IIème partie. La dimension éthique.
A. Remarques préliminaires.
L’éthique est partout, mais elle est imiscée, fuyante, changeante comme un
caméléon… Par rapport à cette multiplicité, comment définir l’éthique ? Qu’est ce
que c’est l’éthique ?
Quel sens présente l’éthique (ou la morale) sur notre expérience ?
C’est une question qui a déjà été posée et qui a reçu des réponses multiples selon les
cultures, les problématiques, les contextes. Cela nous pousse donc vers un certain
scepticisme. Mais cette difficulté pourrait bien nous servir d’appui.
Voici déjà quelques éléments de réponse :
1. L’expérience éthique a toujours déjà existé. Elle n’est pas devant nous,
à construire, mais autour de nous. C’est une dimension originaire de
sens. Partout où il y a de l’humain, il y a de l’éthique.
2. L’éthique est une institution constitutive de toute expérience humaine.
L’éthique apparaît donc à la fois comme dimension et comme institution. Un peu
comme le langage. Il est une dimension, un originaire (on ne parle pas d’humain sans
parole) et pourtant il est créé, c’est une institution inventée par la culture. C’est la
même chose pour l’éthique. Nous y sommes plongés, mais nous pouvons nous paser
de l’instituer, de le construire.
L’éthique est un fait mais qui ne nous arrive pas sans que nous ayons à développer
par nous même des façons particulières de le pratiquer et de l’interpréter. L’éthique
est une dimension qui n’existe pas si nous ne la pratiquons.
Il existe des éthiques et le sens est dans des théories.
L’éthique est constituée comme ce qui exige inévitablement engagement éthique de
notre part. L’éthique est implicative. Elle n’est pas sans se faire interpréter, quoique
nous lui donnions (exemple : un blessé au bord de la route sera perçu différemment
par une éthique altruiste qui s’empressera de l’aider que par une éthique de rentabilité
qui le verra comme un obstacle).
Les faits éthiques ne sont pas théoriques mais théoriquement pratiques.
On est dès le début, d’emblée, sous l’exigence de prendre position en « elle » (pas
face à l’éthique, en l’éthique). L’existence est plongée dans l’éthique, c’est être
contraint à prendre position dans l’éthique. Cela ouvré évidement à différentes
interprétations.
Mais qu’est ce que c’est l’éthique ? Nous essayerons d’y répondre par une approche
radicale (qui va jusqu’au gründ, au fondement) et de rendre justice à sa complexité.
Rappel : Nous avons mis en lumière 2 types d’engagements éthiques forts, 2
interprétations différentes du milieu éthique.
1. Avec MSF un homme vulnérable et engageant (un devoir de sollicitude), une
dette.
2. Avec les DH une dignité humaine qui tient à ses capacité. L’homme est une fin en
soi, un principe. Cette dignité sollicite un désir plutôt qu’un devoir. Un désir de
réaliser, d’exercer, d’expérimenter. C’est ce désir qui soulève les révolutions
etc…
Distinguons donc 2 modes d’engagement éthique.
1. Le devoir face à autrui vulnérable. Une dette envers le présent. Une dette par
rapport à un manque.
2. Nous voulons, désirons vivre à hauteur d’humanité, de dignité.
Il y a donc deux modalités d’engagement éthique différentes.
1. Structure de l’expérience éthique.
L’expérience éthique est structurée par le jeu de la dette et du désir. De la norme et de
la valeur. Il nous faut articuler ces deux dimensions.
A. Champ de l’éthique.
C’est l’action. L’éthique et la morale désignent une pratique et aussi une
compréhension de cette pratique.
En atteste l’étymologie grecque (éthos ou èthos, le premier ayant trait aux
mœurs (voir l’éthologie), le second au caractère et la forme archaïque
renvoyant à la chasse, domaine dans lequel il faut une connaissance) et latine
(morale signifie mœurs).
C’est donc l’existence vécue comme pratique, comme rapport pratique au réel.
B. Une dualité fondamentale, la règle et la visée.
i. Dette
1. Forme= détermination. La forme est le mouvement central
chez Platon. Morphè (la forme) approche le terme eidos
(contour). Pour que cela devienne quelque chose, il faut
imposer un contour, une limite qui donne une identité. Les
formes d’actions peuvent être ce qui détermine l’action.
D’où une certaine idée de règle morale. De principes qui
déterminent l’action. Il y a par conséquent une déontologie
de l’éthique, c’est à dire qu’il faut déterminer, réguler. Il y
a une loi, un devoir voir même une contrainte.
2. La forme c’est aussi ce qui en fait le moment d’une
démarche, le moment d’un dynamisme. L’allure du sens
dynamique. Ca va où ? Ca va comment. Une forme de
comportement c’est ce qui fait qu’une forme s’insère dans
une dynamique. C’est là l’aspect téléologique. La réalité
éthique ce n’est pas ce qui demande que l’action soit
terminée mais au contraire ce qui l’appelle à viser, à désirer
quelque chose. Comprendre une action c’est comprendre
les règles et les visées (exemple : lorsque l’on rentre dans
un auditoire en parfait béotien, pour comprendre ce qui se
passe il faut comprendre les règles (le prof parle, etc…) et
la visée (apprentissage).
3. Ce qui fait la différence entre une norme et une valeur,
c’est que la norme à trait plus ou moins généralement à la
forme d’un comportement qui s’impose à la spontanéité.
On ne fait pas n’importe quoi. Il y a une certaine idée de
conformation (devoir, obéissance). La norme peut
s’observer pratiquement de façon factuelle. Se laisser
constater dans sa pratique.
ii. Idée de valeur (ex : la liberté). Celle-ci n’est pas liée directement à
une façon concrète d’agir mais plutôt au sens d’un comportement.
En agissant comme ceci, j’agis avec telle valeur.
1. Sens caritatif. Ce genre de comportement est désirable ou
non. Il y a des valeurs positives et négatives. La valeur est
un concept évaluatif. Ce n’est pas du sens théorique. C’est
une compréhension quasi immédiate. Le goût de
l’expérience me fait lui accorder une valeur. C’est
qualitatif.
2. Se présente au désir plus qu’à l’obéissance. La valeur se
propose au désir (positif ou
négatif). Le plaisir n’est pas
seulement sentimental. Une
valeur suscite une dynamique
pour que le jugement s’installe
etc…
3. La norme peut difficilement se
laisser saisir par ses
observateurs, la valeur ne peut
être suscitée que par son
évaluation. C’est qualitatif. On
évalue en fonction d’une
valeur. Ce n’est pas une
constitution mais une
appréciation (un jugement de
valeur) à puissance positive ou
négative.
Sur cette base (établie par Paul Ricoeur, mais qui, attention, n’est pas toujours là),
on peut établir la différence entre éthique et morale. Le normatif c’est le moral, le
téléologique c’est l’éthique.
MORALE
ETHIQUE
Dette
Désir
Déterminati
on
Orientatio
ns
Règle
Visée
Déontologi
e
Téléologie
Normes
Valeurs
Devoir
(Kant)
Réussite
(Aristote)
Normatif
Axiologiq
ue
Il y bien sur dialectique
entre les deux et c’est là
qu’est l’éthique.
Excursus.
En philosophie politique, il y a une dualité analogue (pas similaire, juste analogue) entre
le juste et le bien
Juste (Kant)
Bien (aristote/hegel)
Vision qui se constitue à la modernité par
limitation des ambitions éthiques. Vision
libérale.
1. Rétrécissement du champ, ambition que
pour la sociabilité et les rapports entre
individus.
2. Dans ces relations on limite au possible
l’intervention institutionnelle. Ce qui est en
cause est une norme urgentée (ex : les gens
vivent mal peu importe, c’est uniquement
quand il y a conflit que l’on intervient).
Le BUT est de sauver les relations de la
violence.
L’état a pour but de contribuer à ce que
l’existence des citoyens progresse vers la
vie bonne, vers la qualité maximale
d’éthique d’existence. (ex : ce type de
vision va mettre en avant la culture comme
qualité humaine et morale).
C’est dès lors un rapport familique ouvert
au sens du point de vue sexué, on favorise
les relations.
Right
Good
1.4 Comment s’articulent normes et valeurs ?
A.
Les normes se laissent saisir de façon quasi empirique (réalité factuelle). Cela est vrai
pour l’observateur comme pour nous (exemple de l’auditoire : l’observateur peut saisir
les normes sur le terrain). Ce qui frappe avec le plus d’évidence, qui prend l’avant dans
l’éthico-morale, c’est d’abord la norme.
L’éthique est d’abord l’avant de la scène. Un fait, un ensemble de faits (les normes) de
culture. Un donné collectif et historique qui précède tout désir, tout projet, etc…
Cet ensemble factuel, ce qui se fait, c’est l’éthos. C’est un style de comportement propre
à un groupe et qui s’impose et aux membres et à ceux qui y ont à faire.
Pour beaucoup et surtout pour les praticiens des sciences humaines, l’éthique se limite à
cette factualité. L’éthique est le premier objet de description et d’explication. (cf.
ethologie).
Cette saisie de l’éthique est ambivalente. Présenter l’éthique dans les normes en vigeur
peut l’interpréter avec horreur ou soulagement. L’éthique serait donc les normes en
vigeur ?
Non : il y a un élément décisif. En régime humain (par opposition à un régime animal) il
y a quelque chose de très particulier. Aucune expérience humaine n’est sans une forme
ou une autre de compréhension plus ou moins critique. Les hommes ne se contentent pas
de vivre, ils donnent un sens. Les normes ne sont pas seulement ce qui se fait, elle sont ce
qui a nécessairement un peu de sens. Les normes se vivent comme étant plus ou moins
justifiées (justifier étant rapporter une norme à des critères de validité).
(ex : Quand on roule en voiture, une norme est le code de la route qui est +- justifiée
selon que je met l’accent sur la sécurité ou sur la rapidité. L’expérience a donc une
qualité (sa vitesse…) ).
Il y a donc des valeurs que les normes contribuent à rendre réelles. (+- de danger, de
rapidité, valeur). De cette façon, là, il apparaît que les normes ont comme sens non pas
d’être là mais de contribuer à l’effectivation de valeurs désirables on non.
B.
Il apparaît donc qu’il n’y a pas de normes fermées sur elle-même (une norme non reliée à
la valeur, qui serait pure et simple contrainte), elles s’effectuent par rapport à des valeurs.
Si cette argumentation tient la route, ce qui est premier en éthique n’est pas la
réalité effective des normes mais de rattachement à des valeurs sur le fait desquelles
l’action prend un sens.
Le basculement est celui d’une priorité des normes vers une priorité souterraine
(les valeurs), l’être pour nous, c’est l’être dynamiquement ouvert à la qualité.
C’est la priorité de fond de la téléologie sur la déontologie (ex : c’est parce que
l’on veut vivre longtemps etc… que l’on respecte les normes). Si on installe les normes
c’est en fonction de cette dynamique première
1.5 L’éthique comme ouverture à l’horizon qualitatif.
L’éthique devrait donc se comprendre comme fondamentalement l’ouverture dynamique
de l’être à un horizon de qualité. Etre c’est toujours déjà se trouver situé sur un horizon
qualitatif.
Cet horizon c’est ce qu’on appelle le bien (de l’ordre de la réussite, de la qualité). Le bien
comme « bonum », c'est-à-dire à la fois agathon (bon) et kalon (beau).
L’éthique, classiquement c’est l’ouverture au bien
Précisions sur le bien. Ce n’est pas un objet, ce n’est pas quelque chose. Ce n’est pas non
plus un ensemble de normes. C’est un sens réel, vécu, dynamisant de l’expérience. C’est
une dimension du sens de l’expérience. Notre expérience par un coté est fait et qualité.
Nous ne vivons pas de pur fait, il y a des faits qui ont un sens qualitatif. (rien n’est neutre
parce qu’il y a une dimension qualitative à la dimension de l’expérience. Seule la science
comme abstraction méthodologique peut prétendre à cette neutralité. Par exemple la
durée du cours est absolument neutre, on n’y aborde pas son intérêt, etc…)
C’est une destruction qualitative réelle. La vie n’est pas une suite de faits qui se
développent de façon chaotique. Il y a une signification réelle. Ce n’est donc pas un
ensemble de biens mais un horizon.
1 / 18 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !