Périodique trimestriel
Editeur responsable : Vincent Forest, AIBF, Rue Berckmans, 9; 1060 bruxelles
Redacteur : Denis Vanderbeeken
Coordination Médicale - Amnesty International Belgique Francophone
Septembre-octobre-novembre 2004 - N° 56
Bureau de dépôt 1060 Bruxelles 6
SOMMAIRE
1. DU BON USAGE DE LA CONTENTION COMME TECHNIQUE DE SOIN
Limiter la liberté du patient pour son propre bien, pour pouvoir le
soigner est un exercice des plus périlleux si on le considère dans une
perspective des droits humains (DH). L’atteinte est lourde et faite par
des soignants qui n’ont aucune autorité judiciaire ou pénale. Tentons
une approche éthique et déontologique de cette technique qui reste
parfois nécessaire.
2. EN BREF
LETTRE à détacher et à envoyer au Président du SOUDAN
3. ACTION URGENTE pour les femmes victimes de viols et violences
sexuelles au Darfour
4. AGENDA
5. RESUME DES ACTIONS URGENTES ENTREPRISES en 2003 par la
Coordination médicale de A.I. Belgique Francophone
1. DU BON USAGE DE LA CONTENTION COMME TECHNIQUE DE SOINS
Premièrement, de quoi parlons-nous ? Au sens
chirurgical, la contention est l’action de maintenir
dans une position adéquate (une fracture, une
hernie) mais en psychiatrie c’est l’immobilisation
d’un malade mental agité. Que ce soit par des
moyens physiques comme la célèbre camisole de
force des fous furieux, les menottes, les liens et
l’enfermement au cabanon ou, avec Pinel, la
camisole chimique des neuroleptiques la raison
invoquée est toujours celle de pouvoir apporter des
soins, pouvoir poser un diagnostic et administrer un
traitement. Si c’est d’abord à la psychiatrie que l’on
pense, il ne faut pas négliger non plus la pédiatrie, la
gériatrie, les urgences et d’autres institutions que les
hôpitaux comme les seigneuries et les prisons. La
contention, si elle est généralement associée avec
l’idée de violence, peut aussi se faire plus douce.
Réfléchissons à des pratiques comme : limiter les
possibilités de contact avec l’extérieur, placer pour
la journée un patient devant la TV, placer une
perfusion sans autre but que de limiter la mobilité ou
scier les pieds arrières d’un fauteuil pour empêcher
un malade ou une personne âgée de se lever, etc.
toute manœuvre destinée à réduire la possibilité de
mouvement et donc la liberté du patient.
Quel que soit le déploiement de force et le moyen de
la contention, ce n’est pas cet aspect visible ou
spectaculaire qui pose problème. La véritable
violence de la contention est l’absence de
consentement du patient ou au moins la
manipulation de ce consentement par distraction ou
menace. Comment justifier cela ? Il est clairement
des situations il n’y a pas d’autre alternative :
lorsque la sécurité des soignants, des autres
patients, des tiers est menacée, lorsqu’il n’est plus
possible sinon de soigner le patient lui-même. Le
problème réside dans le fait que, par manque de
disponibilité de personnel pour la surveillance, pour
le confort des autres, pour le calme de l’institution
ou parce que tout simplement on n’a jamais pensé à
une autre solution, la contention peut se banaliser et
devenir une manière pratique et bon marché de
contourner une difficulté. Si l’on considère les
conséquences de la contentions pour celui qui la
subit : augmentation de la confusion, frustration,
stress, dépression et bien sûr lésions physiques, il est
de la responsabilité du soignant de toujours se
demander pourquoi poser ce geste et quand le lever,
tant dans un cas particulier que dans le cadre
général d’un service ou d’une institution (avant
qu’un accident n’arrive).
La contention me semble donc être un exemple
particulièrement parlant lorsqu’on quitte la théorie
et qu’il s’agit de « vivre » les DH sur le terrain et au
quotidien. Elle illustre bien la tension et la recherche
d’équilibre vers lequel il faut tendre lors de la mise
en pratique de principes de bases (liberté, intégrité
et dignité de la personne) dans une situation (les
soins) et un environnement (un hôpital sous équipé,
peu de personnel) qui ne s’y prêtent pas. La
contention participe aux soins par un abus de
pouvoir, elle remplace un échec de communication
par une autre forme de prise en charge et elle
constitue le paradoxe d’être en même temps
indispensable et inutile en soit. Ce n’est pas une
mince affaire dans la pratique que de chercher à
assurer une sécurité en faisant courir un risque.
Une « tendance lourde » dans les soins de santé
consiste à renforcer la participation du patient à la
prise de décision dans les soins qui le concerne. A
grand renfort de recommandations, voir de
législation, l’autodétermination du patient fait son
chemin. Si l’on ne peut que saluer le partage de
responsabilité entre soignants et soignés il faut bien
que ce partage soit balisé d’une manière ou d’une
autre : l’engagement des soignants ne peut devenir
du paternalisme poussant à la régression du patient
et inversement l’autodétermination, facilitée par le
principe du consentement éclairé, ne peut amener le
patient à penser que les soignants doivent se plier à
ses souhaits. Il y a un espace disponible pour une
approche relationnelle des soins mais celle-ci
suppose justement que le patient soit capable de
choisir. Or cette capacité peut parfois être
défaillante.
Lorsque cette défaillance est prévisible il est alors
prudent d’en discuter avec le patient quand il en est
encore temps, de s’accorder sur ce qui devra être
fait « au cas ». Sinon l’accord, ou au moins
l’information de la famille, est certainement à
rechercher. Mais dans tous les cas le geste de
contention ne pourra se poser qu’en ayant répondu à
des questions précises : quelle en est l’indication ?
N’y a-t-il pas d’alternative ? Quelles précautions
prendre ? Comment proportionner la contention au
problème ? Et bien sûr, combien de temps devra-t-
elle être maintenue ?
Du point de vue juridique, le patient est protégé à
de multiples niveaux : Constitution belge (droit de
mener une vie conforme à la dignité humaine),
Convention européenne des DH (protection contre les
traitements inhumains et dégradants), Déclaration
universelle des DH (droit à la vie, la liberté et la
sûreté de la personne) et il existe même un
instrument plus spécifique à la biologie et la
médecine émanant du Conseil de l’Europe (approuvé
mais pas encore ratifié par la Belgique) qui reprend
les mêmes garanties. Toutefois la « nécessité
curative » peut constituer une justification légale à
la contrainte dans certains cas : consentement du
patient, prestataire de soins exécutant sa propre
obligation de sécurité à l’égard du patient ou
poursuivant un objectif thérapeutique face à un état
de nécessité.
Pour la contention, comme pour quantité d’autres
atteintes au DH, c’est souvent cet état de nécessité,
état d’urgence, situation à la marge, présentée ou
perçue comme telle, ce sont des contextes
particuliers des personnes se retrouvent dans
l’obligation d’agir sans savoir exactement jusqu’où
elles peuvent aller qui font le lit de la violation à
partir du moment le geste, posé pour la première
fois, est accepté comme normal, presque routinier.
C’est aux praticiens de ces situations à s’interroger
et à être attentifs au jour le jour au risque de
banalisation.
Dr Denis Vanderbeeken
Réf : Ethica Clinica, N°34, juin 2004.
2. EN BREF
C’est le 1er juillet que Mme Louise Arbourg a pris ses
fonctions comme nouvelle Haut Commissaire aux
droits de l’homme des Nations Unies à Genève. Née
en 1947 au Canada, diplômée en droit de l’université
de Montréal et Juge à la cour suprême du Canada,
Louise Arbourg a occupé pendant trois ans la
fonction de Procureur général au Tribunal pénal
international pour le Rwanda. Son mandat de quatre
ans succède à celui de Sergio Viera de Mello qui a
succombé en 2003 à l’attaque contre le siège de
l'ONU à Bagdad. Une action à suivre sur
www.ohchr.org
Le Dr Jiang Yanyong (72 ans) a été placé en
détention en Chine début juin et s’est vu signifié
qu’il y resterait « aussi longtemps qu’il ne changerait
pas son point de vue ». Ancien chirurgien à l’hôpital
militaire 301 de Pékin il a critiqué la répression des
étudiants lors des évènements de la place Tienanmen
en 1989 mais sa détention semble plutôt liée à la
dénonciation (largement partagée dans la
communauté scientifique internationale) de la
minimisation de l’épidémie de SRAS de l’année
dernière par les autorités chinoises.
La vaccination anti-poliomyélitique a repris dans le
nord du Nigeria après une période d’arrêt due à
l’opposition des autorités religieuses.
Malheureusement la maladie ne s’est pas contentée
d’attendre et des pays d’où elle avait été éradiquée
(Guinée, Mali) rapportent de nouveaux cas,
soulignant la vulnérabilité des populations dans la
région. Les effort de l’OMS sont d’autant plus
difficiles que la situation y est instable (Côte d’ivoire
et région du Darfour au Soudan). Dernières nouvelles
de la bataille sur www.who.int (cliquez centre des
médias).
Lieutenant-General Omar Ahmad al Bashir
President’s Palace
PO Box 281
Khartoum, SOUDAN
Your Excellency,
I am writing to express my deep concern about acts of violence against women as a weapon of war in the Darfur conflict
and urge you to take action and to protect the women and girls of Darfur.
In a recent mission to Sudanese refugee camps in Chad, Amnesty International delegates found that many of the human
rights violations in Darfur have been targeted specifically against women and girls. These violations have included
abductions, sexual slavery, torture and forced displacement.
Almost every woman in Darfur is at risk of attack : pregnant women and girls as young as eight have not been spared
from rape, abduction and sexual slavery. Women have been raped in public, terrorizing and humiliating them, their
families and communities. Women have also been tortured to solicit information on the whereabouts of their husbands
and other male survivors. Those who resist rape have been beaten, stabbed, or killed. The suffering and abuse endured
by these women goes far beyond the actual rape. Women who survive this violence often suffer from severe mental and
physical health problems, unwanted pregnancies, social stigmatization, and economic difficulties. With your support,
the Janjawid, the main perpetrators of these attacks against women, have acted with full impunity.
I urge you, as President of Sudan, to act now to stop violence against women and provide immediate and adequate
assistance to women who have been affected by sexual violence. I ask you to ensure that :
The Janjawid militia are disarmed, disbanded and placed in a position where they can no longer attack the civilian
population ;
Any member of the Sudanese armed forces suspected of having committed or ordered human rights violations is
suspended immediately, pending investigation ;
The police, military camp security, and humanitarian personnel in Darfur and Chad do not include any member or
former member of the Janjawid militia and that female officers are employed in all IDP camps and trained to deal with
issues of gender-based violence ;
Humanitarian groups receive unimpeded access to all areas and groups in Darfur ;
All parties to the conflict issue clear instructions to all combatants under their control not to commit rape and other
forms of sexual violence and that all cases of rape will be investigated and those responsible prosecuted ;
Those who have raped are brought to justice in fair trials, without the possibility of the death penalty ; and
Sudan ratifies all international conventions and treaties that protect women from sexual violence in conflict.
I appeal to you to take all steps necessary to stop such horrific violations and attacks against women in the Darfur
conflict and to address immediately the consequences of this violence. Thank you for your attention, I look forward to
your response.
Sincerely,
3. ACTION URGENTE pour protéger les femmes et les jeunes filles du Darfour
Dans le cadre de la campagne HALTE A LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES nous vous avons demandé le
trimestre dernier d’écrire au Président du RWANDA pour que toutes les femmes victimes de violences
sexuelles reçoivent les traitements adéquats. Aujourd’hui, vous proposons d’agir pour les milliers de femmes
et de jeunes filles victimes de viols et autres formes de violence sexuelle au DARFOUR : pour éviter que les
milliers de victimes souffrent toute leur vie, des mesures spéciales s’imposent.
Amnesty International a recueilli en mai 2004 les témoignages de centaines de femmes et de jeunes filles qui
ont subi les viols en masse commis par les Janjawid, les milices soutenues par le gouvernement, et par des
soldats. Ces victimes ont fuir leur foyer après les incendies et les bombardements de villages. Elles ont
également vu leurs proches se faire tuer. Il leur a donc fallu beaucoup de courage pour briser le silence, car le
viol est un tabou au Darfour. Assurer la sécurité et la protection de ce type de victimes constitue maintenant
un impératif. Quant aux auteurs de violences sexuelles, ils doivent être traduits en justice.
Le 19 juillet 2004, Amnesty International a publié un rapport intitulé "Darfour (Soudan). Le viol : une arme de
guerre". Ce document révélait que les viols étaient très pandus et présentaient un caractère systématique.
Les Janjawid et certains soldats du gouvernement ont utilisé le viol pour humilier, terroriser et contrôler les
femmes, mais aussi pour les forcer à quitter leurs terres et détruire le tissu social de leurs communautés.
Le gouvernement soudanais doit agir immédiatement, individuellement et avec l’aide de la communauté
internationale, pour protéger les femmes et les jeunes filles du Darfour contre les viols et les autres formes de
violence sexuelle. Les victimes de viol doivent être prises en charge efficacement et sans délai. Leurs
agresseurs doivent être traduits en justice.
Écrivez au gouvernement soudanais :
Voici une proposition de lettre à détacher et à envoyer (timbre prior à 0,80€) avec votre cachet et votre
signature au LieutenantL-General Omar Hassan Ahmad al Bashir, President’s Palace, PO Box 281,
Khartoum, SOUDAN
Pour plus d’information : http://www.amnestyinternational.be/doc/article4205.html
4 AGENDA
International Conference on Health and Human Rights
Atlanta, Georgia, 14 16 Avril 2005: organisée par l’Institut des droits humains de l’Université Emory en
collaboration avec l’OMS, CARE USA, le Carter Center human rights office, le U.S. Center for Disease Control
and Prevention et Doctors for Global Health. Contact: Dabney Evans, MPH, CHES 1525 Clifton Road, Office 108
Rollins School of Public Health, Atlanta, Georgia 30322. Phone: +1 404 727 3061 Fax: +1 404 727 8768, e-mail:
War As a Universal Trauma ,New Orleans, Louisiana, 14 18 novembre 2004: sera le thème de la 20ème
conférence annuelle de la société internationale d’étude du stress traumatique. Plusieurs communications
intégreront les notions de DH et de justice dans l’origine du trauma et la dynamique des soins. Pour les
dernières infos sur la conférence, visitez www.istss.org
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