RSCA n°5 : Grossesse et précarité
Actuellement en 5ème semestre de médecine générale, j’ai la chance de faire mon stage en SASPAS.
Je suis chez deux médecins généralistes de ville, et j’ai également un tiers temps d’une journée en centre
de planification.
Cette journée se déroule dans un centre à la Goutte d’Or à Paris, où les enjeux de précarité occupent une
place majeure. Ce planning se situe au sein d’un centre médical comprenant un centre de vaccination et
une PMI.
Ce jour-là, nous recevons une patiente qui n’avait pas pris rendez-vous, mais qui nous est adressée par la
PMI où elle vient d’amener son fils de 9 mois en consultation.
Elle a déclaré à la pédiatre avoir des douleurs abdominales ainsi que des métrorragies depuis la veille.
Aussi, la pédiatre l’a adressée vers nous pour que nous l’examinions, d’autant plus que cette patiente est
connue de la sage-femme de notre planning.
Elle est accompagnée de sa maman, qui garde l’enfant en salle d’attente.
Il s’agit d’une patiente de 23 ans, vivant à l’hôtel avec sa maman, sans emploi, ayant arrêté l’école en
3ème.
Etant donné qu’il s’agit de sa première consultation, je reprends ses antécédents : absence d’antécédents
médico-chirurgicaux, antécédents gynécologiques : G1P1, pas de prise de contraception, rapports
sexuels jamais protégés.
Elle est séparée du père de son enfant de 9 mois, dont elle indique qu’il la maltraitait physiquement et
psychologiquement. Il est parti du domicile en volant les papiers d’identité de notre patiente afin qu’elle
ne puisse pas déclarer l’enfant et qu’il ne soit pas reconnu comme le père. Depuis la naissance de son
fils, elle est en couple avec un autre homme vivant en appartement social, travaillant dans la restauration.
Elle nous explique que leurs rapports sexuels ne sont jamais protégés, mais qu’ils ont parlé ensemble du
fait qu’ils garderaient l’enfant si elle venait à tomber enceinte.
Concernant son motif de consultation, elle nous décrit des douleurs pelviennes EVA 3-4/10 depuis la
veille, des traces de métrorragies, ainsi que des nausées. Nous lui demandons immédiatement la date de
ses dernières règles, qui est le 10 septembre, alors que nous sommes le 1er décembre.
Nous envoyons donc la patiente faire un test de grossesse urinaire. Celui-ci est positif, et la patiente
semble contente. Nous réalisons une échographie afin d’évaluer si la grossesse est bien évolutive et
intra-utérine, ce qui est le cas. Il y a bien un embryon avec une activité cardiaque, dont la mesure de la
longueur cranio-caudale semble correspondre à un terme de 8 SA et 6 jours. Il n’y a par ailleurs pas de
complication décelée à l’échographie.
Nous en profitons pour réaliser une recherche de Chlamydia et Gonocoque en auto-prélèvement, qui
reviendront positifs à Chlamydia quelques jours plus tard.
Nous annonçons donc sa grossesse à la patiente, et lui programmons la suite de la prise en charge, à la
fois médicale (prescription du bilan biologique de début de grossesse, traitement symptomatique des
signes l’ayant amené à consulter), mais aussi sociale, par une prise de rendez-vous avec une conseillère
conjugale et familiale du planning, ainsi qu’avec la sage-femme de notre planning qui la connaissait.
Lorsqu’elle sort de notre bureau de consultation, elle annonce sa grossesse à sa maman, qui semble plus
consciente que sa fille des difficultés que cela va provoquer.
Suite à son prélèvement positif à Chlamydia, la patiente devait nous reconsulter pour son traitement,
mais n’est pas venue à deux rendez-vous successifs.
Elle a en revanche consulté notre sage-femme, qui m’a résumé leur consultation, et a pu éclaircir
certains points que nous avions commencé à aborder :
- Elle avait rencontré cette patiente lors de maraudes à la Gare du Nord avec une association d’aide
aux femmes victimes de violences. Elle avait réussi, en nouant un lien de confiance au fil des rencontres,
à faire consulter cette patiente pour son fils qui n’avait initié aucune prise en charge médicale. Le
contexte social est précaire puisque cette patiente vit en hôtel via le SAMU social avec sa maman, et que
ses démarches sociales sont difficiles étant donné qu’elle s’est fait voler ses papiers d’identité et ne les a
pas refaits.
- Le re de son premier enfant est en prison pour des faits de délinquances et a menacé à la sortie
de récupérer l’enfant. Entre sa consultation du 1er décembre et celle la sage-femme la revoit, le père
du 2eme enfant dont la patiente est enceinte a lui aussi été incarcéré pour trafic de drogue.
- La patiente souhaite poursuivre sa grossesse, aller en foyer maternel et reprendre une formation.
J’ai choisi de développer ce cas en RSCA car il permet d’aborder un thème auquel j’ai été beaucoup
confrontée durant mon internat et qui me tient à cœur : la précarité et sa gestion en médecine de ville.
J’ai déjà abordé la thématique des violences faites aux femmes dans ma trace de ce semestre. Le
deuxième axe traitera donc du suivi des grossesses en médecine générale, avec les éléments de suivi.
Ce RSCA serait ainsi l’occasion de développer les deux axes suivants :
1) Axe 1, médical et administratif : Prise en charge de la grossesse en médecine de ville.
Première consultation, prescriptions types : médicales, paramédicales et conseils de prévention ;
Éléments administratifs à compléter ;
Entretien prénatal ;
Surveillance ;
Compétences développées :
Premier recours, Urgences.
Continuité, Suivi, Coordination des soins.
Éducation en santé, Dépistage, Prévention individuelle et communautaire.
2) Axe 2, médico-psycho-social : Précarité en médecine générale.
État des lieux de la précarité et de son retentissement sur la santé ;
Éléments de repérage en cabinet ;
Possibilités d’intervention et d’accompagnement : organismes, subventions, travailleur social.
Compétences développées :
Approche globale, Complexité.
Approche centrée patient, Relation, Communication.
Professionnalisme.
Continuité, Suivi, Coordination des soins.
Éducation en santé, Dépistage, Prévention individuelle et communautaire.
Axe 1, médical et administratif :
Prise en charge de la grossesse en médecine de ville
Le médecin généraliste a un rôle primordial dans la gestion des grossesses en villes. D’une part d’un
point de vue médical, il est acteur de prévention dans le cadre des désirs de grossesse, mais aussi tout au
long de leur suivi. Il peut répondre aux questions que se posent les femmes et les orienter en cas de
besoin.
D’autre part, il agit également en aidant les patientes dans leurs démarches administratives parfois
compliquées.
Suivre les patientes tout au long de leur grossesse permet d’établir un lien de confiance et ensuite de
suivre l’enfant à naitre, ce qui permet une prise en charge globale de la famille.
Voici donc une sorte de « carnet de route » à l’attention du médecin généraliste afin de prendre en
charge de manière optimale une patiente au fil de sa grossesse.
Partie 1 : Mesures Médicales
1) Désir de grossesse
La première étape de cette consultation pré-conceptionnelle est l’examen clinique :
- Interrogatoire :
Antécédents médico-chirurgicaux-obstétricaux personnels et familiaux
Traitement(s) en cours
Statut vaccinal
Profession
Recherche de facteurs de risques : facteurs sociaux et environnementaux, toxiques
Statut gynécologique : Frottis de dépistage <3 ans ? Symptômes gynécologiques ?
- Examen physique :
Calcul de l’IMC (Poids/Taille²)
Prise de la tension artérielle
Palpation mammaire
Palpation thyroïdienne
La seconde étape est la prescription d’examens complémentaires :
- Systématiques :
Groupe A, B, O, Rhésus
Sérologie rubéole
Sérologie toxoplasmose
- À proposer :
Sérologie hépatite B et hépatite C
Sérologie varicelle si statut inconnu
Sérologie VIH
TPHA-VDRL
TSH si signes cliniques évocateurs, ou contexte thyroïdien personnel ou familial
FCV si dernier frottis > 3 ans
La troisième étape est la prescription/réévaluation médicamenteuse :
Acide folique 0,4mg/j, à débuter à l'arrêt de la contraception, et à poursuivre jusqu'à 12 SA,
permettant la prévention du Spina Bifida. En cas d’obésité (IMC>30), certaines
recommandations préconisent d’augmenter la dose d’acide folique à 5mg/j.
Ajustement des traitements pris au long cours, via la consultation du site du CRAT et le recours à
un avis spécialisé au moindre doute.
Vaccinations : aucun rappel vaccinal n'est nécessaire si la patiente :
o Est à jour pour la rubéole ; sinon 2 doses de vaccin trivalent Rougeole-Oreillons-Rubéole
sont recommandées (1 dose si patiente née avant 1980), à au moins 1 mois d’intervalle,
chaque dose de ROR devant être suivie de 2 mois de contraception.
o A présenté la varicelle : si sérologie négative, le schéma vaccinal comprend deux doses,
espacées de 4 à 8 semaines (Varivax®) ou de 6 à 10 semaines (Varilix®).
Toute grossesse doit être évitée dans le mois suivant la vaccination.
o A été vaccinée à l'âge adulte et il y a moins de 10 ans contre la coqueluche. Il faut aussi
vérifier que le futur père est aussi à jour pour la coqueluche (stratégie du cocooning)
La quatrième et dernière étape de cette consultation est de fournir à la patiente des informations utiles
à la suite de sa grossesse :
Alimentation et activité physique : proposer une alimentation variée et équilibrée associée à une
activité physique gulière. Des conseils visant à prévenir la listériose et le cas échéant la toxoplasmose
doivent être donnés.
En cas de surpoids, augmenter l’activité physique associée au suivi de conseils diététiques.
En cas d’obésité, de grande maigreur voire d’anorexie, compléter le recueil d’informations et l’examen
clinique et proposer une prise en charge adaptée.
Automédication : souligner les risques de l’automédication et expliquer à la femme que la prise de
médicaments sans prescription est déconseillée dès que le projet de grossesse est envisagé.
Alcool : en cas de consommation régulière, compléter le recueil d’informations et proposer des
modalités de sevrage si besoin. En cas de consommation, arrêter la prise d’alcool dès le début de la
grossesse.
Tabac (consommation active et passive) : proposer une aide au sevrage tabagique si besoin.
Souligner les effets négatifs du tabac sur le développement de l’enfant durant la grossesse et expliquer
au couple l’intérêt de cesser de fumer avant la grossesse.
Cannabis et autres substances psychoactives : identifier l’ensemble des consommations (produits,
doses), compléter le recueil d’informations et l’examen clinique et proposer une aide au sevrage.
Pénibilité du travail, risques professionnels : connaître le métier et le poste de travail de la patiente,
la distance entre le domicile et le travail. Déterminer l’exposition éventuelle à des produits tératogènes
en prenant contact avec le médecin du travail si besoin.
Recherche des situations de précarité : identifier des difficultés d’accès aux soins, un isolement
social, un emploi précaire, ou encore un risque d’exposition au plomb. Compléter le recueil
d’informations et proposer à la patiente ou au couple de les orienter vers des dispositifs visant à
améliorer l’accès aux soins et l’accompagnement psychosocial.
Recherche des situations de maltraitance, de violence domestique ou autres facteurs de
vulnérabilité pouvant être source de difficultés ultérieures : mettre la femme en confiance afin qu’elle
puisse s’exprimer en toute liberté lors d’un entretien singulier si possible.
2) Première consultation de début de grossesse : idéalement avant 10 SA
Renouveler l’examen clinique en reprenant les énoncés de la consultation pré-conceptionnelle, et en
cherchant des signes sympathiques de début de grossesse et d’éventuelles complications.
→ Prescrire les examens biologiques adaptés :
- Confirmer la grossesse : test de dosage quantitatif de Béta-HCG sériques en laboratoire, remboursé
par l’assurance maladie.
- Réaliser le bilan pré-conceptionnel si non fait au préalable (Toxoplasmose, Rubéole, Groupe
Rhésus RAI, TPHA-VDRL, Protéinurie Glycosurie, VIH, NFS).
- Ajouter à ce bilan le dépistage combiné de la trisomie 21 à faire entre 11 SA et 13 SA+6j (PAPP-A
et B HCG libre), avec signature d’un formulaire de consentement.
En fonction des facteurs de risque identifiés, il faudra également ajouter :
Electrophorèse de l’hémoglobine chez femme originaires d’Afrique, du pourtour méditerranéen,
des Antilles
Glycémie à jeun si facteurs de risque de diabète gestationnel (antécédent personnel de diabète
gestationnel, antécédent d’enfant macrosome > 4kg, antécédent de diabète chez les apparentés au
1er degré, IMC > 25, âge > 35 ans)
TSH si signes cliniques évocateurs, ou contexte thyroïdien personnel ou familial
Plombémie si risque d’exposition au plomb.
- Prescrire l’échographie du 1er trimestre, à faire entre 11 SA et 13 SA + 6 jours
→ Prescrire les médicaments adaptés :
- Poursuivre la prescription d’acide folique jusqu’à 12SA ;
- Pour les nausées, on peut prescrire du Donormyl, qui agit bien sur les nausées gravidiques ;
- Si une anémie est détectée, prescrire une supplémentation en fer de 30 à 60 mg/j et prévoir une
nouvelle NFS de contrôle 6 semaines plus tard ;
- Prévoir une vaccination antigrippale en période d’endémie ;
- Proposer une contention veineuse en cas d’œdèmes invalidants, le plus souvent de classe 2.
Remettre à la patiente un “calendrier de grossesse”, avec les dates clés de sa grossesse (date
d’accouchement, des échographies et autres examens complémentaires, congés...) : un modèle est
disponible à l’adresse suivante :
https://www.mgfrance.org/images/utilitaires-medicaux/calendrier-grossesse.htm
Donner à la patiente les feuilles d’information sur la prévention de la Toxoplasmose et Listériose.
Toutes ces fiches d’information sont disponibles via le lien suivant :
http://gestaclic.fr/public/pdf/fiches-conseils-gestaclic.pdf
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