malgré la noblesse morale de ce principe, ce dispositif ne prend pas en compte les différences
individuelles. Ainsi, des réformes successives vont amener la fusion des deux systèmes,
rassemblant dans les mêmes classes les enfants de tous milieux sociaux. Les différences sociales
sont apparues alors plus flagrantes et corrélées à la réussite scolaire. Donc « l'école républicaine »,
dispensatrice de savoirs est devenue, au fil des décennies un « ascenseur », passage obligé d'une
réussite professionnelle et sociale. Cette « égalité des chances » a fini donc par être inscrite dans la
loi. Cependant qu'en est-il vraiment ? « L'ascenseur social » serait-il en panne, comme on peut le
lire aujourd'hui ?3
Les constats ne datent pas d'aujourd'hui, mais déjà durant les années 60 où des analyses
statistiques ont mis en évidence cette « ségrégation sociale » dans la réussite scolaire malgré une
« massification » de la scolarité. Les analyses et les tentatives d'explication sont nombreuses. Les
politiques ont tenté à travers des réformes scolaires successives de prendre le contre-pied de cette
inégalité statistiquement reconnue, devenue « politiquement incorrecte », indigne d'une démocratie
moderne (dispositifs d'aide multiples, discrimination positive, mise en place de ZEP, scolarisation
précoce etc.). Pourtant, les dernières évaluations internationales PISA (OCDE, 2009) pointent du
doigt une accentuation de cette inégalité avec un écart sans cesse plus grand entre les élèves les plus
faibles et les meilleurs élèves. La réussite et l'échec restent corrélés de façon très forte, avec les
catégories socioprofessionnelles des parents4.
Le problème se pose à partir du moment où l'on pressent que cet échec scolaire n'est pas une
fatalité : «les enfants ne sont pas naturellement destinés à être de bons ou de mauvais élèves, ils le
deviennent du fait d’un fonctionnement particulier du système scolaire 5» (Perrenoud P., 1996).
Certains pays, suite à l'évaluation PISA de 2000, ont su réformer leurs systèmes pour plus d'équité
au sein de leurs écoles. Cette constatation devient dramatique avec un contexte de crise
économique, dans un pays où le diplôme est un des éléments qui garantit l'emploi. C'est cette réalité
qui m'a amené à réfléchir sur les mécanismes qui entretiennent, ou qui accentuent les difficultés
scolaires pour les élèves des catégories sociales modestes.
La littérature et les spécialistes de différentes disciplines des sciences de l'éducation tentent
d'analyser cette problématique à la lumière de leurs spécialités depuis plus de cinquante ans. Ces
recherches démontrent une multitude de mécanismes, souvent imbriqués les uns dans les autres, à la
frontière entre philosophie, éthique, politique, sociologie, psychologie, ou didactique. C'est cette
exploration que nous nous proposons de faire à travers ce dossier de recherche.
3- LEDOUX A. (2012). L'ascenseur social est en panne. A quoi sert encore l'école ?
4- FELOUZIS G.(2012) Inégalités et politiques éducatives en France : évolutions et perspectives. dans THOMAZEAU J. JUHEL N. (s.d.) Inégalités
scolaires et résilience : éditions RETZ. pp. 17-22
5- PERRENOUD P. (1996). La pédagogie à l’école des différences-Fragments d’une sociologie de l’échec : ESF, Paris, 2e éd.par. p. 25
D.E.R. – Master 1 FOAD – Université de Rouen – Promotion Malaguzzi – 2012/2013- Sébastien GIBERT page 5