Les recherches de la Copenhagen Business School ont confirmé que ce modèle hybride est doublement
vertueux : d'une part, la performance économique des entreprises ainsi contrôlées est aussi bonne, voire
supérieure, à celles des entreprises capitalistes classiques ; d'autre part, ces fondations protègent l'emploi et
permettent de maintenir le patrimoine économique sur le territoire national tout en finançant l'intérêt général.
Aujourd'hui, nombre d'ETI ont fait ce choix lors de la transmission de l'entreprise (comme Playmobil,
récemment, en Allemagne).
Au-delà du Danemark, qui en a la plus forte concentration, il y a indéniablement un modèle nord-européen des
fondations actionnaires à étudier de près : elles sont un millier en Allemagne (dont Bosch, Bertelsmann, Carl
Zeiss par exemple), un millier en Norvège, et 50 % de l'économie suédoise appartient à seulement
10 fondations actionnaires (Ericsson, Electrolux, Saab...).
En France, ce modèle de transmission et de gouvernance des entreprises reste largement méconnu. Seuls les
groupes La Montagne et Pierre Fabre sont majoritairement détenus par des fondations reconnues d'utilité
publique, et quelques pionniers, comme pour le groupe Mérieux ou Sofiprotéol, ont des fondations à leur
capital, de façon significative.
Pourtant, les fondations reconnues d'utilité publique (FRUP) actionnaires d'entreprises sont clairement
autorisées en France depuis la loi Jacob-Dutreil de 2005, et rien n'empêche un fonds de dotation (structure
beaucoup plus souple) de détenir les parts d'une entreprise, à condition - dans les deux cas - que leur mission
soit d'intérêt général. Mais de nombreuses contraintes demeurent, et nous avons de cet intérêt général une
vision encore trop restreinte.
Des fondations d'intérêt économique, dont la mission première serait la protection de l'emploi, le maintien de
l'activité économique et du patrimoine industriel sur le territoire national, la sanctuarisation du capital d'une
entreprise française dans une perspective de long terme (ce qui n'est pas reconnu d'intérêt général) et,
parallèlement, le soutien à des causes philanthropiques, sont clairement à encourager. Car une fondation sait
parfaitement gérer une entreprise, si elle a des administrateurs compétents, et poursuivre à la fois des missions
d'intérêt général.
Plus simple que la FRUP et plus contraignant que le fonds de dotation, un tel statut pourrait séduire nombre
d'actionnaires familiaux à l'heure de la transmission de leur entreprise (700.000 entreprises familiales devraient
être transmises dans les quinze prochaines années en France). Il pourrait également attirer une nouvelle
génération d'entrepreneurs qui ne se reconnaît plus dans la dichotomie dépassée « lucratif-non lucratif », et
recherche des modèles hybrides.
Ne nous privons pas d'inventer une nouvelle voie, conciliant capitalisme et promotion du bien commun.
Virginie Seghers et François Zimeray
Virginie Seghers , est présidente de Prophil ; François Zimeray est ambassadeur de France au Danemark.
A noter : la première conférence sur les fondations actionnaires aura lieu le 20 septembre au ministère
de l'Economie et des Finances.