La Tunisie avant 1914 Au XVIème siècle, la Tunisie subit l’occupation de l’Empire ottoman. Cette occupation est acceptée face aux entreprises similaires menées par le Portugal et par l’Espagne, et ce, pour une raison en particulier. Car face à ces puissances chrétiennes, l’Empire ottoman se présente comme champion de l’Islam, comme un Empire capable d’assurer avec la Tunisie une cohésion morale et religieuse. Dans, l’Empire, la Tunisie va se présenter comme un cas d’occupation originale. En effet, c’est la province qui possède la forme la plus affirmée d’autonomie. Son attachement à l’Empire ne se montre que par une solidarité islamique, et par quelques signes extérieurs de reconnaissance de sa souveraineté. En échange de cela, l’Empire est une garantie contre les pressions extérieures. Mais à la fin du XIXème siècle, l’Empire va être trop préoccupé par la perte des provinces auxquelles il tient le plus, telles que les Balkans, et va délaisser la Tunisie, ce qui va permettre à la France, intéressée par ce pays, et poussée par les différents acteurs internationaux, à intervenir en Tunisie. Comment se marque en Tunisie le passage d’une domination ottomane à une domination française ? Et comment voit-on jusqu’en 1914 les débuts de revendications en Tunisie ? I La Tunisie sous domination ottomane II L’annexion de la Tunisie par la France III La Tunisie sous le protectorat français CONCLUSION : Le passage d’une domination ottomane à une domination française représente pour la Tunisie une perte d’autonomie. Pourtant, la Tunisie a mis en place des réformes pour lutter contre l’invasion française, qui se sont révélées inefficaces. Celles-ci vont permettre quand même de mettre peu à peu en place une modernisation du pays. Et ce n’est pas anodin si avant la WW1, le mouvement des Jeunes Tunisiens marque le début des revendications, qui réclament une amélioration de l’éducation des Tunisiens, et pas encore l’indépendance. Cependant avec la WW1, les Tunisiens s’interrogent. En effet, ce conflit entre pays chrétiens ébranle l’image des chrétiens triomphants et unis. A cela s’ajoute le fait que 110 000 Tunisiens participèrent aux combats les plus durs. La propagande tunisienne va peu à peu réclamer des concessions d’ordre politique pour les sacrifices rendus. De plus, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes du président américain Wilson accentue ce climat de revendications. La guerre va mettre fin au tête-à-tête entre la France et la Tunisie et ouvrir le pays aux autres puissances étrangères. I La Tunisie sous domination ottomane 1° L’ouverture aux réformes Pourquoi il y a mise en place de réformes ? Car, depuis l’installation de la France en Algérie, l’inquiétude monte en Tunisie, où on ne veut pas subir le même sort. Il y a donc nécessité de réformes qui permettront la modernisation du pays et donc une meilleure résistance en cas d’attaque . Les premières réformes vont donc logiquement concerner l’armée. Il va y avoir la création d’une école polytechnique au Bardo et une réforme de la Marine. Mais cela se traduit par un échec à cause de l’incompétence des ingénieurs dans l’armée (qui n’avaient pas prévu l’ensablement du port de Tunis) ou encore du niveau très bas des élèves (beaucoup ne savent pas lire). La modernisation ne peut donc être adaptée à une société n’ayant pas de population formée. D’où la mise en place de réformes dans l’enseignement comme l’ajout des sciences dans les études traditionnelles de la Grande Mosquée, ou encore la création d’une grande bibliothèque. Cela ne suffit pas et se solde donc en échec, mais va cependant poser les bases pour les réformes à venir. 2° Le Pacte fondamental L’affaire Batou Sfez est révélatrice de cette différence. Celle-ci concerne un cocher juif qui a été condamné à mort pour avoir insulté le prophète. Sa peine, est jugée disproportionnée par les puissances européennes, qui s’inquiètent de l’arbitraire du bey. Donc en prenant pour prétexte la protection des Juifs et des droits de l’homme, les Européens décident d’intervenir dans les affaires de la Tunisie. Mais en réalité cette intervention n’a pour but que de défendre leurs intérêts en Tunisie qui sont menacés par un bey pouvant prendre des décisions arbitraires. Les puissances européennes vont donc exercer des pressions contre le bey qui se voit obligé d’accepter le Pacte fondamental. Celui-ci, promulgué en 1857, garantit la liberté de conscience, et l’égalité devant la loi, l’impôt et l’accès à la propriété. Les Tunisiens sont mécontents, car même si c’est une mesure démocratique, ils voient que en réalité, ce n’est qu’un moyen de pénétration pour les Européens. En effet, les Juifs, qui ont désormais accès à la propriété vont pouvoir vendre leurs biens aux étrangers. 3° La crise économique des années 1860 : un autre moyen de pénétration des puissances européennes La situation est de plus en plus dramatique en Tunisie. La sécheresse de 1865-1868 qui a provoqué des famines et le doublement de l’impôt va provoquer des révoltes. A ces problèmes s’ajoute la situation économique : pendant que le pays est en crise économique, le ministre Kasnadar touche des commissions, et fait recours massivement aux emprunts étrangers pour couvrir les emprunts publics. Donc il y a discrédit d’un Etat qui au lieu de protéger le pays, ne fait que le servir aux étrangers. De plus, comme le montant de la dette envers elle a doublé, la France décide l’ouverture d’une commission au nom de la majorité des créanciers de l’Etat. Elle est rejointe dans cette commission qui devient internationale par les Anglais et les Italiens. La commission prend un rôle tellement important que le président de la Commission, Victor Villet, va être surnommé le « bey Villet ». C’est le début de la perte d’indépendance financière de la Régence. II L’annexion de la Tunisie par la France 1° Le Congrès de Berlin en 1878 Ce Congrès met à jour les rivalités : - La France ne veut pas que l’Italie revendique la Tunisie, à causes de points communs historique (sous l’Antiquité) ou géographique. l’ Angleterre ne veut pas non plus que l’Italie s’empare de la Tunisie car l’Italie possèderait alors les deux rives du détroit de Sicile et pourrait contrôler alors la route des Indes. La France va profiter des divergences des grandes puissances au sommet de Berlin - Car, elle, veut la Tunisie, car sa possession marquerait un retour du prestige après la défaite de 1870. La Grande-Bretagne pour les raisons vues plus haut préfère que ce soit également la France qui pénètre en Tunisie. C’est également le cas de l’ Allemagne. Bismarck préfère en effet détourner l’attention de la France de l’Alsace-Lorraine et la Tunisie en est le meilleur moyen. Donc les puissances étrangères encouragent la France a envahir la Tunisie. La présence française en Tunisie est due en quelque sorte, en partie, à la politique internationale. 2° L’intervention : avril 1881 Celle-ci va être précipitée par l’arrivée massive d’Italiens en Tunisie. Un ministre français déclare alors : « la Régence est considérée comme un pays qui doit graviter dans l’orbite internationale française ».De plus, elle va être facilitée par l’arrivée de Ferry au pouvoir, qui y est favorable et qui va prendre pour prétexte diverses agressions tunisiennes envers des bâtiments français ou des Français. Le 24/04/81 : occupation du port de Bizerte. Aucune intervention d’Istanbul, le bey est isolé et doit accepté quasi immédiatement l’imposition d’un protectorat. Cela provoque qq rébellions, mais en juillet, Tunis et Kairouan, la ville sainte de l’Islam sont occupées. La convention de La Marsa précise le contenu du protectorat :celui-ci est basé sur une sorte d’ « indirect-rule » à l’anglaise , ce qui est étonnant vu la tradition autoritaire française, mais cela engendre un moindre coût administratif et rassure les puissances rivales, qui préfèrent avoir comme interlocuteur la France, plutôt que le bey au pouvoir arbitraire. Celui-ci est pourtant maintenu, mais seulement comme moyen de tenir la population. 3° Le Résident Cambon Celui-ci fut un résident autoritaire, mais favorable à l’indirect rule. Il rencontra des oppositions venues du camp français même. Des fonctionnaires venus d’Algérie d’une part, les annexionnistes, qui refusaient ce protectorat et le fait que des autorités indigènes subsistent. Mais l’opposition venait également de l’armée qui voulait mettre en place une administration directe. Cela finit par la victoire de Cambon sur le Général Boulanger, grâce au discrédit qu’avait apporté l’affaire Tesi où des soldats français avaient été agressés par des Italiens. A la suite de cela, l’armée trouvant son prestige bafoué s’octroya le droit de répliquer en cas d’agression sur ses soldats. La Chambre désapprouva ce comportement et en 1885, elle clarifia la situation : le Résident général est le seul détenteur du pouvoir en Tunisie et possède sous ses ordres l’armée et l’administration. III La Tunisie sous le protectorat 1° Fonctionnement du protectorat Le Résident général possède tous les pouvoirs : il contrôle la politique extérieure de la Tunisie, l’armée de terre et de mer, et la gestion administrative et économique du pays. De plus, comme il dépend du ministère des affaires étrangères, il échappe au contrôle du Parlement, mais aussi des Français sur place puisqu’ils n’ont aucune représentativité élective. Tout cela représente un PARADOXE : la France est censée représenter l’idéal du citoyen. Mais le pouvoir absolu du résident général met en place un retour en arrière car : - Même sous le bey il n’y avait pas vraiment de pouvoir absolu, car son pouvoir était modéré par le soulèvement des tribus. le protectorat met en place une sorte de paternalisme qui perverti même les Français qui vont accepter « d’échanger leur liberté contre un plat de lentille ». Tout cela marque une certaine déchéance. De plus, les autochtones instruits se sentaient écartés de la gestion du pays, ce qui commence à être dénoncé à partir des années 1890. Ils veulent également bénéficier de la politique scolaire du protectorat pour prétendre légitimement participer à la nouvelle administration de leur pays. Ce sera la revendication essentielle des jeunes Tunisiens : la maîtrise de la langue et des mécanismes politiques est indispensable pour sortir de leur situation de dominés. 2° Le développement économique La nouvelle économie met en place la réorganisation du système agricole. Pour attirer les Français, la régence va mettre en place une politique foncière qui facilite l’accès à la propriété et qui va régler ce problème de démographie. Des textes vont ainsi mettre des terres à disposition des colons, et ce, au détriment des populations autochtones. Il y a certes une modernisation du secteur agricole, mais celle-ci nécessite le développement d’infrastructures pour acheminer les productions. Un chemin-de-fer va être créé pour le transport des marchandises et des extractions minières. De plus, un canal va être construit pour entrer dans Tunis et en 1898 Bizerte, point stratégique entre la rive occidentale et orientale de la Méditerranée, est transformé en port de guerre. Donc ces équipements sont seulement mis en œuvre pour faciliter les changes commerciaux des produits de l’agriculture et de l’industrie minière. Le problème est que les entreprises sont aux mains des Européens et les Tunisiens appartiennent à la main-d’œuvre. Ils ont donc le sentiment d’être écarté de l’encadrement de leur pays. 3° Un mouvement revendicatif : les Jeunes Tunisiens Ce mouvement est né de la frustration d’être écartés des postes de responsabilités. Les revendications apparaissent dans des associations comme celle du collège Sadiki, ou encore dans la presse. Elles apparaissent donc chez les intellectuels aisés. En 1907, les Jeunes Tunisiens s’organisent autour d’un hebdo : « Le Tunisien ». Il a pour objectif d’être le relais des aspirations du peuple tunisien, en insistant surtout sur la nécessité d’instruction et d’accès à l’administration, et sur la protection des biens fonciers de la population. Donc on voit bien que ça n’est pas l’indépendance qui est réclamée. En 1911, le projet de la France d’acquérir le cimetière musulman du Djellaz provoque des manifestations qui entrainent des morts. La Première Guerre Mondiale allait ouvrir de nouvelles revendications.