Etude critique de deux documents de géographie, les pays

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Classe de terminale L-ES
Décembre 2013
Etude critique de deux documents de géographie
Les pays émergents, de nouveaux acteurs de la mondialisation ?
Consigne : A partir d’une analyse critique de ces deux documents et en vous appuyant sur vos connaissances,
vous mettrez en exergue l’importance des pays émergents dans l’économie mondiale, leur rôle diplomatique,
géopolitique et leurs faiblesses dans la mondialisation.
Document n. 1 : La montée en puissance des pays émergents,
« Les entreprises des BRICS, nouveaux conquistadores de la mondialisation, se lancent à l’assaut du monde. Le Boston
Consulting Group identifie en 2007 les nouveaux champions : sur les 100 challengers, 41 sont des entreprises chinoises, 20 indiennes,
13 brésiliennes et 7 russes, pour un total de 81 ! […] Ces challengers ont déjà conquis des positions enviables à l’échelle
internationale : Gazprom1 dont l’Union européenne se méfie après les coupures de gaz des hivers précédents 2, le géant brésilien Vale
en situation oligopolistique3 sur le marché des minerais, China Mobil qui est depuis près de cinq ans le premier opérateur mondial des
télécommunications, ou l’indien Tata qui rachète en 2008 Jaguar, Land Rover quand Tata Tea rachète Tetley. Que dire du Pirée [port
d’Athènes] dont un embarcadère est concédé pour 35 ans au Chinois Cosco ?
Le discours médiatique est connu : le Sud se paie le Nord ! L’expert François Heisbourg nomme les émergents les vainqueurs
de la crise quand l’Europe et el Japon en sont les éclopés.
L’OCDE publie en 2010 un rapport intitulé Le Grand Basculement de la richesse, le FMI se réforme et redistribue des droits
de vote à la Chine, à la Corée du Sud, au Mexique au détriment des européens. Le G8 s’efface derrière le G20, où l’influence des pays
développés se dilue au profit des pays émergents. […] Les émergents multiplient les réunions pour peser sur la gestion des affaires du
monde. En 2010, le Brésil et la Turquie essaient de résoudre l’épineux dossier du nucléaire iranien : c’est une première qui met en
relief l’échec de la suprématie politique de l’Occident dans les règlements de conflits. Le Sud peut-il se passer du Nord ?
La croissance insolente des pays du Sud n’est pas sans faille. Elle avive les tensions sociales de pays très inégalitaires comme
le Brésil et fait apparaître des clivages longtemps atténués sous l’ère communiste en Russie et en Chine. Celle-ci sera probablement
vieillie avant d’être riche… Les émergents doivent rééquilibrer leur croissance pour la pérenniser, la recentrer sur leur marché
intérieur […]. Les BRICS forment une association, mais reste trop hétéroclite pour former une alliance. […] »
A.Degans, « Ces pays émergents qui font basculer le monde, L’histoires des autres mondes »,
Sciences humaines, Les grands dossiers n. 24, septembre 2011.
Document n.2 : Le poids des BRICS dans l’économie mondiale.
PIB
(en milliards de dollars)
PIB
par habitant
IDH
Taux de croissance
en 2012
0,72
0,78
0,55
0,69
0,62
1%
3,5%
5%
8,2%
2,5%
(en dollars)
Brésil
Russie
Inde
Chine
Afrique du Sud
2425
1953
1946
8250
391
12340
13765
1532
6094
7635
Images économiques du monde 2014, Editions A. Colin.
1
Gazprom est une firme russe travaillant dans le secteur des hydrocarbures et du gaz naturel.
L’alimentation en gaz de plusieurs pays européens a été ponctuellement interrompue fin 2009 en raison d’un conflit d’intérêt entre la Russie et l’Ukraine sur le
réseau des gazoducs.
3
C’est à dire en situation de quasi-monopole.
2
1
Classe de terminale L-ES
Décembre 2013
Correction de l’étude critique de deux documents de géographie
Travail rédigé par Daniel Segone
(Département d’Histoire et de Géographie/ CPF-GLFL-CNDJ)
Ces documents sont, d’une part, un extrait d’un article écrit par A.Degans (doc. n. 1), intitulé « Ces pays
émergents qui font basculer le monde, L’histoires des autres mondes », publié dans Sciences humaines, Les grands
dossiers n. 24, de septembre 2011; d’autre part, un tableau statistique (doc. n. 2) intitulé « le poids des BRICS dans
l’économie mondiale » qui nous fournit d’importants renseignements sur ces pays et qui provient des Images économiques
du monde, édition 2014, paru chez A. Colin. Comment ces deux documents mettent-ils en exergue l’importance
des pays émergents dans l’économie mondiale ? Quel rôle diplomatique et géopolitique ces pays jouent-ils
à une échelle mondiale ? Quelles sont leurs faiblesses dans la mondialisation ? [Introduction : les
documents sont brièvement présentés et un questionnement reprenant l’intitulé de la
consigne est posé]
La notion de « pays émergent » ou « d’économie émergente » est floue. Forgée par des économistes
travaillant dans les grandes organisations économiques mondiales ou dans certaines grandes banques comme le
FMI, la Banque mondiale, l’OMC, l’OCDE, les banques Goldman and Sachs et HSBC etc., elle désigne une
catégorie nouvelle de pays qui offrent d’importantes performances économiques et financières : croissance très
élevée (« croissance insolente » ; doc. n. 1) ; pays en passe de sortir du sous-développement offrant d’importantes
potentialités en termes de marchés de consommation, notamment ; recul conséquent de la pauvreté ; grands
ensembles géographiques et importantes masses démographiques (le cas des BRICS), etc. Ces pays forment une
catégorie hétéroclite : certains sont des puissances régionales émergentes comme les BRICS, d’autres des petites
puissances industrielles comme la Turquie, l’Argentine, etc. ou des pays ateliers comme le Mexique, l’Indonésie, la
Malaisie, le Maroc, etc.4.
Ils jouent un rôle croissant dans la mondialisation, autrement dit dans ce processus d’intégration des
économies à l’échelle planétaire qui est caractérisé par un renforcement des interdépendances et par conséquent la
mise en place d’interconnexions spatiales très fortes. En effet, l’accélération de ce processus, depuis une vingtaine
d’années, a fait apparaître cette nouvelle catégorie d’acteurs et a renforcé leur rôle économique. C’est ce que suggèrent
ces deux documents. Le document n. 2, par exemple, nous montre que le PIB cumulé des BRICS est d’à peu près
15.000 milliards de dollars soit l’équivalent du PIB des Etats-Unis ou des 28 économies formant l’UE, 2 pôles
traditionnels de l’économie mondiale. Le PIB de la Chine, « l’usine du monde » et la 2ème économie mondiale, a
dépassé celui du Japon (un ancien pôle de la Triade) en 2011. Par ailleurs, certains BRICS présentent des taux de
croissance impressionnants : 8,2% en 2012 pour la Chine, 5% pour l’Inde et 3,5% pour la Russie (doc. n. 2). Ces
pays, qui n’ont été que très peu touchés par la crise mondiale de 2008-2009. Celle-ci semble d’ailleurs avoir
redistribué les cartes en leur faveur comme le suggère le document n. 1 (« le Sud se paie le Nord » ; « Grand
basculement » ; « vainqueurs de la crise … éclopés »). De manière générale, les pays émergents aspirent à jouer un rôle
important dans les organisations intergouvernementales (OIG). C’est dans ce contexte qu’une réforme des droits de
vote au sein du FMI a été adoptée (« le FMI se réforme… détriment des européens »). Cette réforme renforce le rôle
de certains pays émergents dans cette institution internationale. C’est dans ce contexte également que le G205 a été créé
et qu’il tend progressivement à éclipser le G8, le club des 8 pays les plus riches du monde6 (« le G8 s’efface derrière le
G20 » ; doc. n. 1). Enfin, les FTN des pays émergents, une centaine selon le document n. 1 (« 81 »), celles des BRICS
entre autres, s’affirment sur le marché mondial en s’implantant un peu partout, en opérant des rachats de marques et
des opérations de fusion-acquisition également (paragraphe 1, doc. n. 1). Elles livrent à une redoutable concurrence
4
Les Dragons (Corées du Sud, Taiwan, Singapour) ne sont pas considérés comme des pays émergents mais des puissances commerciales et financières redoutables
faisant partie des pays du Nord.
5
Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie, Russie, Japon, Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Corée du Sud, Indonésie, Arabie Saoudite,
Argentine, Mexique, Turquie, Australie et l’UE.
6
Etats-Unis, Canada, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie, Russie et Japon.
2
(« conquistadores » ; « challengers ») à leurs homologues du Nord, et ce dans de nombreux domaines : téléphonie
mobile, pétrole, sidérurgie, métallurgie, etc.
Sur un plan diplomatique et géopolitique, les pays émergents jouent un rôle de plus en plus important sur
la scène internationale. Cette affirmation vaut surtout pour les BRICS dont 3 membres sont des puissances nucléaires
(Russie Chine, Inde) mais également d’importantes puissances militaires conventionnelles et 2 des membres
permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU (Russie, Chine) qui n’hésitent pas à utiliser leur droit de veto comme
ceci a été le cas récemment au sujet de la question syrienne et à s’opposer aux Etats-Unis, à la France et à la GrandeBretagne. En outre, le Brésil et l’Inde réclament quant à eux tous les deux un siège permanent au Conseil de Sécurité
de l’ONU. A ce titre, il est bon de rappeler qu’en 2010, le Brésil et la Turquie ont mis en place une médiation dans
« l’épineux dossier du nucléaire iranien » (doc. n. 1). Par ailleurs, la Russie de Vladimir Poutine, puissance « réémergente », a opéré depuis peu un retour spectaculaire dans les relations internationales. Elle a mis en place
récemment un diplomatie ferme et pugnace, qui rappelle celle de la Guerre froide, comme le montre son attitude dans
l’affaire « Snowden » (du nom de l’employé du National Security Agency en fuite qui a révélé un important scandale
d’écoutes téléphoniques pratiquées par les services de renseignements américains partout dans le monde) et dans le
dossier syrien où son intercession audacieuse a permis d’éviter des frappes militaires occidentales en Syrie. Elle
vient également de se rapprocher de l’Egypte du général Sissi, victime de mesures de rétorsion de la part des EtatsUnis.
Les pays émergents ne sont pas sans faiblesses. D’abord, la croissance économique d’un grand nombreux
d’entre connaît un ralentissement. C’est le cas du Brésil, par exemple, où la croissance en 2012 n’a été que de 1% (doc.
n. 2). Cette situation est à nuancer car elle contraste avec celle des autres BRICS : la Chine ou l’Inde conservent, tout
compte fait, un taux de croissance relativement élevé malgré la crise de 2008-2009 (8,2% et 5% respectivement d’après le
doc. n. 2). Ensuite, les économies des pays émergents restent fortement dépendantes de celles des pays du Nord (« le
Sud peut-il se passer du Nord ? » doc. n. 1) qui restent de très importants marchés de consommation et un important
débouché pour leurs exportations, celles des BRICS notamment. Les pays émergents ont presque tous des économies
exportatrices qui ne sont pas encore en mesure d’absorber une bonne partie de leur production, ce qui les fragilise et
les rend fortement dépendants des marchés étrangers, des marchés européen et américain notamment. Il ne faut
pas oublier aussi que les pays émergents reçoivent de nombreux investissements (IDE) effectués par des FTN
localisées dans les pays du Nord, et ce, dans le cadre de leur stratégies d’externalisation d’activités : implantations
sur des marchés prometteurs, délocalisations, sous-traitance, etc. En outre, les pays émergents sont confrontés
actuellement à de nombreuses « tensions sociales » dues, parfois, au creusement des inégalités (« clivages » ; doc. n.
1), à des affaires de corruption, etc. Le Brésil a été récemment le théâtre de manifestations et d’émeutes violentes. Ce
mouvement de contestation dénonçait les gaspillages effectués par les pouvoirs publics dans la gestion des constructions
d’infrastructures somptuaires effectuées par ce pays qui doit accueillir en 2014 la coupe du monde de football. Par
ailleurs, un nombre important des pays émergents n’est pas démocratique ou ne répond pas aux standards
élémentaires de la démocratie : c’est le cas de la Chine et dans une moindre mesure de la Russie de Vladimir Poutine.
Enfin, malgré toute leur bonne volonté (tenue de sommets, projet de mise en place d’une banque commune, etc.), ces
pays ne forment pas encore un bloc extrêmement soudé. Les « BRICS forment une association, mais reste très
hétéroclite pour former une alliance » : en effet, les BRICS présentent des différences culturelles, historiques,
politiques, et n’offrent pas le même niveau de développement. L’Inde a un IDH faible (0,55 selon le doc. n. 2) et un
PIB par habitant qui laisse à désirer ; idem, pour ce qui est de l’Afrique du Sud, un pays rongé par la corruption,
ravagé par le SIDA, la violence urbaine, etc. Les BRICS sont par surcroît des ensembles géographiques très
différents et leurs intérêts géostratégiques peuvent radicalement diverger.
En conclusion, les pays émergents sont d’importants acteurs économiques dans la mondialisation. Ils jouent par
conséquent un rôle géopolitique croissant. Ces pays rencontrent toutefois d’importantes difficultés et manifestent quelques
signes d’essoufflement [conclusion : phrases résumant le développement et répondant à la problématique
posée en introduction].
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