ENJEUX POLITIQUES
prise de note des cours de Bernard Manin
Plan détaillé du cours, bibliographies et autres références :
http://coursenligne.sciences-po.fr
III. CULTURE, TECHNIQUE ET MOEURS
(4 séances)
Jugement de valeur de la présidence de l’ADC : un mauvais crû de l’ami Manin. En effet, la
progression de ce cours est inexistante se fonde sur une seule dimension d’analyse. Cela
ressemble à une mauvaise disserte de terminale qui se répète en boucle.
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4. LIBERTE ET MAITRISE DE LA VIE
(Séance du 28/05/2002)
Introduction
Accroissement du pouvoir sur la vie : contraception, avortement, diagnostic
prénatal, procréation artificielle, diagnostic pré-implantatoire, génétique moléculaire.
Discontinuités ? Identifier les césures
La question de la détermination du génome de leurs enfants par les parents se pose
actuellement, au vu des nouvelles techniques de procréation et de sélection génétique. Il existe
un pouvoir accru de ceux qui engendrent sur ceux qui sont engendrés.
Tout commence avec les nouvelles techniques de contraception qui permettent de choisir. La
libéralisation qui a lieu avec la loi de 1975 (qui dépénalise l’interruption de grossesse sous
certaines conditions) distingue deux cas : l’IVG (V = Volontaire) pendant les 10 premières
semaines (désormais portées à 12), pour « détresse », et d’un autre côté, pour « risque
médical » : l’interruption de grossesse est possible pendant toute la durée de la grossesse, avec
des précautions et des avis médicaux. Il s’agit alors d’une ITG (T = Thérapeutique).
Des techniques nouvelles permettent aujourd’hui de déceler les maladies ou malformations
potentielles de l’enfant à naître.
La procréation artificielle (par exemple : procréation médicalement assistée : fécondation in
vitro), est également devenue une technique bien rodée.
Le diagnostic pré-implantatoire consiste, dans le cadre d’une fécondation in vitro, à repérer le
génome pour déterminer si l’équipement génétique de l’embryon présente des anomalies ou
des caractéristiques néfastes.
Comment interpréter cette évolution vers plus de liberté de la mère face à la procréation ?
Première possibilité : la contraception aurait ouvert la boîte de Pandore vers la
déshumanisation. Ou bien : il n’est pas sûr, même si on peut parler de choix, que l’on ne
puisse pas voir des discontinuités entre toutes ces techniques : la contraception ne constitute
pas une atteinte à un être vivant potentiel, quoiqu’ait pu être l’évolution de la doctrine de
l’Eglise sur ce sujet, à l’inverse de cas de l’avortement.
Y a-t-il des césures dans le processus qui pose un problème nouveau du point de vue moral ?
Ces différentes techniques font apparaître la possibilité de choisir le matériel génétique de
l’enfant ainsi que la possibilité de choix par la négative.
Un eugénisme démocratique et libéral ? Biopouvoir individualisé ?
De toute part, on voit poindre des accusations d’eugénisme envers les parents trop
« exigeants » sur la qualité du génome de leurs enfants. Or ici il s’agit d’une sélection
individualisée, décentralisée, par chaque couple, et non d’eugénisme au sens premier, qui
relèverait d’une politique autoritaire et organisée à grande échelle et centralisée (comme cela
avait pu être le cas sous le régime nazi).
On observe donc la croissance d’un biopouvoir (concept foucaldien
1
) : un pouvoir qui
s’exerce positivement sur la vie, qui entreprend de la gérer par des contrôles.
Sur quoi fonder des règles pour ce pouvoir ? Re-sacraliser ? Invoquer la nature
éternelle ? Une autre voie ?
On peut noter des césures fondamentales qui focalisent sur la question de savoir quand et
commence la vie : soit entre la contraception et tout le reste (notamment l’avortement), soit
jusqu’à la mise au monde. Il y a cependant un consensus pour qualifier tout ce qui précède la
naissance de spécifique, et accorder un statut particulier par exemple à l’embryon, et en tout
cas mener des réflexions d’ordre éthique sur ce moment particulier qu’est la gestation.
Problème : sur quels principes, de quelle façon fonder les règles de la bioéthique ?
On peut dire, par exemple, que le génome humain est sacré et qu’on ne peut y toucher, de
quelque manière que ce soit. Cela aboutit à la nécessité de raviver la flamme de cette
sacralité ; or il n’y a pas de consensus sur ce point, et la démocratie impose de respecter la
diversité des conceptions fondamentales du bien et de la nature humaine parmi la population.
On tombe alors sur le problème de la tentative d’identification à Dieu.
Deuxième solution : la nature éternelle qui régit la reproduction de l’humanité depuis des
générations est « bafouée ». Problème de cet argument : il faut montrer en quoi la naturalité
1
La volonté de savoir
est une valeur. Les propositions « il en a toujours été ainsi », « tu enfanteras dans la douleur »
constituent-ils des normes de valeur réelles ? Il est permis d’en douter.
Une troisième solution consiste alors à fonder les critères pertinents sur les conditions de la
liberté des générations futures. L’humanité a acquis un pouvoir sur elle-me. Qui l’exerce et
sur qui ? A qui revient-il ?
Trois objets de débats : l’arrêt Perruche (2000) et la loi de 2002. Clonage
thérapeutique et clonage reproductif. Diagnostic pré-implantatoire
La décision Perruche de la cour de cassation en date du 16 novembre 2000 :
Les faits : Mme Perruche, atteinte de la rubéole, souhaitait avorter si jamais c’était le cas.
Mais le diagnostic médical n’a pas décelé la maladie de la mère. Au motif qu’il est né
handicapé, Nicolas Perruche a été dédommagé de sa naissance. Cela a suscité un grand
scandale et un immense débat médiatique.
Une loi a été votée au début de l’année 2002 qui vise à mettre fin à la jurisprudence qui
voudrait qu’on puisse être dédommagé des préjudices du fait de sa naissance : nul ne peut se
prévaloir du préjudice d’être né handicapé. Toutefois, si une faute médicale peut être
démontrée, la loi accorde indemnisation aux parents de la charge représentée par l’enfant. Le
handicap relève alors de la prise en charge sociale.
On peut faire un rapprochement avec les récentes lois sur la bioéthique originellement votées
en 1994 : elles interdisent le clonage thérapeutique, en plus du clonage reproductif.
Enfin, la question des diagnostics pré-implantatoires a suscité un même mouvement.
Sur toutes ces problématiques et en particulier Perruche, lire Marcella Iacub : Penser les
droits de la naissance. Paris PUF 2002
I. Objets de débats
1.1. L’arrêt Perruche
Les faits : de l’arrêt du 16 novembre 2000 à la loi de janvier 2002
Une mère qui avait exprimé sa volonté d’avorter en cas de rubéole ne l’avait pas fait sur la foi
d’un rapport médical attestant qu’elle était saine. Or ce diagnostic était faux, et l’enfant
était gravement handicapé. A l’adolescence, ce dernier a porté plainte pour préjudice du fait
de sa naissance.
La loi dit désormais : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait d’être né
handicapé ».
Les positions prises dans le débat public : largement en porte-à-faux (la vie humaine
comme préjudice vs faire droit à l’existence souffrante)
Certains media ont estimé qu’il s’agissait d’une prise de position de la Cour de Cassation
sur la valeur même de la vie. Reconnaître un préjudice au plaignant, c’était reconnaître que
dans certains cas la non-existence puisse être préférable à la vie.
D’un autre côté, les soutiens à l’arrêt Perruche faisaient valoir que l’Etat ne prenait pas assez
en charge les handicapés, et que dans ces conditions il était légitime de préférer l’avortement.
Problème de cause : est-ce la rubéole ou l’erreur de diagnostic ?
Le droit de la responsabilité reconnaît que la relation patient-médecin est une relation
contractuelle : il peut y avoir faute. Mais il existe une autre jurisprudence : celui qui cause des
dommages doit les réparer, même si les dommages sont causés à un tiers qui n’est pas partie
au contrat
2
. L’arrêt ne faisait que réaffirmer un des principes du droit de la responsabilité
selon lequel il y a obligation de réparer tout préjudice causé à autrui. Dans ce cas on pouvait
donc dire qu’il y avait une faute du médecin à l’égard des parents. Il se trouve que cette faute
entraînait, dans ce cas précis, un préjudice pour un tiers, à savoir l’enfant à naître.
Ce que disait l’arrêt : réparation du handicap (= vie) due à l’enfant (= parents)
Le préjudice est une perte de chance d’éviter de subir les conséquences du handicap, mais pas
la vie elle-même. On peut donc séparer la vie et le handicap
Les problèmes de fond : dissociation entre le handicap et la personne. L’avortement comme
droit discrétionnaire de la mère dans les limites procédurales médico-étatiques
La Cour avait très nettement séparé la naissance du handicap. Elle avait considéré que seul le
handicap constituait un préjudice. Donc les accusations faites à la Cour de porter un jugement
de valeur sur la vie étaient infondées. Question : comment la dissociation entre le fait de vivre
et le fait d’être handicapé peut-elle être opérée ?
Ensuite, il n’est pas vrai de dire que l’arrêt de la Cour permettrait dans le futur à des enfants
de porter plainte contre leurs parents pour leur avoir donné la vie. En effet, dans ses attendus
la Cour affirmait le caractère discrétionnaire du pouvoir d’avorter de la mère. Et à partir du
moment où il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire, il ne peut être contesté devant une Cour.
Reconnaître un droit de naître dépourvu de handicap grave ? Définition substantielle et
collective du handicap et contrepoids au pouvoir de la mère
L’arrêt posait cependant un certain nombre de problèmes fondamentaux :
- La dissociation entre la personne sujette de droit et son handicap. La Cour a considéré
qu’on pouvait avoir une idée de ce qu’aurait été Nicolas Perruche sans son handicap.
Le droit n’est pas étranger à ce genre de dissociations, mais il y a ici un problème
particulier. On pourrait se demander dans quelle mesure le projet parental détermine-t-
il, ou doit-il déterminer, l’identité de l’enfant ?
- Le juge s’appuyait sur une interprétation très large de la liberté d’avorter. Si la loi de
1975 dépénalise l’IVG pendant les 10 (à présent 12) premières semaines de grossesse,
cette loi ne dit pas qu’une liberté du même type est applicable lorsque la grossesse est
2
Manin n’a pas parlé de la responsabilité sans faute dans le domaine médical. Il fau évidemment combler les
lacunes de ce cours à l’aide des Grand arrêts de la jurisprudence administrative, arrêts CE Ass. 10 avr. 1992,
EPOUX V. et CE 9 avr. 1993, Bianchi
désirée mais qu’une information postérieure à la grossesse conduit la mère à refuser
l’enfant. Car alors il ne s’agit plus de ne pas vouloir « d’enfant », mais plutôt de ne pas
vouloir « cet enfant- ». L’avortement pour raisons médicales après 12 semaines
dépend aussi de la mère, sans critère fondamental de choix (trisomie 21, bec de lièvre,
myopie ?) même s’il existe des garanties procédurales essentielles.
On a ici interprété le droit à interrompre une grossesse comme le droit à choisir son enfant.
On peut alors se demander si on ne va pas vers une sorte d’« eugénisme libéral », même s’il
s’agit ici plus d’éliminer des traits « défavorables » que de choisir des traits « favorables ».
Question : selon quels standards ces traits sont-ils considérés comme favorables ou
défavorables ?
Marcella Iacub propose d’aller jusqu’au bout de la reconnaissance du droit à ne pas naître
handicapé, en rendant possible des poursuites d’enfants contre leurs parents au motif que des
précautions pour éviter le handicap n’ont pas été prises. Elle propose d’introduire dans le droit
positif ce droit à ne pas naître affecté d’un handicap grave. Deux arguments justifient sa
position :
- C’est la contrepartie de l’interprétation qui a été donnée de la loi de 1975 : à partir du
moment on peut éliminer un certain nombre de traits chez sa descendance, on
consacre un pouvoir de la mère qu’il faut contrebalancer par un sentiment de
responsabilité vis-à-vis de l’enfant à naître. Ceci pourrait être assuré par un pouvoir de
l’enfant a posteriori d’attaquer sa mère ;
- Si on règle le problème par une décision collective, on néglige les libertés
individuelles.
Interprétation de l’arrêt par Iacub : Problème de la substituabilité des embryons permet de
mesurer en tant que construction juridique ce handicap sans pour autant porter un jugement
sur la vie : la vie portée par touts les embryons possibles
Un droit sans contrepartie de la mère. Source de problème.
1.2. La question du clonage
Définitions, distinction entre clonage reproductif et non-reproductif
Le clonage est une technique qui permet de reproduire à l’identique une personne biologique
par transfert du noyau de l’une de ses cellules somatiques adultes déjà différenciées vers un
ovule énucléé, par transfert du matériel génétique de l’un vers l’autre. Révolution : des
cellules déjà différenciées par fonctions peuvent redevenir totipotentes, comme celles d’un
embryon.
Le clonage non-reproductif est à but thérapeutique : il consiste à inciter les cellules
redevenues totipotentes à se spécialiser sous la forme d’un tissu organique spécifique, selon
les besoins médicaux du malade : muscle, foie, etc. Ici il ne s’agit pas de reproduire la totalité
d’une personne à l’identique, mais seulement une partie de son corps en vue de son
remplacement sans rejet immunitaire.
Le clonage reproductif : une interdiction antérieure a ses raisons. France, UE, Unesco
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