/3). Ils sont habituellement asymptomatiques (pas de signes cliniques- biologie hépatique normale) et découverts fortuitement. Ils ne dégénèrent jamais et se compliquent très rarement. 1. Diagnostic - Circonstances de diagnostic : Le plus souvent le diagnostic est fortuit lors d’un examen d’imagerie demandé pour une autre raison voire plus rarement lors d’une intervention chirurgicale (si l’angiome est superficiel). L’examen physique est normal sauf exceptionnel hémangiome de grande taille palpable avec parfois souffle systolique. Exceptionnellement, l’hémangiome est découvert à l’occasion d’une complication (cf infra). - Biologie :normale - Echographie : elle met en évidence typiquement une image hyperéchogène bien circonscrite. Dans les lésions de grande taille, des zones hypoéchogènes peuvent être observées, rarement des calcifications. Dans les formes typiques, l’échographie est diagnostique et ne justifie pas d’autre examen. - Scanner hépatique : il met en évidence une zone hypodense qui après injection s’opacifie de la périphérie (aspect en mottes) vers le centre avec un remplissage complet du nodule au temps tardif. - IRM : cet examen montre une lésion hyperintense en T2 qui est très caractéristique. En pratique, lorsque le contexte clinique et l’échographie ne permettent pas un diagnostic de certitude, l’IRM (et non le scanner) est l’examen de choix pour poser le diagnostic. 2. Evolution - le plus souvent non compliquée. En l’absence de signe clinique, pas de surveillance. exceptionnellement compliquée : - Rupture spontanée ou provoquée par un traumatisme, intrapéritonéale si l’hémangiome est superficiel - Gène mécanique si l’hémangiome est volumineux - Thrombose dans l’angiome à l’origine de fièvre et douleurs - Thrombopénie et fibrinopénie en rapport avec des phénomènes de coagulation dans l’hémangiome 3. Traitement L’hémangiome ne justifie aucun traitement en dehors des exceptionnelles complications, ni aucune surveillance. Il n’y a pas de contre-indications aux contraceptifs oraux. Hyperplasie Nodulaire Focale (HNF) C’est une tumeur bénigne formée par des nodules d’hépatocytes séparés par des travées fibreuses. Il existe souvent une zone centrale fibreuse en étoile d’où irradient les travées qui séparent les nodules d’hépatocytes. Environ 1 fois sur 3, les lésions sont multiples. Tumeurs du foie (151) 63 L’HNF touche principalement les femmes de 15 à 40 ans. Elle est beaucoup moins fréquente que les hémangiomes mais beaucoup plus que les adénomes (prévalence HNF = 0,03 % ; adénome du foie <0,001 %). Le développement d’une HNF n’est pas favorisé par la prise de contraceptifs oraux. 1. Diagnostic - Circonstances de diagnostic : Le plus souvent le diagnostic est fortuit lors d’un examen d’imagerie demandé pour une autre raison voire plus rarement lors d’une intervention chirurgicale (si l’HNF est superficiel). Parfois l’HNF est responsable de douleurs de l’hypocondre droit. L’examen physique est normal sauf si l’HNF est de grande taille et devient alors palpable. Exceptionnellement, l’HNF est révélée par des complications (cf infra). - Biologie : le plus souvent normale. - Echographie : elle met en évidence typiquement une image le plus souvent isoéchogène, ou bien parfois légèrement hypo ou hyperéchogène. Le doppler peut mettre en évidence un signal artériel au centre de la tumeur, très évocateur du diagnostic d’HNF. - Scanner hépatique : il met en évidence une lésion généralement hypodense avec une prise de contraste intense au temps artériel et une zone hypodense centrale correspondant à la « cicatrice fibreuse ». - IRM : cet examen montre une lésion homogène, non encapsulée, hypervasculaire aux temps artériels et surtout comportant une zone « cicatrice » fibreuse centrale en étoile qui est hyperintense en IRM T2. - La biopsie dirigée n’est indiquée qu’en cas de lésion atypique avec une imagerie ne permettant pas le diagnostic. Le diagnostic anatomo-pathologique sur biopsie peut être difficile. Lorsqu’il persiste un doute avec un adénome ou une tumeur maligne, l’indication d’une résection chirurgicale doit être posée. 2. Evolution - le plus souvent non compliquée. En l’absence de signe clinique, pas de surveillance. exceptionnellement compliquée : - Hémorragie intratumorale ou intrapéritonéale - Gène mécanique si l’HNF est volumineuxse 3. Traitement L’HNF ne justifie aucun traitement en dehors des exceptionnelles complications. Il n’y a pas de contre-indications aux contraceptifs oraux. Adénome du foie C’est une tumeur bénigne formée par des hépatocytes normaux (parfois stéatosiques) disposés en travées, parfois encapsulée. Les canaux biliaires sont totalement absents de la structure. Lorsque la tumeur est volumineuse, elle contient généralement des zones de nécrose et hémorragiques. Le plus souven,t, l’adénome est unique. Dans de rares cas, les adénomes sont multiples. Il s’agit alors d’une adénomatose (>10 adénomes) qui touche également l’homme et la femme et qui expose à un risque élevé d’hémorragie intratumorale ou intrapéritonéale. L’adénome touche principalement les femmes de 15 à 40 ans. Elle est beaucoup moins fréquente que l’HNF (prévalence HNF = 0,03 % ; adénome du foie <0,001 %). Le développement d’un adénome est favorisé par la prise de contraceptifs oraux surtout si ils sont fortement dosés en oestrogènes ou par la prise de stéroïdes anabolisants. La fréquence des adénomes du foie a considérablement diminué depuis l’introduction des contraceptifs oraux faiblement dosés. Le problèmes posés par l’adénome du foie sont les suivants : - risque hémorragique - risque minime mais non nul de transformation maligne - difficulté du diagnostic différentiel avec une tumeur maligne bien différenciée Tumeurs du foie (151) 64 1. Diagnostic - Circonstances de diagnostic : Le plus souvent le diagnostic est fortuit lors d’un examen d’imagerie demandé pour une autre raison voire plus rarement lors d’une intervention chirurgicale (si l’adénome est superficiel). Parfois l’adénome est responsable de douleurs de l’hypocondre droit. L’examen physique est normal sauf si l’adénome est de grande taille et devient alors palpable. Parfois, l’adénome est révélée par des complications (cf infra). - Biologie : le plus souvent normale. - Echographie : elle ne met pas en évidence d’aspect caractéristique. La lésion peut être iso, hypo ou hyper échogène. L’aspect est variable selon l’existence ou non d’hémorragie intratumorale. Elle est alors plus ou moins hétérogène. - Scanner hépatique : il met en évidence une lésion iso ou hypodense (si stéatose) et après injection, une opacification précoce souvent hétérogène du fait des zones de nécrose et hémorragiques. - IRM : cet examen montre une lésion homogène ou hétérogène et hypervascularisée. L’hématome intratumoral donne un signal hyperintense en T1. - La biopsie dirigée est indiquée en cas de lésion atypique avec une imagerie ne permettant pas le diagnostic. Le diagnostic anatomo-pathologique sur biopsie peut être difficile. Lorsqu’il persiste un doute ou lorsque le diagnostic d’adénome est posé, l’indication d’une résection chirurgicale doit être retenue. Toutefois, lorsque le nodule est inférieur à 3 cm, certains conseillent l’arrêt des contraceptifs et une surveillance. L’indication opératoire est retenue si le nodule grossit. 2. Evolution - En l’absence de traitement chirurgical, l’arrêt des oestrogènes peut se traduire inconstamment par une lente diminution de volume. A l’inverse, en cas de grossesse, le volume peut augmenter. Les risque évolutifs sont l’hémorragie intratumorale ou intrapéritonéale et la transformation maligne (risque élevé si adénome sur stéroïdes anabolisants, très faible si adénome sur contraceptifs oraux). 3. Traitement Compte tenu des risques évolutifs et les difficultés de diagnostic différentiel avec une tumeur maligne bien différenciée, l’adénome relève du traitement chirurgical. 65 Tumeurs du foie (151) Tumeurs kystiques du foie La tumeur kystique la plus fréquente est le kyste biliaire simple. Il faut la différencier principalement des kystes parasitaires (kyste hydatique, échinococcose alvéolaire) et des métastases hépatiques qui prennent parfois un aspect kystique. Pour être complet, on peut citer les autres tumeurs kystiques qui sont exceptionnelles : kyste endométriosique, kyste cilié, cystadénome et cystadénocarcinome hépatobiliaire, tumeurs conjonctives primitives bénignes et malignes. Kyste biliaire simple du foie C’est une cavité remplie d’un liquide séreux et bordée d’un épithélium biliaire. Cette cavité n’est pas communicante avec l’arbre bilaire. Le diamètre est variable de quelques millimètres à plus de 10 cm. Il existe plusieurs kystes dans environ la moitié des cas. Le kyste biliaire simple du foie est très fréquent (prévalence de 3 à 4 % dans la population générale). Il est le plus souvent diagnostiqué fortuitement . L’échographie est le plus souvent suffisante pour poser le diagnostic. Les complications sont exceptionnelles. Il n’y a pas de risque de transformation maligne. 1. Diagnostic - Circonstances de diagnostic : Le plus souvent le diagnostic est fortuit lors d’un examen d’imagerie demandé pour une autre raison voire plus rarement lors d’une intervention chirurgicale (si le kyste est superficiel). Lorsque le kyste est volumineux, il paut être responsable de douleurs de l’hypocondre droit. L’examen physique est normal sauf si le kyste est de grande taille et devient alors palpable. Exceptionnellement, le kyste bilaire est révélé par des complications (cf infra). - Biologie : le plus souvent normale. - Echographie : elle met en évidence une image anéchogène bien limitée avec renforcement postérieur. Elle est suffisante pour poser le diagnostic dans l’immense majorité des cas. Elle permet également d’examiner les reins pour éliminer une polykystose hépatorénale (cf diagnostic différentiel). - Le scanner hépatique et l’IRM sont exceptionnellement nécessaires. 2. Diagnostic différentiel Les difficultés diagnostiques sont rares. Il faut toutefois garder en mémoire les pièges diagnostiques possibles : -Métastases d’allure kystique, notamment dans les cancers endocriniens : le diagnostic repose sur le contexte. Un aspect atypique sur les examens d’imagerie doit faire évoquer ce diagnostic. -Kyste hydatique : La contamination par echinococcus granulosus se fait à partir des selles d’un chien parasité (hôte définitif). La maladie est fréquente dans les zones d’élevage du mouton (hôte intermédiaire) càd bassin méditerranéen not. Afrique du Nord. Le kyste hydatique peut être asymptomatique découvert fortuitement ou révélé par des douleurs parfois accompagnées de manifestations allergiques. L’échographie permet le plus souvent d’évoquer le diagnostic : calcifications dans la paroi du kyste, présence de vésicules filles dans le kyste, décollement mural. Néanmoins, le kyste hydatique est parfois indiscernable d’un kyste biliaire simple à l’échographie. Selon contexte, il faut demander une sérologie en sachant qu’elle peut être négative en cas de kyste hépatique (dans environ 10 % des cas). L’éosinophilie est possible (si fissuration) mais inconstante, souvent absente. La ponction expose à un risque de dissémination avec choc anaphylactique. Le traitement est chirurgical. (voir cours kyste hydatique maladies infectieuses). -Echinococcose alvéolaire : la contamination par echinococcus alveolaris se fait en mangeant des fruits sauvages souillés par les selles d’un renard parasité. Contrairement à l’hydatidose, les kystes de l’échinococcose sont de petite taille et tendent à envahir le foie de proche en proche en déterminant des Tumeurs du foie (151) 66 lésions de nécrose. Le diagnostic d’imagerie ne pose pas de problème différentiel avec les kystes biliaires simples. -Cystadénome : c’est une tumeur rare (100 à 1000 fois moins fréquente que le kyste biliaire simple) non communicante avec l’arbre biliaire. Le risque est celui de sa transformation carcinomateuse en cystadénocarcinome. Le diagnostic doit être suspecté lorsque l’échographie met en évidence des échos dans la lésions kystiques correspondant à des cloisons ou à des formations papillaires développées à partir des parois. Le cystadénome peut se compliquer d’hémorragie intrakystique ou d’infection. Il peut comprimer les voies biliaires et se transformer en cystadénocarcinome. Le traitement du cystadénome est chirurgical. -Syndrome de Caroli : il s’agit d’une malformation congénitale caractérisée par une dilatation des voies biliaires intrahépatiques de tout ou partie du foie. Il s’agit donc de formations kystiques communicantes avec l’arbre biliaire. Cette atteinte biliaire peut être associée à une fibrose hépatique congénitale ou à des malformations des voies biliaires extrahépatiques (kyste du cholédoque). Le syndrome de Caroli est le plus souvent révélé par des épisodes d’angiocholite. Les risques évolutifs sont principalement infectieux mais il existe également un risque de transformation en cholangiocarcinome. Enfin, connaître la possibilité de kystes biliaires multiples entrant dans le cadre des polykystose : - polykystose hépato-rénale : C’est une maladie génétique autosomique dominante. Elle se caractérise par une polykystose rénale et une polykystose hépatique. Dans environ 10 % des cas, il existe un anévrysme crânien. Les kystes rénaux précèdent l’apparition des kystes bilaires qui sont tout à fait exceptionnellement révélateurs de la maladie dans des cas sporadiques. L’évolution se fait vers l’insuffisance rénale. Les kystes hépatiques sont multiples et parfois volumineux. Ils sont alors une source d’inconfort et de douleurs abdominales. D’autre part, le risque d’infection est augmenté chez les transplantés rénaux sous immunosuppresseurs. Une intervention chirurgicale (résection des segments les plus atteints et fenestration des kystes peut être proposée. - récemment a été décrite la polykystose hépatique isolée, également d’origine génétique : l’atteinte est limitée au foie. 3. Evolution - le plus souvent non compliquée. En l’absence de signe clinique, aucune surveillance n’est nécessaire. exceptionnellement compliquée : - Hémorragie intrakystique - Infection du kyste - Gène mécanique si le kyste est volumineux 4. Traitement Le kyste biliaire simple ne justifie aucun traitement en dehors des exceptionnelles complications. En cas de kyste volumineux et symptomatique, le traitement consiste en une fenestration du dôme saillant. Une alternative en cas de risque opératoire est la ponction avec injection de produit sclérosant (la reconstitution du kyste est systématique si on se limite à une ponction simple. Il n’y a pas de contre-indications aux contraceptifs oraux.