
1. DU BON USAGE DE LA CONTENTION COMME TECHNIQUE DE SOINS
Premièrement, de quoi parlons-nous ? Au sens
chirurgical, la contention est l’action de maintenir
dans une position adéquate (une fracture, une
hernie) mais en psychiatrie c’est l’immobilisation
d’un malade mental agité. Que ce soit par des
moyens physiques comme la célèbre camisole de
force des fous furieux, les menottes, les liens et
l’enfermement au cabanon ou, avec Pinel, la
camisole chimique des neuroleptiques la raison
invoquée est toujours celle de pouvoir apporter des
soins, pouvoir poser un diagnostic et administrer un
traitement. Si c’est d’abord à la psychiatrie que l’on
pense, il ne faut pas négliger non plus la pédiatrie, la
gériatrie, les urgences et d’autres institutions que les
hôpitaux comme les seigneuries et les prisons. La
contention, si elle est généralement associée avec
l’idée de violence, peut aussi se faire plus douce.
Réfléchissons à des pratiques comme : limiter les
possibilités de contact avec l’extérieur, placer pour
la journée un patient devant la TV, placer une
perfusion sans autre but que de limiter la mobilité ou
scier les pieds arrières d’un fauteuil pour empêcher
un malade ou une personne âgée de se lever, etc.
toute manœuvre destinée à réduire la possibilité de
mouvement et donc la liberté du patient.
Quel que soit le déploiement de force et le moyen de
la contention, ce n’est pas cet aspect visible ou
spectaculaire qui pose problème. La véritable
violence de la contention est l’absence de
consentement du patient ou au moins la
manipulation de ce consentement par distraction ou
menace. Comment justifier cela ? Il est clairement
des situations où il n’y a pas d’autre alternative :
lorsque la sécurité des soignants, des autres
patients, des tiers est menacée, lorsqu’il n’est plus
possible sinon de soigner le patient lui-même. Le
problème réside dans le fait que, par manque de
disponibilité de personnel pour la surveillance, pour
le confort des autres, pour le calme de l’institution
ou parce que tout simplement on n’a jamais pensé à
une autre solution, la contention peut se banaliser et
devenir une manière pratique et bon marché de
contourner une difficulté. Si l’on considère les
conséquences de la contentions pour celui qui la
subit : augmentation de la confusion, frustration,
stress, dépression et bien sûr lésions physiques, il est
de la responsabilité du soignant de toujours se
demander pourquoi poser ce geste et quand le lever,
tant dans un cas particulier que dans le cadre
général d’un service ou d’une institution (avant
qu’un accident n’arrive).
La contention me semble donc être un exemple
particulièrement parlant lorsqu’on quitte la théorie
et qu’il s’agit de « vivre » les DH sur le terrain et au
quotidien. Elle illustre bien la tension et la recherche
d’équilibre vers lequel il faut tendre lors de la mise
en pratique de principes de bases (liberté, intégrité
et dignité de la personne) dans une situation (les
soins) et un environnement (un hôpital sous équipé,
peu de personnel) qui ne s’y prêtent pas. La
contention participe aux soins par un abus de
pouvoir, elle remplace un échec de communication
par une autre forme de prise en charge et elle
constitue le paradoxe d’être en même temps
indispensable et inutile en soit. Ce n’est pas une
mince affaire dans la pratique que de chercher à
assurer une sécurité en faisant courir un risque.
Une « tendance lourde » dans les soins de santé
consiste à renforcer la participation du patient à la
prise de décision dans les soins qui le concerne. A
grand renfort de recommandations, voir de
législation, l’autodétermination du patient fait son
chemin. Si l’on ne peut que saluer le partage de
responsabilité entre soignants et soignés il faut bien
que ce partage soit balisé d’une manière ou d’une
autre : l’engagement des soignants ne peut devenir
du paternalisme poussant à la régression du patient
et inversement l’autodétermination, facilitée par le
principe du consentement éclairé, ne peut amener le
patient à penser que les soignants doivent se plier à
ses souhaits. Il y a là un espace disponible pour une
approche relationnelle des soins mais celle-ci
suppose justement que le patient soit capable de