Histoire de la France révolutionnaire Huitième cours : Le Second Empire (1852-1870) 1 – Évolution politique 1.1 – L’empire autoritaire (1852-1860) — Louis-Napoléon Bonaparte, né le 20 avril 1808, est le fils de Louis Bonaparte et d'Hortense de Beauharnais, fille de l'impératrice Joséphine. Après la chute de l’Empire, il passe sa jeunesse sur la rive suisse du lac de Constance, où il développe une vaste culture. — Son implication politique commence dans les années 1830, alors que, toujours banni du territoire français parce que descendant de Bonaparte, il tente un soulèvement en 1836 à Strasbourg avec quelques partisans, dans le but de s’emparer de la ville et de marcher sur Paris, mais la tentative échoue lamentablement. Il est banni de France par le gouvernement et s’embarque pour les États-Unis, d’où il reviendra l’année suivante muni d’un faux passeport. — En 1840, profitant du Retour des cendres, il tente un nouveau coup d’État, qui échoue rapidement et qui entraîne son incarcération et sa condamnation à la prison à perpétuité. Il restera en détention jusqu’en 1846, mettant à profit cette période, relativement confortable, pour développer son programme politique (dont son Extinction du paupérisme, texte fortement teinté de l’idéalisme saint-simonien), puis parvient à s’évader. Il se réfugie à Londres, d’où il reviendra à la faveur de la révolution de 1848. Rapidement, il fédère autour de son nom une grande partie de la population, ce qui conduit à son éclatante élection de 1848. — Il est difficile de définir la personnalité de l’empereur. En privé, c’est un homme bienveillant. Plus conventionnel que son illustre oncle, il est intelligent et, fils de son temps, porte aux problèmes économiques et sociaux un grand intérêt. Il éprouve une grande admiration pour l’Angleterre, qu’il connait bien. Politiquement habile, il parvient rapidement après son arrivée en politique, à transformer sa popularité, qui s’appuyait d’abord sur son célèbre nom, en renommée personnelle. — Habitué des conspirations auxquelles son nom l’a contraint, il est peu disert sur ses objectifs, qu’il poursuit cependant avec entêtement et habileté, sans toujours respecter la forme qu’imposent normalement les structures gouvernementales. Mais on lui a par ailleurs reproché, surtout vers la fin du règne, une tendance à l’indécision, peut-être à cause de la détérioration de son état de santé. — Sa conception de l’État le rapproche grandement de son oncle et comme lui, il croit en une démocratie limitée par le grand pouvoir du chef de l’exécutif et il se méfie du parlementarisme, qu’il considère inféodé aux intérêts particuliers. C’est pourquoi, et malgré une certaine gêne devant la manifeste entorse aux principes libéraux qu’il admire, il se convainc de la légitimité de son coup de force de décembre 1851. — C’est ainsi que les restrictions à la liberté doivent disparaître lorsque les bases du régime seront solides : la monarchie anglaise n'est pas contestée et c'est pourquoi elle peut accorder plus de liberté. En France, la liberté devra être différée et ne pourra s’étendre que lorsqu'elle ne mettra plus en danger la stabilité de l’État. — Encore célibataire au moment de son coup d’État, l'empereur épouse en janvier 1853 une jeune fille de grande noblesse espagnole, Eugénie de Montijo, dont il aura en 1856 un fils. L'impératrice préside une cour cosmopolite peu fréquentée par la vieille aristocratie. Elle s’intéressera peu à peu à la politique et son influence s'exercera dans le sens des intérêts catholiques et conservateurs. 2 — Les ministres des premières années sont surtout des orléanistes, car il n’y a pas à ce moment de bonapartistes disposant des compétences nécessaires. La plupart sont des bourgeois préoccupés du maintien de l'ordre. — L'empereur est à la fois chef d'État et chef du gouvernement. Pendant la première partie du règne, il ne permet pas au Conseil de discuter des affaires, lesquelles sont traitées dans son cabinet avec le ministre compétent. Mais le pouvoir de l'empereur n’est pas absolu, ses capacités n’étant pas celles de son oncle et n'ayant pas à sa disposition une équipe d'hommes partageant ses idées. — Il doit faire avec le Conseil d'État, maître du mécanisme législatif, composé de bourgeois conservateurs, qu’il ne parvient pas toujours à convaincre, d’où son désir de le marginaliser. Quant au corps législatif, il est lui aussi à ses débuts composé de notables, loyaux envers le régime plus que vraiment bonapartistes. — Les préfets deviennent des personnages puissants et prestigieux, petits empereurs dans leur département. Ils font les élections, en appuyant de toute leur autorité les candidats officiels, notamment auprès des maires nommés par eux (ou par l'empereur dans les grandes villes) et des fonctionnaires de toutes les administrations. Les réunions sont interdites et les candidats de l'opposition, qui n'ont pas le droit de faire imprimer leurs affiches sur papier blanc comme ceux du gouvernement, ne peuvent répondre efficacement à une telle pression. — La presse républicaine a été presque entièrement supprimée après le coup d'État, par la mise en place d’un système de pénalités graduées, infligées par l'administration et allant de l'avertissement à la suppression en passant par la suspension, la contraint à une autocensure minutieuse. — L'administration centralisée est l'armature du régime, alors que les forces de l'ordre et l'Église en sont les appuis. La police du régime voit ses effectifs passer de 5 200 à 12 150 hommes, qui surveillent les centres urbains, alors que la gendarmerie assure ce rôle dans les campagnes et recrute ses membres dans l'armée. — Si celle-ci a permis la réussite du coup d’État, elle n'en a pas pris l'initiative, qui est le fait de civils, et n'a fait qu'obéir aux ordres du ministre de la Guerre, Saint-Arnaud, mais Napoléon III, fidèle à l’esprit de son oncle, la tient en grande estime et va l’utiliser pour asseoir son pouvoir. Elle deviendra peu à peu bonapartiste, surtout dans la garde impériale, corps d'élite. — S’il y a opposition entre la doctrine de l'Église, qui est alors théocratique, et les principes proclamés par l'Empire, issus de la Révolution, le clergé estime avoir été sauvé d'une autre vague d’anticléricalisme et considère l’empereur comme son sauveur et seul le clergé légitimiste tardera à se rallier. — Jusqu'en 1860, l'opposition est nulle ou inefficace. Les monarchistes sont très affaiblis par leur division, entre légitimistes, courant en perte de vitesse, très lié à la religion et considéré par la grande majorité du pays comme un avatar du passé et orléanistes, beaucoup plus modernes et attachés aux idéaux libéraux du XVIIIe siècle. — Pour les uns et les autres, l’amertume de la défaite est compensée par la satisfaction de voir réduits à l'impuissance leurs ennemis républicains, dont les organisations ont été décimées au cours de la répression qui a suivi le coup d’État. L'activité de ses exilés se perd en querelles vaines et à Paris, ce qui reste du parti tente de rassembler le peuple autour d’obsèques d'hommes célèbres. En province, quelques-unes des sociétés secrètes de la IIe République survivent. Si les complots contre l'empereur sont nombreux, ils sont mal organisés et rapidement déjoués par les forces de sécurité. — Les élections législatives de 1852 se sont déroulées sans que l'opposition ait pu se manifester et ont permis l'élection de la quasi-totalité des candidats officiels, qui formeront peu à peu un parti bonapartiste qui s’appuie sur trois fondements : la gloire nationale attachée au nom de l’empereur, les idéaux de 1789 et la légitimité du chef de l’État. — C'est dans les campagnes que ces fondements se diffusent et s’y maintiendront le mieux, la paysannerie se montrant reconnaissante des progrès qu’elle constatera dans son niveau de vie. Et pour encadrer cette masse rurale, un bourgeois d’un type nouveau apparaît dans les villages et les petites villes, qui sera l’un des principaux appuis du régime : peu intellectuel, il ne craint pas le peuple et veut un gouvernement ferme. S’il n'aime pas trop les curés, il respecte la religion. — Mais il y existe plusieurs bonapartismes : celui de Napoléon III, à la fois de gauche et de droite, populaire et associé à la bourgeoisie d'affaires, plébiscitaire mais héréditaire, le bonapartisme jacobin et anticlérical, le bonapartisme libéral, composé de ralliés de l’orléanisme et le bonapartisme légitimiste, autoritaire et catholique. 3 — Après les élections de 1857, l'opposition légitimiste disparaît du Corps législatif et l'opposition républicaine y apparaît, d’abord impuissante, mais peu à peu consolidée par l’évolution de la société, de sorte que les promesses de Napoléon quant au caractère temporaire des mesures dictatoriales semblent fondées. — Si l’attentat de 1858 contre Napoléon III provoque un sursaut autoritaire (loi de sûreté générale, conférant au gouvernement un droit discrétionnaire d'expulsion ou d'internement de tout condamné politique, mise en place d’un Conseil privé qui centralise le pouvoir et court-circuite la prise de décision par les institutions), la crise sera passagère et le cours vers la libéralisation reprendra une fois l’émotion calmée. 1.2 – L’empire libéral — Le clergé, qui a longtemps considéré l'Empire comme un rempart contre la révolution, prend ses distances avec l’Empereur dans la foulée de la politique italienne de ce dernier et d'autre part, les industriels et les propriétaires fonciers se plaignent des effets néfastes sur leurs affaires du traité de commerce de 1860 et de ceux qui suivent. — Cette opposition composite, religieuse et économique, n'a pas les moyens de faire prévaloir ses vues et si elle conteste la politique du régime, elle en respecte le principe. C'est donc sans y être contraint que Napoléon III procède à une première réforme libérale, très prudente, pour tenter un rapprochement avec les hommes de gauche qui approuvent sa politique italienne et sa politique libre-échangiste. — Un décret du 24 novembre 1860 donne au Corps législatif, qui s'efforce de créer un climat libéral, le droit de voter chaque année une adresse en réponse au discours du trône. Le gouvernement se fera représenter devant lui par des ministres sans portefeuille. Par ailleurs, le droit d'amendement est élargi. — Aux élections de 1863, légitimistes, orléanistes, protectionnistes et catholiques se rassemblent en une Union libérale et se présentent comme « indépendants ». Ces adversaires modérés ont quinze élus et les républicains dix-sept. Le succès de ces derniers est normal, les nouvelles générations n’ayant pas connu l'impuissance de la IIe République et souffrant de leur mise à l’écart politique. — Napoléon III renvoie son ministre de l'Intérieur et nomme plusieurs membres des cercles libéraux au gouvernement, entre autres Duruy, qui devient ministre de l'Instruction publique et qui ouvre largement l’accès à l’éducation : il multiplie les écoles primaires, étend la gratuité, rétablit les cours d'histoire contemporaine, fonde l'École des hautes études et va jusqu’à créer un enseignement secondaire pour les jeunes filles, suscitant la colère de l’Église, qui considère encore l’éducation des femmes comme son monopole. — Au Corps législatif, Adolph Thiers réclame en 1864 l’élargissement des libertés nécessaires : liberté individuelle et de la presse, liberté électorale (suppression de la candidature officielle) et liberté de la majorité (responsabilité ministérielle). Il devient l'orateur de l'opposition modérée qui va prendre le nom de tiers parti et dont les membres demeurent loyaux au régime. — Le personnel impérial est divisé sur l'attitude à prendre en présence de ce réveil. Si certains veulent maintenir le caractère autoritaire de l'Empire, d’autres sont favorables à une évolution parlementaire. L’empereur, fidèle à lui-même, hésite longtemps, mais l'aventure mexicaine et la défaite autrichienne de Sadowa l’incitent aux concessions et le 19 janvier 1868, il accorde le droit d'interpellation et la participation des ministres aux débats parlementaires, tout en promettant des lois libérales sur la presse et les réunions. — Les bonapartistes autoritaires sont violemment opposés à ces réformes, alors que les républicains les trouvent insuffisantes, car si elles suppriment l'autorisation préalable pour les journaux, elle laisse subsister certaines restrictions. La loi sur les réunions soulève moins de difficultés et autorise les réunions publiques tout en interdisant que les sujets politiques et religieux y soient traités. — Malgré ces concessions, l'opposition républicaine ne cesse de se développer. À peine la loi sur la presse est-elle promulguée que les républicains multiplient les journaux critiques, de sorte que la presse bonapartiste est submergée par une presse hostile au pouvoir. — La nouvelle constitution, ratifiée le 8 mai 1870, est l’œuvre du cabinet Ollivier, en place depuis janvier. Elle fait de l'Empire une monarchie parlementaire, puisque les ministres deviennent responsables devant les chambres, qui ont toutes les deux l'initiative des lois, mais comme ils sont aussi responsables devant l'empereur et que celui-ci peut toujours recourir au plébiscite, notamment pour procéder à une réforme constitutionnelle, le potentiel absolutiste se trouve conservé. 4 — L'empereur use aussitôt de la faculté qui lui est laissée de recourir au plébiscite pour asseoir à nouveau l'autorité dynastique sur la population. Deux ministres libéraux s’opposent à ce geste en démissionnant, mais le plébiscite donne 7 336 000 « oui » contre 1 560 000 « non ». La victoire de l'Empire est éclatante. — Mais la situation sociale ne suit pas la même évolution et les syndicats, tolérés depuis 1866, se multiplient, de même que les grèves, dont la principale cause, la baisse du niveau de vie, est peu à peu évacuée au profit de revendications politiques. En juin 1869, une grève à Firminy donne lieu à un affrontement sanglant entre la troupe et les grévistes. L'agitation s'étend à travers la France et au printemps 1870, l'élite du monde ouvrier est en pleine fermentation. — De sorte qu’après Sedan, une fois l'empereur prisonnier, l'Empire, régime militaire appuyé sur la paysannerie, n'a plus rien à opposer à la révolution parisienne. La question est de savoir qui s'emparera du pouvoir, des républicains modérés ou des socialistes. Le 4 septembre, les socialistes ne dominent pas dans la foule qui, conformément au précédent de 1848, envahit le Corps législatif et se porte à l'Hôtel de Ville où est proclamée la République et constitué un gouvernement bourgeois, dit de Défense nationale, composé de députés de Paris. 2 – Économie et société 2.1 – Évolution économique — Le Second Empire, malaimé dans l’historiographie pour plusieurs raisons, dont sans doute l’éclat plus diffus qu’il projette par rapport à la glorieuse période 1800-1815, est néanmoins fondamental dans l’histoire économique et sociale du pays. Peut-être que sous un autre régime, les transformations fondamentales que vit la France entre 1850 et 1870 auraient de toute façon eu lieu, mais peu importe son rôle direct dans tout cela, c’est bien sous la conduite du neveu de Bonaparte qu’elles se produisent. — Avant le Second Empire, la France est encore pour l’essentiel l'ancienne France, rurale à près de 75 %, issue des tribulations révolutionnaires et enfermée dans son armature conservatrice et protectionniste. Saintsimonien, Napoléon III comprend la nécessité de changer la situation, d’ouvrir la France sur le monde et surtout de faire en sorte que les progrès économiques et sociaux s’entraînent mutuellement. — Il a bien sûr la chance d'arriver au bon moment. Bien qu’il ne puisse compter en matière politique sur une équipe qui partage ses vues, ses collaborateurs dans le domaine économique, aussi fils de leur temps, partagent son souci de faire de la France un État et une société moderne. — Cela doit passer avant tout par le déploiement d’un système bancaire national. À ce moment, l’essentiel des banques privées en France est contrôlé, soit par les banques suisses protestantes, soit par les banques juives allemandes, héritage du vieux fond catholique du pays, qui fait considérer avec suspicion les activités spéculatives et usurières. Les nouveaux organismes financiers qui seront créés feront appel au grand public, comme l’indique le slogan en vogue à l’époque et selon lequel « M. Tout-le-Monde est plus riche que M. de Rothschild. » — En 1852, les frères Pereire fondent le Crédit mobilier, première des grandes banques d'affaires françaises, forme moderne de la banque, dispensatrice des fonds nécessaires à la création et au fonctionnement d'entreprises gigantesques qui ne pourraient sans son concours trouver l’argent nécessaire en quantité suffisante. — Le Crédit mobilier commandite les sociétés industrielles avec son capital, leur consentant des prêts avec l'argent qu'il obtient par le biais d’émissions d'obligations. Sa croissance trop rapide, les dividendes trop élevés qu’elle verse et ses malheureuses spéculations boursières obligeront éventuellement la banque à réduire ses activités. Mais entretemps, elle aura rempli son rôle en finançant des entreprises variées et en apprenant aux autres banques des méthodes de crédit adaptées à la révolution industrielle. — Autre institution de financement, le Crédit foncier est aussi fondé en 1852. Son objectif, comme son adjectif l’indique, se porte avant tout sur le monde agricole, qu’il se propose de moderniser par les mécanismes du prêt hypothécaire. Dans ce domaine précis, ses résultats seront décevants, mais en revanche, l’institution jouera un rôle fondamental dans le domaine immobilier, où elle assura le financement des constructions nécessitées par la transformation des grandes villes. 5 — Si le Crédit mobilier et le Crédit foncier fournissent du crédit à long terme, d'autres établissements se créent pour assurer le crédit à court terme : ce sont les banques de dépôt et d'escompte. Au Comptoir d'escompte (1848), s'ajoutent le Crédit industriel et commercial (1859), le Crédit Lyonnais (1863) et la Société Générale (1864). — Au sommet de l’édifice bancaire trône la Banque de France, qui joue un rôle de régulation et de refinancement pour les institutions privées. Elle a en outre à ce moment absorbé les banques départementales, développe des succursales en province et triple ses avoirs entre 1851 et 1870. — C’est ainsi que la base institutionnelle, jusqu’alors inexistante et ignorée, au fonctionnement d'une économie moderne, est constituée : les épargnants confient leurs épargnes aux établissements de dépôt, qui leur offrent en échange actions et obligations des sociétés industrielles et commerciales émises grâce aux banques d'affaires et qu’ils peuvent négocier en Bourse. L'État exerce un contrôle sur ces activités. — La plus grande entreprise du règne (en dehors du canal de Suez) concerne la construction ferroviaire. Les gouvernements précédents, de 1830 à 1852 avait commencé à s’intéresser au déploiement du réseau de chemin de fer, mais sans grande passion et surtout, sans plan d’ensemble. — Sous l'égide de l'État et du Crédit mobilier, les compagnies fusionnent, rationalisant un secteur très chaotique et en 1858, il ne reste plus que six entreprises, qui se perpétueront jusqu'à la nationalisation de 1936. Cette centralisation aura des résultats remarquables, car si en 1852, le réseau ferroviaire français ne comptait que 3 000 kilomètres, en 1870, il comprendra plus de 18 000 kilomètres. — Le Crédit mobilier fonde de même la Compagnie générale maritime, qui deviendra bientôt la Compagnie générale transatlantique, tandis que la Compagnie des chemins de fer du P.L.M. (Paris-Lyon-Marseille) prend le contrôle des messageries maritimes dont les lignes desservent l'Orient et l'Amérique du Sud. — L'industrie, qui dispose désormais des capitaux nécessaires pour mettre en application les progrès techniques, connaît un essor parallèle au développement bancaire. La chimie transforme la fabrication des colorants et des parfums; la force motrice des machines à vapeur et la consommation du charbon triplent, la production de la fonte passe de 400 000 à 1 400 000 tonnes et celle de l'acier, avec l'introduction du procédé Bessemer, de 283 000 à 1 014 000. La production du textile se mécanise, surtout celle du coton. — L'État se fait lui-même entrepreneur de grands travaux dans un domaine dont il est responsable, celui de l'urbanisme. Car si Paris est au début du siècle une ville pittoresque, elle est aussi chaotique et composée de rues étroites, sales et mal éclairées. Napoléon III pense que l'ordre sera plus facile à maintenir dans une capitale percée de larges avenues, d’autant que, ayant vécu à Londres, il veut s’en inspirer pour que Paris soit une capitale moderne où la circulation sera facile et où les richesses architecturales seront en évidence. — Sous la conduite du préfet de Paris, le Baron Haussmann, qui applique les idées et les plans de l’empereur lui-même, la transformation radicale de Paris prendra près de deux décennies : de vastes boulevards sont percés et des quartiers neufs s’élèvent à l’ouest de la ville, qui voit en outre de nombreux monuments s’élever. — La structure administrative du Paris moderne est aussi élaborée, le nombre d’arrondissements de la capitale passant de 12 à 20, par l’absorption de certaines banlieues. À l’est et à l’ouest, deux grands parcs sont aménagés, de même que de nombreux espaces verts un peu partout dans la ville. Les transformations de surface se doublent de transformations souterraines par le percement d'un réseau d'irrigation et de drainage. — Malgré les reproches fait à l’œuvre d’Haussmann, trop géométrique aux yeux de certains, l’œuvre est colossale. Des travaux du même genre, quoiqu’à une échelle bien plus modeste, modernisent les grandes villes de provinces, notamment Lyon. L’ampleur des travaux, les moyens financiers colossaux de l’entreprise et le climat économique et politique feront par ailleurs de l’aventure une gigantesque affaire de corruption et de trafics d’influence, bien mis en scène dans La curée d’Émile Zola. — Quant à l'agriculture, elle en est encore, au début de l'Empire, aux procédés de culture et aux instruments aratoires du XVIIIe siècle. Compte tenu de la part fondamentale des activités agricoles dans l’économie du pays, c’est un problème qu’il faut impérativement résoudre pour permettre à la France de devenir une puissance économique moderne. — L’archaïsme du secteur est d’autant plus inacceptable que les techniques et les outils modernes sont disponibles, mais il manque de spécialistes et de gens entreprenants pour les diffuser dans un milieu par essence conservateur. C’est pourquoi des institutions d’enseignements spécialisés voient le jour un peu partout. 6 — Le cadre réglementaire est aussi modifié et des lois sur le drainage et le défrichement sont votées. Des crédits sont affectés à de grands travaux dans les Landes et en Sologne. De plus, la construction des grandes voies ferrées et l’amélioration du réseau routier des campagnes assurent la diffusion des méthodes modernes de culture (labourage profond, emploi des machines agricoles modernes, etc.), tout en facilitant la circulation des produits. — Le protectionnisme traditionnel de la France est aussi remis en question par Napoléon III, en dépit du fait que l'industrie et l'agriculture demeurent attachées à ce régime protectionniste leur permettant de produire pour la clientèle nationale à l'abri des droits de douane et donc sans se soucier de la concurrence étrangère : cette situation entraîne une stagnation de la productivité, l’économie française demeurant paresseuse et peu innovante. — Pour ne pas heurter de front les maîtres de l’économie, Napoléon III se contente d'abord de modifier certains tarifs. Puis, après avoir négocié dans le plus grand secret, le Royaume-Uni et la France signent un important traité commercial le 23 janvier 1860, qui abaisse les droits sur les matières premières et les produits fabriqués anglais, de même que réciproquement, sur les spécialités françaises (mode, soieries, vins). — Au cours des années suivantes, des conventions analogues sont signées avec la Belgique, la Prusse, l'Italie, la Suisse, la Suède, les Pays-Bas, l'Espagne, l'Autriche et le Portugal. Imposée par la volonté de l'empereur, cette politique libre-échangiste n'entraîne pas les catastrophes craintes par les protectionnistes et contraint l'industrie française à se moderniser. 2.2 — Société — La production accrue des matières premières, la houille et le fer, et la création de manufactures nécessitent une abondante main-d'œuvre et aboutissent à un accroissement des flux migratoires en provenance des zones rurales vers les grandes agglomérations, comme Paris et Lyon, mais aussi vers les centres industriels et miniers du Haut-Rhin, du Nord et du Pas-de-Calais. — Conséquemment, la population urbaine, qui représentait encore en 1846 le quart de la population totale en constitue les trois septièmes en 1876. L’arrivée de ces nombreuses populations change la nature et la structure des villes, alors que des quartiers purement ouvriers se créent. Cette transformation est précipitée à Paris par la construction dans le centre d’habitations bourgeoises qui contraint les travailleurs manuels à émigrer dans les quartiers périphériques. — La répartition très inégale des revenus contribue elle aussi à accentuer la stratification sociale et la lutte des classes. La bourgeoisie d'affaires est la première à bénéficier du développement de la fortune mobilière, qui double presque en vingt ans. Le profit du capitaliste augmente beaucoup, alors que le salaire réel de l'ouvrier ne varie guère. — De sorte que l'éventail des rémunérations est très ouvert. En haut de l’échelle salariale, les revenus d'un sénateur s'élèvent à 30 000 francs annuellement, alors que ceux d'un ministre sont, au minimum, de 50 000 francs. De même, la loi autorisant le cumul des mandats, certains hauts dignitaires touchent des sommes énormes, dépassant les 250 000 francs annuels. — Dans la classe moyenne, composés surtout de membre de professions libérales, les salaires sont nettement plus faibles, même si tel avocat célèbre ou tel grand notaire peuvent vivre sur un pied assez élevé. En 1867, le salaire des professeurs des classes de rhétorique dans les lycées varie en province de 2 800 à 4 800 francs, alors qu’à Paris, ils touchent de 4 800 à 7 500 francs. Ces chiffres sont à mettre en rapport avec le salaire d’un ouvrier spécialisé, qui en 1853 touche environ 1 000 francs, et vingt ans plus tard, environ 1 300 francs par année. — La bourse et la spéculation permettent à des audacieux de tenter leurs chances et les fortunes se font et se défont. La période est riche en scandales financiers, montages douteux, conflits d’intérêts, etc. L’argent gagné facilement se dépense avec la même légèreté et une vie de plaisir et de frivolité agite les grandes villes, Paris au tout premier chef. — La Cour donne elle-même l'exemple par sa manière puérile de s'amuser et les milieux mondains suivent le mouvement. Les restaurants à la mode, les théâtres offrent le spectacle d'une société mêlée, insouciante, prodigue et de mœurs libres, que l’historiographie a qualifié de fête impériale. — Cette fête a commencé à se manifester à la fin de la monarchie de Juillet et continuera tout au long de la IIIe République. Elle est le fait d'une petite minorité de quelques milliers de personnes, alors que pour les 7 quelques autres 35 millions d’habitants, les comportements ne changent guère. Expression d'un capitalisme jeune et sans frein, elle est illustrée éloquemment par les deux expositions universelles du règne, en 1855 et 1867. — En ce qui concerne les ouvriers, dont le nombre s’accroit constamment au cours des deux décennies du Second Empire, le gouvernement fait preuve de réalisme et adopte une politique de la main tendue, comme en fait foi la loi sur les coalitions de 1864, qui permet une certaine forme d’association au monde ouvrier, politique confirmée au cours des années suivantes par la tolérance en matière de réunion et d'association dont fait preuve le gouvernement. — De ce point de vue, la politique de Napoléon III a contribué à la naissance du mouvement ouvrier, mais paradoxalement n'a pas empêché celui-ci de s'orienter rapidement vers la lutte contre le régime. Malgré tout l'empereur persévère dans cette voie. — Plusieurs banques se créent pour financer les associations ouvrières (l'une d'elles est même subventionnée personnellement par l'empereur) et la loi de 1867 sur les sociétés leur donne un cadre juridique approprié. — Mais c'est surtout à l'occasion de l'Exposition de 1867 que le gouvernement tente un nouvel effort social d'envergure. Des délégués ouvriers élisent une commission qui siège pendant deux ans comme un parlement du travail. Son activité aboutit à la multiplication des chambres syndicales, à la création de caisses d'assurances facultatives sur la vie et contre les accidents du travail et à des projets de loi visant à créer une inspection du travail et à organiser des retraites ouvrières, dont plusieurs ne verront pas le jour, pour cause d’effondrement du régime. 2.3 – Idées — Le romantisme n'est pas mort seulement dans la vie politique et sociale, car les progrès de la science favorisent le positivisme de Renan, Comte et Littré, qui se proposent d’organiser la société scientifiquement, en appliquant les méthodes développées depuis plus d’un siècle et appliquées en sciences naturelles. — L'histoire et la critique deviennent elles aussi scientifiques, avec Fustel de Coulanges et Sainte-Beuve. Jusqu'à la littérature qui se trouve contaminée par ce courant, malgré les protestations des derniers romantiques, tels Théophile Gauthier et Leconte de Lisle. L'observation sociale se substitue au culte du moi et l’époque glorieuse de la poésie apparait dépassée. Les genres en vogue sont le roman (Flaubert, les Goncourt), la comédie de mœurs et la pièce à thèse (Émile Augier, Alexandre Dumas), l'opérette. — On constate la même évolution dans les arts, mais elle échappe à la bourgeoisie régnante, qui en reste au romantisme ou au classicisme le plus académique, poursuivant ici le combat perdu des poètes. Malgré l’essor de l’impressionnisme à la fin du règne, la bonne société demeure imperméable à ce retour du sujet. D’où le Salon des refusés, qui permettra à ces peintres novateurs de se faire connaître du grand public. — C'est surtout en dehors du régime que s'épanouit le réalisme littéraire, qui apparaît comme une menace contre la société et contre tout ce qui la garantit, les mœurs, la morale, la religion. Baudelaire est condamné à trois mois de prison, Flaubert est traîné en justice. — En matière de philosophie politique, deux courants se partagent la période. L'histoire du XIXe siècle est celle du libéralisme et les intellectuels de l'époque estiment que l'Empire constitue simplement une parenthèse scandaleuse à cette évolution débutée en 1789. Rien d’étonnant à ce qu’il rejette un régime qui leur apparaît archaïque. — Les grands noms de l'orléanisme, comme Guizot ou Thiers trouvent un refuge dans les universités et les recherches historiques, de sorte que les principaux ouvrages de doctrine politique sont l'œuvre de ces libéraux. Pour ces hommes, le catholicisme est voué à la décadence parce qu’incompatible avec la pensée et la société modernes. — L’autre grand courant idéologique se déploie au cours du Second Empire, même si ses premières manifestations sont visibles dès la Restauration. Au début de l'Empire, les ouvriers, déçus par l'échec du socialisme utopique et par la politique répressive du gouvernement républicain lors des journées de juin, se cantonnent dans leurs préoccupations professionnelles. L'influence importante de Proudhon à ce moment, partisan d'une organisation mutuelliste, n'est pas été étrangère à cette orientation. — Comme dit précédemment, l'empereur est ouvert devant les problèmes sociaux. Au lendemain du coup d'État, il a tenté la mise en place d’une politique « socialisante », mais qui était vouée à l’échec, la gauche 8 rejetant le coup d'État. Napoléon III se contente alors de favoriser le développement des sociétés de secours mutuel et de prendre des mesures sociales de caractère paternaliste. — En 1864, un ouvrier du nom de Tolain rédige le « manifeste des Soixante », qui affirme le droit des ouvriers d'être représentés en tant qu'ouvriers et la même année une loi supprime le délit de coalition, ouvrant la voie à une reconnaissance des associations ouvrières jusqu’alors illégales. Malgré ses importantes limites (le droit d'association et le droit de réunion sont toujours interdits), cette loi permet une tolérance qui conduit à la reconnaissance du droit d'association en1868. — La propagation du socialisme conduit naturellement, par ailleurs, à la création en 1864 de la première Association internationale des travailleurs. Elle tient un congrès chaque année en septembre : Genève (1866), Lausanne (1867), Bruxelles (1868). Mais peu à peu, les théories mutuellistes de Proudhon y sont écartées au profit des théories collectivistes de Marx ou anarchistes de Bakounine. — L'Internationale prend un caractère hostile aux États bourgeois, évolution qui est accélérée, en ce qui concerne sa section française, par les poursuites que lui intente le gouvernement. Elle est deux fois condamnée en 1868 et elle le sera de nouveau en 1870. — En dehors de l'Internationale, le blanquisme constitue la force socialiste la plus importante en France. S’inspirant du jacobinisme, du babouvisme et de la tradition révolutionnaire, Blanqui croit à l'action de minorités actives dans les milieux populaires et parmi la bourgeoisie radicale. Son objectif est d’abord de s'emparer du pouvoir, puis d'exercer une dictature pour procéder à l'éducation du peuple et à la réorganisation de la société. — Enfin, il y existe un courant particulièrement radical au sein de la jeunesse républicaine, qui s’inspire des grands ancêtres révolutionnaires que sont Danton, Marat, même Hébert et Fouquier-Tinville! Ces jeunes républicains radicaux établissent des contacts avec les membres de l'Internationale et les blanquistes, notamment à un congrès de la Paix et de la Liberté qui se tient à Genève en septembre 1867, au lendemain du congrès de Lausanne, ce qui aboutit à un rapprochement durable avec les ouvriers, qui favorise la radicalisation de ces derniers et leur implication dans l’action politique, et non plus seulement syndicale, ce qui constitue un facteur important de l'évolution ultérieure du Second Empire. 3 – Politique étrangère 3.1 – La France et l’Europe — Il va de soi que Napoléon III éveille de mauvais souvenirs en Europe, au point où dès son avènement, la Russie, l'Angleterre, l'Autriche et la Prusse négocient une coalition défensive pour se prémunir contre la répétition de l'épopée napoléonienne, dans laquelle la Russie constitue la pièce maîtresse. Et c'est elle qui va offrir à l’empereur l'occasion de rompre ce front commun. — Mais Nicolas Ier cherche le moyen de profiter de la faiblesse de l’Empire ottoman pour gagner par Constantinople une porte sur la Méditerranée, ce qui ne peut pas plaire aux Européens, qui comptent bien utiliser la Sublime Porte pour contrer l’expansionnisme russe. — Personne ne veut vraiment la guerre, mais lorsque la Russie, alors en conflit militaire avec l’Empire ottoman pénètre en mars 1854 dans les provinces roumaines de celui-ci, Vienne s’en inquiète et trouve à Paris et à Londres un appui à sa politique. La Confédération germanique refuse de prendre part à une opération contre la Russie, mais cela n’empêche pas la France et l’Angleterre de porter secours à la Sublime porte, d’abord dans la Dobroudja, puis en Crimée. — Les combats font rage autour de Sébastopol et l’Armée russe résiste longtemps aux forces d’une coalition inférieure en nombre mais supérieure techniquement et après un long siège, et alors que les forces russes se préparent à une offensive autrichienne, Sébastopol tombe aux mains des coalisés en septembre 1855. — Même si la Russie pourrait résister encore, Alexandre 1 er décide qu’il vaut mieux signer la paix et se préoccuper de la situation intérieure. De sorte qu’en mars 1856, la signature du traité de Paris met fin à la guerre, dont la France sort grandie et qui fait d’elle le principal allié de la Turquie sur le continent. — En échange, de son aide, la France exige cependant qu’une autonomie soit accordée aux provinces serbes et roumaines sous la suzeraineté du sultan, ce qui constitue un beau succès pour la politique des nationalités 9 préconisée par Napoléon III. Sur le conseil de l'empereur qui facilite aussi les indépendances serbe et monténégrine, la Moldavie et la Valachie s'uniront en 1861. — C'est cette politique des nationalités qui motive l’empereur en Italie, territoire cher à son cœur où il a vécu de nombreuses années. Cependant, il ne désire pas tant l’unification italienne, qui aboutirait à la création d'une grande puissance aux portes de la France, qu’une confédération analogue à la Confédération germanique : un royaume septentrional, un royaume de l'Italie centrale, le royaume des Deux-Siciles et enfin ce qui resterait des États pontificaux. La France recevrait Nice et la Savoie. — Cette vision des choses est couchée par écrit dans un traité secret conclu entre la France et Camillo Cavour, l’un des chefs de file du mouvement national italien, en janvier 1859 et après diverses provocations, l’Autriche déclare la guerre au Piémont le 3 mai, entraînant l’entrée en guerre de la France. — Malgré le manque de préparation et d’expérience de l’armée française, elle s’impose à ses adversaires autrichiens dans divers combats, dont la bataille de Solferino (24 juin 1859) constitue le point d’orgue, et la paix est signée à Villafranca le 11 juillet : l'Autriche cède la Lombardie et permet la formation de la confédération italienne. — Cela ne suffit pas aux nationalistes italiens et, avec le Piémont en avant-garde, un processus d’unification des terres italiennes se déploie. Des assemblées votent le rattachement des territoires du nord au Piémont, lequel se tourne ensuite vers les provinces pontificales, elles aussi insurgées. Grâce aux chemises rouges de Garibaldi, l’influence du Piémont s’étend peu à peu sur l’ensemble de la péninsule italienne, rendant caduc le projet français de confédération. — Se pose alors la question des États pontificaux, difficile et dangereuse pour l’empereur, qui comprend que l’unification italienne aura pour conséquence la fin de ces États, perspective que rejettent massivement les catholiques français. Mais l’influence de la France sur les événements d’Italie est de moins en moins grande. À terme, l’Italie procédera à son unification sous la conduite du roi Victor-Emmanuel, mais après la chute de Napoléon III. Rome deviendra la capitale italienne en juin 1871. — Car la prépondérance française en Europe que la Crimée a apportée est battue en brèche. Après avoir arraché à l'Autriche sa place à la tête de la Confédération germanique, Bismarck entreprend l’unification allemande sous l'égide de la Prusse. — Après avoir ravi au Danemark en 1864 les duchés de Schleswig et de Holstein, la Prusse se retourne contre l’Autriche, obligeant celle-ci à se rapprocher de la France, qui reste neutre, espérant l’épuisement des forces prussiennes et autrichiennes dans une longue lutte qui la laisserait maîtresse de l’Europe occidentale. — Les calculs de l’empereur furent erronés, car en juillet 1866, au terme d'une campagne de cinq semaines, l'armée prussienne, après avoir détruit les armées allemandes des États du Sud, alliés à l’Autriche, écrasent celle-ci à Sadowa. — Envisageant d’abord de prendre les armes, l'empereur se contente d'une médiation et obtint la promesse que la confédération allemande engloberait seulement les États situés au nord de la ligne du Main et ne menacera pas les frontières françaises, mais le prestige de la Prusse et l’inquiétude des États allemands frontaliers de la France poussent ceux-ci à accepter une alliance défensive sous l’égide de la Prusse, tout en refusant de rejoindre politiquement celle-ci — La Prusse ne pouvant réaliser l'unité allemande qu'à l'issue d'une guerre victorieuse contre la France, qui s’opposait de toutes ses forces à l’unification, la guerre devint inévitable, d’autant qu’empêtrée dans les affaires italiennes, la France est affaiblie diplomatiquement et ne peut compter sur l’appui d’aucune puissance dans son bras de fer contre Bismarck. En fait, les relations ne sont bonnes qu’avec l’Autriche, qui n’est plus que l’ombre d’elle-même après la crise de 1867. — Éternel détonateur des tensions européennes, la crise de succession en Espagne, qui voit Bismarck pousser sur le trône un membre de la famille Hohenzollern, provoque l’étincelle, que d’ailleurs cherchait Bismarck : le refus poli de la part de la Prusse d’abandonner la candidature du prince Léopold est transformé par le chancelier dans le télégramme officiel en un rejet cassant et hautain. Les Français, très remontés contre la Prusse et ses intrigues, réclament le châtiment de la prétentieuse Prusse et lui déclare la guerre le 19 juillet 1870. — L'armée française est moins nombreuse que l'armée allemande et même si son armement est de bonne qualité, l’artillerie allemande lui est supérieure. Les forces allemandes sont de même mieux organisées, plus mobiles et plus expérimentées. Surtout, les généraux prussiens, imprégnés d'esprit offensif, sont très supérieurs aux généraux français. 10 — Les défaites s’accumulent, jusqu’à la catastrophe finale, alors qu’à Sedan, l’empereur, qui s’était chargé en partie du commandement, préside à l’écrasement de son armée et est fait prisonnier, entraînant l’effondrement du régime. La paix sera signée l’année suivante, mais par un gouvernement républicain. 3.2 – L’empire colonial — Napoléon III ne borne pas son horizon à l'Europe et a une vue mondiale du rôle de la France, qui tient à plusieurs causes : le souci de son prestige personnel, sa politique économique libre-échangiste, le désir de satisfaire les catholiques et de compenser sa politique italienne par une projection religieuse dans le monde par le biais des missions religieuses. — Les possessions lointaines sont d’abord soumises au pacte colonial, limitant le commerce des colonies à la seule France, ce qui est inconciliable avec les nouveaux traités de commerce signés à partir de 1860 et la liberté d'exportation est progressivement appliquée aux colonies à partir de 1861. — Des motifs religieux et commerciaux expliquent la politique française en Extrême-Orient. Les concessions aux barbares blancs ont provoqué en Chine des révoltes au cours desquelles des missionnaires et des commerçants européens ont été massacrés et l'envoi d'une escadre franco-anglaise aboutit en 1858 à la signature du traité de Tien-t'sin qui n'a pas été ratifié, suscitant une nouvelle expédition franco-anglaise en 1860. Les Chinois capitulent et ouvrent six nouveaux ports aux nations européennes. — La persécution en Indochine, protectorat chinois, contre les religieux français, servit de prétexte au bombardement et à l'occupation de Tourane en 1858 et de Saigon en 1859, avant de se transformer en expédition aboutissant en 1861 à l'occupation de la basse Cochinchine, que l'empereur Tu-Duc cède à la France en 1863, en même temps qu'il lui accorde le protectorat du Cambodge. En Océanie, la NouvelleCalédonie avait été occupée dès 1853. — En Afrique, l'effort principal porte sur l'Algérie. L'armée française procède à l'occupation progressive des oasis sahariennes et soumet la Kabylie en 1857. Elle organise la colonisation des Français et donne des garanties aux indigènes. — La France s'établit solidement en Méditerranée, alors que plus à l’est, ses bonnes relations avec la Turquie lui permettent de reprendre son rôle traditionnel de protectrice de l'Église. L'application d'un article du traité de Paris qui assure aux sujets chrétiens du sultan les mêmes droits qu'aux musulmans entraîne, en 1860, au Liban, le massacre de douze cents maronites et la France se fait mandater pour une opération de police, permettant l’installation de troupes françaises en Syrie et au Liban. — En Égypte, Ferdinand de Lesseps entreprend le percement du canal de Suez grâce à l’appui diplomatique et financier de l'empereur. Le canal est inauguré le 17 novembre 1869. — Le plus important effort français outre-mer, en dehors de l'Algérie, est accompli au Mexique et se solde par un grave échec, alors que les puissances européennes tentent de profiter du chaos régnant au pays depuis l’indépendance pour reprendre le contrôle du territoire. — Si l’Angleterre a des motivations commerciales et l’Espagne des motivations politiques, Napoléon III a de plus vastes projets. Outre le percement d'un canal au Nicaragua, il rêve d'une puissante nation latine et catholique qui ferait contrepoids aux États-Unis. Mal renseigné, il croit le parti conservateur capable de restaurer la monarchie. — Rapidement, ces objectifs parviennent aux oreilles des alliés anglais et espagnols, qui rappellent leurs troupes, laissant les Français seuls, qui occupent Mexico en mai 1863. L'archiduc Maximilien d’Autriche se voit proposer la couronne, dans l’espoir que Vienne accepte la cession de la Vénétie à l'Italie, qui abandonnerait alors ses visées sur Rome. — Mais le parti conservateur ne dispose pas d'appuis populaires et, la guerre de Sécession terminée, les ÉtatsUnis envoient des armes à Juarez, rappelant à la France la doctrine Monroe. Il ne reste à l'empereur qu'à prendre prétexte, pour retirer ses troupes, de ce que Maximilien n'a pas respecté ses engagements financiers. Maximilien refuse d'abdiquer. Il est pris et fusillé par Juarez en 1867. 11 4 – La commune de Paris 4.1 – Origine et contexte — La chute de l’empire ne met pas fin à la guerre et le peuple de Paris, assiégé par les Allemands à partir du 19 septembre, supporte le froid, la faim et les bombardements. Le gouvernement dit de la Défense nationale, en place à partir du 4 septembre, cherche à sortir de la guerre, alors que Paris réclame la guerre à outrance, s’appuyant sur les 380 000 hommes de la Garde nationale. — Le volontarisme parisien de l’époque révolutionnaire renait devant le péril. Deux pouvoirs commencent à s'opposer : celui de l'État bourgeois, représenté par le gouvernement du 4 septembre et celui du peuple, encore vague et incontrôlé. — Le 31 octobre, quand Paris apprend la capitulation de Metz et les négociations de paix, les gardes nationaux, à l'instigation des comités de vigilance, demandent la déchéance du gouvernement du 4 septembre aux cris de « Vive la Commune! ». Le 7 janvier, L'Affiche rouge, rédigée au nom de la commune, réclame une attaque en masse, la réquisition générale, le rationnement gratuit et le gouvernement du peuple. — Le 29 janvier, on apprend la conclusion d'un armistice qui doit permettre l'élection d'une assemblée nationale. Les conditions en sont draconiennes : désarmement de l'enceinte fortifiée de Paris, occupation des forts, paiement de deux cents millions en quinze jours. — La province veut la paix à tout prix et élit une assemblée réactionnaire, tandis qu'à Paris la délégation des vingt arrondissements présente des candidats dont le programme est nettement socialiste et révolutionnaire : ils veulent une république qui donnerait aux ouvriers leurs instruments de travail, comme celle de 1789 remit la terre aux paysans, une république qui réaliserait à la fois la liberté politique et l'égalité sociale. — Soutenu par l’Assemblée en majeure partie composée de ruraux, le chef du pouvoir exécutif, Thiers, a les mains libres pour traiter avec l'Allemagne. La France devra payer un tribut de cinq milliards, abandonner l'Alsace, moins Belfort, et le tiers de la Lorraine. Le 1 er mars, l'Assemblée ratifie le traité, malgré la protestation désespérée des députés alsaciens et lorrains. — Délivrée de la guerre extérieure, l'Assemblée n'a plus devant elle qu’ouvriers, artisans et petits-bourgeois de Paris, socialistes, républicains et patriotes. Des mesures sont prises contre la population parisienne, afin de l’étouffer économiquement, mais sans parvenir à vaincre la résistance. Des journaux sont suspendus et la répression s’abat sur ceux que le gouvernement peut atteindre et Thiers fait clairement entendre qu’il aura recours à la force si cela devient nécessaire. — Dans la nuit du 17 au 18 mars, les troupes régulières reçoivent l'ordre de reprendre les canons des Parisiens, mais l’opération échoue, d’autant que femmes, enfants et gardes fédérés entourent les soldats, qui fraternisent avec la foule. Devant son impuissance, Thiers se réfugie à Versailles et donne aux troupes l'ordre d'abandonner Paris. — Victoire remportée sans violence (exception faite de l'exécution de deux généraux), sans combat, et par une foule anonyme. Nulle organisation ne l'a préparée, ni le Comité central de la garde nationale, ni le Comité des vingt arrondissements, ni les comités de vigilance des quartiers, ni l'Internationale; mais des hommes issus de ces différents mouvements, poussés par la foule anonyme, ont pris des initiatives individuelles et non coordonnées. — Le 19 au soir, des hommes mandatés par le Comité central de la garde nationale siègent à l'Hôtel de Ville. Deux proclamations sont publiées, l'une remercie l'armée de n'avoir pas voulu utiliser la force et appelle Paris et la France à jeter les bases d'une véritable république démocratique, l'autre appelle à organiser de nouvelles élections. — Le Comité central ne se considère pas comme un gouvernement révolutionnaire, mais comme un intermédiaire en attendant les élections, fixé au 22 mars. Entre temps, il assume le gouvernement de Paris : il lève l'état de siège, rétablit la liberté de la presse, abolit les conseils de guerre, accorde l'amnistie à tous les condamnés politiques et assure leur libération et envoie des représentants dans les différents ministères abandonnés par leurs titulaires — Par ces mesures, le Comité central agit comme un gouvernement, le gouvernement de Paris, face à celui de Versailles. Mais il ne prend pas d'initiatives militaires ni ne s'attaque aux puissances d'argent, décrétant des emprunts à M. de Rothschild et à la Banque de France. Dès lors, Paris commence à se gouverner de façon 12 autonome, se proposant de rétablir l’ordre et de réorganiser le travail sur de nouvelles bases, afin de mettre fin à la lutte des classes. 4.2 – Le programme et l’organisation des communards — Le programme de réformes sociales proposé est très ambitieux et très radical : organisation du crédit, de l'échange et de l'association, afin d'assurer au travailleur la valeur intégrale de son travail (donc disparition du profit capitaliste), instruction gratuite et laïque, complètes libertés des citoyens (réunion, association, presse) et organisation sur le plan communal de la police et de l'armée. — Le principe associatif doit gouverner la société et on rejette toute autorité imposée du dehors, que ce soit celle d'un administrateur, d'un maire ou d'un préfet, au profit d’un contrôle permanent de tous les élus, qui dans ce contexte ne sont que des délégués et non des décideurs. — Les élections de ces derniers ont lieu le 26 mars et malgré la condamnation sans équivoque du processus par le gouvernement de Versailles, 229 000 Parisiens sur 485 000 inscrits se rendent aux urnes, taux de participation très élevé compte tenu du fait qu’une partie significative de la population parisienne n’est pas présente dans la ville, à cause de la guerre et du siège. Sans surprise, le taux de participation est plus important dans les quartiers populaires et ouvriers. — Le 28 mars, à l'Hôtel de Ville, les membres du Comité central remettent leur pouvoir à la Commune, puis l'on proclame la liste des élus, qui sont d’origines sociales diverses : grands bourgeois qui seront rapidement remplacés, employés, instituteurs, médecins, journalistes, républicains de longue date et qui constituent la majorité des élus, mais aussi vingt-cinq ouvriers. — Conséquemment, plusieurs tendances s'expriment au sein de la commune : blanquistes, jacobins et républicains radicaux forment la majorité. Constituant la minorité, les ouvriers ne forment pas non plus un bloc idéologique. Artisans plus qu'ouvriers de la grande industrie, ils appartiennent surtout au courant proudhonien de l'Internationale et s'intéressent davantage aux questions sociales qu'aux problèmes politiques. — Cela étant, ce ne sont pas seulement ces hommes qui dirigent, mais la population parisienne en entier, par le biais des chambres syndicales, des coopératives, des comités d'arrondissement et des clubs. Dans ces derniers, qui se multiplient, on discute des problèmes d'organisation, mais aussi de questions générales, comme les relations entre patrons et ouvriers, le rôle social des femmes, etc. — Celles-ci sont par ailleurs très actives : groupées dans l'Union des femmes pour la défense de Paris et les secours aux blessés, on les voit aussi dans les comités de vigilance, dans les clubs, et comme cantinières, ambulancières ou soldats. — À côté de tout cela, le Comité central de la Garde nationale continue à tenir ses séances et à diriger la lutte, malgré ses dénégations, créant ainsi à côté de la Commune un second pouvoir suscitant une confusion croissante. — Fin mars, la Commune décide de former dix commissions jouant le rôle de ministères et devant former le noyau gouvernemental d’une république décentralisée et fédérative qui regrouperait toutes les communes de France. La commune de Paris, quant à elle, s’octroie le vote du budget communal, l’organisation de la magistrature, de la police, de l'enseignement, le recrutement des fonctionnaires, etc. — Elle se porte par ailleurs garante de la liberté individuelle, de la liberté du commerce, de la liberté du travail, du droit d’intervention permanente des citoyens dans les affaires de la commune et dans l’organisation de la garde nationale, par l'élection des chefs. — Il s'agissait donc de détruire la société et le gouvernement traditionnels, et de les remplacer par une société nouvelle visant, non plus à gouverner les hommes, mais plutôt à permettre aux citoyens d’administrer les choses. — Peut-être que la province française aurait approuvé au moins partiellement ce projet si elle avait pu en être informée, mais malgré les tentatives de Paris d’envoyer des émissaires en région, la domination du gouvernement demeura totale et la province, dans son ensemble, resta hostile à Paris. — En attendant, il faut bien organiser la vie parisienne. Une Commission des subsistances prend des mesures de taxation du pain et de la viande et assure le contrôle des halles et marchés. Le service des Postes est rétabli en quarante-huit heures. Camelinat, un ouvrier bijoutier dirige la Monnaie. Un service de l'Imprimerie nationale imprime les affiches de la Commune. Dans les arrondissements, les bureaux de bienfaisance sont remplacés par l'assistance communale. 13 — Si la Commune décrète la gratuité du recours aux juges et du principe de leur élection, elle doit remettre à plus tard l'exécution de ce décret. Elle supprime la vénalité des charges de notaires, d'huissiers et autres officiers publics, qui deviendraient alors des fonctionnaires, ces mesures ayant pour objectifs d'enlever à la justice son caractère de classe. — Pour forger la société de demain, il fallait des hommes et des femmes échappant à l'emprise cléricale, d'où la nécessité de créer un enseignement gratuit, laïque et obligatoire, qui puisse assurer à la jeunesse une formation républicaine. — Ouvrière dans ses origines, la commune accorda aux questions liées à l’organisation du travail beaucoup d’énergies et fit preuve d’un grand sens de l’innovation. C’est un ami personnel de Marx qui dirige la Commission du travail, de l'industrie et des échanges. — Une première série de mesures de caractère social concerne les loyers, les échéances et les dépôts au Mont-de-piété. Le travail de nuit des boulangeries est aboli le 20 avril, de même que la pratique des amendes et retenues sur les salaires par les patrons. — D'autres mesures sont beaucoup plus radicales, comme la création d’une commission d'enquête chargée de faire la liste des ateliers abandonnés et de faciliter leur remise en marche dans un cadre coopératif, donc de nationaliser ces entreprises, quitte à payer une indemnité aux propriétaires, si jamais ils décidaient de revenir à Paris. — L'Union des femmes suscite pour sa part un projet d'organisation du travail des femmes et convie les ouvrières à participer à l'élection des déléguées qui constitueront la Chambre fédérale des travailleuses. 4.3 – L’échec — Mais la Commune gouverna dans le désordre, oscillant sans cesse entre dictature et anarchie, éprouvant les plus grandes difficultés à faire de son programme très idéaliste une réalité. Les responsables des commissions changèrent à plusieurs reprises, surtout celle concernant les affaires militaires. — Avec la détérioration de la situation, certains membres de la commune, s’inspirant du passé jacobin, firent voter la formation d'un Comité de salut public, dont l'intervention dans les affaires de la guerre fut inefficace et même nuisible. — D’autre part, la lutte entre majorité et minorité et les conflits de personnalités minèrent la Commune de l'intérieur et l'ingérence continuelle du Comité central de la Garde nationale dans les affaires militaires paralysait son pouvoir. La Commune se méfiait des militaires qu'elle avait délégués à la guerre et si les gardes nationaux étaient d’ardents combattants révolutionnaires, ils répugnaient à la discipline. — Paris n'eut jamais plus de 40 000 combattants, alors que Thiers, qui avait, avec l'appui de Bismarck, reformé son armée, comptait sur 63 500 hommes, auxquels s'ajoutèrent éventuellement 130 000 prisonniers libérés d'Allemagne. Les forces étaient trop inégales. — Si en mars, les combats se limitent à des escarmouches, le mois d’avril voit une recrudescence des accrochages entre Communards et Versaillais. Du 11 avril au 21 mai, la lutte se poursuit autour de Paris, alors que les forces parisiennes reculent. À partir du 1er mai commence le bombardement systématique de Paris. — Le dimanche 21 mai, les troupes gouvernementales entrent dans Paris par la porte de Saint-Cloud et pendant une semaine, que l’on nomme d’ailleurs la « semaine sanglante », les combattants de la Commune luttent pour chaque centimètre du territoire de Paris, alors que les versaillais fusillent tous ceux qu'ils prennent les armes à la main. On voit aussi à ce moment les premières exécutions massives. — Des incendies ravagent la ville en plusieurs points et même si les vainqueurs se sont employés par la suite à en faire porter la responsabilité aux Communards, la majorité de ceux-ci proviennent sans doute des bombardements intensifs menés par les Versaillais. — Aux massacres des habitants de Paris par les troupes régulières, la Commune répond en faisant exécuter 52 otages, dont l'archevêque de Paris. Le 26 mai, la résistance est à son comble, tandis que les exécutions sommaires par les Versaillais se multiplient à mesure qu'ils avancent dans Paris. Le 27 mai, c'est le massacre des fédérés au milieu des tombes du Père-Lachaise et le 28, la dernière barricade tombe. — Les jours suivants, les cours martiales continuent à condamner à mort. Si les Versaillais ont perdu près de 900 soldats, on ne sait pas exactement combien d'hommes, de femmes et d'enfants furent massacrés au cours 14 des combats ou sur l'ordre des cours martiales. Mais la plupart des sources évoquent le chiffre de 30 000 victimes, — À ce nombre, il faut ajouter 14 000 autres condamnés à mort par la suite. Près de 25 000 prisonniers furent déportés en Nouvelle-Calédonie ou en Guyane. D'autres réussirent à gagner la Belgique, la Suisse et l'Angleterre. L’amnistie, votée en 1880, permit aux survivants de rentrer en France.