Bien qu’insistant sur le fait que ses résultats soient préliminaires, ce dernier a effectivement
constaté un seuil de tolérance à la douleur moins élevé chez la souris-cobaye de la migraine
que chez la souris en bonne santé - en ce qui concerne les femelles uniquement.
Le Dr Mogil est à présent convaincu -et ce, pas seulement grâce à ses propres observations-
que la réaction à la douleur chez les hommes et les femmes est activée par des
neuromédiateurs. Les obstétriciens et les gynécologues savent depuis longtemps que certaines
drogues font particulièrement effet sur les femmes. Les femmes en couche, par exemple,
préfèrent la nalbuphine à la morphine. Les hommes, par contre, dénotent une préférence
inverse quand ils souffrent.
La nalbuphine et la morphine agissent toutes deux en stimulant les récepteurs opioïdes
endogènes du cerveau (les récepteurs opioïdes endogènes sont des molécules similaires aux
drogues dérivées de l’opium).On peut distinguer plusieurs types de récepteurs opioïdes, parmi
lesquels les récepteurs mu et kappa sont deux des plus importants. La morphine se fixe sur les
récepteurs mu, tandis que la nalbuphine stimule les récepteurs kappa, qui sont moins bien
connus. Les agonistes des récepteurs kappa, comme sont appelés des molécules telles la
nalbuphine, n’ont que peu ou pas d’effet analgésique chez les hommes.
Il y a deux ans, le Dr Mogil a identifié le premier gène reconnu pour être impliqué dans la
modulation des seuils de tolérance à la douleur chez les femmes. Des variations dans ce gène
n’influencent pas la réaction des hommes à un agoniste des récepteurs kappa appelé
pentozine. Par contre, elles influencent la réaction des femmes. La protéine produite par ce
gène, le récepteur de la mélanocortine de type 1 agit également sur la couleur des cheveux et
de la peau. Grâce à sa collaboration avec Roger Fillingim de l’université de Floride à
Gainsville, le Dr Mogil a découvert que les femmes rousses à la peau claire – qui ont une
variante particulière du récepteur- avaient une réponse soutenue à la pentazocine.
Jon Levine et Robert Gear, de l’Institut National du Centre Médico-social qui étudie la
douleur de l’université de Californie à San Fransisco, pensent également qu’il existe des
différences fondamentales entre les deux sexes en ce qui concerne la douleur. Ils ont étudié
les effets de la nalbuphine sur les douleurs postopératoires chez les hommes et les femmes
dont on a enlevé les dents de sagesse. Les résultats ont laissé entendre que non seulement les
agonistes des récepteurs opioïdes kappa ne parvenaient pas à soulager la douleur, mais
qu’elles pouvaient même l’amplifier.
Le Dr Gear et le Dr Levine pensent qu’à côté du circuit analgésique (c-à-d, qui enlève la
douleur), le cerveau renferme ce qu’ils appellent un « circuit anti-analgésique », qui, lorsqu’il
est stimulé, fait augmenter la douleur. Ils ont démontré que le circuit qui allait être activé ne
dépendait pas uniquement du type de récepteur sur lequel agit la drogue mais également de la
dose donnée. Parmi ces patients du service dentaire, de faibles doses de nalbuphine ont eu des
effets antalgiques peu durables pour les femmes mais ont accru sensiblement la douleur des
hommes. Cependant, lorsqu’ils ont ajouté une faible dose de naxolone(une drogue antagoniste
de tous les récepteurs opioïdes) à la nalbuphine, la différence entre les sexes a disparu et le
soulagement de la douleur fut nettement amélioré pour tous. Après avoir affiné les
proportions relatives des deux drogues dans la préparation, ils ont réussi à trouver (et à faire
breveter) une combinaison qui est efficace pour les deux sexes.