L'AVENEMENT DU PATRIARCAT DANS LA MYTHOLOGIE GRECQUE
La Grèce connut également sa période "gentilice" - évidemment archaïque - dont il
semble qu'elle soit sortie au temps de Médée, Jocaste, Clytemnestre ... quand les hommes eurent
oublié le temps pas si lointain où "les fils ne connaissaient même pas leur propre père" et en
vinrent à faire dire aux dieux - Apollon, notamment - que c'est le père et non la mère, qui fait
l'enfant. A la période classique, il n'y en a plus rien, sinon la trace en quelques usages et dans les
tragédies. Le mariage est devenu la règle, instaurant une partition stricte des rôles et des statuts.
Dans la démocratie athénienne, n'existe ni la liberté, ni l'égalité, ni la fraternité; assujettie, l'épouse
athénienne est enfermée au gynécée, interdite de relation autre que celle de son époux; mais le
citoyen est libre. Il a donc des relations multiples; et la prostitution évidemment fleurit sur un tel
terreau. Elle n'est cependant pas liée à la religion; les bordels sont des établissements publics dont la
cité est la maquerelle et les pensionnaires des êtres exploités et méprisés; les hétaïres, prostituées
indépendantes, sont libres, et riches.
La femme athénienne est une éternelle mineure, qui ne possède ni droit juridique, ni droit
politique. Toute sa vie, elle doit rester sous l’autorité d'un κύριος / kúrios (« tuteur ») : d’abord son
père, puis son époux, voire son fils (si elle est veuve) ou son plus proche parent. Une stricte fidélité
est requise de la part de l'épouse : son rôle est de donner naissance à des fils légitimes qui puissent
hériter des biens paternels. Le mari surprenant sa femme en flagrant délit d'adultère est ainsi en
droit de tuer le séducteur sur-le-champ. La femme adultère, elle, peut être renvoyée. Selon certains
auteurs, l'époux bafoué serait même dans l'obligation de le faire sous peine de perdre ses droits
civiques. En revanche, l'époux n'est pas soumis à ce type de restriction : il peut recourir aux services
d'une hétaïre (prostituée) ou introduire dans le foyer conjugal une concubine (παλλακή / pallakế) —
souvent une esclave, mais elle peut aussi être une fille de citoyen pauvre.
En dehors de l’archéologie, la mythologie est considérée comme une seconde source
importante dans la recherche sur le matriarcat. L’auteur anglais et spécialiste de l’antiquité, Robert
Graves, effectua en l’occurrence au milieu du siècle dernier un travail de pionnier. Il prouva dans
son livre ‘The Greek Myths’ qu’un grand nombre de mythes grecs reflètent des conflits réglés de
manière guerrière entre les sociétés organisées patriarcalement et celles organisées matriarcalement.
La mythologie grecque relate abondamment les conflits et tragédies qui déchirèrent la méditerranée
lors de la marche lente mais inéluctable des envahisseurs indo-aryens patriarcaux (ioniens, doriens,
achéens, mycéniens...). Cf Agnès Echène – ''Jason & Médée ou le remaniement du droit''.
"Si l'on demande à un Lycien de quelle famille il est, rapporte Hérodote, il fait la généalogie
de sa mère" (I, § 175). Plutarque nous apprend que les Crétois se servaient du mot matrie au lieu de
celui de patrie. Ulpien, le jurisconsulte du IIIº siècle, donne encore au mot matrix le sens de
métropole qui lui-même préserve le souvenir du temps où l'homme ne connaissait que la famille, le
clan et le pays de la mère. On remarque que les héros de l'Iliade (Guerre de Troie), qui détaillent
leur généalogie avant chaque duel, ne remontent pas au-delà de la 3ème génération sans rencontrer
un dieu, c'est-à-dire un père inconnu ; ce qui semblerait indiquer qu'à cette époque la filiation par le
père était très récente chez les grecs. D'où la race des demi-dieux, nés de l'union des olympiens avec
les filles des hommes. Les Hellènes, après avoir reflété le patriarcat au ciel, utilisaient les habitants
imaginaires de l'Olympe pour fabriquer les ancêtres des familles patriarcales, qui étaient des fils de
dieux. Jusque-là, sous l'ère matriarcale, les tribus et les clans avaient pris pour ancêtres divins par
lignée maternelle, des totems : animaux (cheval, chouette, serpent, lion, ours, sanglier, aigle...),
végétaux ou des astres. Avec l'imposition forcée du patriarcat, il a fallu se trouver d'autres ancêtres
divins, mais par lignée paternelle. C'est alors qu'on décréta que les nouveaux dieux du ciel s'unirent
aux filles mortelles pour donner naissance aux demi-dieux (ex : Héraclès), héros mythologiques, et
ancêtres des hommes. Exemple : les Taphiens disaient descendre de Persée, car leur fondateur
éponyme Taphios était l'arrière-petit-fils de Persée par sa mère, et avait Poséidon pour père.