Alexandre et les Amazones

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Amazones
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Amazone, fragment de mosaïque de pavement de Daphné (actuelle Turquie), 2e moitié du IVe
siècle, musée du Louvre.
Dans la mythologie grecque, les Amazones (en grec ancien Ἀμαζόνες / Amazónes ou
Ἀμαζονίδες / Amazonídes) sont un peuple de femmes guerrières résidant sur les rives de la
mer Noire, alors que d'autres historiographes les placent en Asie Mineure ou en Libye1. Les
Amazones posséderaient une origine historique : elles correspondraient aux femmes
guerrières des peuples scythes et sarmates.
L'étymologie populaire admise pendant l'Antiquité décompose le mot en un ἀ- / a-, « privatif
», et μαζός / mazós, « sein » en ionien : « celles qui n'ont pas de sein ». La légende dit qu'elles
avaient coutume de se couper le sein droit afin de pouvoir tirer à l'arc à flèche2. On a proposé
de faire provenir le terme du nom d'une tribu iranienne, *ha-mazan, « les guerriers »3, ou
encore du persan ha mashyai, « les Peuplades [des steppes] »4.
La légende des Amazones
Amazonomachie, sarcophage du Ier siècle av. J.-C., musée du Louvre.
Selon la légende, les Amazones habitent les rives du fleuve Thermodon, en Cappadoce dans
l'actuelle Turquie. Elles tuent leurs enfants mâles ou les rendent aveugles ou boiteux, pour
ensuite les utiliser comme serviteurs. Quant aux femmes, elles coupent leur sein droit pour
faciliter le tir à l'arc. Pour assurer la perpétuation de leur civilisation, elles s'unissent une fois
par an avec les hommes des peuplades voisines dont elles choisissent les plus beaux.
Les attributs des Amazones sont le πέλτη / péltê, un bouclier léger en forme de demi-lune, la
lance, l’arc et les flèches propres aux cavaliers des steppes, le cheval et la hache — σάγαρις /
ságaris d'abord, puis double hache à partir de l'époque hellénistique, par exemple chez
Quintus de Smyrne5. Le signal avant la bataille est donné par le sistre (sorte de grelot)
généralement de bronze.
De nombreux héros grecs — Bellérophon, Achille, Héraclès, Thésée ou encore Priam — ont
eu affaire à elles. Curieusement, chacun eut sa reine à aimer et, finalement, à tuer. Achille
affronte Penthésilée venue secourir les Troyens, s'en éprend et la tue dans le même temps6.
Priam, le vieux roi troyen, a lui-même repoussé une invasion amazone7. Héraclès doit
s'emparer de la ceinture d'Hippolyte et finit par massacrer cette dernière, ainsi que ses
compagnes.
Selon une tradition que Plutarque attribue à l'atthidographe Philochore, Thésée se joint à
l'expédition d'Héraclès après avoir mené à bien le synœcisme d'Athènes. Il reçoit Antiope
comme part du butin. Selon une autre tradition que Plutarque rapporte notamment à
Hellanicos, Thésée part seul et capture lui-même Antiope. Les Amazones répliquent en
envahissant l'Attique — après avoir passé le Bosphore pris dans les glaces, selon Hellanicos.
Le combat devant Athènes se déroule au mois de Boédromion, d'où la fête des Boédromies.
Thésée a un fils d'Antiope (également appelée Hippolyte par certains auteurs), Hippolyte8.
Bellérophon, enfin, après avoir tué la Chimère, affronte et vainc les Amazones. Ce mythe
misogyne (les Amazones sont de simples femmes domestiquées par Thésée qui rétablit la
juste frontière des sexes, ces dernières étant renvoyées dans leur rôle domestique) qui s'est
fixé à Athènes au Ve siècle av. J.-C. ne doit pas faire oublier qu'il existe d'autres versions de
ce mythe des Amazones : figures héroïques positives dans l’Iliade (où elles sont mentionnées
sous le terme d’Antianeirai), fondatrices ou protectrices de cités dans lesquelles on leur rend
des cultes funéraires9.
Les Amazones voient leur continuité au féminin ; la légende dit qu’elles tuent les enfants
mâles — garçons — et n’élèvent que les enfants femelles — filles —, ce qui paraît difficile
pour assurer leur perpétuation. Il est donc plus probable qu'après le sevrage, les garçons soient
confiés aux hommes avec lesquels elles ont enfanté. Cela présuppose davantage un type de
société matriarcale, ce dont les Grecs avaient horreur, raison pour laquelle ils blâment tant
cette population. La légende rapporte également que les Amazones ne gardent auprès d’elles
que des hommes mutilés, estropiés, prétendant que cela augmenterait leur capacité sexuelle,
supputant que l’infirmité empêcherait les hommes d'être violents et d’abuser du pouvoir. Il
paraîtrait à ce propos que la reine Antianeira ait répondu à une délégation d’hommes scythes
qui s’étaient proposés comme amants exempts de défauts physiques que « l’estropié est le
meilleur amant ».
Alexandre et les Amazones
La Rencontre d'Alexandre avec la reine des Amazones, Pierre Mignard (vers 1660).
Alexandre le Grand reçoit la visite de la reine des Amazones (1696).
Une tradition située à la frontière de l’histoire et du mythe attribue à Alexandre le Grand une
rencontre avec la reine des Amazones épicuriennes, Thalestris (ou Miryna). Cette tradition
issue de la Vulgate d'Alexandre (Diodore de Sicile, Quinte-Curce, Justin10) provient de
Clitarque et d’Onésicrite, contemporains des conquêtes de l’Asie dont les récits délivrent une
part de fables et de merveilleux. Un historien de la conquête, non identifié (peut-être
Onésicrite), juge qu’Alexandre se doit de rencontrer les Amazones car Héraclès et Achille,
son ancêtre mythique, les ont combattues.
Diodore écrit que la reine des Amazones désire un enfant d’Alexandre : « Par ses exploits, il
était en effet le plus brave de tous les hommes tandis qu’elle l’emportait sur le reste des
femmes par sa force et sa bravoure. Celui qui naîtrait de parents excellents surpasserait donc
le reste de l’humanité »11. Quinte-Curce ajoute que « treize jours furent consacrés à satisfaire
la passion de la reine »12.
Cette rencontre avec la reine des Amazones est considérée comme une fiction par Plutarque et
Arrien13. Ces deux historiens antiques, soucieux d’authenticité, suivent l’avis de Ptolémée,
d’Aristobule et de Douris de Samos qui déjà contestent la réalité de cette rencontre. Pour
autant, Arrien et Plutarque en recherchent le fondement historique :
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Une ambassade scythe arrive auprès d’Alexandre à Samarcande en 328 avant J.-C. ;
un chef de tribu scythe offre la main de sa fille à Alexandre.
D’après Arrien (IV, 15, 1-6) et Quinte-Curce (VIII, 1, 7-9), le chef des Chorasmiens,
un peuple des bords de l’Aral, propose à Alexandre de mener campagne contre les
Amazones.
D’après Arrien (VII, 13, 2), Atropatès le satrape de Médie fait don à Alexandre de 100
femmes scythes dont il est dit qu’elles seraient des Amazones.
Suivant l’avis d'Hérodote, qui déjà considère les Amazones comme étant des femmes
guerrières scythes ou sauromates14, Arrien et Plutarque tentent d'apporter une caution
historique à une rencontre légendaire.
Les Amazones ont-elles existé ?
Héraclès combattant les Amazones, détail d'une amphore attique à figures noires, v. 530-520
av. J.-C.
Hérodote fournit dans une digression (IV, 110-117) une version historicisée de la légende des
Amazones. À la suite de violents combats avec les Égyptiens 2000 ans av. J.-C., des tribus
scythes occupent la Cappadoce. Des guerriers scythes sont exterminés dans une embuscade et
les femmes restées seules prennent les armes. Hérodote croit à tort que le nom amazone
signifie « privée de mamelle », les Grecs pensant que c'est dans le but de tirer plus facilement
à l’arc. En langue caucasienne, ce nom signifierait par contre « ceux qui ne mangent pas de
pain » (ce qui reporte aux sociétés nomades et donc non agricoles) ou « ceux qui vivent
ensemble » ou pourrait faire allusion à une éventuelle « ceinture magique » portée par les
Amazones.
Le géographe grec Strabon doutait de leur existence15.
Le cheval est inséparable des populations des steppes, ce qui est le cas des Scythes et des
Sauromates (proto-Sarmates) renommés dans l’Antiquité comme éleveurs de chevaux et
excellents archers. On peut supposer à la suite d'Hérodote que les Amazones sont les épouses
des Scythes et des Sauromates qui, fait inconcevable pour un Grec, ont le droit de chevaucher
et de guerroyer. De là est né le mythe de farouches guerrières, élevées comme telles. Il a
cependant historiquement existé des guerrières, notamment des femmes grecques sollicitées
lorsque la patrie est en danger9.
Des fouilles archéologiques récentes, conduites par Jeannine Davis-Kimball à la frontière
entre la Russie et le Kazakhstan, ont permis de mettre au jour des tombes de femmes
guerrières, enterrées avec leurs armes entre 600 et 200 av. J.-C., probablement cavalières
comme le révèle l'analyse ostéologique9. L'une des tombes était richement garnie de
nombreux objets et bijoux féminins et également de 100 pointes de flèches. Une enquête
approfondie menée dans la même région a démontré l'existence d'une tradition vivace de la
femme archer et cavalière émérite, leur arc étant de forme très caractéristique exactement
identique à celui qui est représenté sur les céramiques antiques. Des relations génétiques ont
également été prouvées entre les restes humains trouvés dans les tombes et certaines familles
mongoles dont des filles naissent parfois blondes, caractéristique particulière des Amazones,
ce qui est un fait absolument unique dans ces ethnies à la chevelure uniformément noire et qui
tend à prouver un mélange entre des tribus mongoles et les restes de l'ethnie des Amazones
dont l'origine exacte reste encore un mystère16.
Représentations artistiques
Amazonomachie, Nicopolis d'Épire
Le thème de l'Amazone apparaît couramment dans l'art grec. Elles sont représentées portant
des tuniques courtes, à l'instar d'Artémis, ou encore avec des pantalons bouffants asiatiques.
Souvent, un sein est dénudé. En revanche, on ne trouve aucune occurrence de sein coupé. Les
jeunes femmes athlètes sont souvent représentées en Amazones.
L'amazonomachie, ou combat des Grecs contre les Amazones, est également un thème
populaire : il figure sur l'avers du bouclier d'Athéna Parthénos ou sur le trône de Zeus à
Olympie, ou bien encore le sarcophage des Amazones réalisé probablement au IVe siècle av.
J.-C. à Tarquinia17. Il est souvent représenté symétriquement avec le combat des Lapithes
contre les centaures, comme c'est le cas sur les métopes du Parthénon.
En particulier, le combat d'Héraclès contre les Amazones est l'un des thèmes les plus
populaires de la peinture sur vases attique à figures noires : on le retrouve sur près de 400
vases18. Dans la sculpture monumentale, il est représenté dans les métopes du trésor des
Athéniens à Delphes, du temple E de Sélinonte, du temple de Zeus à Olympie et de
l'Héphaïstion d'Ahènes, ainsi que sur la frise du temple d'Apollon à Bassae. C'est en fait un
combat singulier qui est dépeint : Héraclès revêtu de sa peau de lion affronte une Amazone
portant la plupart du temps une armure d'hoplite, plus rarement vêtue comme un archer scythe
ou comme un guerrier perse18. Le combat de Thésée est également fréquent, mais celui de
Bellérophon n'est pas représenté dans l'art grec19.
Hors de la Grèce
Comment les Amazones traitent ceux qu'elles prennent en guerre (1557).
Une Amazone du Dahomey, dessinée par Frederick Forbes en 1851.
Les Amazones d'Amazonie
Au XVIe siècle, les premières explorations espagnoles de la région équatoriale d'Amérique du
Sud, qui ont à leur tête l'explorateur Orellana croient découvrir des peuplades similaires sur
les bords du Maragnon qu'ils appellent alors le « fleuve des Amazones », « Amazone ». Ils y
rencontrent en effet des femmes qui combattent aussi farouchement que les hommes. Les
Amazones d'Amazonie sont parfois représentées avec la peau blanche.
En 1557, au retour d’un voyage au Brésil (dans ce qui sera la baie de Rio de Janeiro), André
Thevet reprend dans son ouvrage Singularités de la France antarctique, le thème des femmes
guerrières trouvées par les Espagnols sur le fleuve Amazone. Il accompagne sa description de
deux gravures effrayantes qui connaîtront un grand succès. Il nous dit « Elles font guerre
ordinairement contre quelques autres nations, et traitent fort inhumainement ceux qu’elles
peuvent prendre en guerre. Pour les faire mourir, elles les pendent par une jambe à quelque
haute branche d’un arbre ; pour l’avoir ainsi laissé quelque espace de temps, quand elles y
retournent, si le cas forcé n’est trépassé, elles tireront dix milles coups de flèches ; et ne le
mangent comme les autres sauvages, ains le passent par le feu, tant qu’il est réduit en cendre »
(Singularités p 24320). Thevet d'abord se réjouit qu'aux trois sortes d'Amazones décrites dans
l'Antiquité, celles de Scythie, d'Asie, et de Libye, viennent s'ajouter les Amazones
d'Amérique. Ainsi chaque continent a ses Amazones. Aux dires de Lestringant20, les
Amazones d’Amérique représentent pour les conquistadores de la très catholique Espagne,
l’antimodèle attirant et redouté de guerrières libres, chastes et conquérantes. Plus tard, dans la
Cosmographie universelle, Thevet se dira « bien marry que je sois tombé en la faute de l’avoir
creu ».
Amazones au Dahomey et femmes-guerrières du Sénégal et de l'empire
Zoulou[
Article détaillé : Amazones du Dahomey.
Il existe d'autres traditions de femmes-guerrières en dehors des peuples des steppes d'Asie
centrale. Au Dahomey, sous le roi Agadja, le souverain Ghézo (1818-1858) créa des
compagnies féminines de cavalerie et d'infanterie qui seront baptisées les « Amazones vierges
du Dahomey » et combattront d'abord dans les nombreuses guerres de sécession ayant opposé
le Dahomey aux Yoroubas. Par la suite le roi Béhanzin les utilisa contre les troupes coloniales
françaises. Au Sénégal, le royaume de Cayor envoyait ses « Linguères » qui étaient des sœurs
et cousines des souverains dans ses différentes batailles contre les Maures trarzas. L'Empire
zoulou avait auparavant constitué des régiments de jeunes filles combattantes ou chargées de
la logistique21.
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