Les produits phytosanitaires et votre santé 2 Produits phytosanitaires et santé Produits phytosanitaires et cancers La nocivité des produits phytosanitaires pour la santé des agriculteurs n’est plus mise en doute. De nombreuses études médicales ont été réalisées, elles donnent des éléments mais de nombreuses questions subsistent car les relations sont complexes et multifactorielles. Les éléments décrits dans cet article proviennent essentiellement du rapport de l’INSERM publié en juin 2013. Les études montrent que globalement il y a moins de cancers dans la population agricole mais certains sont surreprésentés. L’expertise collective de l’INSERM a ciblé 8 localisations de cancers : 4 cancers hématopoïétiques, ainsi que les cancers de la prostate, du testicule, les tumeurs cérébrales et les mélanomes. La plupart de ces localisations avaient été identifiées dans des méta-analyses antérieures comme potentiellement associées à une exposition aux produits phytosanitaires, généralement sans distinction sur les matières actives incriminées. ➤ Cancer de la prostate D’après les données épidémiologiques, une augmentation du risque existe chez les agriculteurs, les ouvriers d’usines de production de produits phytosanitaires et les populations rurales (entre 12 et 28 % selon les populations). Quelques matières actives ont été spécifiquement documentées : chlordécone, carbofuran, coumaphos, fonofos, perméthrine. Toutes ces molécules sont actuellement interdites d’usage. ➤ Cancers du sang D’après les données scientifiques, une augmentation de risque de lymphomes non hodgkinien et de myélomes multiples existe chez les professionnels exposés aux produits phytosanitaires. Les organophosphorés et certains organochlorés (lindane, DDT) sont suspectés. Bien que les résultats soient moins convergents, un excès de risque de leucémies ne peut être écarté. Concernant les autres localisations cancéreuses étudiées, l’analyse de l’ensemble des études reste difficile. Produits phytosanitaires et maladies neurodégénératives L’expertise collective s’est intéressée à 3 maladies neurodégénératives, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer et la sclérose latérale amyotrophique, ainsi qu’aux troubles cognitifs, qui pourraient prédire ou accompagner certaines pathologies neuro-dégénératives. ➤ Maladie de Parkinson Une augmentation du risque de développer une maladie de Parkinson a été observée chez les personnes exposées professionnellement aux produits phytosanitaires. Un lien a pu être mis en évidence notamment lors d’une exposition aux insecticides et herbicides. 3 Pour les autres maladies neurodégénératives, les résultats sont plus contrastés. Par exemple, dans le cas de la maladie d’Alzheimer, les résultats des études de cohortes sont convergents pour révéler un excès de risque quand les études cas-témoins sont peu robustes. Quant à la sclérose latérale amyotrophique, trop peu d’études sont disponibles pour conclure. Par ailleurs, plusieurs revues et une métaanalyse récente concluent à un effet délétère des expositions professionnelles aux produits phytosanitaires notamment les organophosphorés sur le fonctionnement cognitif. Cet effet serait plus marqué en cas d’antécédents d’intoxication aigue. Effets sur la grossesse et le développement de l’enfant Il existe maintenant de nombreuses études épidémiologiques suggérant un lien entre l’exposition prénatale aux produits phytosanitaires et le développement de l’enfant, à court et moyen terme. ➤ Conséquences des expositions professionnelles en période prénatale : Les publications suggèrent une augmentation significative du risque de morts foetales (fausses-couches) ainsi qu’une augmentation du risque de malformations congénitales lors d’une exposition professionnelle maternelle aux produits phytosanitaires. D’autres études pointent une atteinte de la motricité fine et de l’acuité visuelle ou encore de la mémoire récente lors du développement de l’enfant. Enfin, une augmentation significative du risque de leucémie et de tumeurs cérébrales a été mise en évidence dans les méta- analyses récentes. Produits phytosanitaires et fertilité Le lien entre certains produits phytosanitaires (notamment le dibromochloropropane), qui ne sont plus utilisés, et des atteintes à la fertilité masculine a été clairement établi mais de nombreuses incerti- tudes subsistent en ce qui concerne les produits actuellement employés. Le lien entre pesticides et infertilité chez la femme est mal connu et mériterait d’être mieux étudié. La question des mélanges de produits phytosanitaires Les populations sont exposées de façon permanente et à faible dose aux produits phytosanitaires et à de nombreuses autres substances contaminant l’environnement. Ces mélanges pourraient donner lieu à des impacts sanitaires difficilement prévisibles actuellement, ce qui fait de la question des mélanges et des faibles doses un des enjeux importants de la recherche et de l’évaluation des dangers. Les experts rappellent que « ne pas être en mesure de conclure ne veut pas dire obligatoirement qu’il n’y a pas de risque ». Si certaines substances sont mises en cause, c’est qu’elles ont été plus souvent étudiées que d’autres ; de nombreuses substances actives n’ont pas fait l’objet d’études épidémiologiques. 4 Se protéger, mais pas n’importe comment ! Le port des équipements de protection individuelle est indispensable lors de toutes les phases de manipulation : transport, stockage, préparation, application et nettoyage du matériel. Utilisés seuls, les EPI ne sont pas suffisants. Pour une protection efficace, ils doivent être accompagnés de mesures d’hygiène et d’organisation du travail. Porter les bons équipements au bon moment ! Chaque produit phytosanitaire est spécifique et comporte des risques différents pour votre santé. La lecture de l’étiquette et de la fiche de données de sécurité vous permettra de connaître précisément les risques liés au produit et donc de porter les équipements les mieux adaptés. Risques de contamination par voie cutanée ➤ Des gants en nitrile identifiés par le sigle CE et le logo à votre taille, avec de longues manchettes pour éviter la pénétration des produits par la peau des mains et des avant-bras. Pour les interventions minutieuses, vous pouvez mettre des gants jetables. ➤ Une combinaison ou un tablier étanche à votre taille (S à XXXL). Des combinaisons et tabliers étanches et réutilisables en polyuréthane sont actuellement disponibles sur le marché. Attention : une combinaison classique en tissu est tout à fait insuffisante et donc très déconseillée pour travailler avec ces produits ! ➤ Des lunettes ou visières : pensez à protéger vos yeux. La barrière de l’œil est particulièrement perméable. ➤ Des bottes : à semelles antidérapantes avec embouts de sécurité. Même si elles sont parfois difficiles à porter dans certaines conditions climatiques, elles restent le plus sûr moyen de protection des pieds. Attention aux chaussures en toile ou en cuir qui absorbent le produit et qui le maintiennent en contact avec le pied jusqu’au lavage ! 5 Risques de contamination par les voies respiratoires Ces risques peuvent être très importants dès l’entrée dans un local phytosanitaire non aéré ou mal ventilé, au moment de l’ouverture d’un bidon, au cours de la préparation ou lors de l’application de ces produits sur les cultures. Les cabines de tracteur de catégorie 4 (norme EN 15965-1) sont les seules adaptées aux traitements phytosanitaires. Utilisez les filtres contre les substances dangereuses (EN 15695-2). Optez pour une cartouche filtrante à charbon actif de type A2P3 A : pour la protection contre les gaz et les vapeurs organiques P : pour les particules et aérosols de substances toxiques Choisissez ensuite le type de masque qui vous convient. Il doit s’adapter parfaitement à la forme de votre visage et être suffisamment confortable pour être porté pendant le temps nécessaire aux opérations. Plusieurs solutions s’offrent à vous : Entretien des cartouches Pour rester efficace, une cartouche doit être systématiquement stockée dans une boite ou un sachet hermétique et placée à l’extérieur du local phyto. Cela vaut bien évidemment aussi pour les filtres des cabines de tracteur qui doivent être enlevés et stockés entre chaque traitement. Quand changer la cartouche ? Impérativement dès qu’une odeur se fait sentir au travers du masque ou du filtre cabine ! Sinon, après environ 40 heures de traitement effectif pour un masque ou au moins une fois par an pour le filtre cabine. Un demi-masque jetable : il ne protège que le bas du visage et doit donc être complété par des lunettes de protection. Pour une durée de vie et une hygiène optimale, entretenir votre masque en passant après chaque traitement un chiffon humide sur les parties plastiques internes et externes Un masque panoramique : il permet la protection de l’ensemble du visage Un masque complet à ventilation assistée : il permet un confort maximum tout en protégeant les voies respiratoires, le visage et la tête. A la fin des traitements A savoir ! L’hygiène corporelle réduit considérablement les risques de contamination. Pensez à vous laver les mains après la manipulation de produit et prenez une douche systématiquement et le plus rapidement possible après chaque traitement. 6 Les utilisateurs nous témoignent... Lors des formations Certiphyto, lorsque nous évoquons la partie « santé » liée à l’utilisation des produits phytosanitaires, beaucoup d’agriculteurs et d’agricultrices se reconnaissent dans l’énumération des symptômes. Nous avons à ce jour très peu de déclarations précises, mais les symptômes comme les maux de tête, vomissements et autres rougeurs sur le visage ne doivent pas être considérés comme des maux passagers et anodins ; ils peuvent être en lien direct avec l’utilisation des produits de traitement. L’utilisation de l’équipement de protection individuelle n’est pas une finalité, mais malheureusement, le conditionnement des produits et les matériels parfois inadaptés ou compliqués à utiliser rendent cet équipement indispensable. Notre objectif est de former et d’informer le plus largement possible les chefs d’exploitations et chefs d’entreprises. A l’avenir, ils devront disposer de produits phytosanitaires faciles à mettre en œuvre dans des conditionnements adaptés à leurs besoins et de matériels simples d’utilisation pour leur application, y compris les buses. Denis Litt Conseiller en prévention Caaa du Bas-Rhin Référent produits phytosanitaires pour les Caaa d’Alsace et de Moselle 7 Signalez vos symptômes Phyt’attitude est un observatoire spécifique des risques liés à l’utilisation des phytosanitaires. Ses objectifs : mieux cerner les effets aigus et subaigus de ces produits pour développer la prévention individuelle en tenant compte du travail réel et améliorer la prévention collective par la remontée d’informations aux pouvoirs publics et aux fabricants. Il a été mis en place pour recenser et analyser les cas d’intoxications aux produits phytosanitaires. L’appelant est orienté vers un Médecin du Travail qui établira un dossier analysant les circonstances et les produits utilisés. Ce dossier est adressé dans un second temps à des experts en toxicologie qui établiront le lieu de cause à effet entre l’exposition et la symptomatologie déclarée. Activités effectuées lors de l’accident Si vous observez des symptômes suite à un contact avec des produits phytosanitaires vous êtes vivement invité à le signaler à ce N° vert : 0 800 887 887 Reposant sur une déclaration volontaire, les dossiers Phyt’attitude ne recensent donc pas tous les cas effectifs. Les remontées de terrain permettent néanmoins de mieux comprendre les circonstances de contamination. Produits utilisés Autres 11 % Fongicides 27 % Herbicides 27 % Insecticides, acaricides 35 % 8 Les adresses utiles : En cas d’URGENCE Centre antipoison et de toxicovigilance de Strasbourg Permanence médicale téléphonique : 03 88 37 37 37 Penser également à signaler vos symptômes au réseau de toxicovigilance de la MSA : Phyt’attitude Numéro Vert : 0 800 887 887 Renseignements «santé » Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail http://www.anses.fr/fr/thematique/produits-phytosanitaires-biocides-et-fertilisants Institut de veille sanitaire http://www.invs.sante.fr/fr/Dossiers-thematiques/Environnement-et-sante/Pesticides Observatoire des résidus de pesticides http://www.observatoire-pesticides.gouv.fr/ Rapport INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) : expertise collective «Pesticides – effets sur la santé - 2013» http://www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/expertises-collectives Bases de données sur les produits phytosanitaires E-phy : catalogue des produits phytopharmaceutiques et de leurs usages des matières fertilisantes et des supports de culture homologués en France. http://e-phy.agriculture.gouv.fr Agritox : base de données toxicologiques sur les matières actives phytosanitaires. http://www.inra.fr/internet/Directions/DIC/presinra/SAQfiches/agritox.htm Toxnet HSDB (Hazardous Substances DataBank) : regroupement de bases de données toxicologiques. http://toxnet.nlm.nih.gov/cgi-bin/sis/htmlgen?HSDB Agency for Toxic Substances and Disease Registry. http://www.atsdr.cdc.gov/toxfaq.html Chambre d’agriculture région Alsace Alfred KLINGHAMMER 11 rue Jean Mermoz 68127 SAINTE CROIX EN PLAINE tél. 03 89 20 97 51 [email protected] Direction régionale de l’alimentation de l’agriculture et la forêt Alsace Odile ROCHIGNEUX 14 rue du Maréchal Juin 67070 STRASBOURG CEDEX tél. 03 69 32 51 71 [email protected] Rédacteurs : Eliane Staat-Krencker, Odile Rochigneux, Denis Litt, Alfred Klinghammer Crédit photo : CAAA, CARA, Ets Armbruster Conception : SANEP - COCCY / Tél. 03 89 20 98 50 Vos contacts Ecophyto en Alsace