Les enjeux du développement durable Conférence tenue avril 2007 La notion de par Roger Cans lors de sa venue aux Silos le Samedi 7 développement durable a été conçue au sein de l’Organisation des Nations unies, à la veille du sommet de la Terre réuni à Rio de Janeiro (Brésil) en 1992. Cette origine onusienne est très importante car elle implique deux impératifs : être consensuelle, d’une part, et encourager le développement, d’autre part. Car l’une des missions essentielles de l’ONU est de faire parvenir tous les pays du monde à un haut niveau de développement. La notion de développement durable est consensuelle parce que personne ne peut s’opposer à promouvoir un développement humain supportable par la planète (sustainable, en anglais). Tout le monde est d’accord pour atteindre un stade de développement qui satisfasse les besoins de chacun sans compromettre ceux des générations futures. Enfin, le consensus se fait autour des trois « pieds » du développement durable : croissance économique, équité sociale et respect de l’environnement. C’est au regard de ces trois « pieds » que l’on peut juger si un développement est durable. En Chine, le développement foudroyant de l’économie n’est pas durable, car il enrichit des citoyens privilégiés aux dépens d’une paysannerie qui reste très pauvre, et il entraîne une dégradation très inquiétante de l’environnement. On pourrait en dire autant de l’Inde, du Brésil ou de la Russie, mais aussi de tous les pays d’Afrique « riches » de leur pétrole, de leur bois ou de leurs diamants, dont le profit est accaparé par des compagnies étrangères et le pouvoir politique en place. Au niveau d’une région, d’une ville ou d’une entreprise, faire du développement durable consiste à trouver le juste équilibre entre la croissance, le partage des aménagements ou des profits, et le respect de l’environnement. Pour une région, ce sera par exemple de financer un réseau de chemin de fer assurant une bonne desserte locale. Ainsi, on favorise un transport collectif qui est propre et économe (de pétrole). Pour une ville, ce sera par exemple de construire un réseau de tramway. Pour une entreprise, ce sera de s’équiper d’une flotte de véhicules électriques, de recycler son eau ou de récupérer la chaleur du processus de fabrication. C’est pourquoi, aujourd’hui, tous les responsables prétendent faire du développement durable. Pour beaucoup, c’est à juste titre, comme par exemple l’Office national des forêts qui gère un patrimoine public en se souciant du long terme. La forêt française s’accroît en surface, les massifs domaniaux sont ouverts gratuitement à tous les publics et leur exploitation ne nuit pas à l’environnement. En revanche, une entreprise qui, pour augmenter ses profits, « dégraisses » ses effectifs, ne fait pas du développement durable même si elle fait des économies d’énergie ou recycle ses déchets. De même, une agriculture n’est durable que si elle ne prélève pas trop dans les réserves en eau et ne pollue pas les sols par trop d’engrais chimiques, de lisier ou de pesticides. Car, alors, elle n’est ni équitable socialement ni respectueuse de l’environnement. Le problème, avec le développement durable, c’est qu’il met sur le même pied trois domaines dont le poids est très différent. Le développement économique est un souci de l’homme depuis l’origine des temps. Le souci de l’équité sociale n’est apparu que vers la fin du 18 e siècle. Et le respect de l’environnement n’est vraiment apparu qu’il y a quatre décennies. L’histoire des trois pieds n’est donc pas comparable. Le développement durable, pris à la légère, est comme le pâté d’alouette : un cheval (la croissance économique) et une alouette (le respect de l’environnement). Une vraie politique de développement durable, pour rétablir l’équilibre, doit faire porter le gros de l’effort sur l’environnement, qui n’était naguère pas pris en compte, sans compromettre la croissance ni l’équité sociale. Roger Cans, auteur de « Petite histoire du mouvement écolo en France » (Delachaux & Niestlé).