Ressources complémentaires au chapitre 8 – (2)
Le taylorisme au XXI° siècle : survie et
adaptation d’un mode de management
Le Taylorisme est une des plus anciennes méthodes de gestion de la production. Né avec le développement de l’industrie au
XIX° siècle, extrêmement innovante à l’époque, elle a été peu à peu contestée. Caricaturée dans « Les Temps Modernes », on
lui reproche de déshumaniser totalement l’employé, le transformant en machine à exécuter des tâches répétitives. Dans le
cadre du taylorisme et de ses dérivés, l’ouvrier ne serait qu’un exécutant qui ne doit pas penser.
Formulée ainsi, cette méthode d’organisation du travail semble en totale contradiction avec les avancées plus récentes du
management, qu’il s’agisse, par exemple, des cercles de qualité, de la gestion participative, ou, d’une manière générale, de
tout type d’organisation visant à améliorer la production en responsabilisant l’employé.
Il parait donc surprenant que les méthodes dérivées du Taylorisme soient encore aujourd’hui en vigueur, sur toute la planète.
A quel besoin répondent-elles donc de façon efficace pour que des organisations aussi différentes que Toyota, Amazon,
MacDonalds, des grands call centers, voire même des grands cabinets d’audit, les appliquent, au moins de façon partielle ? Et
comment peut-on, dans un environnement où les besoins des employés vont largement au-delà de primes, manager
efficacement des équipes dans un tel contexte ?
Le taylorisme : la rationalisation de la production permet la réduction des conflits sociaux
Au XIX° siècle, le développement industriel change radicalement l’organisation du travail, et la qualification de l’exécutant.
On passe d’un système artisanal, dans lequel l’artisan va, à travers un long apprentissage, maîtriser peu à peu toutes les phases
de son travail, et gérer lui-même l’organisation de son temps, à des usines, qui doivent faire travailler de façon efficace,
immédiatement, des ouvriers non qualifiés, selon une organisation complexe qui ne peut laisser de place aux variations
individuelles.
Cette évolution s’est accompagnée d’une grande paupérisation de la classe ouvrière, qui travaille de plus en plus pour un
salaire très faible… et qui se révolte, dans des grèves parfois coûteuses.
L’objectif du Taylorisme est de répondre à l’ensemble de ces difficultés : permettre une amélioration de la productivité par la
rationalisation, l’imposition de la « meilleure méthode » à tous ; cette amélioration de la productivité doit permettre une
augmentation des salaires suffisante pour éviter les grèves et les protestations.
On est au premier niveau de la fameuse pyramide de Maslow, celui des besoins primaires (gagner suffisamment d’argent pour
manger, boire, dormir), éventuellement au deuxième niveau, celui de la sécurité. C’est l’ère du « travailler mieux pour gagner
plus » où le « mieux » est entendu uniquement comme une amélioration mécanique et organisationnelle.
Né en plein paternalisme, le Taylorisme implique un mode de management unidirectionnel, de celui « qui sait » (l’ingénieur,
le bureau de production, le chef d’atelier), vers celui qui exécute.
La contestation du Taylorisme
La contestation la plus célèbre est la caricature faite par Chaplin dans « Les Temps Modernes », où l’ouvrier est un rouage
traité par la chaine de production, comme n’importe quel autre composant.
En réalité, dès cette époque, et surtout lors des Trente Glorieuses, la pyramide des besoins a profondément évolué : en période
de forte croissance et de plein emploi, les employés n’ont plus aucune difficulté à satisfaire les deux premiers niveaux de la
pyramide, et sont donc d’autant plus sensibles aux défauts des organisations induites par le taylorisme :
Problèmes physiques liés à la répétition des mêmes gestes,
Démotivation et aliénation, le taylorisme ne laissant aucune place à la reconnaissance de l’individu, à ses capacités
créatives et à son apport personnel à l’organisation
Alors que le Taylorisme avait été en son temps une avancée dans les méthodes de management et la doctrine sociale, il
apparaît en décalage avec son temps. Né aux Etats-Unis, le Taylorisme va évoluer profondément dans le Japon des années
soixante, avec la mise en place de systèmes qualitatifs, dont le double effet sera de :
Continuer à améliorer la qualité de la production, et par là la productivité. Il y a toujours, comme dans le taylorisme,
« une seule bonne méthode », simplement celle-ci doit inclure un objectif de qualité maximale
Réintroduire et valoriser la réflexion et le savoir-faire de l’ouvrier : à travers les cercles de qualité, dont le premier se
tiendra en 1962, dans la Compagnie Japonaise des Cables et Télécommunications, le savoir-faire et l’expérience de
l’ouvrier sont utilisés dans le processus continuel d’amélioration.
Cette modification est essentielle : au lieu d’être un processus extrêmement hiérarchisé, qui impose une méthode à l’ouvrier,
le cercle de qualité remplace l’organisation pyramidale par un flux continu, qui permet de « renvoyer » aux bureaux d’études
les constations faites sur la chaîne de production et les améliorations proposées.
Le constructeur automobile japonais poussera au maximum les principes du taylorisme revisité, et exportera même ses
méthodes chez Amazon
De plus, les ouvriers participant à ces cercles s’attachent aussi à résoudre les problèmes de liés aux problèmes humains : c’est
le « Kaizen », le processus d’amélioration continue basé sur la participation de tous les ouvriers. Avec le Kaizen, les
opportunités de valorisation ne sont plus limitées aux participants des cercles de qualité, mais ouvertes à tous les employés.