Orthopédie - Traumatismes ligamentaires du poignet

Examen clinique des Traumatismes
Ligamentaires du Poignet
Christian Dumontier
Institut de la main, Clinique Jouvenet, 75016 Paris
Il y a seulement 35 ans McLaughlin professait que les entorses du poignet
étaient des lésions rares. L'article princeps de Linscheid et Dobyns en 1972 [1]
a depuis marqué le début d'une explosion de travaux expérimentaux ou
cliniques sur les lésions ligamentaires du poignet. La plupart de ces lésions
sont méconnues en urgence car les signes cliniques sont peu parlants et les
radiographies presque toujours normales. Le diagnostic est donc
habituellement tardif. Les déformations radiologiques évidentes ne posent plus
de problèmes diagnostics aux orthopédistes, mais traduisent des lésions
évoluées dont le traitement reste encore très controversé. Le terme anglo-saxon
d'instabilité est ici impropre car il s'agit paradoxalement de lésions
<<stables>>, la désaxation correspondant à une nouvelle position d'équilibre.
Le poignet douloureux chronique dont le bilan radiographique standard est
normal, est un des problèmes quotidiens les plus difficiles à résoudre. Face à ce
tableau, aussi fréquent que frustrant car le bilan reste souvent négatif, il ne faut
pas méconnaître une lésion ligamentaire qui pourrait être chirurgicale. Aussi
tous les auteurs insistent sur l'importance de l'examen clinique qui oriente le
diagnostic et permet de choisir les examens complémentaires... ; mais très peu
le détaillent avec précision. Or l'examen clinique est fondamental car il attire
l'attention sur des lésions dont on pense qu'elles entraînent, en l'absence de
traitement, des douleurs par atteinte dégénérative du poignet. Le traitement de
ces lésions au stade évolué s'accompagne d'une morbidité notable à court
terme, et son retentissement à long terme reste inconnu. Le diagnostic précoce
de ces lésions permet d'envisager des traitements <<conservateurs>>, de faible
morbidité, et dont les résultats semblent se maintenir dans le temps. Nous ne
traiterons ici que des bases de l'examen clinique dans les lésions ligamentaires
du poignet, laissant de côté l'imagerie et les indications thérapeutiques. Nous
ne détaillerons pas non plus les lésions des parties molles du poignet, beaucoup
plus fréquentes, et qui sont autant de diagnostics différentiels possibles.
Le <<poignet ligamentaire>> concerne 4 articulations distinctes : la radio-
ulnaire distale, la radio-carpienne, la médio-carpienne et les carpo-
métacarpiennes des doigts longs. Nous avons conservé la dénomination anglo-
saxonne d'instabilités qui traduit bien la notion de mouvements anormaux des
os entre eux, mais <<entorse grave>> serait la dénomination anatomique
exacte. Ces instabilités peuvent apparaître, chez les athlètes notamment, après
des micro-traumatismes répétés, mais elles font le plus souvent suite à un
traumatisme unique.
L'examen clinique d'un poignet instable comporte deux temps
complémentaires : l'appréciation objective de la fonction du poignet par la
mesure de la mobilité, de la force et par la réalisation éventuelle de tests
fonctionnels ; la recherche de points douloureux et/ou de mouvements
anormaux des os du carpe, qui orientent vers une localisation lésionnelle. La
compréhension des mécanismes physiopathologiques des instabilités, et la
connaissance de l'anatomie osseuse et ligamentaires, sont des préalables
indispensables à l'examen clinique mais ne seront pas détaillés dans cet exposé.
L'EXAMEN FONCTIONNEL DU POIGNET :
La mobilité :
Les mesures doivent être bilatérales et comparatives pour apprécier les
variations physiologiques. La flexion-extension se mesure avec un goniomètre
placé à la face palmaire pour la mesure de l'extension, à la face dorsale pour la
mesure de la flexion, dans l'axe du troisième métacarpien (figures 1 et 2). Les
valeurs normales varient selon les individus jusqu'à 85° en flexion ou en
extension. L'inclinaison ulnaire (de 30 à 45°) et radiale (de 15 à 25°) se
mesurent avec un goniomètre dans l'axe de l'avant-bras et dans l'axe du
troisième métacarpien, la main à plat. Pour tester la prono-supination le patient
doit garder les coudes au corps et mettre successivement la paume en haut puis
en bas. On place un bras du goniomètre dans l'axe de l'humérus et l'autre est
posé à la partie distale de l'avant-bras (figure 4). L'utilisation d'une baguette
dans la paume des patients doit être évitée car on majore la mobilité active de
la radio-ulnaire par la mobilité rotatoire passive du carpe qui peut atteindre
40°. Si l'on définit le zéro comme la position neutre de prono-supination, la
pronation normale est comprise entre 60 et 90° et la supination entre 45 et 80°.
Ces mesures sont simples et reproductibles [2].
Figure 1:
Mesure de la pronation : la
branche verticale est placée
dans l’axe du bras, la
branche horizontale est posée
sur la face dorsale du poignet
(et pas de la main).
Figure 2:
Mesure de la
supination. La
branche horizontale
est placée à la face
antérieure du
poignet.
Figure 4:
Mesure de l’extension : le
goniomètre est placé à la face
antérieure du poignet.
La mesure de la force :
Elle est réalisée à l'aide d'un dynamomètre de Jamar, considéré comme
l'instrument de référence internationale. L'utilisation successive des 5
écartements du dynamomètre est un peu fastidieuse. On utilise habituellement
un seul écartement (le deuxième ou le troisième) mais en faisant 3 mesures
successives. Il n'y a pas de tables de valeurs et c'est la main controlatérale qui
sert de référence. C'est la moyenne de trois mesures pour chaque main en
demandant à chaque fois une contraction maximum qui est retenue. La courbe
habituelle des valeurs pour un écartement unique doit être horizontale ou
légèrement descendante. Celle pour les 5 écartements représente
habituellement une courbe en cloche. L'alternance rapide, d'une main sur
l'autre, empêche les patients de doser leur contraction et permet ainsi de
dépister une absence de contraction maximum [3,4]. La main dominante est
habituellement plus forte de 5 à 10%. Les principes de mesure de la pince
pollici- bi ou tri-digitale sont identiques, mais cette mesure est de moindre
intérêt dans les instabilités du poignet. Nous ne détaillerons pas les tests
fonctionnels, parfois réalisés en France par les ergothérapeutes et les
kinésithérapeutes, mais jamais par les chirurgiens.
L'EXAMEN CLINIQUE DU POIGNET
L'examen du poignet normal :
La clef de l'examen clinique du poignet repose sur la localisation précise des
symptômes qui seront ensuite rapportés aux structures anatomiques sous-
jacentes : structures osseuses, interlignes articulaires, formation ligamentaires
ou trajet tendineux. Comme dans tout examen clinique, la zone la plus
douloureuse est examinée la dernière. L'examen doit être strictement
comparatif car il n'existe aucun critère de normalité.
Conditions d'examen
Le poignet s'examine sur un patient dont l'avant-bras est nu, débarrassé de ses
bijoux. Le confort de l'examinateur, et du patient, est indispensable à la
réalisation d'un examen de qualité. L'idéal serait de disposer d'une table étroite
dont la hauteur peut varier. En pratique la position la plus simple consiste à
s'asseoir en face du patient, très près de lui, de façon à faire reposer sa main sur
vos genoux, le coude du patient reposant sur sa cuisse (figure 5). L'examen
débute en général par la face dorsale, en pronation de l'avant-bras et flexion du
poignet alors que le bord ulnaire s'examine en flexion maximum du coude.
Lorsqu'il faut mobiliser le poignet, la prise proximale sert habituellement à
stabiliser l'avant-bras tandis que la prise distale sert à imprimer les
mouvements. Lorsqu'on palpe les structures anatomiques, l'examinateur
stabilise le poignet entre ses deux mains, et se sert de ses deux pouces pour la
palpation.
Figure 5:
Position «pratique» d’examen du poignet.
Projection cutanée des éléments anatomiques
La richesse séméiologique du poignet est liée au fait que tous les éléments
osseux, articulaires, tendineux, ou vasculaires peuvent être repérés et palpés à
partir de leur projection cutanée. L'examen, pour être complet, doit donc être
systématique. Quel que soit la structure examinée en premier, qui dépend de
chacun, l'examen devra être circulaire.
Face dorsale : à la partie proximale du poignet, et de dehors en dedans, on
identifie facilement la styloïde radiale, puis 1 cm au dessus l'arête vive qui
limite le premier compartiment des extenseurs et enfin le tubercule de Lister
sur lequel se réfléchit l'extensor pollicis longus (figure 6 et 7). Plus en dedans
on palpe la face plane dorso-ulnaire du radius et surtout la tête de l'ulna qui
saille en pronation. Au bord interne la styloïde ulnaire peut être palpée ; à la
face dorsale en supination, en position ulno-palmaire en pronation, et en
dedans en position neutre [4,5].
Figure 6:
Pour pouvoir correctement
examiner un poignet, il
faut pouvoir construire
mentalement la projection
cutanée des éléments
osseux.
Figure 7:
es principaux repères osseux
palpables de la face dorsale du
poignet.
A l'étage carpien on trouve en dehors la tabatière anatomique comprise entre :
l'extensor pollicis brevis et l'Abductor pollicis longus en dehors et l'extensor
pollicis longus en dedans. Le fond de la tabatière est occupé par le corps du
scaphoïde, surcroisé par l'artère radiale. La mise en inclinaison radiale fait
disparaître le scaphoïde. La partie distale de la tabatière correspond à
l'articulation scapho-trapézienne (figures 8 et 9). A l'extrémité distale du
scaphoïde existe un sillon qui admet l'index et permet de palper le trapézoïde
dans l'axe du 2 métacarpien, et le trapèze dans l'axe du pouce [4]. A la partie
externe de ce sillon, juste en dehors de l'extensor pollicis longus, se situe le
point d'entrée, dit STT, des arthroscopies médio-carpiennes (figure 10). Au
milieu de la face dorsale, 1 cm environ sous le tubercule de Lister, se situe
l'interligne scapho-lunaire tandis que, légèrement en dehors, le pôle proximal
du scaphoïde peut être palpé par la mise en flexion du poignet. Plus en dedans
on palpe une dépression qui correspond au col du capitatum (fossette de la
crucifixion) (figure 11). C'est surtout la tête du capitatum qui apparaît lors de la
mise en flexion maximum du poignet, le lunatum n'étant que partiellement
accessible à la palpation (figure 12). Discrètement en dehors du col du
capitatum, un cm distal par rapport à l'interligne scapho-lunaire, se trouve le
point d'entrée radial de la médio-carpienne. La styloïde du troisième
métacarpien se situe un cm à 1,5 cm plus distalement, entre le capitatum et le
trapézoïde. Elle est plus ou moins développée selon les individus et peut être
cachée par l'insertion de l'extensor carpi radialis brevis.
Figure 8:
Le fond de la tabatière
anatomique est occupé par le
scaphoïde et à sa partie
distale l’articulation scapho-
trapézo-trapézoïdienne. Les
mouvements d’inclinaison
ulnaire et radiale permettent
de faire varier la position des
structures palpées.
Figure 9:
Projection cutanée de la
tabatière anatomique.
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