Performance et prévention

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CICF/SNCE
Chambre des Ingénieurs-Conseils de France
Syndicat National des Cabinets-Conseils en Ergonomie
Commission CICF-SNCE "Intervenir sur l'EPRP"
Performance globale et Évaluation/Prévention des Risques
Professionnels (EPRP)
Objectifs

Vers une prise en charge exhaustive, dynamique et évolutive des risques par la mise en place
d'un système de management de la performance globale se chargeant entre autres choses de
l'Evaluation des Risques Professionnels (ERP), des Conditions de travail (CT) et permettant la
construction d'un contexte qui favorise la prise d'initiative de sécurité ou de productivité tout
en respectant la santé de l'homme au travail ;

Une démarche permettant la mise en place de solutions pragmatiques, co-construites avec les
acteurs du système concernés, en lien avec l'activité réelle de travail ;
 Faire le rapprochement avec les guides proposés par le ministère du travail comme "Organiser
la prévention des RP, Guide pratique du management de la santé et de la sécurité au travail
dans les PME" (DRTEFP PACA) qui inscrit l'action de prévention dans une boucle d'amélioration
continue de la prévention, … ;
 Anticiper les implications en terme de gestion du personnel et économique (contrôle de gestion
par l'activité) et avec les démarches qualité ;
 Réfléchir sur les difficultés rencontrées sur le terrain pour aller dans cette direction et sur les
spécificités qui nous distinguent des autres conseils intervenant dans le champ de l’EPRP;
Introduction
Peu sollicités en tant que conseils en entreprise dans ce champ de la prévention des risques
professionnels où pourtant les ergonomes ont toujours été présents (formations des préventeurs,
des médecins du travail, expertise CHSCT, …) et où l’ergonomie est implicitement ou explicitement
citée comme la discipline de référence (textes du Ministère du travail, de l’ANACT, loi de 91, accord
des partenaires sociaux, …), les ergonomes conseils regroupés au sein du CICF-SNCE se mobilisent
pour offrir aux différents partenaires (Entreprises en premier lieu mais aussi Directions Régionales
du Travail, CRAM, Inspection du travail) une prestation de conseil adaptée, qui corresponde à la
volonté de mise en conformité des PME-PMI de la loi de 91 portant notamment sur l’évaluation des
risques professionnels.
L'enjeu est d'acquérir collectivement une meilleure maîtrise professionnelle et institutionnelle du
champ d'exercice de notre profession d'ergonome conseil. Il s’agit aussi d’affirmer l'originalité de
notre approche du problème de l'EPRP, qui vient compléter l'approche plus classique de la santé
au travail pratiquée par les institutions officielles (Médecine du travail, CRAM).
La forme prise par l'opération pilote menée en PACA, puis celle menée dans le Tarn avec les TPE
artisanales nous semble une bonne référence pour intervenir efficacement dans ce domaine. En
effet, plutôt que des interventions ponctuelles sur des problèmes d'Hygiène et sécurité/prévention
post accidentels, cette forme de formation/action nous semble adaptée à la nécessaire
pérennisation structurelle des actions de prévention en entreprise.
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Nos compétences d'ergonomes conseils sont adaptées pour réaliser ce type d'intervention, en
particulier du fait du recours à l'analyse du travail (réalisée dans une certaine mesure par les
acteurs internes de l'entreprise) dans la recherche des causes profondes, souvent multifactorielles,
d'accidents ou de maladies professionnelles et dans la recherche de solutions organisationnelles ou
techniques de prévention. Pour inciter fortement les entreprises (surtout les PME-TPE) à
développer /instaurer des démarches pérennes d'ERP, il convient à notre sens de les placer sous le
triple objectif de l'efficacité productive, de l'amélioration des conditions de travail et de vie, et de
l'amélioration de la sécurité.
Par contre, il est nécessaire de réfléchir plus avant quant aux possibilités de travail en
collaboration avec des professionnels du conseil en prévention plus orientés vers l’audit de sécurité
afin de proposer une prestation cohérente répondant à la fois :

au besoin d'une approche exhaustive pour évaluer l’écart entre la situation des entreprises
et le droit du travail (recherche d’exhaustivité dans l’état des lieux) mais dont la
responsabilité reste celle du chefs d’entreprise ;

aux objectifs de pérennité de l’action de prévention en regard des évolutions rapides et
permanentes des systèmes techniques et humains par la mise en place d’une démarche
permanente d’évaluation des risques professionnels (exhaustivité structurelle).
Cette démarche innovante et évolutive s’inscrit dans une approche globale de la performance
intégrant l’évaluation et la maîtrise des risques, l’amélioration de la productivité, de la qualité,
l’amélioration des conditions de travail et de vie, la limitation des coûts cachés, l’amélioration de la
réactivité technique et commerciale, l’amélioration des compétences, … Nous proposons une
démarche d’accompagnement, qui passe par une compréhension fine des déterminants du
fonctionnement de l’entreprise, pour permettre la recherche de solutions opérationnelles,
multicritères (technique, organisationnel, d’aménagement, de formation, …). Elle exige la
mobilisation de tous les acteurs de l'entreprise, et particulièrement celle des acteurs de terrain qui
font la performance au jour le jour. Pour ce faire, nous donnons à ces acteurs une part de
maîtrise des connaissances produites par les intervenants extérieurs sur leur travail. L’objectif est
bien de créer in fine un contexte favorisant la prise d’initiative en matière de sécurité et de
productivité tout en respectant la santé des hommes au travail.
Pour mieux inciter les entreprises à se mettre en mouvement et à appliquer les principes généraux
de prévention contenus dans la loi de 91, il convient de préciser la notion de performance globale
et les liens qui unisse la quête de performance globale et l'EPRP.
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La performance globale : de quoi parle-t-on?
La performance globale des systèmes de production (biens ou services) peut se décliner au travers
du triptyque efficience - efficacité – pertinence1 de l'organisation de l'entreprise, emprunté aux
contrôleurs de gestion (Cf. schéma 1 page suivante). L’équilibre entre les 3 rapports,
objectifs/résultats, moyens/résultats, moyens/objectifs, est la clef d’une performance globale de
l’organisation. Ce modèle de la performance implique de passer d'un système de production ou de
service abordé en termes d'état (à contrôler, à corriger par rapport aux procédures prescrites) à
un système abordé en termes de processus qui engendre cet état (nécessite de connaître et de
comprendre le système dans une logique de conduite de processus ?)2 . Autrement dit, de passer
de la logique de l'opération à la logique de l'événement3. S'il est vrai qu'il n'est d'autre source
de création de valeur que le travail humain, alors on peut dire que l'activité de travail, comme
gestion des événements qui toujours surgissent, est le régulateur ultime du processus de création
de la valeur4. Cette position de régulateur ultime confère à l’homme un rôle central dans les
systèmes de production ou de services qui implique qu’il soit considéré comme un moyen/capital
essentiel, à préserver et valoriser, et non comme une simple ressource à consommer.
En regard de cette approche théorique, le conseil en ergonomie construit sa spécificité par rapport
à d’autres types de conseil par une pratique s’appuyant sur le couple méthodologie / déontologie.
On peut considérer que sa méthodologie se caractérise par la recherche de cohérence entre
moyens/objectifs/résultats, à partir d'une compréhension de l'activité construite sur des techniques
d'observation du réel et les connaissances scientifiques sur l'homme au travail et les
organisations,; tandis que sa déontologie affirme la place centrale de l’homme dans les systèmes
de production, mettant en avant des valeurs de respect, de solidarité, de prééminence de l'homme
vis-à-vis des marchés, d'adaptation du travail à l'homme, de prudence écologique, ...
La maîtrise du triptyque efficience - efficacité - pertinence5, passe par la compréhension des
processus et des compromis dynamiques, évolutifs et équilibrés qui se jouent entre quatre pôles
complémentaires(Cf. schéma 2 page suivante) :
 Les contraintes et ressources économiques;
 Les contraintes et ressources technico-organisationnelles;
 Les contraintes et ressources réglementaires;
 Les contraintes et ressources liées aux capacités humaines au travail.
Notion empruntée aux contrôleurs de gestion : P.-L Besco et Coll., Contrôle de gestion et management, 4ième édition,
Montchrestien, Paris, 1997.
1
2
François Hubault et Michel Lebas, dans l'article intitulé Qualité: un terrain d'entente obligée entre ergonomie et
management, Performances Humaines et Techniques, mai-juin 1994, n°70.
3
Philippe Zarifian, Le travail et l'événement, L'Harmattan, Paris, 1995.
François Hubault, Pauli Langa, Bernard Mélier, dans l'article intitulé Les questions industrielles changent: l'ergonomie
peut-elle y répondre sans revenir sur certains concepts, méthodes et coopérations, SELF (Ed), Acte du 32ième congrès de
4
la Société d'Ergonomie de Langue Française, p.655, GERRA, Lyon, 1997.
Notion empruntée au contrôleur de gestion : P.-L Besco et Coll., Contrôle de gestion et management, 4ième
édition, Montchrestien, Paris, 1997.
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Schéma 1: Management de la performance globale6
Hommes
Objectifs
rti
n
Pe
Culture
Mesure des
performances
ité
ac
fic
en
Stratégie
Ef
ce
Finalités
Performance
globale
Moyens
Résultats
Efficience
Mesure
des
résultats
Structure
Librement adapté d’après Pr P.L. Bescos et al., ESCP
Contrôle de gestion et
management,
Ed. Montchrestien
Ajout des auteurs au schéma d’origine
Schéma 2 : La performance globale des entreprises comme le résultat d'un compromis
dynamique, évolutif et équilibré
Contraintes et
ressources
économiques
Contraintes et
ressources liées aux
capacités humaines
Performance
globale :
Contraintes et
ressources
réglementaires
Résultats éco
+ santé
(lois, règles, normes
volontaires)
Contraintes et
ressources
techniques et
organisationnelles
Nous faisons le constat que si les contraintes et ressources économiques, technicoorganisationnelles, voire réglementaires sont, en règle générale prises en compte, même parfois
6
Librement adapté du schéma proposé dans l'ouvrage cité précédemment: P.-L Besco et
Coll., Contrôle de gestion et management, 4ième édition, Montchrestien, Paris, 1997.
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de façon exagérée (avec utilisation de nombreux indicateurs), les contraintes et ressources liées
aux capacités de l'opérateur à mener son activité à partir de la tâche qui lui est confiée, sont
souvent oubliées et, dans tous les cas très peu instrumentées. Il y a peu d'indicateurs de l'activité
humaine et, s'il y en a, ils ne sont pas utilisés du point de vue de la gestion de production, de
l'efficience productive, ou à des niveaux trop élevés d'agrégation. Par exemple, les taux de
fréquence et de gravité d'AT, le taux d'absentéisme, de turn-over, sont généralement utilisés au
niveau de l’ l'entreprise voire du groupe mais rarement au niveau des unités locales de production,
des ateliers, et encore moins au niveau des services : quand ces indicateurs sont pris en compte, il
apparaît des contradictions entre les objectifs généraux de l’entreprise, qui intègrent la diminution
des accidents, et les objectifs locaux fixés aux les directeurs d'unités de production ou de services
internes, et encore bien plus aux niveaux de l'encadrement intermédiaire, entre les ouvriers de
production ou les employés et le directeur d'unité. Le résultat est que, plus on descend vers la
base, plus les indicateurs pris en compte deviennent économiques ou techniques et plus la
pression pour tenir les objectifs s'exerce directement sur les opérateurs. D'autres indicateurs de
l'activité comme la réactivité et les délais sont plus utilisés comme éléments de mesure de
l'efficacité des services commerciaux que pour interroger la performance du système, c'est-à-dire
la qualité du couplage entre les différentes ressources et contraintes (Cf. schéma 2).
De même, les coûts correspondant aux 4 pôles de ressources/ contraintes de l’entreprise sont
considérés de façon différentielle : il est classique d'entendre que la réglementation n'est qu'un
coût, et inversement il est rare de rencontrer des responsables d’entreprises conscients des coûts
cachés engendrés par un mauvais ajustement entre le système technico-organisationnel, et les
hommes. Or l'importance de ces coûts cachés a été mise en lumière7 : il peuvent atteindre des
moyennes de 6100 € par personne et par an dont on peut estimer que 50% sont liés au mauvais
fonctionnement de l'entreprise et 50% liés à l'effort constant que doit faire l'entreprise pour
s'adapter à son environnement.
Coûts cachés, performance globale et prévention
Dans sa théorie des coûts cachés Henri Savall8 met en avant cinq symptômes majeurs de la non
performance d’une entreprise :
o
Des dysfonctionnements hypertrophiés (en terme de condition de travail, d'organisation du
travail, de communication – coordination - concertation, de gestion du temps, de formation
intégrée, de mise en œuvre stratégique).
o
Des comportements atrophiés (individuels, de groupe d'activité, catégoriels, de groupe de
pression, collectifs).
o
Des structures atrophiés (physiques, technologiques, démographiques, mentales).
o
Des coûts cachés hypertrophiés (absentéisme, accidents du travail, rotation du personnel,
qualité des produits, réactivité, productivité directe).
o
Un système d’information opérationnelle et fonctionnelle atrophié (système de circulation
des informations non intégré, non stimulant, sclérosé, cloisonné, …)
Ces symptômes sont la résultante de l’inadéquation entre les objectifs, les moyens mis en œuvre
et les résultats attendus par l’entreprise, qui génère systématiquement des effets systèmes ayant
un impact sur la performance globale : des finalités floues ou décalées de la réalité ne permettent
pas de définir des objectifs en relation avec les moyens disponibles, et/ou de redéfinir les moyens
nécessaires (humains, organisationnels et matériels), ce qui concoure à l'atrophie des
Henri Savall et Véronique Zardet, ISEOR,Pour cerner les coûts et performances réels du travail humain : la
méthode des coûts cachés, dans Performances Humaines et Techniques, Mars-Avril 91 n°51.
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8
Idib.
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comportements et du système d’information, et à l'hypertrophie des dysfonctionnements et des
coûts cachés. Les mêmes incidences sont prévisibles pour une structure d'entreprise inadaptée aux
besoins internes et externes. Les résultats n'étant pas atteints ou à un coût économique et/ou
humain trop important, la performance globale est réduite (Cf. Schéma 3).
L'évaluation des risques professionnels et la prévention tend à réduire le coût humain du
fonctionnement de l’entreprise. La liste habituelle des facteurs de risques au travail reprend une
partie des items définis comme sensibles par la méthodes des coûts cachés comme par exemple
l’aménagement des postes de travail pour réduire la pénibilité physique et mentale, les défauts de
compétences, d’organisation, les problèmes lié à un contenu du travail pauvre, répétitif, les
problèmes de maintenance, …. En tant qu’ergonome nous irons plus loin en valorisant dans
l’analyse l’ensemble des facteurs de charges de travail et leurs systèmes d’évolution dans
l’entreprise : le schéma 4 montre comment une charge de travail non maîtrisée engendre des
coûts internes et externes dont l’impact sur la concurrence et les marchés devient aujourd’hui
stratégique.
De même, la réglementation peut-être considérée soit comme un élément qui définit en partie les
résultats à atteindre par l'entreprise en terme de fiabilité du système, de santé, de conditions de
travail, et de responsabilité au travail, soit comme un garde fou qui incite fortement à une
meilleure organisation, voire de plus en plus aujourd’hui comme un niveau à atteindre pour
satisfaire la clientèle (courant de normalisation volontaire par rapport à la responsabilisation
sociale et environnementale, management éthique, …).
L'étude précitée montre que le coût d'interventions s'attachant à améliorer la performance globale,
à diminuer les coûts cachés en agissant sur les leviers de l'organisation et du management, est
compris entre 14% et 40% de l'économie totale réalisée par l'entreprise.
Mais l’intervention sur les coûts cachés incitent souvent à une compréhension statique et
parcellisée du système de production de la valeur que constitue une entreprise. Pour tirer un
maximum d’atout de cette approche des coûts cachés, il convient de modifier la façon
d’appréhender la gestion de l’entreprise à partir d’un mode de contrôle intégrant les aspects
systémiques. C’est ce que proposent les dernières théories de contrôle de gestion dites de gestion
stratégiques par l’activité.
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Schéma3 : comparaison de l’incidence économique entre approche
traditionnelle et approche "performance et prévention"9
Performance
traditionnelle
Performance globale et
prévention
(par le contrôle a
posteriori et les
procédures)
(par la compréhension des
processus dans une logique de
conduite)
Durée d'utilisation
des machines
Productivité
horaire
Productivité
du capital
Qualité,
réactivité
Productivité
du travail
Baisse des coûts
unitaires
Baisse des coûts
sociaux
Compétitivité
Coûts de SS
Développement
Investissements
matériels et
structurels
Coûts
cachés
Taux AT/MP
Économie
Investissements
humains, matériels
et structurels
Rémunération du
capital
9
Développement de cet impact lié au travail dans le schéma suivant
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Schéma 4 : impact de la charge de travail et des défauts de prévention sur les coûts de l’entreprise 10
Charge
Physique
Charge
Psychique
Organisation du
travail et type de
management
Prescription
des modes
opératoires
Accident du travail
Protections
Fatigue locale spécifique non consciente
Adaptation
des modes
opératoires
Fatigue générale aspécifique
réversible par le repos
Pauses
informelles
Vieillissement
prématuré d’une
fonction trop ou
trop peu sollicitée
Fatigue, asthénie
non réversible par
le repos
Maintien
performance
éco. et sécurité

Qualité
Quantité 
Absentéisme 
Turn over, Pb d’image 
Coûts AT et MP 
Coûts pour l’entreprise
Ambiance
Physique
Modifications
des facteurs
de charge
Retrait (e) prématuré (e)
Maladie professionnelle reconnue ou
non-professionnelle
Absentéisme de longue
durée (coûts SS )
Mort
Invalidité
Coûts sociaux
Création de
nouveaux
facteurs de
charges
Facteurs de charge de travail (non exhaustifs)
Obtention des
objectifs quantitatifs,
qualitatifs et de
sécurité
Rentes
10
Librement adapté d’après François Guédaud, Marie-Noël Beauchesne, Jacques Gautrat et Guy
Roustang, pour une analyse des conditions du travail ouvrier dans l’entreprise , LEST, CNRS, Aix en
Provence, 4° édition Armand Colin, Paris, 1983.
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Gestion par l'activité, performance globale et prévention
Parallèlement à ce courant classique de traque des coûts cachés, le nouveau courant de contrôle
de gestion dit de gestion par l’activité11 s'attache à optimiser les processus de production de la
valeur dans l’entreprise. Ces processus sont définis comme "un ensemble d'activités reliées entre
elles par des flux d'information (ou de matières porteuses d'information) significatifs dont la
combinaison permet d'obtenir un 'output' important (Lorino, 1995)12. Cette approche dynamique
s’oppose à la vision gestionnaire traditionnelle de la création de la valeur, essentiellement
quantitative, basée sur la réduction globale des coûts sans référence à leur contribution à la
création de la valeur. Nous comparons dans le tableau suivant les propriétés d’une gestion
quantitative basée sur la prestation ou le produit (gestion débit en nombre de prestations fournies
par unité de temps) et d’une gestion basée sur les processus, permettant la valorisation et le
management de ce qui fait la richesse réelle de l’entreprise.
- Tableau 1 - Comparaison des effets d’une gestion quantitative et d’une gestion des
activités sur le travail et son organisation
Gestion des activités
Gestion quantitative
Définition
Décompte des prestations ou des produits
par unité de temps
L’ensemble des processus de travail
liés à la prestation est décrit
Rapport avec l’activité
Difficulté à rendre et à valoriser une activité
finalisée par un comptage ponctuel.
On est au plus près de l’activité de
travail
Performance à atteindre Stabiliser et augmenter les quantités
produites et vendues
Réduire les coûts
Maintenir et entretenir les propriétés
du processus :
- continuité
- cohérence
- régulation
- coordination
considérées comme créatrices de
valeur
Gestion
Gestion du débit de prestations
Gestion des activités
Rôle du manager
Contrôler les coûts
Favoriser les activités qui
contribuent à la création de valeur
Diminuer les charges « indirectes » (travail
non directement affectable à un produit)
« Evaluer l’écart à la cible…
Augmenter le débit
…Apprendre à tirer » (Lorino 1989)
Alimenter le processus, dynamiser,
fluidifier
Par exemple, P.-L Besco et Coll., Contrôle de gestion et management, 4ième édition, Montchrestien, Paris,
1997 ou Philippe Lorino, Le contrôle de gestion stratégique : la gestion par les activités, Dunod, Paris, 1991.
11
Cité par Sylvain Biquand, Christelle Casse et Véronique Crémades, Ergonomie et système de gestion, dans
les actes du congrès de la SELF 1999.
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- Tableau 1…. (suite) –
La définition du travail
Fiche de poste
Fiche de processus
1 poste / 1 individu / 1 compétence
Description et interprétation
collective de la chaîne d’activités
constituant le processus
Listage des compétences à chaque
étape d’un processus
Action sur le travail
Procédure
Aide au travail
La procédure tente de prescrire toutes les
En reconnaissant le processus, elle
étapes du travail et de définir la réaction aux aide à faire les choix, aide à
dysfonctionnement
conduire et à progresser dans le
processus
Améliorations
recherchées
Traquer les coûts cachés
Découvrir et valoriser les potentiels
de l’entreprise : compétences
masquées…
Mettre à jour et gérer les freins au
bon déroulement des processus et à
la valorisation des ressources :
maîtrise des risques professionnels,
moyens inadaptés et mauvaises
conditions de travail, …
On le voit, le choix d’un système de gestion implique ou n’implique pas la nécessité de mettre à
jour l’activité de travail, et corrélativement les moyens d’agir sur celle ci et d’améliorer les
conditions de sa réalisation. Un mode de gestion basé sur les processus ouvre un espace signifiant
pour le pilotage de l’activité de travail, la gestion et la prévention des risques dans l’entreprise.
Le principe majeur est qu’il faut s'organiser pour arriver à "tirer" les processus vers la création de
valeur. Cela exige la description la plus proche possible de la réalité des activités constituant les
processus (à partir de l'analyse du travail développée en ergonomie par exemple), le travail étant
défini par la description et l'interprétation collective de la chaîne d'activités constituant le
processus, complétée par le listage des compétences nécessaires à chaque étape du processus.
Une étude récente13 renforce l'idée que la prévention des risques professionnels passe plus par la
possibilité de prise d'initiative offerte dans la relation entre les opérateurs et l'organisation du
travail que dans les comportements de prudence. Sans minimiser les comportements de prudence
dans la maîtrise des risques professionnels, la prise d'initiative renvoie à une notion de prévention
plus dynamique et offensive qui met au cœur de la problématique la question des compétences,
de l'organisation et du management. Cette orientation rejoint la volonté, proposée par le courant
de la gestion par les activités, de « tirer » les processus, par l'amélioration du couplage entre les
compétences humaines et les moyens offerts par le système technico-organisationnel. Cette
approche rejoint aussi par ailleurs la définition de la fiabilité humaine au travail de Gilbert De
Terssac qui met en exergue la nécessité d’un bon couplage entre capacités et compétences des
hommes au travail et moyens alloués pour réaliser l’activité de travail.
L'importance de la prise d'initiative, qu'elle soit de sécurité, de qualité ou de productivité, renforce
la nécessité de comprendre les systèmes de travail du point de vue de la gestion des écarts entre
Marcel Simard, dans Comprendre les facteurs qui influencent nos comportements : les études de Marcel
Simard pour l'IRSST au Québec, Travail&Sécurité N°595, avril 2000.
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le travail prescrit et le travail réalisé. D’après Marcel Simard, cette prise d'initiative sera favorisée
1) par un rapport individuel aux risques, de connaissance et d'acceptation (attitude non défensive,
sans déni du risque), 2) par un collectif de travail fort qui peut transformer l'initiative individuelle
en règles communes, qui maîtrise l'analyse produite sur le travail du groupe, 3) par un contexte
managérial : ce qui est en jeu, c'est conjointement le style de relation humaine, de culture
d'entreprise (écoute, respect, reconnaissance) en œuvre dans l'entreprise et plus directement ce
qui concerne la gestion de la santé-sécurité (l'entretien préventif, le renouvellement du matériel, le
suivi des mesures correctrices, le soutien aux enquêtes post-accidentelles et a priori, la formation,
…)14.
La question est donc bien de favoriser l'émergence d'un management soucieux des hommes,
respectant son fonctionnement individuel et collectif, favorisant la prise d'initiative dans un
contexte de partage collectif de connaissances sur les processus. En tant qu'ergonomes conseils,
nous proposons de faciliter cette émergence par une meilleure connaissance des activités des
acteurs concourant à la réalisation des processus. Cette première étape doit permettre la mise en
place 1) d'une gestion et d'un management par les activités favorable à l'amélioration nécessaire
et continuelle de la performance globale, 2) d'un plan de prévention pragmatiquement hiérarchisé,
3) de solutions aux problèmes s'inscrivant dans la réalité vécue au travail (élaboration concertée
des solutions à partir de l'analyse des situations d’exposition aux risques).
Qualité et prévention (Sandrine Cheikh d'Artis facta)
Les approches de la qualité dans l'entreprise renvoient à deux grandes manières de penser
l'organisation, la question étant de savoir sur quoi l'on compte pour produire la qualité.
-
L'une est guidée par le développement des procédures qui enferment l'activité humaine dans
une logique de guidage et de contrôle. Elle repose sur des opérateurs dont on veut éviter les
erreurs, que l'on veut aider à ne pas se tromper par la confrontation stricte à la procédure,
cette logique peut être une des retombées des processus de certification.
-
L'autre est guidée par l'évolution de la place et des finalités du travail dans les processus de
production, l'objectif étant alors d'aider les opérateurs à agir par une meilleure compréhension
de ce qu'ils font afin qu'ils prennent des initiatives d'adaptation en cadrant leurs
comportements par le sens et les buts15.
Ces logiques renvoient à la conception que se fait l'entreprise de la qualité :
-
qualité en termes d'état à contrôler, de constats d'écarts, dans une logique d'infaillibilité et de
maîtrise totale du travail réel ou,
-
qualité en termes de processus à connaître et à comprendre pour mieux maîtriser la
dynamique dans une perspective de pilotage et d'actions préventives ou correctrices.
Ces deux approches n'assignent pas la même place au travail. La première logique tend à réduire
la liberté de l'acteur, perçue comme source de non qualité et de coûts, soit en l'éliminant par
l'automatisation, soit en la normalisant par le contrôle et la procédure. Dans la seconde logique, la
liberté de l'acteur est créatrice de valeur et opportunité d'apprentissage. Cette approche privilégie
la liberté de l'acteur pour maîtriser et piloter le processus de production, les procédures étant là
pour l'y aider16.
14
Ibid.
Guérin F., Organisation de l'entreprise et maîtrise de la qualité , Symposium international sur la
productivité VI, Vancouver, ANACT, 1991.
15
Allafort M., "La certification : une opportunité de développer l'organisation ?", Ciste La Lettre, 19, juin
1995.
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Les impacts de la démarche qualité en termes de santé / sécurité sont variables. La "chasse aux
dysfonctionnements" tend à réduire le nombre d'accidents du travail. Cependant, il est nécessaire
de considérer l'organisation du travail dans laquelle s'insère - ou que génère - la démarche qualité,
et de quelle manière elle s'articule avec une réflexion sur la sécurité. La prise en compte des
questions de santé et de sécurité semble principalement se faire en rapport aux machines plus
qu'en rapport aux hommes, et être fortement limitée par les impératifs de production. Lorsque
l'articulation entre qualité et sécurité n'est pas effective, des problèmes de santé ou de sécurité
peuvent être masqués, aggravés ou créés.
Les démarches qualité nécessitent une compétence accrue de l'opérateur. Mais l'acquisition et la
mise en œuvre de compétences supplémentaires sont demandées de façon inégale selon la
fonction occupée et l'âge de l'opérateur. De plus, elles ne sont pas toujours reconnues en termes
de qualification. La polyvalence est destinée à occuper au mieux les postes de production, plus
qu'à enrichir les compétences des opérateurs. On vise à lisser leurs spécificités et à les rendre
interchangeables.
Un rapprochement intéressant peut être fait entre santé et autonomie. En effet, l'autonomie que
s'attribuent les opérateurs hors de toute prescription est d'autant plus circonscrite que l'entreprise
a une organisation du travail fortement structurée, qui cherche à réduire l'incertitude, que celle-ci
concerne la gestion des temps de production, la qualité des produits achetés et vendus ou la
sécurité des machines. Ainsi il apparaît que c'est dans les entreprises semblant les plus pointues
en termes d'innovations organisationnelles, de prise en compte de la sécurité, prônant l'autonomie
des employés que se rencontrent fortement les affections péri-articulaires, le stress et que
l'autonomie semble en fait la plus résiduelle. Pour ces entreprises prime la rentabilité de la
production, l'autonomie et la santé n'étant abordées que dans ce sens. En réalité, une approche
uniquement technique et normative, souvent circonscrite au poste de travail, même si elle intègre
les normes ergonomiques, à de grande chance de parvenir à des effets contraires aux objectifs de
préservation de la santé-sécurité des opérateurs.
La qualité facilite en général la communication entre opérateurs et hiérarchie par les groupes de
travail mis en place. Dans le cadre d’une démarche qualité dans une entreprise, le conseil en
ergonomie peut proposer un accompagnement pour que soit intégrée la question de la prévention
des risques professionnels, dans sa pleine acception, et non dans une réduction normative.
Inversement, dans une approche de prévention des risques professionnels, la démarche qualité a
sa place comme un des vecteurs internes de recherche de la performance. C’est bien la deuxième
acception qui alors est réellement pertinente puisqu’elle rejoint totalement les concepts de base de
la performance globale comme ils ont été présentés auparavant.
Autre thème qui aurait pu être développé
CICF/SNCE Commission "Intervenir en EPRP"
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Performance globale, prévention et santé
Performance globale, prévention et approche institutionnelle
Performance globale, prévention et refondation sociale
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CICF/SNCE Commission "Intervenir en EPRP"
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