Saint Augustin et Le développement moral

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Saint Augustin et
Le développement moral
(la deuxième partie)
Michael S. Sherwin, o.p.
automne 2015
mardi, de 15h15 à 16 h00
1
Les Béatitudes
1. Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux!
2. Heureux les doux, car ils posséderont la terre!
3. Heureux les affligés, car ils seront consolés!
4. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés!
5. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde!
6. Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu!
7. Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu!
• Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice,
car le royaume des cieux est à eux!
Heureux serez-vous, lorsqu'on vous persécutera . . . Réjouissez-vous . . .
parce que votre récompense sera grande dans les cieux. (Mt 5.3-12)
2
Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
Dans son interprétation des béatitudes, Augustin
y introduit « les richesses de son expérience
personnelle, telle qu’il la décrira dans les
Confessions, quelques années plus tard. »
Le lien de l’explication des béatitudes avec les
Confessions est « si étroit qu’on a pu proposer une
division des Confessions à partir de l’itinéraire décrit
dans le commentaire des béatitudes. »
« Les béatitudes décrivent ainsi, aux yeux d’Augustin, l’itinéraire qu’il
a suivi lui-même depuis sa conversion. »
Servais Pinckaers, Les Sources de la morale chrétienne, 159
3
Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
« Il ne faut cependant pas croire que
l’expérience personnelle d’Augustin
commande proprement sa lecture des
béatitudes. Il y a, en réalité, interaction :
pour Augustin, les béatitudes sont premières; ce sont
les paroles du Christ qui ont éclairé sa vie et
déterminé son expérience; elles lui apprennent encore
à lire et à comprendre son histoire. »
Servais Pinckaers,
Les Sources de la morale chrétienne, 160
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
• Heureux les pauvres en esprit,
– Le don du Saint-Esprit: Un esprit de crainte de Dieu
– La béatitude: car le royaume des cieux est à eux.
– La pétition du Notre Père: Que votre Nom soit sanctifié
• Augustin s’est détourné de l’orgueil des philosophes
pour suivre la voie de l’humilité tracée par le Christ.
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La centralité du Christ
L’expérience de St. Augustin
• Il a eu une rencontre mystique avec
le Dieu Un, vivant et vrai
• Il se rend compte de son incapacité à vivre,
par lui-même, une union mystique avec le Dieu Un
• Il découvre son besoin du Christ,
en tant que chemin vers l’ultime union
avec Dieu
• Il réexamine la valeur de son héritage platonicien
6
Rencontre mystique avec
le Dieu Un, vivant et vrai
• Dans une éclaire, pendant sa prière
contemplative, Augustin a une rencontre
mystique avec Dieu, comme vrai, bon et beau.
« C’est ainsi que je retirai de ces livres [des platoniciens] un
avertissement à revenir à moi-même. J’entrai dans l’intime de mon
être; . . . J’entrai et, avec l’œil de mon âme, quelque médiocre que fut
son état, je vis, au-dessus de ce même œil de mon âme, au-dessus de
mon intelligence, une lumière immuable. Qui connaît la Vérité la
connaît, et qui la connaît, connaît l’Éternité. » (Les Confessions VII, x.16)
7
Incapacité à demeurer en union
mystique avec le Dieu Un
• Augustin est incapable, par lui-même
de demeurer dans une union mystique
« Je n’étais pas encore stable dans la jouissance de mon Dieu: j’étais
emporté vers toi, par ta beauté, puis, bien vite, déporté loin de toi par
un poids qui m’entraînait, je m’écroulais, tout gémissant, sur ce
monde d’ici-bas; et ce poids, c’était l’épaisseur de mon être de chair.
Du moins ton souvenir m’accompagnait-il. Sans aucun doute pour moi,
il existait un être à qui m’attacher, mais je n’étais pas encore capable
de m’attacher. » (Les Confessions VII, xvii.23)
8
Découverte de notre
besoin du Christ
• Augustin découvre que son besoin du
Christ est le chemin de l’ultime union
avec Dieu
« Je cherchais la Voie où acquérir la force, pour être apte à jouir de toi. Mais je
n’allais pas la trouver avant que j’eusse étreint le ‘Médiateur entre Dieu et les
Hommes, Jésus-Christ Homme . . . . il nous appelle et dit: ‘Je suis la Voie, la
Vérité, la Vie’; . . . C’est que je n’avais pas l’humilité de celui qui cherche à
posséder mon Dieu Jésus dans son humilité, ni ne savais quelle leçon nous
donne sa faiblesse. Car ton Verbe, l’éternelle Vérité, . . . élève à sa hauteur
ceux qui se sont soumis à lui, tout en s’étant, dans les parties inférieures, bâti, à
partir de notre glaise une humble demeure. » (Les Confessions VII, xviii.24)
9
Réexamen de la valeur
de sa pensée platonicienne
• Augustin revoit la valeur de sa philosophie
néo-platonicienne, qui l’avait placé
sur la route vers Dieu
« Or, j’ai trouvé dans [les livres platoniciens], non pas,
évidemment, en ces termes, . . . »
• Que le Verbe était Dieu
• Que le Verbe Dieu est la Lumière vraie qui illumine tout homme
• Que le Verbe comme Fils partage la même nature avec le Père.
« Mais, je n’ai pas trouve dans ces livres: »
• Que le Verbe s’est fait homme,
• Qu’il s’est humilié, s’étant fait obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur
la Croix
(Les Confessions VII, ix.)
10
Réexamen de la valeur
de sa pensée platonicienne
• Augustin revoit la valeur de sa
philosophie néo-platonicienne,
qui l’avait placé sur la route vers Dieu
« A la lecture des ces livres platoniciens, . . . J’avais acquis
ces certitudes: tu es, et tu es infini . . . Mais j’étais trop faible
pour jouir de toi. . . . . Où donc était cette charité qui construit
sur la base même de l’humilité qu’est le Christ Jésus? Mais
ces ouvrages-là, quand pouvaient-ils me l’avoir enseignée?
Les Confessions VII, xx.26-xxi.27
11
Réexamen de la valeur
de sa pensée platonicienne
• Augustin revoit la valeur de sa philosophie
néo-platonicienne, qui l’avait placé
sur la route vers Dieu
« Une chose est de voir, d’un sommet boise, la patrie de la paix sans en trouver la
route, et en s’évertuant vainement parmi des lieux impraticables, au milieu des
assauts et des embuscades, œuvres des déserteurs fugitifs associés à leur chef,
lion et dragon; une autre est de tenir la voie qui y mène, protégée par la
vigilance du Prince céleste, à l’abri des brigandages de ceux qui ont déserté la
milice céleste et qui l’évitent comme un châtiment. Voila les pensées qui
merveilleusement me pénétraient jusqu’aux entrailles, tandis que je lisais les
écrits du moindre de tes apôtres. » (Les Confessions VII, xxi.27)
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Deux types de ressemblance
• Ressemblance
de proximité
• Ressemblance
d’ascension
13
Le voyage de Dante dans le bois noir
(Début de la Divine Comédie)
« Au milieu du chemin de notre vie, ayant quitte le chemin
droit, je me trouvai dans une foret obscure. Ah! Qu’il
serait dur de dire combien cette foret était sauvage,
épaisse et âpre, la pensée seule en renouvelle la peur.
...
« Comment j’y entrai, je ne le saurais dire, tant j’étais plein
de sommeil quand j’abandonnai la vraie voie, mais, arrivé
au pied d’une colline, là où se terminait cette vallée qui,
m’avait serré le cœur de crainte, je levai mon regard, et je
vis son sommet revêtu, déjà, des rayons de la planète qui
guide fidèlement en tout sentier, . . . »
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Le voyage de Dante dans le bois noir
(Début de la Divine Comédie)
« Quand j’eus reposé mon corps fatigué, je repris ma route
par la cote déserte, . . . et voici qu’apparut, presque au
pied du mont, une panthère agile et légère couverte d’un
poil tacheté.
...
« Le gai pelage de cette bête fauve, l’heure du jour et la
douce saison me conviaient à bien espérer: non toutefois
que ne m’effrayât la vue d’un lion qui m’apparut. . . . En
même temps une louve qui, dans sa maigreur, semblait
porter en soi toutes les avidités, et qui a déjà fait vivre
misérables bien des gens. Elle me jeta en tant
d’abattement, par la frayeur qu’inspirait sa vue, que je
perdis l’espérance d’atteindre le sommet. »
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Dante et les limites de la raison
« [Virgile a Dante] ‘Pourquoi ne gravis-tu point le
délicieux mont, principale et source de toute joie?’
« [Dante a Virgile] ‘Serais-tu ce Virgile, cette fontaine d’où coule un
si large fleuve du parler? . . . Tu es mon maître et mon père: . . .
Vois la bête a cause de qui je me suis retourné: sage fameux,
secours-moi contre celle qui fait frémir mes veines et mon pouls.’
[Virgile a Dante] il te faut prendre une autre route, . . . Si tu veux
monter [ver le ciel] te guidera une âme plus digne de cela que
moi. Avec elle en partant je te laisserai, pare qu’à sa loi ayant
été rebelle, le Roi qui règne là-haut ne veut pas que par moi l’on
vienne en sa cité.’ » (L’Enfer, Chant 2)
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Dante et les limites de la raison
« vers le mont où la raison mous châtie, je m’attachai à
mon fidèle compagnon. Et comment sans lui serais-je allé?
Qui m’eut aide à gravir la montagne? Il me paraissait s’accuser lui-même.
O conscience délicate et nette, combien d’une légère faute, amère t’est la
morsure!
...
« [Virgile dit] ‘Insensé qui espère que notre raison puisse parcourir la voie
infinie que tient une substance en trois personnes! Humains, contentezvous du pourquoi. Si vous aviez pu tout voir, il n’était pas besoin que
Marie enfantât. Et tels avez-vous vu désirer sans fruit, à qui, pour leur
être à tristesse éternelle, a été donné le désir qui là-haut serait apaisé: je
parle d’Aristote et de Platon, et de beaucoup d’autres.’ Et ici il bassa le
front, et se tut, et demeura troublé. Cependant nous parvînmes au pied
du mont. » (Le Purgatoire, Chant 3)
17
Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
• Heureux les doux,
– Le don du Saint-Esprit: Un esprit de piété
– La béatitude: car ils posséderont la terre.
– La pétition du Notre Père: Que Ton Règne vienne
• Le choix d’Augustin de suivre la voie de l’humilité du
Christ se concrétise dans l’attitude devant les
Ecritures, dans la douceur ou la docilité envers la
Parole de Dieu, qui consiste à se laisser juger par elle
plutôt qu’à la juger, quand elle nous déplait ou nous
parait obscure.
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
« Je me réjouissais encore que l’ancienne Loi et les Prophètes ne me fussent plus
proposés à lire du même oeil qui m’y faisait remarquer tant d’absurdités, quand
je reprochais à vos saints les sentiments que je leur prêtais. Et j’aimais à
entendre Ambroise recommander souvent, au peuple, dans ses sermons, cette
règle suprême « La lettre tue et l’esprit vivifie (II Cor. III, 6). » Et, lorsqu’en
soulevant le voile mystique, il découvrait l’esprit là où la lettre semblait
enseigner une erreur, il ne disait rien qui me déplût, quoique je ne susse pas
encore s’il disait la vérité. » (Les Confessions VII, iv . 6)
« Quels élans, mon Dieu, m’emportaient vers vous, en lisant les psaumes de David,
cantiques fidèles, hymnes de piété qui bannissent l’esprit d’orgueil . . . Je lisais, et
brûlais, et ne savais quoi faire à ces morts sourds, parmi lesquels j’avais dardé
ma langue empoisonnée, aboyeur aveugle et ‘acharné contre ces lettres saintes,
lettres distillant le miel céleste, radieuses de votre lumière. »
(Les Confessions IX, iv . 8 et 11)
19
Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
• Heureux les affligés,
– Le don du Saint-Esprit: Un esprit de connaissance
– La béatitude: car ils seront réconfortés.
– La pétition du Notre Père: Que Ta volonté soit faite
• Augustin est amené par les Ecritures et la prédication
de S. Ambroise à pleurer ses péchés : le fameux
événement dans le jardin: « Prends, lis; prends, lis ! »
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
« Car je leur demande s’il est bon de se plaire à la lecture de l’Apôtre,
au chant d’un saint cantique, s’il est bon d’expliquer l’Evangile? A
chaque demande, même réponse : oui. Mais si tous ces pieux
exercices nous plaisent également, au même instant, le coeur de
l’homme n’est-il pas distendu par cette diversité de volonté qui
délibèrent sur l’objet à saisir de préférence? Et ces volontés sont
bonnes, et elles se combattent jusqu’à ce que soit déterminé le point
où se porte une et entière cette volonté qui se divisait en plusieurs.
Ainsi, lorsque l’éternité nous élève à ses sublimes délices, et que le
plaisir d’un bien temporel nous rattache ici-bas, c’est une même âme
qui veut l’un ou l’autre, mais d’une demi-volonté; et de là ces épines
qui la déchirent quand la vérité détermine une préférence qui ne peut
vaincre l’habitude. » (Les Confessions VIII, x . 24)
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
« Quand, du fond le plus intérieur, ma pensée eut retiré et amassé toute ma misère
devant les yeux de mon cœur, il s’y éleva un affreux orage, chargé d’une pluie de
larmes. Et pour les répandre avec tous mes soupirs, je me levai, je m’éloignai
d’Alypius. La solitude allait me donner la liberté de mes pleurs. Et je me retirai
assez loin pour n’être pas importuné, même d’une si chère présence. Tel était mon
état, et il s’en aperçut, car je ne sais quelle parole m’était échappée où vibrait un
son de voix gros de larmes. Et je m’étais levé. Il demeura à la place où nous nous
étions assis, dans une profonde stupeur. Et moi j’allai m’étendre, je ne sais
comment, sous un figuier, et je lâchai les rênes à mes larmes, et les sources de
mes yeux ruisselèrent, comme le sang d’un sacrifice agréable. Et je vous parlai,
non pas en ces termes, mais en ce sens: « Eh! jusques à quand, Seigneur . . . »
(Les Confessions VIII, xii . 28)
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
« Je disais et je pleurais dans toute l’amertume d’un coeur brisé. Et tout à coup
j’entends sortir d’une maison voisine comme une voix d’enfant ou de jeune fille
qui chantait et répétait souvent: « PRENDS, LIS! PRENDS, LIS! » Et aussitôt,
changeant de visage, je cherchai sérieusement à me rappeler si c’était un refrain
en usage dans quelque jeu d’enfant; et rien de tel ne me revint à la mémoire. Je
réprimai l’essor de mes larmes, et je me levai, et ne vis plus là qu’un ordre divin
d’ouvrir le livre de l’Apôtre, et de lire le premier chapitre venu. . . . Je le pris,
l’ouvris, et lus en silence le premier chapitre où se jetèrent mes yeux: « Ne vivez
pas dans les festins, dans les débauches, ni dans les voluptés impudiques, ni en
conteste, ni en jalousie; mais revêtez-vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et ne
cherchez pas à flatter votre chair dans ses désirs. » Je ne voulus pas, je n’eus pas
besoin d’en lire davantage. Ces ligues à peine achevées; il se répandit dans mon
coeur comme une lumière de sécurité qui dissipa les ténèbres de mon incertitude.
. . . A l’instant, nous allons trouver ma mère, nous lui contons ce qui arrive, elle se
réjouit; comment cela est arrivé, elle tressaille de joie, elle triomphe. »
(Les Confessions VIII, xii . 29 - 30)
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
• Heureux les affamés
et assoiffés de la justice,
– Le don du Saint-Esprit: Un esprit de courage
– La béatitude: car ils seront rassasiés.
– La pétition du Notre Père: Donne-nous aujourd’hui notre
pain de ce jour
• La lecture des Ecritures cause en Augustin la faim et la
soif de la justice. Les Confessions IX, i . 1
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
• Heureux les miséricordieux,
– Le don du Saint-Esprit: Un esprit de conseil
– La béatitude: car ils obtiendrons miséricorde.
– La pétition du Notre Père: Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont
offensés
• Augustin commence à chanter et partager la
miséricorde de son Dieu. Les Confessions X
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
•Heureux les cœurs purs,
– Le don du Saint-Esprit: Un esprit de compréhension
– La béatitude: car ils verront Dieu.
– La pétition du Notre Père: Ne nous soumet pas à la tentation
•Augustin avoue qu’il était aveugle dans son impureté
•« je sentis par expérience qu’il ne faut pas s’étonner que le pain, agréable à
l’organe sain, afflige le palais blessé, et qu’aux yeux malades soit odieuse la
lumière si aimable à l’oeil pur. Et votre justice déplaît aux hommes d’iniquité :
comment donc pourraient leur plaire et la vipère et le vermisseau, créés par
vous toutefois dans une bonté convenable à l’ordre inférieur avec lequel les
impies ont d’autant plus d’affinité, qu’ils vous sont moins semblables, comme
les bons tendent d’autant plus à l’ordre supérieur qu’ils sont plus semblables à
vous? »
Les Confessions VII xvi . 22
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Les Béatitudes et la vie de S. Augustin
• Heureux les artisans de paix,
– Le don du Saint-Esprit: Un esprit de sagesse
– La béatitude: car ils seront appelés fils de Dieu.
– La pétition du Notre Père: Délivre-nous du mal
• Augustin se dédie à la construction de la cite de la
paix. Les Confessions XII, xv . 20 à xvii . 24
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