Certains media ont estimé qu’il s’agissait là d’une prise de position de la Cour de Cassation
sur la valeur même de la vie. Reconnaître un préjudice au plaignant, c’était reconnaître que
dans certains cas la non-existence puisse être préférable à la vie.
D’un autre côté, les soutiens à l’arrêt Perruche faisaient valoir que l’Etat ne prenait pas assez
en charge les handicapés, et que dans ces conditions il était légitime de préférer l’avortement.
Problème de cause : est-ce la rubéole ou l’erreur de diagnostic ?
Le droit de la responsabilité reconnaît que la relation patient-médecin est une relation
contractuelle : il peut y avoir faute. Mais il existe une autre jurisprudence : celui qui cause des
dommages doit les réparer, même si les dommages sont causés à un tiers qui n’est pas partie
au contrat
. L’arrêt ne faisait que réaffirmer un des principes du droit de la responsabilité
selon lequel il y a obligation de réparer tout préjudice causé à autrui. Dans ce cas on pouvait
donc dire qu’il y avait une faute du médecin à l’égard des parents. Il se trouve que cette faute
entraînait, dans ce cas précis, un préjudice pour un tiers, à savoir l’enfant à naître.
Ce que disait l’arrêt : réparation du handicap (= vie) due à l’enfant (= parents)
Le préjudice est une perte de chance d’éviter de subir les conséquences du handicap, mais pas
la vie elle-même. On peut donc séparer la vie et le handicap
Les problèmes de fond : dissociation entre le handicap et la personne. L’avortement comme
droit discrétionnaire de la mère dans les limites procédurales médico-étatiques
La Cour avait très nettement séparé la naissance du handicap. Elle avait considéré que seul le
handicap constituait un préjudice. Donc les accusations faites à la Cour de porter un jugement
de valeur sur la vie étaient infondées. Question : comment la dissociation entre le fait de vivre
et le fait d’être handicapé peut-elle être opérée ?
Ensuite, il n’est pas vrai de dire que l’arrêt de la Cour permettrait dans le futur à des enfants
de porter plainte contre leurs parents pour leur avoir donné la vie. En effet, dans ses attendus
la Cour affirmait le caractère discrétionnaire du pouvoir d’avorter de la mère. Et à partir du
moment où il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire, il ne peut être contesté devant une Cour.
Reconnaître un droit de naître dépourvu de handicap grave ? Définition substantielle et
collective du handicap et contrepoids au pouvoir de la mère
L’arrêt posait cependant un certain nombre de problèmes fondamentaux :
- La dissociation entre la personne sujette de droit et son handicap. La Cour a considéré
qu’on pouvait avoir une idée de ce qu’aurait été Nicolas Perruche sans son handicap.
Le droit n’est pas étranger à ce genre de dissociations, mais il y a ici un problème
particulier. On pourrait se demander dans quelle mesure le projet parental détermine-t-
il, ou doit-il déterminer, l’identité de l’enfant ?
- Le juge s’appuyait sur une interprétation très large de la liberté d’avorter. Si la loi de
1975 dépénalise l’IVG pendant les 10 (à présent 12) premières semaines de grossesse,
cette loi ne dit pas qu’une liberté du même type est applicable lorsque la grossesse est
Manin n’a pas parlé de la responsabilité sans faute dans le domaine médical. Il fau évidemment combler les
lacunes de ce cours à l’aide des Grand arrêts de la jurisprudence administrative, arrêts CE Ass. 10 avr. 1992,
EPOUX V. et CE 9 avr. 1993, Bianchi