Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 26 May 2017
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Lumière sur Mercure !
06/05/16
Ce 9 mai, nous assisterons à un transit de Mercure devant le Soleil, c'est-à-dire au passage -observable- de
la planète entre la Terre et notre étoile. Un événement rare alors que deux publications récentes apportent
des éléments nouveaux sur l'histoire de la planète la plus proche du Soleil.
Utilisant des données récoltées par la sonde américaine MESSENGER, des géologues de l'Université de
Liège ont reconstitué des « échantillons » de Mercure en laboratoire afin de mieux comprendre la formation et
l'évolution des roches qui la constituent. Depuis l'extraction du noyau jusqu'à l'éruption de laves très anciennes
recouvrant sa surface, l'histoire magmatique de Mercure est révélée par des expériences en conditions
extrêmes.
« Lorsque la sonde MESSENGER tournait autour de Mercure, j'étais en post-doc au MIT, se souvient Bernard
Charlier, qui développe aujourd'hui un laboratoire de pétrologie expérimentale à l'Université de Liège. J'ai
ainsi eu accès aux premières données sur la composition de la surface de la planète. Nous avons alors, en
2013, publié une première analyse, basée sur ces données préliminaires. Mais il fallait aller plus loin et c'est
ce que nous avons fait, ici à Liège cette fois. D'où les deux articles publiés récemment » (1).
MESSENGER, il est vrai, a accompli un travail extraordinaire, réalisant une cartographie chimique de la
planète, fournissant des données sur plusieurs dizaines de milliers de points d'analyse de la croûte de Mercure.
« En 2013, nous nous étions basés sur 11 points d'analyse, poursuit Bernard Charlier. Les conclusions que
nous présentons aujourd'hui se basent sur 49.000 points ! ».
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Mercure : un témoin de la formation du système solaire
Les roches de surface de Mercure, des laves, ont été mises en place entre 3,7 et 4,2 milliards d'années.
Par comparaison, la surface de la Terre est très récente, au maximum 200.000 ans même s'il y a quelques
affleurements de roches datant de 4 milliards d'années. Avoir des roches très anciennes en surface donne
évidemment des informations sur les stades initiaux de la formation de la planète. Au moment de sa formation,
la planète se différencie en un noyau (du fer essentiellement) et une partie silicatée -le manteau- qui entoure
celui-ci. La partie silicatée solidifiée refond partiellement produisant ainsi les laves qui formeront la croûte en
surface.
Mercure en labo
Mercure est lointaine, inhospitalière et il n'est évidemment pas question d'aller y prélever des échantillons
de roche (comme pour la Lune) ni même, du moins pour l'instant, d'y envoyer un robot capable de pratiquer
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de telles analyses sur le terrain (comme pour Mars). MESSENGER est resté en orbite autour de la planète
tandis que divers instruments embarqués à son bord captaient différents types de signaux utiles. L'équipe de
Liège, pour sa part, attendait surtout les données relevées par un spectromètre à rayons X dont l'objectif
était d'analyser la composition de la surface de Mercure. Ses détecteurs mesuraient la fluorescence X émise
par la surface sous l'effet du rayonnement solaire. Ces données entre leurs mains, les géologues pouvaient
commencer leur travail d'interprétation. « Il a d'abord fallu réaliser un traitement statistique, précise Olivier
Namur, chargé de recherches FNRS au laboratoire, pour garder les compositions les plus significatives ».
Une fois les compositions de roche définies, les chercheurs les synthétisent en laboratoire. Ce matériel peut
alors être fondu à différentes conditions de pression et température, dans un milieu appauvri en oxygène. Ces
expériences, observées au microscope et analysées à la microsonde électronique, permettent aux géologues
d'identifier les équilibres entre les liquides, les métaux, les sulfures et les cristaux.
Ces informations permettent d'interpréter ce qui se passe dans la croûte, le manteau, et même le noyau de
la planète, en fonction des températures et pressions auxquelles ils soumettent les poudres. Ces échantillons
sont en quelque sorte comme des parcelles de Mercure prélevées à différentes profondeurs. « Les résultats
que nous publions aujourd'hui proviennent d'expériences effectuées dans deux laboratoires allemands, à la
Leibniz University of Hannover, où Olivier Namur termine son post-doctorat, et au Bayerisches Geoinstitut de
Bayreuth, précise Bernard Charlier. Bientôt, nous pourrons réaliser les expériences ici, à Liège ». Grâce au
soutien financier d'un crédit équipement du FNRS et d'un projet BRAIN financé par BELSPO, l'Université de
Liège vient en effet de se doter de l'équipement nécessaire pour réaliser des expérimentations de ce type. Les
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poudres de roche y seront soumises à des températures allant jusqu'à 2.000°C et des pressions équivalentes
à celles qui règnent à près de 150 km sous la croûte terrestre.
La structure profonde de Mercure
On savait déjà que le manteau de Mercure est très différent de celui des autres planètes car il ne contient pas
de fer ; tout le fer a en effet été « pompé » dans le noyau qui est gigantesque (60% du volume de la planète,
contre 15% pour la Terre). Le manteau de silicates ne fait lui que 400 km d'épaisseur. « Cette très faible
épaisseur alliée à une composition riche en silice et magnésium est une contrainte importante pour expliquer
la formation de la croûte secondaire, explique Olivier Namur. Pour fondre les roches du manteau, il faut des
températures très élevées. C'est une conclusion de notre travail : les températures élevées dans le manteau
et les degrés de fusion importants ont produit des laves qui sont très riches en magnésium. » Un autre résultat
important détaillé dans les publications est en effet l'identification de la composition minéralogique du manteau:
celui-ci est essentiellement composé de deux silicates de magnésium, l'olivine (Mg2SiO4) et l'orthopyroxène
(MgSiO3).
Les chercheurs ont également pu identifier les conditions de production des laves dans le manteau. Les plus
anciennes sont formées à la base du manteau, les plus jeunes dans sa partie supérieure. « Nous avons
ainsi identifié, précise Bernard Charlier, un refroidissement rapide du manteau de Mercure pendant les 500
premiers millions d'années. Le manteau devient alors trop froid et il n'y a plus aucune activité magmatique.
C'est une caractéristique de Mercure : à partir de 3,7 milliards d'années, il ne se passe plus rien : la croûte est
formée et il n'y a plus de magmatisme significatif sur la planète ! »
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Du soufre, encore du soufre
Une autre caractéristique, tout à fait exceptionnelle, mise en évidence dans les publications liégeoises, est la
présence importante de soufre dans le manteau, autour du noyau, et à la surface de la planète. En général,
les roches de surface des planètes du système solaire contiennent entre 500 et 2000 ppm de soufre. Sur
Mercure, c'est 10 à 40 fois plus, entre 2 et 4% ! Sur Terre, on ne retrouve de telles quantités que dans les
gisements de soufre exploitables. Sur Mercure, c'est la norme ! Comment expliquer cela ? « Nous avons
étudié comment le soufre se distribue (spéciation) et se comporte dans les magmas, explique Camille Cartier,
post-doc au laboratoire. Ce phénomène est lié à la disponibilité d'oxygène dans les liquides silicatés. Il y a
très peu d'oxygène dans les magmas de Mercure ce qui favorise fortement la solubilité du soufre. Il va en
quelque sorte prendre la place laissée vacante par l'oxygène. Les molécules de S2- se substituent aux O2-.
Sur Terre, vu l'abondance de l'oxygène, ce sont des oxydes qui se forment ; dans les conditions de Mercure,
ce sont des sulfures.
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