HEURE SAINTE POUR LE JEUDI SAINT LES NUITS DE

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HEURE SAINTE POUR LE JEUDI SAINT
LES NUITS DE GETHSÉMANI: JÉSUS, ANDRÉ, MOI-MÊME…
Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté avec un grand cri et dans
les larmes sa prière et sa supplication, à Dieu qui pouvait le sauver de la mort; et,
parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé. Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant
appris l’obéissance par les souffrances de sa passion; et, ainsi conduit à sa
perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.
(Hébreux 5,7-8)
Seigneur Jésus-Christ, tu es ici présent dans le Saint Sacrement; mais, ce n’est pas ta
seule façon d’être parmi nous. Dans les membres de ton « Corps », tu continues à souffrir
jusqu’à la fin des temps. Ta passion arrivera à terme seulement quand les dernières
larmes auront été versées et qu’aura disparu la dernière douleur; quand la dernière goutte
aura été donnée sur cette terre. Nous ne pourrons pas être tes disciples si ta croix ne
retombe pas aussi sur nous, si ta Passion ne nous touche pas.
Mais, si tu veux continuer à souffrir en nous pour notre salut et celui du monde pour la
gloire du Père, si tu veux compléter avec notre douleur et nos peines ce qui manque
encore à ta Passion, alors, notre vie aura une part – petite, pauvre, mais réelle – de ta nuit
à Gethsémani.
Durant cette soirée, nous désirons nous souvenir de tes “heures saintes” tout au long de
ta vie, mais aussi de celles de notre fondateur, le père André Coindre. Vos « heures
saintes » nous aideront à accepter les nôtres afin d’en faire un moment de grâce pour les
personnes qui nous sont proches et qui ont besoin de quelqu’un qui intercède pour elles et
qui les accueille.
Prière d’offrande
Seigneur, nous venons t’offrir cette “Heure sainte”. Nous voici prosternés à tes pieds
comme tu t’es agenouillé aux pieds de tes Apôtres. Nous nous présentons devant toi au
nom de tous nos frères, de tous nos collaborateurs, et, au-delà encore, au nom de toute
l’humanité pour laquelle nous nous considérons que
d’humbles représentants devant toi.
Nous venons prier pour toutes leurs nécessités, nous venons
te prier pour les justes et les pécheurs, pour les croyants et
les incroyants, pour les amis et les ennemis, pour les vivants
et les défunts, pour ceux qui nous sont proches et ceux qui
sont loin... Que nos yeux, qui tant de fois ont beaucoup de
difficulté à te percevoir, sachent découvrir ta présence dans
l’eucharistie. Nous intercédons pour les hommes et les
femmes de tous les temps. (Paroles inspirées d’André
Coindre).
1. JÉSUS SOUFFRE DEVANT L’ABANDON ET LE MÉPRIS
ENVERS LES PLUS PETITS
Le Coeur de Jésus s’est laissé émouvoir quand il a vu les enfants que les disciples
voulaient écarter de sa présence. Cette attitude provoqua en Jésus à la fois l’indignation et
une attitude d’accueil. Pour lui, les plus importants aux yeux de son Père étaient ceux que
les hommes considéraient moins.
On présentait à Jésus des enfants pour les lui faire toucher; mais les disciples les
écartaient vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants
venir à moi. Ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur
ressemblent. Amen, je vous le dis: celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la
manière d’un enfant, n’y entrera pas.» (Mc 10,13-14)
ANDRÉ COINDRE ET LES ENFANTS ABANDONNÉS
La vie d’André Coindre, prédicateur renommé dans la ville de Lyon, changea quand il
rencontra les petites filles et les garçons abandonnés de sa ville, quand il visita les
prisons et les hôpitaux. Chaque rencontre avec ces enfants provoquait chez lui un désir
de proximité avec Jésus qui souffrait dans ces enfants et qui demandait compagnie.
En 1817, Monsieur André Coindre, voyant les hôpitaux et les prisons de Lyon se remplir
de jeunes enfants, résolut d’ouvrir un établissement pour les recueillir en vue de les retirer
du danger. Dans les prisons de Lyon, il rencontra des jeunes qui, après avoir subi une
réclusion plus ou moins longue, ne trouvaient aucun moyen de se placer. Cependant ils
étaient dignes d’un intérêt spécial par les soins particuliers que l’on prenait depuis quelque
temps pour les ramener à leur devoir. « Coupables dans un âge où l’on est plus léger que
méchant, plus étourdi qu’incorrigible, il fallait ne point désespérer de leur changement; il
fallait les environner de secours pour les former au bien, et les séparer, au milieu même
de la prison, de la société contagieuse des criminels qu’elle renfermait. » (Mémoires du F.
Xavier et Prospectus du Pieux-Secours, 1818)
ET MOI? ET NOUS?
Chacun d’entre nous s’est aussi retrouvé, tant de fois, avec ces enfants ou ces jeunes qui
nous demandaient de l’aide. Sommes-nous allés à leur rencontre ou avons-nous fait un
détour comme le prêtre et le lévite de la parabole? Durant cette soirée sainte, nous
voulons nous sentir proches d’eux et leur dire : Nous voici, comptez sur nous.
Seigneur, aide-nous à dépasser nos lâchetés, nos indécisions, nos commodités pour leur
donner une place dans notre cœur. Durant cette nuit, nous voulons prier pour nos élèves,
spécialement pour ceux qui en ont le plus grand besoin; nous désirons prier pour tous
leurs éducateurs, afin qu’ils ne défaillent pas dans leur mission.
2. JÉSUS SOUFFRE DEVANT L’ABANDON DES SIENS
Après avoir entendu le sermon du pain de vie, plusieurs disciples veulent partir parce
qu’ils considèrent ses paroles inacceptables. En réalité, ils se sont rendu compte combien
c’était exigeant de suivre Jésus. Jésus souffre quand il voit son groupe réduit au minimum,
mais il ne recule pas. Il sait que ce n’est pas le nombre qui compte mais la fidélité de son
« petit reste ».
Beaucoup de disciples, qui avaient entendu, s’écrièrent : « Ce qu’il dit là est
intolérable, on ne peut pas continuer à l’écouter! » À partir de ce moment,
beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui. Alors
Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi? (Jean 6,60.66-67)
ANDRÉ COINDRE ET L’ABANDON DES FRÈRES DE VALBENOÎTE
Au début les choses ne seront pas faciles pour les Frères du père André Coindre. Trois
mois ne se sont pas encore écoulés depuis la fondation quand le curé de Valbenoîte
s’érige en directeur absolu de cette Providence. Le père Coindre se voit alors dans
l’obligation douloureuse de renoncer à cette deuxième œuvre et aux cinq frères qui se
trouvent là. Nous pouvons penser que cette affaire a déclenché chez le père André un
moment très douloureux car, il semblait que tous ses rêves s’écroulaient. Néanmoins, il
écrit aux frères qu’il ne faut pas répondre au mal par le mal, « qu’il faut vivre avec eux en
toute charité». (Lettre V)
ET MOI? ET NOUS?
Nous sommes en train de vivre une sérieuse diminution de nos effectifs. Le nombre de
frères diminue. Maintenant nous n’avons plus de jeunes pour occuper les postes vacants.
Si nous pensons à l’avenir, nous pouvons expérimenter un vrai Gethsémani dont nous
entrevoyons une mort plus ou moins proche. Durant cette soirée, Seigneur, nous désirons
t’offrir notre petitesse et en même temps te dire par-dessus tout, que ta volonté soit faite.
Surtout, que nous ne soyons pas la cause qui empêche que cette volonté s’accomplisse.
Ne serait-il pas possible que tu envoies quelque autre ouvrier au champ des Frères du
Sacré-Cœur? Donne-nous d’être prêts à les chercher et à les accueillir.
3. QUAND L’ENNEMI EST DANS LA MAISON
Le rejet de sa famille et des autorités religieuses a été très dur pour Jésus. Il voulait être
quelqu’un de positif parmi les siens et désirait être un croyant fidèle dans la religion juive
dans laquelle il avait été éduqué et à laquelle il appartenait. Cependant, ses bons souhaits
se heurtèrent à un mur. Sa famille et les dirigeants religieux n’étaient pas de mauvaises
gens, mais ils voulaient défendre les institutions sacrées de la famille et de la religion. Ils
n’ont pas su découvrir Dieu qui se révélait à eux en Jésus.
Jésus entre dans une maison, où de nouveau la foule se rassemble, si bien qu’il
n’était même pas possible de manger. Sa famille, l’apprenant, vint pour se saisir de
lui, car ils affirmaient : « Il a perdu la tête.» Les scribes, qui étaient descendus de
Jérusalem, disaient : « Ce Jésus est possédé par Béelzéboul; c’est par le chef des
démons qu’il expulse les démons.» (Mc 3, 20-23)
ANDRÉ COINDRE ET L’INCOMPRÉHENSION DES AUTORITÉS ECCLÉSIASTIQUES
DE LYON
Le vicaire général chargé des congrégations religieuses comptait sur la petite
communauté que le père Coindre fondait pour fournir des frères au diocèse; il en avait
formellement exprimé le désir. Mais Monsieur Coindre leur avait répondu que « son œuvre
était une œuvre générale, qu’il ne voulait pas la restreindre à un seul diocèse. Piqués de
cette réponse, ils lui tournèrent le dos en lui disant : Eh bien, vous n’y gagnerez pas, nous
nous tournerons du côté de Monsieur Champagnat. Ce qu’ils firent en effet. C’est pour
cela qu’on fit annoncer dans les retraites pastorales, aux curés qui s’y trouvaient réunis,
que s’ils avaient quelques sujets propres à la vie religieuse, de les envoyer à Monsieur
Champagnat, et qu’à Monsieur Champagnat. Cela dura un certain nombre d’années, et on
refusait tout aux Frères du Sacré-Cœur ». D’autre part, on accusait le père André de
perdre son temps avec ses « petites œuvres » lui enlevant ainsi du temps pour la
prédication. (Mémoires du F. Xavier et Bissardon)
ET MOI? ET NOUS?
Il est pénible pour chacun d’entre nous d’accepter que quelqu’un pose continuellement
des entraves aux projets que nous proposons. Mais, cette douleur augmente quand ceux
qui mettent des obstacles sur notre route sont ceux qui devraient nous accompagner et
nous aider. Il est vrai que nous aussi nous sommes intransigeants et que nous acceptons
seulement les propositions qui coïncident avec ce que nous croyons être le plus pertinent.
Ce soir, nous désirons te prier pour les supérieurs de l’institut, de la province, des
communautés locales. Combien ils ont à souffrir! Ce qu’ils ont à supporter! Et, parfois, eux
aussi font souffrir leurs frères. Puissions-nous voir en eux ce Jésus qui, un jeudi Saint
s’est mis à laver les pieds des « frères de sa communauté »; qu’ils soient dans la
communauté les promoteurs de l’unité offrant le meilleur d’eux-mêmes pour accomplir le
désir de Jésus « que tous soient un ». Que nous soyons obéissants et que nous nous
efforcions tous en communion avec eux, d’unir nos volontés en Jésus-Christ.
4. SAVOIR ÊTRE, SAVOIR SE RETIRER
Jésus qui avait laissé son village et s’était établi à Capharnaüm et qui agissait comme
prophète itinérant, va visiter sa famille, ses amis et ses compatriotes. Il semble qu’il est
bien reçu. Ils l’invitent à parler dans leur synagogue. Apparemment, dans un premier
moment, ses paroles sont bien accueillies, mais… il y a toujours un mais, les choses
changent bientôt de couleur. Les envies propres aux villages et les jalousies face aux
vertus des autres font vite surface : pour qui se prend-il? Nous connaissons tous sa famille
et ils ne sont pas précisément des gens ni spéciaux ni hors de l’ordinaire! Qu’il cesse de
faire des « miracles » partout et qu’il les fasse ici dans son village… Nous sommes les
premiers à en avoir droit!...
Jésus s’en alla bien attristé de son village. C’étaient des bonnes personnes, ils les
aimaient tant… mais quand la jalousie intervient, elle détruit tout. Jésus savait qu’il était
le temps de partir… sans retour.
Jésus est parti pour son pays, et ses disciples le suivent. Le jour du sabbat, il se mit
à enseigner dans la synagogue. Les nombreux auditeurs, frappés d’étonnement,
disaient : « D’où cela lui vient-il? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et
ces grands miracles qui se réalisent par ses mains? N’est-il pas le charpentier, le
fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon? Ses sœurs ne
sont-elles pas ici chez-nous? » Et ils étaient profondément choqués à cause de lui.
(Mc 6,1-3)
LE DÉPART DE MONISTROL
Le père André était, par mandat de l’évêque, fondateur et supérieur général des
Missionnaires du Sacré-Cœur. L’évêque décida de confier à quelques-uns des pères les
plus capables, les paroisses les plus importantes de son diocèse et même, de nouvelles
paroisses qu’il commençait à créer. Il est clair que les grandes qualités du père Coindre,
les succès qu’il récoltait provoquèrent de la jalousie. Contrarié par ces circonstances qui
détruisaient l’œuvre qu’il avait créée avec tant d’effort et, désirant éviter des conflits avec
l’autorité épiscopale, il démissionne en tant que supérieur des Missionnaires et reprend le
chemin vers Blois, où l’attend le séminaire, et quelque chose de plus!
ET MOI? ET NOUS ?
Parfois nous pensons être indispensables dans une communauté ou dans un collège.
Mais, quelquefois, à cause du passage du temps, ou par nécessité de la mission
éducative, ou bien encore par des décisions des supérieurs – qui dans quelques cas nous
ne comprenons pas trop – arrive le moment de laisser une occupation, un travail dans
lequel nous avions donné le meilleur de nous-mêmes et même d’avoir à quitter un lieu. À
l’occasion, notre cœur pleure amèrement, à d’autres moments nous manifestons notre
colère et notre désaccord clairement; à d’autres moments encore nous acceptons avec
joie et disponibilité notre nouveau destin. Aujourd’hui, Seigneur, unis à ta prière dans le
Jardin, nous te demandons cette disponibilité que tu as eue même si elle nous faut
souffrir. Nous te demandons aussi, qu’à mesure que progresse notre vie, nous sachions
aller en diminuant car, c’est notre manière de grandir.
5. LES DIFFICULTÉS DE LA VIE
Personne ne désire la souffrance; ce serait du masochisme. Jésus fut une personne qui
aima profondément la vie et qui ne chercha pas la douleur. Il aimait les fêtes, le partage
d’un bon repas avec les amis, jouir de la nature. Mais plus que tout, il aimait que les
hommes soient heureux et à cause de cela, il eut à souffrir et à pâtir…, parce qu’il semble
bien qu’il plaît à certains le fait que les autres aient des ennuis et qu’ils aient à porter de
lourds fardeaux. Et Jésus, le Jésus joyeux, l’ami de la vie, eut à supporter des angoisses.
Il promit à ses disciples le bonheur des béatitudes… et la croix.
« Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il
reste seul; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd;
celui qui s’en détache la garde pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir,
qu’il me suive; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert,
mon Père l’honorera. Maintenant mon cœur est troublé. Que dirai-je? Dirai-je :
Père, délivre-moi de ce qui va arriver en cette heure? Mais c’est pour cela que je
suis venu, pour passer par cette heure de souffrance.» (Jn 12,24-27)
LA VIE DIFFICILE À BLOIS
La vie à Bois fut franchement difficile pour le père André. Lui, l’homme d’action, eut à
passer beaucoup d’heures collé à la chaise de son bureau. Habitué au contact avec les
enfants et avec les gens dans les missions, tout d’un coup il se voit davantage en relation
avec des livres plutôt qu’avec des personnes. Ainsi il racontait son expérience dans une
lettre aux frères :
Je m'occuperai des règles quand j'aurai un moment pour respirer. Je suis à trimer
comme un malheureux. Il me faudra examiner sur la philosophie et la théologie,
nos séminaristes, et il y a treize ans que je n'ai pas vu ces matières. Ajoutez à cela
l'économie, la correspondance, les discours et instructions à faire chaque semaine,
les diaconales que j'aurai à Pâques et vous jugerez si je peux tout faire. J'ai
envoyé cependant au père Montagnac la règle des missionnaires en dix grandes
pages. (Lettre XX)
ET MOI? ET NOUS?
Nous désirons tous une vie en plénitude. Nous voulons que les tâches que sont les nôtres
nous donnent satisfaction. Il nous plaît d’avoir une communauté qui puisse répondre à
nos aspirations les plus profondes. Mais, la vie n’est pas toujours un conte de fées. À nos
occupations se mêle la routine; nos frères en communauté ne sont pas nécessairement
des saints, les rêves de notre jeunesse se dissipent et n’arrivent pas à se réaliser, loin de
là… Et le temps passe.
Néanmoins durant cette soirée, nous désirons mettre un peu de côté nos propres maux et
te présenter nos frères, nos familles et connaissances malades : malades dans leur
corps et malades dans leur esprit. Qu’ils trouvent sens à ce non-sens de la souffrance.
Que nous soyons pour eux le cœur accueillant qui les aide à surmonter « les mauvais
moments » qu’ils sont en train de passer.
6. QUAND QUELQU’UN SE TROUVE SEUL
À Gethsémani, Jésus expérimente la terreur et l’angoisse. Pour passer ces moments si
terribles, il emmène ses disciples préférés parce qu’il ressent le besoin de se sentir
accompagné d’une manière spéciale durant ces moments. Et ses amis lui font défaut, ils
s’endorment. Jésus expérimente le pire des maux : la solitude. Abandonné par ses amis, Il
peut seulement avoir confiance en Dieu. Jésus crie, supplie. Sa prière est-elle vaine? À
ce moment, Jésus est conscient que ses amis aussi – Pierre, Jean et Jacques – sont
seuls. Il se préoccupe d’eux.
Ils arrivent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : «Restez ici;
moi, je vais prier, » Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence
à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : « Mon âme est triste à mourir. Demeurez
ici et veillez. » S’écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s’il était
possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : «Abba… Père, tout est possible
pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Puis il revient et trouve les disciples endormis.
Il dit à Pierre : « Simon, tu dors! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure?
Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est
faible. » Mc 14,32-38)
LES CRISES DE VOCATION DES FRÈRES ATTRISTENT SON CŒUR
Justement alors que le père André passe un très mauvais moment, il reçoit des nouvelles
concernant les problèmes du frère Louis. Même s’il n’a pas une minute de temps pour lui,
il prend la plume et lui écrit une longue lettre. Il met de côté ses propres problèmes et il
charge sur ses épaules ceux du frère en crise.
Que vous me chagrinez, mon pauvre ami, par l’irrégularité de votre conduite! Que
vous avez bien vite oublié les avis paternels que je vous avais donnés et les
bonnes résolutions que vous aviez prises! J’ai eu toujours pitié de vous, malgré vos
illusions et vos fautes; j’en ai encore pitié aujourd’hui, et c’est pour cela que je
prends sur un temps qui m’est si précieux pour vous écrire. Ma voix se fera-t-elle
entendre dans le désert, et votre jeune cœur ne serait-il plus touché des cris
d’alarme de son père? Pauvre enfant, que vous êtes à plaindre! Vous donnez dans
tous les pièges que vous tendent les ennemis de votre âme. (Lettre XXI au frère
Louis responsable des scandales dans sa communauté et dans son école et qui a
décidé de quitter la communauté).
ET MOI? ET NOUS?
Qui dans sa vie n’a pas rencontré une crise de vocation? Quand nous la voyons chez les
autres, nous sommes tentés d’analyser ses causes et de dire que c’était quelque chose
qu’on voyait venir.
Quand nous la subissons nous-mêmes, nous nous rendons compte que les choses ne
sont pas aussi simples et, surtout, qu’on souffre beaucoup. Le pire, peut-être, c’est de se
sentir seuls devant les problèmes qui nous accablent. Combien de fois avons-nous laissé
seuls ceux qui étaient nos frères et nos amis?
Si nous nous arrêtons à nos compagnons de noviciat, nous nous rendons compte que
ceux qui ont quitté la congrégation sont beaucoup plus nombreux que ceux qui sont
restés. Aujourd’hui Seigneur, nous voulons te prier pour chacun d’eux : qu’ils aient
reconstruit leur vie, qu’ils aient trouvé ce soutien que, dans certains cas, nous n’avons pas
su leur donner. Nous voulons te prier pour les frères de notre communauté pour qu’ils
reçoivent de notre part, affection et compréhension et non pas la condamnation ou l’oubli.
Nous te prions aussi pour que, lorsque nous éprouverons dans notre vie la tentation de
l’infidélité, nous sachions que tu es proche de nous, même dans le jardin de Gethsémani.
7. LA DERNIÈRE HEURE
Qui pouvait imaginer que la fin de Jésus serait ainsi? Nous sommes maintenant tellement
habitués à entendre le récit qu’il nous paraît même normal et beau. Pourtant, du moins «
vu de l’extérieur », c’est désolant. Un homme de 33 ans qui avait entraîné derrière lui des
multitudes, qui avait guéri des malades et qui avait été proche des plus nécessiteux… est
maintenant seul, condamné à une mort infâme et, pire encore, expérimente l’absence de
celui qui était tout pour lui: son Dieu, son Père. Malgré l’obscurité, intérieure et extérieure,
Jésus continue à avoir confiance et se retrouva près du cœur d’Abba, son Père.
Quand arriva l’heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois
heures. Et à trois heures, Jésus cria d’une voix forte : Éloï, Éloï, lama sabactani?»
ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » Poussant
un grand cri, il expira. (Mc 15,33-34.37)
MALADIE ET MORT
Qui aurait pu imaginer une fin si dramatique du père André? Un homme de 39 ans, qui
avait enthousiasmé des multitudes avec ses prédications, qui avait consacré sa vie à
accueillir les enfants et les adolescents dont personne ne s’occupait… Maintenant, il est
dans un lit d’hôpital, assailli d’hallucinations, sans pouvoir rien faire pour éviter une folie
qui va le conduire à une mort infâme. Les biographes de sa maladie et de sa mort nous
racontent ainsi :
Vers la mi-mai apparaîtront les premiers symptômes d’une maladie qui va
s’aggraver progressivement. Il cesse d’être présent aux récréations
communautaires et s’enferme dans sa chambre. La veille de la Pentecôte, il
s’enflamme dans sa prédication, il termine le sermon en pleurant et avec peine
termine la messe. Dans un moment de lucidité il dit : « Ne soyez pas étonné si je
deviens fou » et il déclare qu’il se trouve dans un très mauvais état. À partir du 18,
il retombe dans une démence presque continue et ne parle plus que des décrets
éternels, des attaques à la religion… Il veut s’immoler pour le salut du genre
humain. Au cours de la semaine, il a quelques instants de lucidité et demande à se
confesser. Le 28, dimanche de la Fête-Dieu, il récupère presque entièrement le
bon sens durant toute la journée, mais, durant la nuit, il retombe et le lendemain il
ne dit presque pas une parole. Il a des moments de fièvre très haute, accompagnés
de délires et d’hallucinations . Il est transporté à l’hôpital. La nuit du 29 au 30, il est
une heure et demie du matin, il se lève dans un moment de distraction de ceux qui
veillent sur lui, il ouvre la fenêtre et tombe de celle-ci, mourant sur le coup.
ET MOI?, ET NOUS?
Ainsi s’acheva la vie de notre fondateur, le père André. Son rêve d’accueillir les enfants et
les jeunes abandonnés pour leur donner une éducation et un avenir est-il mort, brisé
contre le sol d’une cour d’hôpital? Après sa mort, on commença à éprouver les
symptômes d’une autre mort : celle de ses frères. Quelques années après tous prédisaient
la mort de la congrégation qu’ils considéraient dans un état d’agonie, sans aucune
possibilité de survie.
Mais, il y eut des frères qui crurent à la “résurrection” du père André, qui crurent que son
projet ne pouvait pas échouer. Cette histoire n’allait pas se terminer là! Ils s’appelaient
Xavier, Polycarpe… ; leur foi et leur ténacité obtinrent le miracle.
Aujourd’hui, quand quelques-uns éprouvent des symptômes de mort parmi nous et
annoncent que nos jours (nos années) sont comptés, nous avons besoin de Xaviers et de
Polycarpes qui rendent possible de nouveau le miracle de faire en sorte que le rêve
d’André continue à être bien vivant jusqu’à ce que Dieu le veuille.
Seigneur, nous sommes un petit groupe de frères réunis en ce jeudi Saint, mais nous
désirons te dire : « Compte sur nous ». Nous sommes les héritiers et nous ne voulons pas
perdre l’héritage. Un héritage qui n’est pas pour notre avantage, qui ne consiste pas en
questions d’argent ou de pouvoir, mais de cœurs qui continuent à accueillir tant d’enfants
et de jeunes qui espèrent que quelqu’un les écoute, les aime et les éduque.
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