aujourd’hui l’Afrique / n°117 / septembre 2010 5
(Ruben Um Nyobé, Félix Moumié, Ernest Ouandié).
La répression contre les nationalistes de l’UPC,
commencée en 1955 dura jusqu’en 1970 et fit des
centaines de milliers de morts, dans des conditions
atroces. Les têtes coupées de responsables furent
exposées sur les places de villages, pour impression-
ner les populations. Cela se passa sous des gouver-
nements à direction socialiste et radicale
(Edgar Faure / Guy Mollet / Maurice Bourgès-
Maunoury / Félix Gaillard) et se poursuivit sous le
régime gaulliste (De Gaulle et Pompidou). Pierre
Messmer qui fut haut commissaire français au
Cameroun sous la Quatrième République devint
ensuite ministre des armées du général De Gaulle,
puis premier ministre sous Georges Pompidou.
Contrairement à ce que prétendit la propagande
française et à ce qu’elle prétend encore, l’indépen-
dance ne fut ni donnée ni octroyée par la France aux
Africains. Ils se sont battus pour l’obtenir. En effet,
De Gaulle revint au pouvoir en juin 1958 après la
révolte des Ultras d’Alger avec qui les chefs de l’ar-
mée française avaient partie liée et qui furent mani-
pulés par quelques gaullistes, tel Jacques Soustelle
qui les connaissait bien. Il tergiversa sur la politique
à mener en Algérie. On passa de « Vive l’Algérie
Française » à la « Paix des Braves », puis à
«l’Algérie algérienne ». Sur les huit années que
dura le conflit algérien (1954-1962) quatre se dérou-
lèrent sous De Gaulle (1958-1962).
Les leaders africains les mieux disposés à l’égard
de la métropole profitèrent de ce contexte. Le pou-
voir gaulliste voulut éviter d’autres guerres colonia-
les. La constitution de 1958, essentiellement rédigée
par Michel Debré, créa la « Communauté » qui ne
vécut que quelques mois. Déjà, lors du référendum
constitutionnel du 28 septembre 1958, la Guinée, en
votant NON, avait proclamé son indépendance au
grand dam des autorités françaises.
En 1960, les uns après les autres, les Etats afri-
cains de la Communauté négocièrent puis proclamè-
rent leur indépendance, une indépendance assortie
d’accords de coopération inégaux qui comprenaient
des clauses secrètes permettant le maintien de l’ar-
mée française et son intervention à la demande des
gouvernements africains. De Gaulle aurait dit à son
fidèle conseiller chargé des relations avec les pays
africains : « Foccart, ils veulent l’indépendance.
Qu’ils la prennent ! Mais veillez à ce que tout ce
petit monde reste dans le giron de la France ». Le
gouvernement français prit soin de transmettre le
pouvoir à des hommes liges et se constitua ainsi une
clientèle d‘amis « fidèles ». Ce furent autant de voix
à l’Assemblée Générale de l’ONU pour soutenir la
politique algérienne de la France, puis, après le
règlement du conflit algérien, sa politique internatio-
nale.
La Françafrique était née. Elle a cinquante ans et
se porte encore bien. Les velléités pour l’abattre, du
moins pour en transformer les règles du jeu, ont tou-
jours échoué. Les quelques espoirs de voir les cho-
ses changer suscités par Jean-Pierre Cot du temps de
Mitterrand et par Jean-Marie Bockel du temps de
Sarkozy ont vite été déçus. Il nous appartient, à
l’AFASPA, de dire et de répéter que cette forme de
néocolonialisme a assez duré et que doivent se nouer
entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique
des relations et des partenariats entre égaux.
Puissions-nous être entendus ! Puissions-nous être
écoutés !
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(1) Messali Hadj avait créé en 1936 le PPA(Parti Populaire
Algérien), dissout en 1939 en même temps que le PCA (Parti
Communiste Algérien) reconstitués l’un et l’autre. Reconnu
par les nationalistes algériens comme le « leader incontestable
du peuple algérien », il avait été assigné à résidence par les
autorités françaises. Il avait ensuite été déporté le 25 avril 1945
à Brazzaville au Congo. Messali Hadj créa le Mouvement
National Algérien (MNA) en 1954 dont l’influence fut pro-
gressivement supplantée par le Front de Libération National
(FLN).
(2) Pendant le Front Populaire, Maurice Thorez, secrétaire
général du PCF, avait exprimé clairement la position du parti.
Voici ce qu’il écrivait dans une lettre à Habib Bourguiba le
19 mars 1937 : « Nous restons fermement partisans d’une
indépendance complète, totale, sans réserve, d’une indépen-
dance inconditionnelle des peuples coloniaux ». En revanche,
dans une brochure du cours de l’école élémentaire du PCF
(4e leçon) de 1945, on peut lire : « Si les populations de la
France d’Outre-mer ont le droit de se séparer de la métropole,
cette séparation serait à l’heure présente, aller à l’encontre des
intérêts de ces populations : les communistes français, sou-
cieux du réel, le disent avec netteté et sans équivoque. Les
Nord Africains par exemple ne font pas partie de la nation
française telle que nous l’avons définie ; mais ils ont à lier leur
destinée à celle de la France ».
(3) Ce n’est qu’en mai 2010 qu’une décision du Conseil
constitutionnel français a annulé des dispositions de certaines
lois, exigeant une égalité de traitement en matière de retraite
entre les anciens combattants français et ceux originaires des
anciennes colonies.
Contexte