La décolonisation de l`Afrique et de l`Asie I/ De 1945 à 1994 : 50 ans

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La décolonisation de l'Afrique et de l'Asie
I/ De 1945 à 1994 : 50 ans de luttes pour l’indépendance
1) L’après-guerre et l’inévitable chute des empires coloniaux
Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, les puissances européennes sont
très fortement affaiblies par plusieurs années de conflit, le plus meurtrier de
l'histoire de l’humanité. Les métropoles ne sont donc plus en capacité d'assurer le
contrôle de leurs immenses empires coloniaux, notamment en Afrique et en Asie.
Les mouvements indépendantistes et anticolonialistes qui se mettent en place aussi
bien dans les colonies qu'en métropole ne peuvent pas être réprimés, et le
processus de décolonisation est lancé, au grand damne des puissances coloniales
européennes.
Le deuxième facteur qui explique le début du processus de décolonisation est la
charte des Nations Unies. En effet, suite à la Seconde Guerre mondiale, l'ONU est
créée en 1945, et sa charte indique clairement que tous les peuples ont le droit de
disposer d’eux-mêmes. Il s'agit du droit international, et le concept d'empire
colonial est donc en contradiction avec cette charte, qui a été ratifiée par les pays
européens. La décolonisation devient donc un processus inévitable, d'autant que
les deux Grands, USA et URSS, sont farouchement opposés à l’idée de
colonisation. L'un y est opposé à cause de son histoire (les USA sont d'anciennes
colonies), l'autre à cause de sa doctrine (le communisme, anti-impérialiste, prône
un système de collaboration entre états indépendants). Ainsi la plupart des colonies
accèdent à leur indépendance entre 1945 et 1975.
2) Différents processus d'accession à l’indépendance
Les processus d’indépendance suivis par les anciennes colonies diffèrent
sensiblement en fonction, d'une part, de l'enjeu qu'elles représentent pour leur
métropole, et d'autre part des moyens dont disposent les métropoles pour réprimer
les mouvements d’indépendance. En effet, les puissances coloniales ne comptent
pas laisser se déliter leur empire si facilement, mais elles sont contraintes
d'abdiquer dans certains cas. Ainsi l'Inde, territoire immense et très fortement
peuplé, prend son indépendance par rapport à la Grande-Bretagne en 1947. Il en va
de même en Afrique, où la plupart des anciennes colonies accèdent à
l’indépendance au cours des années 1950-1960 suite à un processus de transfert de
pouvoirs.
Cette voie vers l’indépendance est pacifique, mais lorsque le transfert de
souveraineté n'est pas correctement assuré, des troubles éclatent si tôt le pays
devenu indépendant. C'est le cas du Zaïre (Congo, Rwanda, Burundi), ancienne
colonie belge livrée à elle-même en 1960, et qui connaît une instabilité politique
chronique jusqu'à aujourd'hui, incluant des guerres civiles. Ces troubles sont
également liés au découpage des frontières. En effet, les anciennes puissances
coloniales ayant dessiné les frontières arbitrairement, il est très fréquent de voir
rassemblées dans un même pays des ethnies qui n'ont absolument rien en commun,
voire qui entretiennent une rivalité féroce.
Même si le processus d’indépendance est lancé, et comme dit précédemment
inévitable, certaines métropoles tentent toutefois de s'accrocher aux quelques
restes de leurs anciens empires coloniaux, et tentent donc de freiner, voire
d’empêcher, certains mouvements d’indépendance. C'est le cas du Portugal, qui
contrôle encore les restes d'un empire colonial vieux de 400 ans. Ses dernières
colonies africaines, le Mozambique, l'Angola et la Guinée-Bissau, n'obtiennent
leur indépendance qu'en 1975 et à la suite de sanglantes guerres d’indépendance.
On peut également citer la France, qui refuse d'accorder son indépendance à
l'Indochine, ce qui débouche sur une guerre entre 1946 et 1954. Cette guerre verra
la défaite des Français, et la création de trois nouveaux états : Vietnam, Cambodge
et Laos.
Le problème de l’indépendance peut également être très épineux dans le cas de
territoires qui abritent une population européenne nombreuse (colonies de
peuplement). C'est le cas de l'Afrique du Sud, où de nombreux britanniques
résident, et où une politique d'apartheid (ségrégation) est mise en place. L'abandon
de ces mesures n'a lieu qu'en 1994, lorsque Nelson Mandela arrive au pouvoir, et
le pays porte encore aujourd'hui les séquelles de cette politique. Il en va de même
en Algérie, où la population française est très nombreuse. Cette situation mènera à
la guerre d’Algérie (1954-1962), qui verra la défaite de la France et le retour en
métropole des « pieds noirs ».
II/ Violence et autoritarisme
1) L'esprit démocratique : une utopie ?
Au moment de la prise d’indépendance des anciennes colonies, les appareils d’État
sont extrêmement fragiles. Le contrôle des États et de leurs administrations est le
plus souvent récupéré par le groupe séparatiste qui a mené le combat pour
l’indépendance. Mais ces groupes sont souvent mal formés, et ne savent pas
nécessairement comment gérer un pays. Ceux-ci adoptent la plupart du temps une
ligne autoritaire, d'autant plus facile à embrasser que ces factions indépendantistes
sont armées, et ont donc les moyens militaires d'imposer leur domination. Naissent
alors, dans la plupart des pays, des États autocratiques dirigés par un dictateur ou
un parti unique, qui ne passe le pouvoir que lorsqu'il est renversé par un coup
d’État.
Certains pays tentent toutefois d'adopter les constitutions démocratiques calquées
sur les modèles européens (Afrique francophone). Mais l'esprit démocratique n'est
en réalité que très peu présent dans les mentalités, les populations n'ayant pas été
éduquées dans ce sens (pas de droit de vote jusqu'ici).
2) Faiblesse des États et troubles civils
Comme dit précédemment, les frontières des États colonisés ont été dessinées par
les colonisateurs au XIXème siècle. Ces États regroupent donc des populations
(ethnies, groupes religieux) qui n'ont rien en commun, et ne souhaitent pas
nécessairement partager le même territoire. Ainsi naissent de nouveaux conflits
indépendantistes, comme au Biafra (région du Nigeria) entre 1967 et 1970, conflit
meurtrier qui a provoqué la mort de plus d'un million de personnes sans permettre
pour autant à la région d'obtenir son indépendance. Face à la faiblesse des États,
qui ne sont pas toujours en mesure d'affirmer leur autorité et de rétablir l'ordre, les
conflits internes peuvent durer des années, et entraîner des flux de réfugiés
considérables qui déstabilisent eux-mêmes les régions et États voisins. Ces
déplacements de population mènent à des situations humanitaires catastrophiques
(famines, épidémies).
Outre les revendications indépendantistes, les nouveaux États sont également
confrontés au problème du manque de formation de leurs cadres. Les
administrations sont ainsi gérées très peu efficacement, et la corruption devient un
phénomène endémique qui touche toutes les sphères de la société. L'argent ainsi
détourné n'est pas investi dans le développement.
III/ Un long chemin vers le développement
1) Répondre aux besoins de base des populations
Lorsque les anciennes colonies deviennent indépendantes, se pose alors un défi
majeur, celui de satisfaire aux besoins vitaux de leurs populations : assurer l’accès
à l'eau, aux soins, à l'alimentation et à l’éducation. Ce défi est d'autant plus
difficile à relever que l'Afrique et l'Asie entament leur transition démographique
(passage d'un régime démographique ancien à un régime moderne, qui provoque
une explosion démographique). L'urbanisation croissante complique également la
tâche, car les infrastructures des villes ne suivent pas le développement rapide et
incontrôlé des centres urbains. Naissent alors d'immenses bidonvilles où les
conditions sanitaires sont catastrophiques.
Dans beaucoup de pays d'Afrique, l'eau est une ressource rare, et le manque
d'infrastructures efficaces combiné à l'explosion démographique rendent les
sécheresses particulièrement destructrices. Ces sécheresses, ainsi que les choix
d'orientation des politiques agricoles des pays, entraînent des crises agricoles
majeures et des famines qui peuvent s’étendre sur plusieurs années (comme au
Biafra, en Éthiopie ou au Soudan). L’indépendance alimentaire, c'est-à-dire le fait
de produire suffisamment pour nourrir les populations, est donc inatteignable pour
certains pays en raison d'une agriculture peu productive ou d'une augmentation
trop rapide de la population. Certains pays ont donc fait de l'agriculture une
priorité absolue, comme en Inde ou au Vietnam avec la « révolution verte »
(années 1960).
L’accès aux soins fait également défaut dans beaucoup de pays. En effet les
infrastructures manquent (hôpitaux), et les États ne parviennent pas à suivre la
cadence au regard de l'explosion urbaine. Beaucoup de personnes n'ont accès qu'à
des dispensaires, structures qui ne fournissent que des soins de base. S'ajoute à
cela un manque de personnel médical et de médicaments (les médicaments sont
importés de l’étranger, et coûtent donc très cher). Dans beaucoup de pays, les
épidémies graves se développent donc régulièrement (Sida, Malaria, etc...), la
mortalité infantile reste élevée (10% en 1990) et l’espérance de vie faible (autour
de 50 ans en 1990).
Enfin l’accès à l’éducation, domaine indispensable au bon développement d'un
pays, reste insuffisant, et la formation des élites intellectuelles se fait toujours en
Europe, au sein des anciennes métropoles. Le manque d’éducation des masses fait
que certaines croyances et pratiques perdurent (inégalités des sexes, excisions,
etc...).
2) Des économies fragiles et dépendantes
Afin d’améliorer leur économie et ainsi d’améliorer leur condition, les anciennes
colonies adoptent de nouveaux modèles. Certaines font le choix du dirigisme
économique, et c'est ainsi que certains états comme l’Éthiopie, le Mozambique ou
le Vietnam adoptent le modèle communiste. D'autres pays pratiquent la
planification économique sans toutefois adopter le modèle communiste. C'est le
cas de l’Algérie et de l'Inde.
Mais la base de l’économie de la plupart des pays anciennement colonisés, en
particulier africains, est l'exploitation des matières premières (ressources minières,
énergies fossiles, produits agricoles). Le problème est que les pays qui basent leur
économie sur l'exploitation et la commercialisation de ces ressources sont, de fait,
extrêmement dépendants du marché mondial et de ses fluctuations (offre et
demande). Dans le cas de l'agriculture, certains pays ont fait le choix de se
spécialiser dans la production de produits d'exportation (coton, cacao, arachides),
négligeant dans le même temps la production de produits alimentaires destinés à
leur population.
De plus, beaucoup de leaders de ce qu'on appelait alors le Tiers monde accusent
les puissances occidentales de pratiquer une forme de néo-colonialisme en fixant
eux-mêmes les prix des produits d'exportation, s'assurant ainsi un accès facilité
aux matières premières dont elles ont besoin.
IV/ Trouver sa place dans un monde bipolaire
La question du non-alignement
Au moment de l'accession à l’indépendance, la guerre froide fait rage, et les
nouveaux États indépendants se trouvent rapidement confrontés à la question de
l'alignement, soit du côté soviétique, soit du côté du bloc de l'ouest. Comme dit
précédemment, certains pays choisissent la voie du communisme, surtout en Asie.
Certains autres font le choix de simples accords militaires avec l'Union Soviétique.
La majorité des pays africains choisit le non-alignement, restant ainsi neutres par
rapport au conflit. Le choix de l'alignement apparaît en effet difficile pour eux car
les deux Grands soutiennent pleinement le processus d'indépendance, mais dans le
même temps tentent d'obtenir le soutien des nouveaux pays par tous les moyens,
incluant l'organisation de coups d’État (Angola).
Les nouveaux pays indépendants décident donc de se constituer en Tiers-monde,
un terme qui désigne à l'origine tous les pays ne souhaitant pas s'aligner. De plus,
la plupart de ces pays sont solidaires entre eux, et ils affirment leur soutien mutuel
lors de la conférence de Bandung en 1955. Suite à cette conférence est créée en
1963 l'OUA (Organisation de l’Unité Africaine), ancêtre de l'Union Africaine, une
organisation de coopération qui regroupe 31 pays d'Afrique. Le soutien mutuel
peut aller jusqu'à la fourniture de matériel aux pays nécessitant de l'aide (le
Vietminh reçoit des armes chinoises lors de la guerre du Vietnam par exemple).
Le thème de la « troisième voie », c'est-à-dire le fait de trouver une voie de
développement entre le communisme et le capitalisme, est récurrent lors de la
guerre froide, et certains dictateurs bâtissent même des programmes politiques sur
ce thème (comme Kadhafi en Libye, qui expose ce programme dans son Livre
Vert).
2) Le poids du Tiers-monde dans les instances internationales
Malgré le fait que les États du Tiers-monde représentent rapidement la majorité à
l'ONU, ceux-ci ne parviennent pas à réellement s'affirmer face aux anciennes
puissances et aux deux Grands. En effet, la plupart des décisions sont prises par le
Conseil de Sécurité, composé de dix membres non-permanents, et surtout de cinq
permanents, seuls à disposer du droit de veto : URSS, USA, France, GrandeBretagne et Chine. Le Tiers-monde n'a donc pas de réel poids dans les décisions.
Concernant les autres organisations internationales, tels le FMI ou la Banque
Mondiale, ceux-ci sont également contrôlés par les grandes puissances, notamment
occidentales, et le poids décisionnel d'un pays au sein de ces organisations est
déterminé par sa puissance économique. Encore une fois, les pays du Tiers-monde
n'y ont donc que très peu d'influence, même si ils ont besoin du soutien de ces
organismes, notamment en matière d'aide au développement.
V/ Trouver sa place dans la mondialisation
1) Développer une économie compétitive
La plupart des pays anciennement colonisés présentent toujours des économies
fragiles. En raison de l’instabilité politique et du cercle vicieux de la pauvreté dans
lequel certains pays se trouvent, et duquel ils ont beaucoup de mal à s'extraire, le
développement économique est impossible. De plus, malgré le fait que beaucoup
de ces pays possèdent d'importantes ressources naturelles (énergies, minerais,
etc...) et agricoles, celles-ci sont écoulées sur les marchés à prix cassé. Ce
phénomène est d'une part lié au fait que ce sont les marchés eux-mêmes qui fixent
les prix, et d'autre part au manque de coordination des pays producteurs sur une
harmonisation des tarifs. Certains pays ont pourtant su s'organiser, comme c'est le
cas des pays producteurs de pétrole, qui ont créé l'OPEP (Organisation des Pays
Exportateurs de Pétrole) en 1960.
De ce fait, certains pays en difficulté sont minés par une économie parallèle, dite
« grise », beaucoup plus lucrative car trafiquant dans l’illégalité (produits de
contrefaçon, drogues, etc...).
2) Gérer le paramètre humain
Le facteur humain est également problématique pour ces pays en voie de
développement. En effet, la formation des élites à l’étranger ne s'accompagne pas
toujours de leur retour au pays, et on assiste ainsi à une importante fuite des
cerveaux en direction de pays plus attractifs. Cette fuite concerne également les
non-diplômés, qui tentent de trouver ailleurs un meilleur avenir, souvent
illégalement.
Pour pallier cette fuite, les pays en voie de développement tentent d'attirer les
investisseurs étrangers, qui ouvrent des usines sur leur sol et proposent une
embauche pour les personnes peu qualifiées (surtout en Asie).
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