PK 251011 f Text D Torche

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Berne, le 25 octobre 2011
Admission des étrangers des pays tiers
Les conditions à remplir pour une nouvelle politique d’admission
des étrangers de pays non UE
Il faut s’attendre à une pression accrue des milieux économiques pour pouvoir recruter plus de
personnel ne provenant pas de pays de l’UE (pays dit tiers). Pour que ce ne soient pas seulement
les intérêts économiques qui continuent à l’emporter, Travail.Suisse émet des conditions pour une
nouvelle politique d’admission. On favorisera ainsi la prospérité générale tout en évitant des conséquences négatives pour le marché du travail, le système de formation et l’intégration.
Denis Torche, responsable du dossier politique de migration
Le vieillissement de la population touche aussi les pays de l’UE, en particulier ceux de l’Est que l’on a
considérés jusqu’ici comme des réservoirs de main-d’œuvre pour l’économie suisse. Déjà aujourd’hui
des pénuries de personnel sont avérées dans plusieurs branches. Sur le plan international, la Suisse
négocie des accords de libre-échange avec plusieurs pays émergents de grande ampleur. Ces évolutions conduisent les milieux économiques à exercer une pression accrue pour pouvoir recruter davantage de personnel des pays tiers.
Or, sans mettre en place des conditions précises, un changement des conditions de politique
d’admission des étrangers des pays tiers détériorera les conditions de travail, affaiblira le système de
formation, privera les pays d’origine de précieuses ressources sans contrepartie et fragilisera la cohésion sociale.
Voilà pourquoi Travail.Suisse veut anticiper l’évolution à venir et indiquer déjà aujourd’hui quelles
conditions doivent être remplies dans la perspective d’une nouvelle politique d’admission du personnel étranger de pays tiers. Ces conditions partent de l’hypothèse que la Suisse va augmenter
sensiblement les contingents pour du personnel qualifié de pays non UE dans un avenir proche et
permettre aussi de recruter du personnel étranger peu ou moyennement qualifié de pays tiers.
Voici ci-dessous les principales conditions à respecter et/ou à instaurer
1.
Maintien de l’ordre prioritaire et du contrôle préalable des salaires
Quel que soit le besoin de main-d’œuvre supplémentaire de pays tiers dont l’économie mais aussi la
société suisse auront besoin, le principe du recrutement prioritaire dans l’UE (art. 21 de la Letr) et du
contrôle des conditions salariales et de travail (art. 22) doivent être impérativement maintenus. Il est
hors de question pour le recrutement de personnel de pays tiers d’adopter un système de contrôle
des conditions salariales et de travail après-coup sur la base d’abus potentiels comme c’est le cas
dans le cadre de l’Accord sur la libre circulation des personnes.
2.
Création d’une commission pour l’admission de personnel des pays tiers
Pour évaluer les besoins en personnel de pays tiers, il faut instaurer une commission fédérale pour
l’admission de ces personnes. Elle devra être composée des autorités fédérales et cantonales ainsi
que des partenaires sociaux. Son mandat sera de proposer le nombre annuel d’autorisations de séjour de longue durée et de courte durée en tenant compte de la conjoncture économique, du marché du travail et des études prospectives qui devront être faites pour évaluer les besoins en personnel dans les différentes branches et professions.1 L’inclusion des partenaires sociaux permettra de
mieux légitimer la politique d’admission des étrangers des pays tiers, un domaine sensible auprès de
la population et toujours prêt à être instrumentalisé pour des raisons politiques.
3.
Conditions pour le personnel peu/moyennement qualifié de pays tiers
La possibilité d’engager aussi du personnel peu qualifié (ou aux qualifications « normales ») de pays
tiers marquera une rupture nette avec la politique d’admission actuelle qui ne permet d’engager que
du personnel très qualifié en dehors de l’UE. Mais la politique actuelle a aussi comme conséquence la
présence de près de cent mille sans papiers qui travaillent en particulier dans l’économie domestique
et qui répondent donc à une demande de travail.
Les mesures à prendre :
■ assouplissement des conditions de régulation des sans papiers : en particulier avoir un emploi et
une présence de quelques années en Suisse et permettre l’accès à l’apprentissage pour les jeunes
sans papiers ;
■ déclenchement d’une offensive fédérale visant à qualifier et requalifier le personnel étranger peu
qualifié et légalement en Suisse mais qui est au chômage ;
■ augmentation des moyens pour effectuer les contrôles nécessaires sur les lieux de travail afin de
vérifier que les conditions de rémunération et de travail soient respectées.
1
Voir à ce sujet le postulat 11.3044 Josiane Aubert Etude prospective des besoins en personnel par branches et
professions. Le 4 mai 2011 le Conseil fédéral a proposé de rejeter le postulat. Le 28.09.2011, le Conseil national
l’a adopté par 179 voix contre 6.
4.
La politique d’admission ne doit pas prétériter la politique de formation
Pour ne prendre que l’exemple de la santé, on constate que le personnel étranger augmente dans
cette branche et qu’en même temps, on y forme moins de personnel. Il sera néfaste pour la Suisse
qu’elle devienne trop dépendante de l’immigration dans certaines branches car il existe au niveau
international une vive concurrence pour attirer les migrant-e-s qualifié-e-s. C’est pourquoi, la politique d’admission doit tenir compte de l’importance de continuer à former le plus de personnel possible en Suisse même.
Mesure : les employeurs qui reçoivent des autorisations pour engager du personnel de pays tiers
auront l’obligation de créer des places de formation (ou à défaut qu’ils cotisent à un fonds de formation). Le Conseil fédéral avait prévu dans le projet de révision de la Letr pour les employeurs qui reçoivent des autorisations de travail l’obligation de créer des places de formation. Cet article avait été
accepté par le Conseil des Etats mais refusé par le Conseil national. Un tel article permettrait aussi de
minimiser les distorsions de concurrence entre les entreprises qui prennent la peine de former et
celles qui s’en dispensent en recrutant beaucoup à l’étranger. Les employeurs seront ainsi davantage
responsabilisés pour utiliser le potentiel disponible sur le marché du travail suisse.
5.
Ne pas oublier l’éthique dans le recrutement
En recrutant davantage dans les pays tiers, on prive ceux-ci de précieuses ressources humaines qu’ils
ont contribué à former et qui sont nécessaire pour leur propre développement. C’est pourquoi, la
nouvelle politique d’admission doit être aussi une politique de recrutement éthique. Il faut qu’au
recrutement de personnes de pays tiers corresponde un soutien aux pays d’origine de ces personnes,
en accordant des aides financières aux instituts de formation ou de recherche et en favorisant une
migration circulaire qui profite aussi aux pays d’origine.
6.
Nécessité d’une politique d’intégration globale aux moyens renforcés
Une augmentation de ressortissants de pays tiers sur le marché du travail risque de miner la cohésion sociale s’il en résulte une détérioration des conditions de travail et de salaires. Mais la cohésion
sociale est aussi menacée par les processus de l’individualisation et de la globalisation, ressenties par
une partie de la population comme une menace pour son identité et son avenir.
C’est pourquoi, il faut renforcer non seulement les moyens classiques (cours de langue, formation
etc.) pour l’intégration des migrant-e-s mais aussi développer la politique d’intégration de façon globale afin qu’elle s’adresse à l’ensemble de la population, dans le sens d’une politique de cohésion
sociale.
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