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5. Des membres interrogent l’orateur sur les excédents commerciaux de l’Europe par rapport à la
région MENA et sur l’économie de celle-ci. Le professeur Khader déclare que plusieurs facteurs
expliquent la médiocrité du développement économique, dont un manque de diversification et
l’importance du « syndrome hollandais », un phénomène monétaire qui se traduit par une forte
appréciation de la monnaie nationale en raison de l’importance des exportations de matières
premières, ce qui nuit à la compétitivité sur le marché mondial des produits manufacturés nationaux. Il
explique que la région est la moins intégrée au monde et qu’il est impossible de créer des emplois avec
des marchés fermés. Il attire l’attention sur le coût de la fermeture de la frontière entre l’Algérie et le
Maroc. Les échanges commerciaux excessifs avec l’UE (c’est ainsi, par exemple, que 80 % du
commerce tunisien s’effectue avec celle-ci) ont contribué à propager la crise économique mondiale à la
région.
6. M. Khader a publié un livre en 2010 pour expliquer le monde arabe aux Européens. Cet ouvrage
se penche, entre autres, sur la fiction de l’exceptionnalisme arabe et la notion de sa relative
imperméabilité à l’impulsion démocratique. Lors des soulèvements, la démocratie est la première
exigence du peuple et les emplois viennent en deuxième lieu ; la religion occupe la septième place sur
la liste. Les slogans ne sont pas religieux. Il existe des moyens de financer la transition et la
transformation dans la région. L’importance des fonds souverains dans le Golfe pourrait rendre
possible la scolarisation de tous les Arabes et l’édification d’infrastructures. Dans ce contexte, l’Arabie
saoudite et le Qatar ont promis de l’argent à l’Egypte, ce qui pourrait contribuer à renforcer une identité
régionale.
7. Des membres constatent que l’Europe apportait déjà un soutien financier à la région avant les
soulèvements. Ils demandent ce qu’elle peut faire de plus et si les nouvelles autorités seront prêtes à
adopter des politiques économiques améliorées. Le docteur Khader répond que les nouveaux
gouvernements s’acquitteront probablement mieux de leur tâche que leurs prédécesseurs, mais que
leur réussite ne peut être garantie. Il note que l’Egypte était à une époque plus prospère que la Corée
du Sud, mais qu’elle a pris un énorme retard au fil des dernières décennies, tandis que la Turquie s’est
diversifiée d’une manière beaucoup plus complète que l’Egypte et est ainsi devenue plus riche.
8. Des membres interrogent l’orateur sur la patience du peuple, le chômage des jeunes et la
participation des femmes aux révolutions. Le professeur Khader cite la croissance démographique
comme un moteur des révolutions : de plus en plus de gens doivent se satisfaire de la même quantité
de ressources, les emplois dans le secteur public sont sous pression et le secteur privé ne parvient pas
à suivre le rythme. Parallèlement, les dirigeants de la région sont de plus en plus vieux et sclérosés.
Quatre-vingt-deux pourcent des Libyens n’ont connu aucun autre dirigeant que Kadhafi. Les femmes
ont joué un rôle essentiel en Tunisie et en Egypte : quelques-unes portaient le voile, mais la plupart ne
le portaient pas. L’on ne peut plus décrire l’Egypte comme une vieille société patriarcale.
9. Des membres font remarquer qu’une région fragmentée implique des petits marchés pour les
investisseurs étrangers, même si le marché égyptien est d’une taille importante. Les seules grandes
sociétés présentes dans région sont les télécoms. Lorsque l’Europe investit cent euros à l’étranger,
deux seulement vont au Moyen-Orient, contre quarante aux Etats-Unis. Depuis quelques années,
l’influence de l’Egypte dans la région MENA décline. L’Iran, la Turquie et même le Qatar ont des rôles
plus influents. Selon M. Khader, la nouvelle Egypte sera moins accommodante envers Israël et, chose
importante, elle a rouvert sa frontière avec Gaza. M. Khader explique qu’Israël attend toujours "son
printemps", et que l’ovation debout accordée par le Congrès américain à Benyamin Netanyahu nuit à
l’image des Etats-Unis dans le monde arabe et affaiblit leur rôle de médiateurs en faveur de la paix. Le
membre du Congrès Jeff Miller (Etats-Unis) répond que nombre de ses collègues soutiennent une
solution à deux Etats, mais également la position de M. Netanyahu de ne pas conditionner la paix au
rétablissement des frontières de 1967.
10. Des membres mettent en doute le concept d’un "monde arabe " et demandent s’il existe des
alternatives aux relations bilatérales et sous-régionales. Le professeur Khader déclare que la notion
d’une absence de monde arabe est humiliante. Il y a 360 millions d’Arabes qui parlent une langue